N O U V E A U X VOYAGES AUX ISLES
i6g6. avoit tué ou bleiTé près de quatre vingt
hommes.
Faute du ¡1 efl. certain que les ennemis n'auroient
jamais pu péneter plus avant fi
Je Major fut venu avec fa troupe pour
foutenir l'aide-Major, mais non-feulement
il négligea fous de méchans pré-
Major
CUr.
textes de le faire, mais il arrêta encore
trois cens hommes que le Gouverneur
yenvoyoiti ce qui étoit plus que fuffiiant
pour chaflèr les ennemis, 6c les
obliger à tenter un autre débarquement
dans un autre endroit, fupofé même que
leurs troupes n'euflent pas été rebutées
par un fi mauvais commencement. Nous
eûmes cinq hommes tuez en cette occafion
, 8c un Nègre bleilé de deux
coups, l'un àlacui/fe, & l'autre entre
le col & l'épaule qui refta fur le chc'-
min, où il contrefit fi bien le mort,
que les Anglois après l'avoir bien remué,
le crurent tel 6c lelaiflerent là.
, J'ai fçu ces particukritez de quelques
perfonnes de probité qui avoient
été de ce détachement, 6c du Negre même
dont je viens de parler, qui appartenoit
àun nommé Bouchu, dont l'habitation
écoit à côté de lariviere Beau-.
gendre, 6c encore d'un Anglois del'Ifle
d'Antigiies, qui après la Paix deRifvik
venoit trafiquer la nuit avec nos habitans
-, il s'appelloit Georges Roche. Il
fe vantoit d'avoir tué le Sieur deBordenave,
6c pour le prouver, il momroit des
boucles 6c un cachet d'argent qu'il lui
avoit ôté. Il me fit prefent du cachet.
J e le donnai enfuite à la Demoifelle Radelin,
fille du Sieur deBordenave, qui
le reconnut auffi-tôt pour être celui de
fon pere.
Lerefte du détachement du Sieur de
Bordenave a'iant paflé la riviere Beaugendre
6c celle des habitans, fe joignit
riere quelques murs de pierres fechts
qui bordoient lariviere, d'où ils firent
un fi grand feu fur les Anglois qui s'étoient
te
avancez jufques-là, qu'ils les y
arrêtèrent le refte de la journée. Lorfque
la nuit fut venue, nos gens abandonnèrent
ce porte fans b rui t , parce
•qu'il étoit à craindre que les Anglois ne
rembarquafient une partie de leurs troupes,
6c que les portant à l'Ance Vadeorge
ou en quelque autre lieu de la côils
ne nous priffent par derriere,
dans le tems que nous ferions attaquez
en face par ceux qui étoient de l'autre
côté de la riviere.
Nos gens fe retirèrent derriere les retranchemens
delà riviere du Piciîîs, où
les ennemis étant venus le lendemain
furies dix heures du matin, ilslestrbuverent
en fi bon ordre 6c fi avantageufement
poftez, qu'après uneefcarmouche
de prés de quatre heures, oii les
Anglois perdirent plus de trois cens
hommes fans rien avancer, TAmiral
qui étoit à l'embouchure de la riviere
du Pleffis tira trois coups de canon pour
rappeller fes gens 6c les rembarquer,
deièfperant tout à fait dufuccès de cette
entreprife. En effet, elle alloit échoiier
abfolument, lorique quelques
mal-intentionnez qui étoient parmi nos
gens fe mirent à crier que les Anglois
avoient forcé nos troupes qui gardoient
le paflage du haut de lariviere, 6c dans
le même tems quelques autres de pareil
caraftere , qui étoient au paiTage
d'enhaut, firent courir le bruit que le
pafiage d'embas étoit forcé. Ces bruits
fans fondement mirent le trouble 6c la
confufion dans nos troupe«, avant
que les Officiers, & fur tout le Lieutenant
de Roi, qui avoit enfin obtenu
la liberté de fortir du Fort, 6c de
fe mettre à la tête des troupes , puffent
leur faire connoître la fauflité de
F R A; N C O I S E S D E L'A M E R I a u E.
u ces brliît^'} puifqa'iÎ paroiflbit evidemflieflC
lès> moûvétften» des Angloisûù'iis
étoietit au repefttiï de s'être engagez
fi avant, 8e qu'Us¡né Ghcfcboienc que
le moyen de fe retirer à leurs vaiïfeaux ,
fans recevoir d'éehee dans leur retraite.
Ce furent donc ces faux- bruits 6c la terr
e u r panique qui s'enfuivit, qui arrachèrent
des maiiis denos gens une viéboire
affurée, 8cqui les obligèrent de fe tetirer
avec précipitation au Bourg duBaillif,-
au lieu de tenir fermeaupofte dela Magdelaine,
comme ils pouvoient faire. Les
Anglois les fuivirent de près, s'emparerent
de ce dernier pofte, 6c firent un fi'
grand feu fur eux, qu'ils les contraignirent
de repaiTer lariviere S; Louis, &
enfin de fe retirer au Bourg de la BaiTeterre
où ils paflerent la nuit. Le lendemain
matin ils abandonnèrent le Bourg
6c fe retirèrent derriere la riviere des
Gallions, qu'ils borderent depuis fon
embouchure jufqu'à un endroit appellé
le paflage de Madame, qui en eft éloigné
de près de trois mille pas.
' Les Anglois entrèrent dans le Bourg,
élevèrent eurs batteries, 8c battirent le
Fort 6c le Cavalier pendant trente-cinq
jours ; jufqu'à ce que le Marquis de
Ragny General de nos Ifles étant arrivé
avec quelques troupes, ils levèrent le
fiege 6c fe rembarquerent avec précipitation,
comme je l'ai remarqué cy-devant.
J'ai crû devoir rapporter ces circonftances,
pour faire voir combien il
étoit facile de défaire les Anglois dans tant
de défilez, 8c tant de paflages, demontagnes
8c de rivieres} ce qui arrivei-a
immanquablement toûjours, quand nos
gens feront conduits par des Officiers
braves, fagcs 6c experinientez.
J e reviens à prefent à monfujet , que
cette digréflîon m'a fait quitter. Après
que j'eus paiTé le fond de l'Ance à h
barque, je ftioncai un morne fort haut
8c fort difiïcile. On trouve d'efpaee en
efpacc de petites habitations. Le chemin
fe raproche peu à peu du bord de la
mer fui' une falaife efcârpée, où il y a
quelques niaiforis qu'on appelle le Duché,
8c environ quinze cens pas plus
loin deux ou trois maifons 8c quelques
ruines 8c mazures de bàtimens, qu'onnomme
le petit village. Tout ce chemin
éil mauvais, pierreux, coupé par beaucoup
de ra;vinages 8c de petits ruifleauxi
laterre ne laifle pas d'être bonne, noire
8ç grafl'e, du nioihs ce que l'on en
voit,- entre les-pierres. Ce quartier eii
fort dépeupléi '& en general, il s'en
faut bien que la Guadeloupe foit auiîî
peuplée que la Martinique ; & c'eildequoi
il y adieu de s'étonneî"-, car le-s terres
y font bonnes pour la plûpart y les
eaux en quantité & admirables ; l'air
très-pur 8c très-fain, 8c il y a un ter--
rein inimenfe qui.n'eit encore occupé
de perfonne, où l'on pourroit faiire des
cacoyéres, des plans de Rocoiiyers, des
indigoteries 8c autres chofes, fans par-^
1er des terres propres à la culture des
cannes à fucre qui font eri quantité, 6c
qui =ont tout ce qu'on peut defirer pour
cela.
G H A P 1 T R E XVII.
Defcription du quartier de l'Ipt à Goyaves. Des fontaines bouillantes. De
l'Ance k Ferri. DeVarbre é' du baume deCopaiij éf du bois laiteux.
''Arrivai enfin fur les cinq heures á
l'Eglife de Goyaves, fi las 6ç fi fatigué,
kufli-bien que le Negre qui
m'avoit fuivi 8c le cheval qui m'avoit
porté, que je. ne croi pas avoir jamais
eu plus befoin de repos.
N i Ce t t e
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