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351 NOUVEAUX VOY
Voici quelques abus touchant la nour-
'Abus ^ entretien des Negres que les
tou'cLnt Gouverneurs & les Intendans devroient
¡a mur- abfolutnent retrancher. Le premier eft,
rttunp- que quelques Habitans donnent à leurs
'JîTnc" Éfclavesune certaine quantité d'Eau-de-
¿w. Vie par femaine, qui leur tient lieu de
farine Sc de viande. Il arrive de-là que
les Negres font obligez de courir tout le
Dimanche, pour trouver à trafiquer leur
Eau-de-Vie, & à l'échanger pour de la
fixrine 6c autres vivres, & que fous ce prétexté
, ils ne viennent fouvent que le
Lundy fort tard, & fort fatiguez. D'ailleurs
ceux qui font y vrognes boivent leur
Eau-de-Vie, 6c font enfuite obligez de
voler leur Maître ou les voifins pour vivre,
aux rifques d'être tuez, ou mis en
julHce pour leurs vols, que leur Maître
eft obligé de payer.
L'autre abus eft pafTé desEfpagnols &
des Portugais, chez les Anglois & Hollandois,
& de ceux-ci en quelques Habitat
ions de nos Ifles, quoique en petit nombre
: c'eft de donner le Samedy aux Negres
pour travailler pour eux, 8c s'entrënir
de vctemens2cde nourritures eux
& leurs familles par le travail & le gain
qu'ilsfont pendant ce jour-là.
Les habitans qui fuivcnt cette maxime
n'entendent pas leurs véritables intérêts:
car fi léms Efclaves peuvent s'entretenir
par le gaip qu'ils font ce jour-là, il eft
certain qui'ils pourroient les entretenir
eux-mêmes, en les faifant travailler pour
eux. Mais fi ces Efclaves font malades ce
jour-là, ou qu'il faife un mauvais tems
qui les empêche de travailler, ou fi étant
faineans & libertins, ils paiTentle Samedi
fans travailler, de quoi fubfifteront-ils
la femaine fui vante ? N'eft-il pas clair
qu'ils dépériront tous les jours. Se que
leur perte retombera fur leur Maître. Si
cette raifon d'intérêts ne les touche pas,,
e a voiçi une autre, q^ui fera peut-être
A G E S AUX ISLES
plus d'impreffion fur leurs efprits, puifquelle
eft fondée fur l'obligation qu'ils
ont comme Chrétiens, de fournir à leurs
Efclaves, qu'ils doivent regarder comme
leurs enfans, tout ce qui eft necelîaireà
leur fubfiftance, fans les mettre par leur
dureté, danslaneccffité prochaine de pé- .
rir de mifere, ou d'offenfer Dieu en dérobant
pour vivre Scpours'entretenir.
Les habits des Negres ne confiitent
qu'en un calçon & une cafaque pour les
hommes: une cafaque & une jupe pour
les femmes. Ces cafaques ne vont qu'à
cinq ou fix pouces au-deiTous de la ceinture.
On n'y employe que de la grofle
toile de Bretagne appellée dû gros Vitré,
quia un peu plus d'une aulne de largeur,
qui coûte en France quinze ou dix huit
fols l'aulne, & que les Marchands vendent
communément trente fols aux Mes,
& quelquefois jufqu'à im écu.
Il y a des Maîtres raifonnables, qui Haiiir
donnent à chaque Negre deux habits par
an, c'eft-à-dire, deux cafaques,& deux
calçons aux hommes, & deux cafaques
& deux juppes aux femmes. Par ce moyen
il peuvent laver leurs hardes, & ne iê
paslaiiTer mangeràla vermine qui s'attache
aux Negres pendant qu'el e fuit les
Blancs depuis qu'ils ont pafle le Tropique.
D'autres Maîtres moins raifonnables
ne leurs donnent que deux calçons & une
cafaque, ou deux juppes 6c une cafaque.
D'autres qui le font encore moins, ne
leur donnent qu'une cafaque, fie un calçon
, ou une juppe.
E t d'autresqui we lefont point du tout,
ne leur donnent que de la toile pour
faire une cafaque & un calçon, ou une
juppe, avec quelques aiguillées de fil,
fans fe mettre en peine par qui ni comment
ils feront faire leurs hardes, ni oà
ils prendront pour en payer la façon. D'oii
i l arrive (qu'ils vendent, leur toile 6c leui
fil.
F R A N C O I S E S DE L^AMERIQ^UE. JJJ
on eft aiîèz près d t6<j6. fil, 6c vont prefque nuds pendant toute 'un Bo u r g , ou de l ade -
l'année.
Quatre aulnes de toile fuffifent aux
hommes, 6c cinq aux femmes, pour leur
donner à chacun deux habits. On donne
encore trois aulnes de toile aux femmes
nouvellement accouchées, tant pour couvrir
leurs enfans, que pour fe faire une
pagne, c'eft-à-dire,uneefpeced'écharpe
d'une demie aulne ou trois quartiers de
large, 6c d'une aulne 6c demie de long,
dont elles fe fervent pour lier leurs enfans
fur leur dos, quand ils font aiîez formez,
pour n'avoir plus befoin d'hêtre portez dans
unpannier, comme elles font, quandils
. font nouveaux nez.
Comme dans la fuppoiîtion que j'ai
faite de l i o Negres, il y a vingt-cinq
cnfiins qui n'ont pasbefoinde tant de toile
que les autres, 6c que ceux qui fervent
à la maifon font habillez d'une toile plus
belle, on peut tous les mettre fur le pied
de quatre aulnes par t ê t e , qui feront 480
aulnes ou tout au plus f o o aulnes, qui
ne coûteroient que feize à dix-huit fols
l'aulne, fi les Habitans la faifoient acheter
en France pour leur compte> mais
comme tout le monde n'a pas, ou ne veut
pasavoircenecommodité,6cqu'onaime
mieux acheter plus cher, quederifquer
fes effets fur mer, je la compterai à trente
fols l'aulne, qui fontfept cent cinquante
livres, à quoi fi on veut ajoûter cinquante
francs pour quelques chapeaux,
bonnets ou coëfes, que l'on diftribue à
ceux qui s'acquittent bien de leur devoir,
ce fera huit cent francs pour cet article.
Mais ce n'eftpas aifez d'avoir foin des
Negres quand i s font en état de travaill
e r , il faut que ce foin 6c cette attention
fe renouvellent, lorfqu'ils font malades.
L'intérêt 6c la confcience y engagent
également.
L a premiere choie à quoi il faut penfer
eft d'avoir un bon Chirurgien. Quand
meure d'un Chirurgien, pour qu'il puiiTc
venir commodement à telle heure qu'on
en a befoia, on doit fe difpenfer d'ea
avoir un dans la maifon. Car autant qu'on
le peut faire, il ne faut avoir des Domeftiques
blancs que le moins qu'il eit
poflîble, puifque outre la dcpenfe de bouche
qui eft confidei'ablc, 6c la fujettion
o ù l ' o n e f t d e les avoir à f a t a b l e, il arriv
e fouvent qu'ils lient des intrigues avec
les NegreiTes, qui caufent de grands defordres,
6c quelquefois la mort des uhs
6c des autres. Il vaut donc bien mieux
quand on le peut fe fervir d'un Chirurgien
de dehors, 6c l'obliger de venir à
l'Habitation foir 6c matin, foit qu'il y
ait des malades ou non, 6c toutes les autres
fois que le befoin le demande. Les
plus habi es n'ont jamais exigé que quatre
cent francs par an aux Ifles du Venr,
A Saint Domingue ils font fur un pied
bien plus haut. C'eft une erreur de s'en
rapporterà eux pour lesremedes; quand
même ils s'y engageroient, on ne doit
pas s'y fier. Il faut avoir un bon coifrede
remedes dans la maifon oîi le Chirurgien
en prennecequ'iljugeraàpropos pour le
befoin des malades, 6c toiijours en prefenceduMaître,
oudequelqueperfonne
de confiance, afin de lui ô ter l'occafion de
s'en fervir pour fes autres pratiques. Un
coft're fourni de tous les remedes neceflaires
peut coûter quatre cent francs, fie
durer plufieurs années > ilfautfèul-emenc
renouvel 1er chaque année ceux dont le
tems affoiblit la vertu ,ou que l'on a confommez.
Nos Chirurgiens pour la plupart
n'ont que du Theriaque 6c delà Gomme
g u t t e , avec quelque préparation d'antimoine
v cefont, à cequ'oadi t , de bons
remedes, mais qui ne font pas propres à
tous les m a u x , aufquels ils les employeur,,
fouvent pour n'en avoir pas d'autres, 6c
peut-être encore plus fouvent par ignoy
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