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 ii>(j6.  m'arrêterois  à  la  Guadeloupe  pour  faite  
 travailler  au  canal j  il  me  prioit  de  
 donner  mes  foins  afin  que la barque  fût  
 promtcment  chargée,  8c  qu'on  y  mît  
 de  bonne  poterie  &  le plus  qu'on  pourfoit. 
   Je  refolus  de  me  Îèrvir  de  cette  
 occaiion  pour  retourner  à  la  Martinique, 
   quoiqu'elle  ne  fut  pas  trop  fûre.  
 J e  le  dis  à Monfieur  Auger  qui  eut  peine  
 à  y  confentir,  &  qui  me  confeilloit  
 d'attendre  quelqu'un  de  nos  Corfaires  
 où  je  fevois  plus en  feureté}  mais  comme  
 je  n'avois  rien  à  perdre,  parce  que  
 je  làiilbis  mes  inftrumens  au  Gouverneur  
 qui  me  promettoit  de  me  les  envoyer  
 par  quelque  bonne  occaiion;  je  
 nie  mis  peu  en  peine  de  ce  qui  pouvoit  
 arriver;  le  pis  étoic  d'être  pris  par  les  
 Anglois,  dont  j'étois bien  fur  de  ne  pas  
 recevoir  de  mauvais  traicemens  ,  au  
 contraire,  j'aurois  eu  le  plaifir  de  voir  
 quelques-unes de leurs  Ifles,  &d'en  remarquer  
 les  défenfes  &  les  lieux  les  
 plus  propres à les aller  vifiter;  de  forte  
 que  je  me  fixai  à me fervir  de  cette  barque. 
   
 •  Je  pris  congé  du Gouverneur  qui  me  
 chargea  de  faire les  mémoires  de ce  que  
 nous  avions  remarqué  &  refolu  dans  
 nôtre  tournée.  11 me dit  qu'il  me  viendroit  
 prendre  le Samedi  fuivant  de  bon  
 matin  pour  aller  vifiter  le  quartier  des  
 habitans.  
 J e  travaillai  tout  le  Vendredi  à  ces  
 mémoires  ,  &  à  quelques  remarques  
 quej'avois faites en  m'en retournant  feul  
 par  le  même  chemin  du bord  delà mer.  
 Car  l'experience  m'avoit  appris  qu'on  
 ne  connoiilbit  jamais  parfaitement  un  
 terrein  en  le  voyant  une  fois,  &  d'un  
 fens,  &  que  le  confiderant  d'un  autre  
 point  de  vûë,  on  eft  fouvent  obligé  de  
 changer  ou  de  corriger  fes  premieres  
 idées.  r  
 J e dis au Pere Vidal Supérieur du  Cou- 
 A G E S  AUX  ISLES  
 vent,  que j'étois  refolu de me  iêiyir  de  
 la  barque  où  il  devoit  charger  la  poterie  
 pour  retourner  à la Martinique,  parée  
 que  je  ne  le  voyois  pas  en  état  de  
 faire  travailler  aUcanal.  Après  quelque  
 refiftance d'honnêteté  il confentità mon  
 départ.  
 Le  Samedi vingt-fixiéme Ma i ,  Monfieur  
 Auger  me  vint  prendre  de  grand  
 matin;  il  m'avoit  fait  amener  un  de fes  
 chevaux.  
 Toute l'Ance  qui eft devant  nôtre habitation  
 étoit  bien  retranchée,  il y  avoit  
 un  parapet  defept  pieds  de  haut  Se  
 fix  de  large,  compoféd'un  double  rang  
 de  paliiîades  de  tendre  à  caillou,  remplis  
 de  terre &  de fafcines avec  une banquette. 
   Ce  parapet  avoit  des angles Lilians  
 de diftance en diftance ;  il éioit  couvert  
 de douze ou quinze  rangs de  raquettes  
 qui  fiiifoient  une  largeur  de  cinq  
 à  fix  toifes;  le  tout  bien  entier  &  bien  
 entretenu  depuis  l'embouchure  de  nôtre  
 riviere,  c'eft-à-dire,  de  la  riviere  de  
 Saint  Louis  jufqu'auprès  du  Bourg  du  
 Baillif;  où  toutes  les  paliiîades  avoient  
 été  emportées,  ou  parle  débordement  
 de  la  riviere  dont  j'ai  parlé  ci-devant,  
 ou  par  lesNegres  qui  les  avoient  dérobées  
 pour  les brûler.  Monfieur le Gouverneur  
 donna  ordre  aux  Officiers  de  
 Milice  qui  étoient  prefens  de  faire  réparer  
 ces breches avec des murs  de pierres  
 feches,  en  attendant  qu'on  pût  avoir  
 des  paliiTades  de  tendre  à  caillou,  
 pour  les  remettre  comme  elles  étoient  
 auparavant.  
 Nous vifit âmes le Château  d e k  Magdelaine, 
   la batterie qui eft à côté  ^  l'Ance  
 du  gros  François,  &  l'embouchure  
 de  la riviere  du  Plcffis que  nous  remontâmes  
 furia  droite  jufqu'à près  de  deux  
 mille cinq  cens  pas.  Là  elle  coule  dans  
 un  fond  fort  uni ,  aU  milieu  d'une  favanne  
 qui  eft  dans  l'habitation  du  Sieur  
 Rah  
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 F R A N C O I S E S  D  
 Radelin.  Elle eft fort  aifée à  paiTer dans  
 ce  lieu-là,  aqifi  ce  fut  par  cet  endroit  
 qu'une partie  des Anglois pafi'aen  i<ipi.  
 lorfquenosgenseurent  abandonné  leurs  
 poftes  ,  par  l'infigne  méchanceté  de  
 quelques  mal-intentionnez  ,  comme  je  
 l'ai di,t  ci-devant  II  eft certain  que  cet  
 endroit  eft difficile à garder,  cependant  
 comme  il  eft  commandé  par  deux  petites  
 buttesd ont  la  montée  eft  aflez  roide; 
   il  fut refolu  deles  fortifier en  creufant  
 un  boyau  fur leur  hauteur,  par  le  
 moyen  duquel  on  arrêteroit  les  ennemis, 
   qui  auroient  plus  de  quatre  ceris  
 pas  à  faire  à  découvert  dans  la  favanne  
 avant  de  pouvoir  arriver  au  pied  de  la  
 premiere  butte,  où  étant  arrivez,  ils  
 ieroient  battus  en  flanc  par  l'autre;  ou  
 s'ils  fq mettaient  çn  devoir  de palTerentre  
 les  deux,  ils  auroient. à  eiTuyer  les  
 deux  feux,  &  trouveroient  en  face  une  
 ravine  aflèz profonde,  au  de-là  de  laquelle  
 il  y  a  des  bois  &  des  brouflailles  
 épaifles,  &  un  morne  fort  roide  où  il  
 feroit  encore  très-facile  de  les  arrêter.  
 Nous  paflumes la  riviere du Pleffis err  
 cet  endroit,  &  la  cottoyâmes  en  defcendantpar  
 fa gauche,  jufqu'au  Grandiaflage; 
   obfervant  &  remarquant  tous  
 es avantages  que  les  ennemis  ou  nous  
 pouvions  tirer  des  maifons,  des  arbres  
 &  des  murs  de  pierres  feches,  qui font  
 en  grand  nombre  dans  cet  endroit-là,  
 afin  de  faire  abbattre  ou  de  conferver  
 ce qu'on jugerait  à propos  felon  le  be- 
 [oin.  Nous  continuâmes  nôtre  chemin  
 jufqu'au  bord  de  la  mer  que  nous  côtoyâmes  
 fur  le  bord  de  la  falaife jufqu'à  
 l'Ance  Vadelorge,  dont  nous  fîmes  le  
 tour.  Il  fqt  refolu  de  faire deux  parapets  
 de  paliflàdes  &  de  fafcines,  &  de  
 iaire  planter  fept  ou  huit  rangs  de  raquettes  
 dans tout fon contour ,  avec  des  
 crocs  de  chien  fur  le  devant  pour  donner  
 de l'occupation aux  ennemis qui vou- 
 E  L'AMERIQ^UE.  t6 j  
 droient  pénétrer  parla,  6cav6îrletems  
 de  les  tirer  comme  au  blanc  quand  ils  
 feroient une fois  embarailez dans ces épines. 
   J'expliquerai  dans  une  autre  occafion  
 ce  que c'eft  que  les  raquettes  6c lesçrocs  
 de  chien.  
 De  l'Ance  Vadelorge  jufqu'à  la  defcente  
 de  la  plaine  des  habitans,  la  fa"  
 laife eft  efcarpée.  Elle  eft  de différentes  
 hauteurs,  depuis  quatre  jufqu'à  fept  à  
 huit  toiles  de  hauteur,  de  forte  que  
 toute  cette  côte  fe  défend  aflez  d'ellemême. 
   Il  y  avoit  feulement  quelques  
 petits  fentiers  que  les  habitans  avoient  
 faits pour  leur  commodité  pour  aller  à  
 la  mer;  Monfieur  Auger  leur  ordonna  
 de  les  rompre  inceflamment,  leur  remontrant  
 qu'ils  ne  dévoient  pas  préférer  
 une  petite  commodité  aux  rifques  
 où  ils fe mettoient d'être enlevez  la nuit  
 avec  leurs  Negrespar  ksennemis,  qui  
 remarquant  le jour  ces  fentiers  en  rangeant  
 la côt e ,  5c les voyant  éloignez  des  
 corps de garde,  ne manqueroient pas d'y  
 venir  pendant  la nui t ,  d'y  defcendreSc  
 de  les  piller.  
 Nous  cotoyâmes enfuite toute la hauteur  
 du  morne,  au  pied  duquel  eft  la  
 plaine  des  habitans.  Toute  la  crête  de  
 cette  côte  feroit  très-propre  à  être  retranchée  
 8c feroit  un  pofte  avantageux,  
 qu'il  feroit  difficile  de  forcer;  mais  il  
 nous  parut  d'une  trop  grande  étendue,  
 puifque  du  bord  de  la  mer  jufqu'à  unendroit  
 où  la  côte  devient  prefque  tou*  
 te  droite  Se  efearpée  comme  une  falaif 
 e ,  il  y  a près  de  quinze  cens  pas,  ce  
 qui  feroit  un  trop  grand  travail,  &  qui  
 demanderoit  trop  de monde  pour  le  faire  
 &  pour  le  garder.  Une  autre  raifoîi  
 encore  qui  nous  empêcha  d'y  penfer  ,  
 fur que  tout  ce  terrein  eft  leger  &  de  
 peu  de  confiftence,  de  forte  qu'il  auroit  
 été  impoffible  de  creufer  un  boyau  
 qu'il  n'eut  été  rempli  avant  d'être  per-- 
 fcitionné".  
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