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i6ç6. Cette Eglife étoit de maçonnerie,
d'environ foixante 6c dix pieds de long .
fur vingt-quatre de large, La porte regarde
la mer, êc l'Autel eftadolîe cont
r e un morne d'une grande hauteur
Se d'une pente très-roide. Il y a environ
trois cens pas de l'Eglife jufqu'au
bord de la mer , d'unterrein uni,
Se qui me parût aiTez, b o n , qui étoit tout
couvert de rofeaux 2c de mahotiers;.
de forte que du bord de la mer il
cil impoffible de voir l'Eglife ni quel-,
ques maifons qui font aux environs.
J e demandai à des gens que je trouvail
à , pourquoi on ne déirichoit pas cette
terre, quand même ce ne feroit que
pour donner plus d'air à l'Eglife 5c
aux maifons vôifines, 8c les délivrer
des mouftiques & maringoins qui four-,
millent ordinairement dans ces fortes
de lieux. Ils me dirent, qu'on la laiffoit
ainfi pour conferver l'Eglife 6c les
maifons des pillages des Anglois, parce
que n'y venant que de nuit, il
étoit facile de les arrêter , n'y ayant
que deux fentiers à garder, tout le
relie étant inaccgiEble à caufe de ces
arbres qui s'entrelaiTent les uns dans les
autres.
L e Pere GaiTot ayant été averti de
mon arrivée, defcendit de fa maifon &
me fit amener fon cheval pour m'y porter.
Précaution fage & neceflaire, fans
laquelle j'aurois peut-être renoncé au;
plaiiîr de le voir chez lui ce jour-là -,
car fa maifon eft fituée aux trois quarts
de la hauteur du morne , & mon cheval
n'étoit plus en état de m'y porter,
ni moi d'y aller à pied.. On a tracé un
petit fentier en zigzag pour y mont
e r , dont les détours qui font trop
cours, font que les pentes ibnt fort
roides; à cela près, je le trouvai bien
logé Se fort commodément, pourvû,
qu'on n'ait pas befein de fortir de la
'Maifon
iuriali
deGoyOr-
•ves.
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il
A G E S AUX .ISLES
maifon. Une terrafle prefque naturelle ^
foutenuë d'une haye vive, compofe la
cour large de fept à huit toifes, 6c longue
de vingt-huit à trente. On trouve
au milieu de fa longueur un perron de
pierres de taille de fept marches, qui
jien que fort éloignées des proportions
de la bonne architeélure, ne laifle pas
de fervir pour donner entrée dans une
falle de dix-huit pieds en quarré , qui
a deux fenêtres du côté de la mer, 6c
deux du côté de la montagne, avec une
porte pour aller dans une allée qui fépare
le jardin de k maifon; Lafall.e ell
accompagnée d'une chambre de chaque
côté de dix-huit pieds de long fur quinze
de large, dans la longueur d'une defquelles
on a ménagé un petit efcalierde,
bois pour monter dans un galatas qui
eft partagé en trois chambres : à vingt
pieds ou environ de ce bâtiment, il y
en avoit un autre qui fiiifolt un retour,
qui avoit vingt-quatre pieds de long furquatorze
de large, quicontenoit lacuifine,
le four & le magazin. Ce bâtiment
auffi-bien que la maifon étoient de maçonnerie,
mais les pieds droits y leslin;-
teaux Se les apuis des fenêtres étoient
de bois, liy avoit un autre bâtiment paralelle
à ce dernier à l'autre bout de la
maifon, tout de bois, qui renfermoit
un poulailler & une écurie pour deux
chevaux. Le jardin étoit féparé delà
maifon par une allée de quatre à cinq
toifes de large ; on y montoit par fix marches,
il y avoit à peu près la longueur
de la terrafle, Se dix à douze toifes de
profondeur. Son défaut étoit d'être
trop en penie.
Si ces terrafles Se ces bâtiments a.-
voient été bien entretenus, c'auroitété
une folitude des plus-agreables. On y
joiiiifoit d'une vûë qui n'étoit bornée
que par l'horifon de la mer. On décou>-
vroit fort loin des deux côtez de TAncc
F R A N C O I S E S DE L'A M E R I Q^U E.
m îéj6. ce par deifus les mornes qui U forment ;
•Amàt
ee^itw.
l'air y étoit frais Se pur , Se quoique le
quàrder fût dépeuplé Se folitaire, je m'y
ferois beaucoup plû fi la defcente.du
morne avoit été moins difficile.
L'Ance de Goyaves a près d'une demie
lieuë de largeur entre fes deux pointes.
C'eft un Met qui cft à une demie lieuë
de cette ance fous le vent , c'cft-à-dire,
à l ' O u e f t , qui a donné le nom àcequaitier,
parce qu'apparemment on y avoit
trouvé beaucoup de goyaves quand on
commença de s'y habituer. L'Ance fait
ailëz regulierement la figure d'une ance
de panier. Son enfoncement dans les
terres eft d'un tiers de lieuë ou environ.
Il y a un g ros^che r qui fait un lilet à
la pointe orientale, dans lequel il y a
quelques voûtes ou cavernes , qui lui
ont fait donner le nom d'hermitage. Le
fond de l'Ance eft prefque par tout de
fable blanc mêlé de rochers en beaucoup
d'endroits. Se-fur tout au milieu, ce
qui fiiit que l'ancrage n'y eft pas feur,
parce que les cables fe coupent} en échange
elle cft fort poiflbnneufe.^ Il y
tombe une petite riviere dont l'eau eft
excellente. Le Pere GaiTot envoya mettre
des paniers à la mer pour avoir du
poiiTon pour le lendemain.
Le Vendredi neuvième Mars j e m®
levai de grand matin pour aller voir lever
les paniers ou naflës. On les fait de
rofeaux refendus, unis enfembie avec des
liannes. On y met quelques pierres pour
les tenir au fond de l'eau, & des crabes
cuites rompuës en morceaux pour attirer
le poiflbn. On les attache à une corde
aflcz longue, au bout de laquelle il y a
un morceau de bois blanc avec la marque
de celui à qui la naiTe appartient, pour
les pouvoir reconnoitre, quand les marées
les ont fait changer de place,cequi
arrive fort fouvent.
Nous trouvâmes plus de trente livres
d e poiiîbn dans les fix paniers qu'on a- 1696V
voit mis à la mer, entre lefquels il y avoit
un congre gros comme le bras,
de plus de trois pieds de long- A mefure
qu'on tiroit les paniers dans le can
o t , je les ouvrois pour retirer le poiffon
& rejetter les paniers à la mer.
J'ouvris par malheur J a nafle oil étoit
le congr e , le Negr e du Curé m'en avertit
quand il n'étoit plus t ems , le congre
ibrti de la nafle fautoit comme un enragé,
Se s'élança fur moi deux ou trois
fois. Le Negrc vint à mon fecours, it
voulut tuer le congre d'un coup de bâ-,
t o n , il le manqua, Se le poiifon s'étant
j e t t é à une de fes jambes s'y attacha.
Je pris auffi-tôt le couteau que le N e g r e ^^^^^^^
avoit à fa ceinture,Se ayant faifi \ccon-.,an^uiiu
g r e auprès de la tête, je la lui coupai y de mer
& délivrai ainfi le Negre. Nous ne laiffâmes
pas de manger le congre, qui à ^^
mon avis eft un auifi bon poiifon quand dang»-
il eft cui t , qu'il eft méchant quand il e f t
vivant.
J e fus après dîné m-e promener fur
le bord de la mer. Il y a une partie de
l'Ance, particulièrement aux environs'
de la riviere ^ où tout le rivage eft couvert
de roches Se de galets de différentes
groiîeurs, mais tout le refte eft uri
fable blanc Se ferme où !a promeriade
eft agréable. Environ à trois cens pas F"»«'-,
à l'Eft de l 'Eglife, on me fit remarquer
que l'eau boiiillonnoit à cinq ou fix pas lamts.
dans la mer. J'entrai dans un petit canot
qui fe tfouva-là par hazard, pouB
voir fi ce qu'on me difoit étoit veritable,
que cette eau étoit fi chaude qu'oa
y pouvoit faire cuire des oeufs & du
poiflbn. Je m'éloignai d'environ trois
toifes du bord du rivage , où il y avoit
environ quatre pieds d'eau , où le»
bouillons ne me paroiiToient pas fi fréquens
que vers les bords, Se je trouvai
l'eau fi chaude dans ces bouillons, que
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