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7 i NOUVEAUX VOY AGE S AUX ISLES
C H A P I T R E XI I I .
Jrrivee d'un Supérieur Generai des Miffions des Jacobins. Oh tranfporte
a Saint Vommgue la Colonie Francoife de ìljle de Sainte Croix.
JE Lundi fécond jour de Janvier
1696. il arriva au Fort
S. Pierre une flotte de vaiffeaux
iVIarchands efcortez
par trois naviresjde guerre. 11
y avoit fur cette flotte un nouveau Supérieur
General de nos Mifllons. C'étoit
e Pere Pierre Paul qui avoit été autrefois
Supérieur de nôtre Miffion de la
JVIurtiniquc, Religieux de mérite, de
beaucoup dezele, & d'une charité pour
les pauvres, qui auroit fervi de modèle
à tout le monde, fi elle avoit été accompagnée
de prudence ôc de difcretion.
J'ai parlé de lui dans le cinquième
Chapitre de ma premiere Partie.
M'étant trouvé à la BaiTe-terre quand
iJ arriva , avec la plijpart de nos Peres
(jui étoient venus pour rendre les vifitez
du nouvel an aux Puiflances j
nous nous aiTemblâmcs pour voir de
qu'elle maniéré nous pourrions l'empêcher
de diffiper le bien de la Mifiion
par fes charitez indifcretcs. Je
fus chargé de 1-ui en parler, & quoique
je viiTe bien que cela me mettroit
mal dans fon efprit , le bien commun
l'emporta fur toute autre coniîdcration.
Je l'allai trouver dans fa chambrc j 6c
après lui avoir fait le détail de l'état
pitoyable oii étoit le temporel de nôtre
Miffion , je lui dis que tous les
Religieux m'avoient chargé de le prier
de ne plus faire de charitez avec des
billets de fucre, parce que nous n'étions
pas en état de les payer, & qu'il
s'en falloit encore beaucoup que ceux
qu'il avoit faits autrefois fuflent acquittez.
Car il eft bon de iè fouvenir de
ce que j'ai dit ci-devant, que fa coûlume
étoit de faire des billets de fucre
païables au porteur, &de lesdiftribiicr
à ceux qui lui demandoient l'aumône,
& particulièrement à de certaines femmes
de mauvaife vie qu'il vouloit rctirer
du crime en leurfourniflànt dequoi
vivre. Le motifde ces aumônes ne pouvoit
être meilleur ; mais il falloit
auparavant fupputer fi nôtre fucreric
qui étoit des plus médiocres, pouvoit
faire autant de fucre qu'il écrivoit de
billets, & c'étoit juftement dequoi il
ne s'étoit jamais embarafle. Je le fuppliai
donc fortement de ne plus fe donner
cette peine, Se qu'en échange nous
lui remettrions toutes les aumônes dont
nous aurions la difpofition pour les diftribuer
lui-même comme il le jugeroit
à çropos, à quoi il pouvoit encore adjoûter
les retributions de fes Méfiés. Il
me parut afiez content de ces propofitions,
&c me promit .de fe conformer à
ce que la Miffion fouhaittoit de lui.
Cependant je crus entrevoir que cette
gefne lui déplaifoit i je le dis à mes
Confrères en leur rendant compte de
la commifîîon dont ils m'avoient charg
é , qui conclurent tous qu'il ne feroit
pas long fejour à la Martinique. Nous
vîmes dès le lendemain que nous avions
pente jufte, car il nomma pour Supérieur
de la Miffion de I3 Martinique le
Pere Cabafi^on, avec la qualité de Provicaire
General Se de Vice-prefet Apoftolique
pendant fon abfence, Se en cas
de mort, jufqu'à ce que le Reverend
Pere General y eût pourvu. Il nous déclara
qu'il partiroit avec les vaifleaux
qui alloient prendre la Colonie de Sainte
Croix pour la porter àSaintDomingue,
où il demeureroit jufqu'à ce qu'il eût
établi l'ordre necefiaire dans cette Miffion.
F R A N C O I S E S
hij5. fiofi- Il avoit amené avec lui trois Rel i -
gieux, fçavoir le Pere Rofier qui s'en
étoit retourné en France au commencement
de 1654. le Pere Noguet , 8c le
frere aîné du Pere Romanet, dont j'ai
parlé au commencement de ces Mémoi -
res. • :. ... • • •
r^^ Monfieur du Maitz de Goympy nôtre
[naitz Intendant reçût par cette flotte le conmn
gé qu'il avoit demandé pour retourner
en France, après que Monfieur Robert
mié qui avoit été nommé en fa place feroit
jwr arrivé. Il eut fujet d'être content de la
Tmn- jl^o^ »
141, • étoit toute pleine de l'eftime qu'on avoit
pour lui, à caufe des importans fervices
qu'il avoit rendus pendant une Intendance
de plus de douze ans.
Nôtre Supérieur General defl:ina le P.
Noguet pour être le premier Curé d'une
nouvelle Paroifie qu'on vouloit établir
à la Guadeloupe, aùquartier delà
Pointe-noire, Se le Pere Rofier pour la
Paroiffe du cul-.de-fac Robe r t , Se s'embarqua
avec lePere Romanet fon Compagnon
fur les vaifleaux qui alloient prendre
la Colonie de Sainte Croix, pour la
porter à Saint Domingue afind'augmenter
celle de cette Ifle. Ils partirent le
quinze Janvier.
Il étoit difficile de pénetrer les raimma
qu'on avoit d'abandonner cette If-
•cénit dontlaColonie qui étoit établie déf
i i. puis foixante ans, étoit alors dans un
Udo^ ^t^tfloriflant, après avoir coûté de très-
"" grandes fommes. Seconfomméune infinité
de perfonnes qui étoient péries
dans le commencement de fon établiffcment}
carc'eft une regie generale Sè
prefque infaillible que les premiers qui
défrichent une terre n'en joûiiTent pas,
parce qu'ils font attaquez de mala-
<iies dangereufes , Se le plus fouvent
mortelles. En eflèt, rien n'eft plus à
craindre que les exhalaifons qui fortent
des terres, nouvellement .découvertes,
Tom. IL
On
limfifiruk
E ; 1»AMERIQ_UE: : 7)
défrichées Se cultivées. Il y avait encore
dans ces commencemens une incommodité
qui a caufé la mort à bien
des gens, c'étoit le manque d'eau douce,
parce que cette Ifle étant une terre
plate, unie Se fans aucune montagne un
peu confiderable, il y avoit par conféquent
peu de fontaines. On n'y trouvoit
qu'une fe-ule riviere afiez petite ,
dans laquelle la mer montoit aflez haut;
:'our la rendre prefque inutile aux hajitans.
On avoit remédié à ces défauts
par des citernes qu'on avoit faites dans
toutes les habitations, de forte qu'ex- \
ceptéles fievres quarxes qui attaquoient
les nouveaux venus, on y joiiiflbit d'une
très-bonne farité j la chaflè Se la
îêche y étoient abondantes, le fucre Se
es autres denrées y venoient en perfection
, Se la Colonie fe fortifioit tous
les jours. Mais pour fon malheur elle
étoit obligée de vendre fes fucres Se
autres marchandiiés aux Danois de l'Iflc Ralfins
Saint Thomas, pour avoir les chofes queU
dont elle ne pouvoit pas fe pafler, Se *
qu'elle ne pouvoit pas efperer des François,
parce que les vaifleaux Marchands
ne fe rifquoient pas pendant le guerre f""'^^'' '''
de defcendrefi bas, àcaufc qu'ils auroientpû
être enlevez à la rade, ou ef- cro^'l
piez par les ennemis Se enfuite pris au -S- Dadébouquement.
Cependant cette neceffité
abfoluè d'avoir recours aux étrangers,
fervit de prétexte aux Intereffez
dans les Fermes du Roi pour fe
plaindre que ce tranfport des fucres
chez les Danois dinlinuoit confiderablement
leurs droits d'entrée. On en
fit un Crime a ces pauvres habitans. Se
on s'en fervit poui" appuyer les demandes
du Gouverneur de Saint Domingue
qui faifoit tous fes efi"orts pour augmenter
fa Colonie aux dépens de toutes les
autres.
J'ai fçû par le retour d'un bon nombre
d'habitans qui aimerent "mieux re-
^ monsiïf'.
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