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94 NOUVEAUX VOYAGES AUX ISLES
iGçô. je n'y pus pas tenir Ik main.. J'envoyai herbes blanchâtres & couvertes d'une efchercher
des oeufs que j e fis cuire, en pecedepouffiere de foufÎTe. Le fable qui
les tenant fufpendus dans l'eau avec mon eft de même couleur eft couvert d'un peu
mouchoir. J e defcendisà tcn-e où j e trou- d'eau en quelques endroits, en d'autres il
vai que la fuperficie du fible n'avoit pas paroît comme de la boue qui commence
p l p de chaleur vis-à-vis l'endroit où é- a fecher, & il paroît en d^xutres entieretoient
les bouillons, que dans-les autres mentfec. Cependant i lafi peudefolidiendroits
plus éloignez, Mais ayant creu- té,même dans les endroits qui paroiflent
le avec la main , je ne fus pas arrivé à les plus fees, que les pierres qu'on y jette
la profondeur de cinq ou fix pouces que s'enfoncent & font couvertes de ce fable
j e fentis une augmentation confiderable prefquedans un inftant. Get endroit eft
de chaleur i plus je continuai de creufer dangereux, & il eft arrivé plus d'une
& plus elle augmenroi t ; de maniéré qu'à fois que des étrangers voulant y paifer,
un pied de profondeur je nepouvoispref- s'y font enfoncez, & y feroientperis s'ils
que plus y tenir la main. Je fis creufer n'avoient été fecourus promptement. Il
avec une pelle encore un pied plus bas : eft vrai qu'il leur en coutoit toujours
J e trouvai le fable brûlent qui fumoit quelque chofe, & au «oins la peau de
comme on voit fumer la terre qui cou- leurs jambes, & des autres membres qui
vre le bois dont on feit le charbon. La avoient été enfoncez dans ce marécage
fumée fentoit le fouffi-e d'une maniéré qui eft encore plus brûlant que l'étang',
r e fupportable. ^ C' e f t dommage que ces eaux chaudes ne
On me conduifit aune efpecede mar- foient pas entre les mains de gens qui fare
ou d'étang defeptà huit toifes dédia- chent s'en fervir & en p rof i ter , car il eft
metre, où l'eau étoit blanchâtre comme feur qu'elles font fouveraines pour une
fi elle eut été trouble. Ellejettoit con- infinité de maladies. •
tinuellement des bouillons vers les bords. On m'aiTura que plufieurs hydropimais
Vim
daim
ils étoient moins fréquens Sc plus ques avoient été entièrement guéris, TT'
gros dans le milieu.' Il en paroiiîbit fept après avoir fué dans ce fible, & beau- um
ou bu^ttout de fuite,_ après quoi ilsdif- coup d'autres qui étoient attaquez' de«''-
E t a n g
C ma'
r a i s
bo'ùil-
U n t ,
paroiiToient pendant l'elpace d ' u n P a t e r
ôc d'un ^ve. Je pris de cette eau dans
un morceau de callebaiFe, elle étoit réellement
boiiillante.- Je la goûtai quand
elle fut refroidie, elle me parut bonne,
excepté qu'elle avoit un petit goût de
fouffi'e, auquel il feroit facile de s'accoûtumer.
Cette marre fait un petit ruilTeau
dou eurs froides 8c de contractions de '
nerfs. Cela peut-être, mais j'ai été
bien des fois en d'autres tems aux fontaines
boiiillantes fans y avoir jamais vu
perfonne, quoique je connuiîe à la Martinique
8c à la Guadeloupe bien des
jens qui étoient attaquez de ces maux-
^ J i'àd .. 1X1I e>- 1f1t. vV r1a aij l qlu^ Lei U lel\s a relUmlIHed-UeCs »q LuJUeC l '1o nU IJ
finfedéchargeant, qui perd une partie de peut avoir le plus comtnodement, ne
fa chaleur 8c de Ion goût à mefure qu'il font pas ordinairement ceux aufquels
s'éloigne de fa fource, quoiqu'il en retien- on a plus de confiance. J'ai vû cene
toûjours afièz pour les faire fentir a- pendant dans l'hiftoire générale des Anv
a n t q i / i l f e perde dans lamer à deux cens tifles de mon Confrere le Pere du Ter.
pasde-là. tr e , Sc dans la Relation du Sieur Biet
On me fit encore voir un marécage à Prêtre, intitulé, L a F r a n c e Equinoxia-
Côté de cet étang, où il croît quelques le^ que bien des malades y avoient été
• , gue-
F R A N C O I S E S DE L'AMERIQ^UE. 9f
guéris} entre les autres ce dernier Au- y avoit quelques malades chez lui que
teur dit, qu'à fon retour de Cayenne il
fut entièrement guéri de l'hydropifie
qu'il y avoit contraétée, en fuant dans
ce fable fous u n pavillon qu'on lui avoit
fait exprès.
Le Samedi dixième Mars j'accompagnai
le Pere Gaflbt qui alloit voir des
malades au quartier des plaines, à deux
lieues environ de chez lui. Nous y allâmes
en canot. Après que nous eûmes
doublé la pointe de l'Oiieft qui forme
l'ance, lious trouvâmes pendant plus"
de demie-lieuë la côte fort efcarpée &
pleine de rochers , dont la continuité
n'étoit interrompue que par les ouvertures
des ruiiTeaux 8c des torrens qui
font aifez fréquens dans tout ce quartier.
Nous arrivâmes à l'habitation des
Sieurs Lof tau freres, Capitaine 8c Lieutenant
des Milices du quartier. Quoique
leur terrein foit pierreux , la terre
ne laille pas d'être bonne, noire8cgraffe.
Leurs cannes étoient belles, leur
iiicre brut beau 8c bien grené. Leurs
beftiaux en bon état, 8c leur manioc
gros, pefant, 8c bien nourri. Nous les
quittâmes après que le Cur é eut achevé
ce qu'il avoit à faire chez eux, 8c nous
continuâmes nôtre chemin jufqu'aux
plaines. Ce font deux grands enfoncemens
feparez l'un de l'autre par un
gros cap dont les pentes font fort douces
8c de bonne terre. La plus petite
des deux plaines eft à l'Eft , elle peut
avoir fix à fept cens pas de large fur
douze cens pas de hauteur. La grande
a près de mille pas de large fur beaucoup
plus de hauteur} elle eft arrofée
d'une riviere aiîèz, grofle. . La terre de
ces deux endroits eft bonne, 8c ils font
aflez bien peuplez 8c cultivez. Nous fûmes
chez le Sieur Jolly beau fils du Sieur
de la Chardonnerie de la Martinique}
il commençoit à faire une fucrerie. 11
i 6 ç 6 i .
le Cur é confeiTa. Il nous pria de demeurer
à d îner j en attendant qu'il fût prêt,
j'allai me proniener avec lui dans fon
habitation, 8c je l'exhortai à profiter de
la commodité de la riviere pour faire
un moulin à eau. Nous allâmes huit ou
neuf cens pas le long de la riviere jufqu'à
un endroit qui me parut trèspropre
pour faire le bâtard-d'eau ou
l'eclufe du canal. Je lui expliquai comment
il s'y devoit prendre, 8c je lui promis
de venir après Pâques le niveler Sç
le tracer.
Nous nous mîmes à table au retour^
nous avions de bon poiiTon avec de la
caiTave fraîche : car la plûpart des habitans
de ce païs-là ne fe piquent pas
d'avoir autre pain. Qiioique je n'y
fuife pas accoutumé, je ne laiflai pas
d'en manger avec appétit, 8c elle me
parut fort bonne. Nous allions fortir
de table quand il entra un Officier de
l'Ance Fei'ri, qui ayant fçû qu'il y avoit
un Religieux avec le Pere Gaflbt, s'en
alloit à Goyaves le prier de venir dire
la MelTe le lendemain à leur Chapelle.
Il avoit par bonheur rencontré un canot
de qui il avoit fçû que nous étions
chez le Sieur Jolly. Cet Officier étoit
Monfieur Lietard , Lieutenant de la
Compagnie de Mi l ice du grand cul-defac
dont le Sieur la Pompe étoit Capitaine.
La fimplicité du premier âge du Portrait
monde reluifoit dans tout l'extérieur î'«
de cet Officier. Ses jambes & fes pieds
, "L 0 1 r I- Lteuteetoient
couverts des bas <5c des louliers nam de
qu'il avoit apportez du ventre de fa uilkt.
rnere , à la referve qu'ils étoient un
peu plus noirs 8c plus vieux , car il
paroiiToit qu'il y avoit bienfoixante ans
8c plus qu'il s'en fervoit. Ses cheveux
blancs 8c en petit nombre étoient couverts
d'un chapeau de paille, £c le reile
de fon corps d'une chemife & d'un caleçon
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