^ 4ü
. 3
•,1'i iilìn!
IhI» i ili
,11 "i
M
ìli
í
' l i a *
ZÎ N O U V E A U X VOYAGES AUX ISLES
Pointe à
la iiofe.
Ce qust'iti
ijue
Pagne,
fumes aux trois quarts du cul de fac R o -
bert , car nous fûmes furpris d'un coup
de vent d'Oueft iî violent, que fi nous
n'eqiTions trouvé la pointe à la R o f e pour
nous mettre à couvert, je ne fçai ce
qui feroit arrivé de nôtre canot, & de
ceux qui étoient dedans.
• Cette Pointe à la Rof e eft un cap qui
forme le côté oriental du cul de iac Robert.
Un Caraïbe qui y demeure en a
pris le nom, ou lui a donné le fíen ; je
ne fçai pas bien lequel des deux. Mais
ce que je fçai très-bien, c'eft que cette
pointe nous fut d'un grand fecours j
nous y échoiiâmesnôtre canot, & pendant
que les Negres le déchargeoient
pour le tirer plus haut , nous entrâmes
dans le carbet du Sieur la Rofe. A la
peur près, je ne fus pas trop fâché de cett
e avanture, qui me donnoit le moyen
de voir les Caraïbes dans leurs maifons s
aprèsjes avoir vus dans leurs pirogues.
Le Caraïbe la R o f e cft Chrét ien, auffi
bien que fa femme, & dix ou douze
enfims qu'il a eu d!elle, ôc de quelques
autres qu'il^ avoit avant d'être baptifé.
I l nous reçût fort civilement, il avoit
un caleçon de toile fur un habit d'écarlate
tout neuf de pied en cap, c'eil-àdire,
qu'il venoit d'être rocoiié, car il
n'étoitgueresplusde neuf heures quand
nous entrâmes chez lui." Sa femme a- "
voit une pagne autour des reins qui lui
defcendoit jufqu'à mi-jambes. Nous
vîmes deux de fes filles de quinze à feizeansj
qui n'avoient que les anciens habits
de la Nation quand nous parûmes,
c'cft-à-dire, le camifa, les brodequins
èc les bracelets j mais un moment après
elles fe firent voir avec des pagnes. Pagne
eft un morceau de toile dont les
femmes s'enveloppent le corps au déffaut
des aiflelles, qui fait ordinairement
deux tours, & dont les bouts quifecroil
e n t , fe replient en dedans pour le tenir
ferme, Se qui va pour l'ordinaire
juiqu au milieu des jambes. Il y a des
pagnes plus courtes, mais rarement de
plus longues. Cette efpece d'habillément
eft fort commode, fe met & s'óte
facilement} les hommes & les femmes
s'en fervent également dans toute
la côte de Guinée. La Rofe avoit quatre
grands garçons bien rocoiiez, avec
la bande de toile à la petite corde. Le
reile des enfans étoient petits, & vêtus
comme ils étoient venus au monde, à
l'exception de leur ceinture de raiTade.
Nous trouvâmes une groiTe compagnie
dans ce carbet j il y avoit près de trente
Caraïbes qui s'y étoient rendus à
l'occafion dont je parlerai tout à l'heure.
Les maifons des Caraïbes s'appellent
Carbets, je ne fçai point l'étimologiek
ae ce nom-la. Je n'ai jamais entendu
dire qu'il y en eût dans toute-la Marti-Îf
nique d'autre que celui de la Rofe. Ce
carbet avoit environ foixante pieds de
longueur, fur vingt-quatre à vingt-cinq
pieds de large i il étoit fait à peu près
comme une halle. Les petits poteaux avoient
neuf pieds hors de terre, & les
grands à proportion. Les chevrons touchoient
à terre des deux côtez, les lattes,
étoient de rofeaux, & la couverture
qui écoit de feuilles de Palmifte, defcendoit
auffi bas que les chevrons. Un
des bouts du carbet étoit entièrement
fermé avec des rofeaux, & couvert de
feuilles de Palmifte, à la refei-ve d'une
ouverture pour aller à la cuifine. L'autre
bout étoit prefque tout ouvert. A
dix pas de ce bâtiment il y en avoit un
autre de la grandeur à peu près de la
moitié du premier , qui étoit partagé en
deux par unepaliffiidede rofeaux. Nous
y entrâmes, la premiere chambre ferv
o i t d e cuifine} fept ou huit femmes
ou filles étoient occupées à faire de là
caf-
F R A N C O I S E S DE L'AMERIQ^UE. iî>
La feconde chambre fervoit fît la cuifine d'une fi étrange façon. Je
le dis au compere la Rofe qui me répondit
que c'étoit leur maniere ; & que
quand j'aurois goûté de ces poifibns, il
écoit aflliré que je les trouverois bons ,
8c que j'avoûerois que les Caraïbes
n'étoient pas fi mauvais cuifiniers que
' apparemment pour coucher toutes ces
Dames avec les enfans qui ne font pas
encore admis dans le grand Carbet}
il n'y avoit d'autres meubles que des
paniers & des hamacs auffi-bien que
Lns le grand Cavbet. La Rofe avoit
1694.
auprès du fien un coffre, un tufil, un je me l'imaginois. On me permettra
piltolet,un fabre &cun gargoufier. Ses bien ici de ne pas rapporter précifequaire
grands garçons étoient auffi ar- ment fes paroles, je crois que le fens
mez. Se avoient parfaitement bien fait fuffit, & il eft exadement tel que je
leur devoir quand les Anglois avoient
attaqué I'lfle. Quelques Caraïbes travailloient
à des paniers; c'eft-là oti j'obfervai
pour la premiere fois la maniéré
de les faire. Je vis auffi deux femmes
qui faiioient un hamac qui étoit fur un
métier comme jeal'ai décrit ci-devant.
Les arcs, les fléchés ,les boutons, étoient
en grand nombre, proprement attachez
aux chevrons. Le plancher étoit de terviens
de le dire.
Cependant l'heure de dîner s'approc
h o i t , ôc l'air de la mer nous avoit
donné de l'appétit. Je dis donc aux
Negres de Monfieur Joyeux d'apporter
une nappe, £c voyant au coin du Carbet
une belle natte étendue je crûs que
c'étoit l'endroit oii ces Meffieurs dévoient
prendre leur repas, & qu'en
attendant qu'il en euflènt befoin, nous
re battue, fort net 6c fort uni,excepté pourrions bien nous en fervir. J'y fis
fous les fablieres où il y avoit un peu jetter la nappe avec quelques fervietde
pente. Il y avoit un aflèz bon feu tes; on apporta du pain, du fel & un
vers le tiers de la longueur du Carbet, plat de viande froide. Monfieur de Maautour
duquel huit ou neuf Caraïbes reiiil 6c Monfieur Joyeux mepreiTerent
accroupis comme quand on fait fes neceflitez}
fumoient en attendant que
quelques poiffons qu'on appelle des
coffres fuflènt cuits. Ces Meffieurs nous
avoient fait leurs civilitez ordinaires
fans changer de pofture, en nousdifant:
£ofi jour comperê, toi tenir taffia. Ils
connoiffoient Monfieur Joyeux, 8c l'aimoient,
parce que quand ils alloient à
fa fucferie il leur faifoit donner du firop
pour faire leur ouycou, 8c ne manquoit
jamais de les flùre boire, ce qui
cil un moyen infaillible pour gagner
leur amitié.
prendre place, c'eft-à-dire de m'affeoir
fur la natte. Après les complimens
ordinaires je m'affis, ces Meffieurs en
firent autant; 8c nous commencions
déjà à manger quand nous prîmes garde
que ces Caraïbes nous regardoienc
de travers, 8c parioient à la Rofe avec
quelque forte d'altération. Nous lui en
demandâmes la raifon , il nous dit qu'il
y avoit un Caraïbe mort fous la natte
où nous étions affis, & que celafâchoit
beaucoup fes parens. Nous nous levâmes
fur le champ, 8c fîmes ôter tout
nôtre appareil. Le compere la Roi è fit
,Cmme Les poiffons dont je viens de parler, apporter une autre natte qu'on éteiadic
fe c^. étoient par le travers du feu encre le dans un autre endroit, nous nous y
Z"nt bois Sc ies charbons pèle mêle. Je les mîmes, & continuâmes notre repas à
fe|)»;y:pris d'abord pour quelques reftes de nôtre aife, 8c fîmes boire Monfieur de
h bûches, ne pouvant m'imaginer qu'on la Rof e 8c toute la compagnie, àfin de
D 3 rede
: •
t
"M
^ yI'
iiï;:
1 :
Si
ri:
i-p
I
«Si-,.