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io8 NOUVEAUX VOY
1694. chofe, je vis qu'elle n'étoit pas pratiquable,
parce que les habitations étoicnt
tropéloignéesdel'Eglife, & que
les chemins qui y conduifoient étoient
difficiles & trop fatigans pour obliger
le peuple à venir deux fois en ua même
jour à la ParoiiTe.
J'employai toute cette feraaine 6c
une partie de la fuivante à faire faire
les Pâques aux Negres. Leurs maîtres
fe iervirent de cette occafion pour me
Élire apporter les paliiTades dont j'avois
befo in pour clore mon jardin.
Je reçûs encore dans ce même temis
de nouvelles marques de la libéralité
de mes Paroiffiens. Toutes les femmes
de ma ParoifTc à l'exemple dé celle du
Capitaine, m'envoyerent des-poules &
d'autres volailles, de forte que je m'en
trouvai pourvûde plusdefix vingt pieces,
avec du mil pour les nourrir trois
ou quatre mois. Ce Mil eft ce qu'on
appelle en France bled de Turquie,
en Eipagne Mahis, & en Italie grand
Turc.
J e m'àvifai d'un petit expedient d'économie
qui me fut d'un grand fecours
danslafuitei ce fut d'acheter des poules
d'Inde, & d'en mettre une dans chaque
maifon de ma Paroifle où on en élevoit.
Les femmes qui font ordinairement
chargées de ce foin, s'en acquittoient
à qui mieux mieux, de manière
que je me trouvai en peu de tems des
volailles d'Inde en aiTez grand nombre
pour en pouvoir tuer une ou deux chaque
femaine.
J'ai dit que îf Sàcriftain de mon Er
glife demeuroit au bord de la mer &
alTez près de la riviere, cela me donna
la penfée d'acheter des Canes & des
Canards que j e lui donnai à élever à moitié
de profit. Quand ils- étoient grands
j e prenois ma part & j'achetois la
lîenne. Ce Sacriftain qpi étoit auffi
A G E S AUX ISLES
Chantre, étoit Parifien, fils d'un Pr o
cureurnommé Rollet i mais comme ce
nom eft fameux dans les Satyres de
Boileau, par un fort mauvais endroit,
il en avoit changé une lettre, & fc fai«-
foit appeilerRallet. Le libertinage l'avoir
fait fuir de la maifon de fon pere;
il s'étoit engagé pour les Jfles où
il s'étoit marié, il n'eût pas lailîé d'y
faire fortune, car il écrivoit parfaitement
bien, il enfeignoit les enfans Sc
tenoit les Livres de quelques habitans,
mais it étoit yvrogne & fa femme encore
plus que lui.
Le Samedi dix - fept Avril j'achevai
d'inftruire quatorze enfans blancs des
deux fexes, Schuit ou dix Negres pour
leur premiere CommuJiion. Je les conifeiTaile
foip.
Le Dimanche jour dë ^aftmodo j e
préchai fur les difpofitions qu'on doit
avoir quand on s'approche de la Communion
, &de quel e maniéré les Chrétiens
doivent vivre, quand ils ont une
tois goûté ce pain celeftc. Après que
j'eusconfommé les Efpeces Sacrées, je
me retournai vers ces enfans & leur fis
une exhortation, après laquelle je fis
chanter le vent CreatoT. J'avois engagé
autant d'anciens communians comme il
y en devoit avoir de nouveaux à les accompagner
& à communier av«c eux-.
Ils s'approcherent de Tx-lutel l'un après
l'autre un cierge à la main, conduits
par celui ou ce le qui les accompagnoit
& qui leur fervoit comme de guide oit
deparrein,. & reçurent le Saint Sacrer
ment avec une modeftie charmante. Je
leur fis une fécondé exhortation en maniéré
d'aélion de graces, 8c à la fin de
la MeiTe j'entonnai le Té Deum, Toute
la Paroifle fut fort édifiée de cette action,
dont le bruit fe répandit dans tous
les quartiers.
J'ai marqué au commencement dç
CCS.
, tCm-
F R A N ^ C O I S E S DÉ L^A M E R I Q^U E. l'op
ces Mémoires que l'Eglife du Macouba, claves toutes les fois que j'en aurois 1654.
le cimetiereSc la maifon Curiale étoient befoin.
fituez dans la favanne de Monfieur Jac- Toutes mes palliiTades étant arrivées ^^
eues du R o y , de fortequejenepouvois jelui écrivis pour le prier de venir afin
pas faire les changemens & les augmen- de me marquer le terrein dont il vou-'
tationsqueje voulois faire à mon loge- loit bien me gratifier pour agrandir mon
ment fans fon- confentement, puifqu'il jardin. Il nie mandàqlie j'étois le maîs'agiflait
de perdre du terrein quilui ap- tre, qu'il me prioit de ne pas diiFérer
parcenoit. d'un moment de faire ma clôture, puif-
Monfieur Jacques du Roy étoit de que je pouvois prendre telle partie de fa
Revel en Languedoc. Il avoit fuccé en terre que je jugerois à propos. Je n'eus
miflant la Religion Prétendue Refor- garde de-me fervir.de cette permiffion.
mée. Il avoit pafle fa jeuneflé en Hol- Je lui l'épondis que j'étois refolu de
lande avec un de fes freres qui y étoit l'attendre, Scquej'efperoisquc celal'o-
Ti bligëroitde venir.
Monfieur Michel me pria de; prendre
avec moi fön Goufîh germain^ appellé
Jofué Michel. C'étoic un jeune homme
de dix-fept ans fort fage & de bonnes
moeurs, qui vouloit apprendrel'HiP-'
toire, la Geometrie Sel'arpentage. Je
fus bien aife de rendre ce iervice à fon
coufin', d'autant plus volontiers qu'il
m'obligea à' recevoir une penfion fore
raifonnabJe pour fa nourriture y- ôc que
c'étoit une conâpagnie & une occupation
pour moi, & un gardien- de ma'
maifon, quand j'étois oWigé de fortir,-.
ôc de mener inonNegre avec moi.
L e Jeudi z i Avril lePere Imbertme'
vin: rendre vi fite avec le Pere Martelly
& le Pere Breton. Jeles régalai de mon
mieux à dîner 6c à fouper, car la pluye
les empêcha de partir comme ils- en a^
voient envie. Jelogeailesdeuxpremiers ^
dans la maifon de Monfieur du Roy mon
voifin, £c le Pere Breton chez moi. Le
établi. Il étoit enfin venu aux Ifles, ou
après avoir fait le commerce pendant
quelques années, il y avoit achepté
l'habitation du Macouba où il
s'étoit retiré. C'étoit dans ce tems-là-m
homme d'environ foixante an?, fort fage,
fort honnête & fort charitable, homme
de bien dans fi Religion, ôc riche II
avoit eu plufieurs démêlezi avec rhon
prédeceffeurqui prétendoit être endroit
de le maltraiter parce qu'il ne faifoit
7oint les fondions de Catholique, au
ieu de tâcher de l'y engager par la douceur,
les perfuafions, 6c toutes fortes
de bons offices ; ces maniérés dures ôc
chagrinantes l'avoient obligé de mettre
unoeconomefurfonhabitation, & d'al--
1er demeurer au Fort S.Pierre.
J'avois été le voir la derniere fois
quejem'ètois trouvé à labaife-terre, 6c
je l'avois convié à retourner fur fon
habitâtiqn en l-afleurant que nous y
vivrions en paix. Comme il étoit in
formé de quelle maniéré j'agifll)is,. il lendemain je leur donnai un fi bon dé--
me promit de me venir tenir eompa- jeûné qu'il fervit de dîner, ôcjefusles"
gmedès qu'il auroit achevé quelques conduire jufqu'a la bafle-pointe. Nous
affaires qu'il ne pouvoir abandonner, prîmes jour pour nous trouver au fond'
11 écrivit cependant à fon oeconome S. Jacques d'où nous irions voir le Pere
de me rendre tous les fervices poffi- Martelly à la T r i n i t é , 011 je n'avois point
WesSe de me laiiTer maître de fa encore été.
maifon, de fes meubles, ôc de fes ef- LeLundi z6 Avril jebaptifai Icfilsde
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