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1*594.
N O U V E A U X VOYAGES AUX ISLES
rie, prefle de la foif, ayant demandé
de l'eau, Sylvain qui étoit fon Abbé,
s'excufa de lui en faire donner, en lui
difant iimplement, c'eft aujourd'hui
jeûne. A quoi j'ajoutai l'Hiftoire de ce
célébré Martyr d'Alexandrie, qui ayant
garder comme un médicament que comme
une nourriturei qu'à la vérité le
fucre qu'on y met étoit de foi nourriff
u i t , mais, que la quantité qui y entroit
étant ii peu confîderable, il fembloit
qu*on en pouvoit prendre, fur
rout dans un pays chaud où les pores été tourmenté toute la journée , & les
étant toùjours ouverts, donnent lieu à tourmens lui ayant caufé une foif exune
grande tranfpiration qu'on ne peut tréme : comme on le menoit hors de la
réparer que par des' alimens, & que je Ville pour lui couper la tête,, il témoiferois
volontiers de cette opinion, fans gna qu'il avoit foif, 5c une peifonne lui
une petite difficulté qui m'arrêtoit, à ayant auffi-tôtprefenté de l'eau, il prit le
laquelle je ne trouvois pas de iolution vafe, mais s'étantfouvenu qu'il étoit jeûqui
me contentât. Car, leurdifois-je, le ne ce jour-là, il le rendit, en difant; ceji
jeûne eftinilitué pour mortifier la chair, aujourd'hui jmne-^ Sc continua ainfî foij
l'abbatre Sclafoûmettre à l'eipriti mais chemin..
cil-ce la mortifier, l'abbattre & la fou- Toute la compagnie qui étoit commettrequede
lui donner des chofes qui pofée de gens fages &; vertueux, ou da
la foutiennent, qui aiguifent fes appe- moins qui vouloient paroître tels, aptits,
qui entretiennent là délicateiTe, & plaudit à mon fentiment,. on renvoya
kii donnent le moyen d'attendre fans ethé & le caffé, & on fongea à paflèr
impatience & fans peine un bon repas,.- le tems à d'autres chofes jufqu'au dîner,
qu'on feroit peut-être obligé de difFe- Je me joignis l M. Pocquet qui me
rer de quelques heures, parce qu'on n^ena voir fon jardin,. Se l'établiflement
fe trouveroit rempli du thé ou du cafFé oùil commençoit à faire du fucre blanc,
qu'on auroit pris. C'efl: pourtant le cas C'étoit un grand bâtiment de maçonoù
le- trouvent ceux qui prétendent^ nerie de cent trente pieds de long fur
qu'on peut prendre de ces chofes fuis vingt-quatre pieds de largeur, avec un.
rompre le jeûne, & qui font par con- étage en galetas. Ce lieu fert pour y
précepte qu'elle tait qu ometravanie, qu'il ie pui^e& qu'..
du jeûne àfesenfans; puifque félon les devient blanc: on appelle cet endroit,.
Medecins les plus habiles, toutes ces
teintures, liqueurs ouboilTons, ou comme
on les voudra appeller, font de foi
nouriffintes , & par coJîféquent contraires
à l'eirence du jeûne, qui confifte
àne faire qu'un repas par jour. Je leur
dis que nos anciens avoient pouiîé leur
une purgene. A une des extremitez étoitl'étuvej
on y fait feclier lesformeS'
de fucre, quand elles ont acquis toute
la blancheur qu'elles peuvent avoir},
entre l'étuve&la fucrerie il y avoit un.
endroit où l'on pile les. formes de fucre
quand elles font feches, afin que.
régularité iî! loin fur cet article, qu'ils les bariques où l'on met le lucre, pour
ne croyoient pas qu'il fût permis de le tranfporter en.Europe, en contienprendre
de l'eau pure- Que Ruffiu nent une plus grande quantité,
dans fon troifiéme Livre Chapitre 4<î. Je vis dans le jardin des franchipa---
/apporte qu'un Moine nommé Zacha- nés blanches & rouges qui rendent uiie.
^ odcuE'
1694-
F R A N C O I S E S DE
odeur très douce 6c très agréable; des
millets, destubereufes en quantité, des
figuiers comme ceux que nous avons en
France, mais qui portent toute l'année,
pourvû qu'on ait foin de les labourer,
de mettre du fumier au pied, & de les
arrofer dans le tems de la fecherefle.
Il me promit de contribuer à remplir
mon jardin de toutes les plantes , arbres
& herbages que je voudrois prendre
dans le fien, & il m'offrit de fort
bonne grace tout ce qui dépendoit de lui.
Monfieur Pocquet avoit dès ce temslà
cinq ou fix enfans, fes deux aînez
étudioient àParis, & la plus grande de
fes filles étoit aux Urfulines du Fort S..
Pierre. Quand je fuis parti des Mes,
il avoit douze ou treize enfans vivans,
êc fa femme étoit encore aiTez jeune
pour en avoir, plufieurs autres. C'étoit
un homme d'un très-grand ordre dans
les affaires, magnifique dans fa table &
dans fes meubles, n'épargnant rien pour
réducation^de fes enfans, bon Chrétien,
bon ami & faihrnt plaifir à tous ceux qui
avoient befoin de lui.
Nous nous mimesa table un peu avant
midi, on ne peut-être mieux fervis, ni
avec plus d'abondance, d'ordre, depro-
Flaftnn P^^^t^ ^ de délicateffe que nous le fûmes :
de Tor- on nous fervit entre autres chofes un
« plailron de tortue déplus de deux pieds
L'AMERIQ^UE. 61
battu; il ne faut pas que le four foit plus
chaud que pour y faire cuire de la patiflerie,
parce que la chair de la tortue
étant tendre, elle veut être cuite
à feu lent. Pendant qu'il eft au four
on a foin de percer de tems en tems la
chair avec une brochette de bois, afin
que la faulce contenue dans le plaftron,
la pénètre de toutes parts. On' fert
plaftron tout entier fur la table , l'onf/^f
coupe par tranches la chair qu'il renfer- Tortuy.
me, fie on la fert avec la fau ce. Jamais
» . ' ¿ Î de long,. Se d'un pied & demi de large,
'.ie/eJ'avois mangé plufieurs fois de la Torfwr.
tue depuis que j'étois aux Illes, ellem'avoit
paru très-bonne, mais ce morceau
me parut excellent. Le plaftron d'une
tortue eft toute l'écaillé du ventre de cet
animal, fur lequel on laiffe trois ou
quatre doigts de chair, avec toute la
graille qui s'y rencontre. Cettegraiffe
cft verte, Scd'ungoufttrès-delicat. Le
plaftron fe met tout entier dans le four:
on le couvre de jus de citron, avec du
piment,, du poivre,, du fel Se du gerofle
je n'ai rien mangé de fi appetiffant Se de
fi bon goût. Cette viande a une propriété
admirable, c'eft que l'on en peut
manger tant que l'on veut Hins craindre
d'en être incommodé, parce qu'elle eft
de très facile digeftion , quoiqu'elle foit
très-nourriffante. .
La chair de tortue fe met à toutes fortes
de faulces, on en fait de la foUpe comme
fi c'étoit du boeufou du mouton, on
la fait rôtir à la broche, on la mange en
gribelettes, en daube, en ragoût, en
fricaiTée > fes inteftins font très-bons.
Se fes pattes font excellentes. On peut
croire que la tortue ne fut pas la feule
viande qu'on fervit fur la table de Monfieur
Pocquet, il y avoit une abondance
Se une diverfité furprenante de tou-'
tes fortes de poiffons de mer Se de riviere.
Entre les confitures que l'on fervit c^m^j
au deftert, il y avoit des cacaos con-«»/'î^
fits, que je croi être la plus délicieufe
confiture qui fe puiffe imaginer. Se
qui furpaiîé à mon avis lès meilleures
qui foient en Europe. Ils étoientauiïïbien
que toutes les autres de la façon
d'une Damoifelle de l'Iflc S. ChriiW
phle, appellée Marie-AnneMenegaut,
qui après- la déroute Sc la prife de cette
Ille, s'étoit trouvée orpheline Se dépouillée
de tous fes biens, elle étoit venue
à la Martinique, où Madame Poe-r
H j quetil
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