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1(794-
i(î4 NOUVEAUX VOY
n'y en avoit point de plus exaft que
iui à la MeiFe & au Catéchifme} il me
preiToit de le faire communier, & je
commençois i y penfcr, m'aiTurantque
le Baptême avoit entièrement eiFacé de
fon efprit les idées de fon ancien mét
i e r : quand un Dimanche matin je le
trouvai à ma porte avec deux volailles
à la main. Je crus qu'il les vouloit
vendre, & lui en demandai le prix:
il me répondit que c'étoit un prefenc
qu'il me vouloir faire j je le remerciai
& refufai de les recevoir à moins qu'il
n'en prit le payement. Après quelques
cérémonies il me dit qu'il n'en vouloit
point d'argent; mais que fi je lui
voulois rendre fon petit fac , je lui
ferois un fort grand plaifir. Cette demande
me fit de la peine, & je connus
qu'il vouloir retourner à fon vomiiTement.
Cependant afin deconnoître
mieux ce qu'il avoit dans le coeur,
je'feignis de n'avoir pas grande difficulté
à lui accorder ce- qu'il me demandoit.
Je l'interrogeai fur l'ufige
qu'il faifoit des diffcientes pieces qui
étoient dans ce fac; il m'en apprit tout
ce que j'en voulois fçavoir, Se m'avoua
à la fin que depuis qu'il s'en étoit déf
a i t , il étoit devenu gueux & miferab
l e , a u lieu qu'auparavant il étoit fort
à fon aife, parce que ceux qui le venoient
confultcr le payoicnt graflement. Il
m^en dit plus qu'il n'en falloir pour
me faire connoître que fon coeur étoit
perverti. Je changeai pour lors de ton,
2c après lui avoir fait une réprimandé
terrible, je le menaçai de le faire mettre
entre les mains de la Juftice qui ne
manqueroit pas de le fliire brûler ; &
pour lui faire voir qu'il n'auroit jamais
fon fnc, je dis à mon Negre de l'aller
chercher, & de le faire brûler fur le
champ. On meTapportaj mais comme
mon petit Negre s'étoit diverti de ces
babioles il en manquoit quelques-unes,
A G E S AUX ISL^S
entre autres un marmouzet de terre ii„
cuite, qui étoit l'idole que ce Negre
confultoit, èc qu'il affuroit lui rendre
reponfe aux queitions qu'il lui faifoit
On la chercha tant qu'on la trouva I
elle étoit déjà rompue, j'achevai de la
brifer a coups de marteau, aulTi bien
qu'une petite calebaiTe qui renfermoit
un peloton de fil qui fervoit à retrouver
les chofes p e r d u « , & quantité de femblables
bagatelles. Je fis tout jetter
au feu devant lui, & le renvoyai chez
Ion maître a qui j'écrivis ce qui veno>
t d'arriver, afin qu'il veillât plus
ojgneuiement fur fon Negre, & qu'il
le châtjaft feverement s'il s'appercevoit
de la moindre chofe. Cet habitant
qui etoit un homme fage & craignant
^ l e u , aima mieux fe priver de fon
Negre quelque utihté qu'il en pût retirer,
que de garder chez lui un pareil
ouvrier; il le vendit bien-tôt après
dans une autre M e . & me débarafi-a ain-
Il de la peine qu'il m^auroit donné.
Jefçai qu'il y a bien des gens qui regardent
comme dépurés imaginations,
& commc^des contes ridicules ou des
faufiètez tout ce qu'on rapporte des
Sorciers, & de leurs paftes avec le
diable. J'ai été moi-même long-tems
dans ces fentimens. Je fçay d'ailleurs
qu'on exagere fouvent dans ce qu'on
en di t ; mais je croi qu'il faut convenir
que tout ce qu'on dit n'eil: pas entièrement
faux, quoiqu'il ne foit peutêtre
pas entièrement vrai. Mais je fuis
auffi perfuadé qu'il y a des faits d'une
venté très-co«iiante; en voici quelquesunes
dont j'ai été témoin oculaire, &
d'autres dont j'ai eu toute la certitude
qu'on peut defirer pour s'aiTurer de la
vérité d'un fait.
Un de nos Religieux de la Province ^"i""''
de Toulouze, appellé le Pere Fraifle, f f
avoir amené du Royaume de Juda cn,Ui
Guinée, à la Martinique, unpentNep-re dt ¡t
de i'""'
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Lvfuii 11', M t.
» F R A N C O I S E S D
i(Çy.4. de neuf à dix ans. QLielques mois après
que cet enfant fut arrivé il entendit nos
' Peres qui fe plaignoient de la fechcrelTc
qui gâtoit tout leur jardin, & quifouhaitroienr
de la pluye. Cet enfant qui
corn mençoit a parler François, leur demanda
s'ils vouloient unegroiîc ou une
petite pluye, les ailurant qu'ilJaferoic
venir fur le champ. Cette propofition
étonna étrangement nos Peres, ils confulterenr
entre eux; & enfin la curiofité
l'emportant fur la raifon, ils confentirent
que l'enfant qui n'ctoit pas encore
baptifé, fît venir une petite pluye fur
leurjardin.
Cet enfant alla auffi-tôt cueillir trois
oranges qu'il pofa à terre un peu éloignées
les unes des autres , il fe profterna
devant chaque orange avec un
refpeól & une attention qui étonnoit
nos Religieux : il prit enfuite trois petites
branches d'oranger, & après s'être
profterné de nouveau il les planta
fur les trois oranges. Il recommença
pour la troifiéme fois fes proilernations
en difant quelques paroles avec
beaucoup d'attention & de refpcft,
puis s'étant levé avec une de ces petites
branches à la main, il regarda de
tous les cotez de l'horifon jufqu'à ce
qu'il apperçut un très-petit nuage qui
étoit fort éloigné & fort clair; pour lors
il étendit la main avec la branche du côté
du nuage, qui produifit dans l'inftant une
pluye allez douce qui dura près d'une
heure. Il prit cependantlesoranges Sc les
branches & les enterra.
On peut juger de l'étonnement de
nos Peres quand ils virent ce prodige,
^ & qu'ils remarquèrent après que la
I pluie fut ceiTée qu'il n'en étoit pas tom-
( bc une goûte hors l'enceinte du jardin
1 qui fe trouva parfaitement bien arroi
fé. On demanda à l'enfint qui lui avoit
:' apris ce fecret, il dit que c'étoit des Ne-
E L 'AMER IQ^UE. t6 f
gres de fon pais qui le lui avoient en- i6(;4.
feigné dans la traverfée, c'eil-à-dire ,
pendant le voyage qu'ils avoient fait
cnfemble de Guinée jufqu'à la Martinique.
Ce Negre fut nommé Amable^ au
Baptême, il m'a fervi quelque tems ;
Se comme je lui vis beaucoup d'efpric
& de difpofition pour aprendre un métier,
je lui fis aprendre celui de Tailleur
de pierre & de Maçon : il s'y rendit
très-habile. Se a fait de bons éleves.
J e lui avois donné quelque commencement
d'Architefture qu'il mettoit en
pratique fort proprement. Il m'a avoué
pluficurs fois cette, hittoire , mais il
avoit oublié une partie des paroles qu'il
falloir dire en faifiint les profternations,
parce qu'on n'avoit pas manqué de lui
défendre de fefervir jamais de ce fecret.
Les Peres T emp l e , Rofié, Bournot &
Fraiffe, Religieux de nôtre Ordre, étoientprefensquand
cette pluie tomba,
& avoient vû toutes les ceremonies que
j e viens d'écrire. Les deux premiers font
encore vivans en cette année 1718. Le
Pere Temple demeure au Couvent de
Nîmes, & le Pere Rofié à la Martinique,
auffi-bien que le Negre.
EnïfipS. j'ai été témoin oculairedu
fait que je vais rappoi-ter. J'étoispour
lors Syndic de nôtre habitation du fond
S.Jacques à la Martinique.
Il y avoit une de nos NegreiTes qui ^„^
étoit attaquée depuis longtems d'une greffe
maladie que nos Chirurgiens ne connoiilbient
point, ou parce qu'elle étoit
extraordinaire, ou parce qu'ils étaient furfl
des ignorans. Elle avoit été portée maUdie,
chez tous les Negres du païs qui fe
mêloient de traiter ces fortes de maux,
fans en recevoir aucun foulagement. Je
croi que ce font des poifons lenrs dontils
fçavent la compofition, & quelquefois
le remcde. A la fin je me Liifai
de tous ces voyages , 6c des dépenfes
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