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N O U V E A U X VOYAGES AUX ISLES
1693.
Tempête
qui fi -
taré la
ptte.
ro
fi cpaiile qu'ils ne pouvoient découvrir le
Vaifleau, ils le trouvèrent enfinàlafaveur
des coups de canon, que nous tirions
de nnoment à autre. Prefqu'auffi tôt qu'ils
furent embarquez il s'éleva un vent teiTible
qui dura toute la nuit, & prefque tout
le lenden:iain avec la même bruine, les
Vaiffeaux furent obligez de mettre des fanaux,
& de tirer du eanon de peur de s'approcher
les uns des autres, & de s'aborder.
L e Samedi 12,. le beau teras étant revenu
, nôtre flotte difperfée fe réiinit à k
réferve de nôtre Amiral, qui nefe trouva
plus.. Nous crûmes qu'il étoit allé à Madere
dont nous n'étions pas fort éloignez,
les vents de fud-Oiieft nous y aïant portez
; mais comme nous avions ordre de ne
point nous écarter de nôtre route nous la
?ourfuivîmes, & nôtre Capitaine devint
'Amiral de toute la flotte.
L e Dimanche au point du iournousfdé-
Gouvrîmes deux Bâtimens. L'un étoit aa
vent de toute la flotte, & l'autre un peu
fous le vent : on n'eût pas de peine à connoître
qu'ils étoient Salcinsj ils pouvoient
avoir dix-huit ou vingt canons. On fit
le fignal à un Vaifleau marchand qui avoit
vingt-huit pieces de chaflïr celui qui étoit
fous le vent , pendant que nous chaflîons
l'autre; mais comme il étoit plus leger
que nous Se qu'il avoit l'avantage du
vent, il fe conferva toûjours & nous obligea
ainfi de remettre à la route , après
avoir rappelle le Vaifleau marchand qui
n'avoit pû s'approcher de celui qu'ilchaffoit.
Nous les- vîmes enfemble tout le
lendemain au vent , ils parurent encore 1-e
i f . nous les perdîmes de vûë fur le midi.
Le même jour les trois Vaifleaux de
Guinée, & la Flutte qui alloit à Cayenne
nous quittèrent. Le vent qui devint bon
nout fît porter à nôtre veritable route,
ce qui mitlajoye dans toute la flotte-
L e beau tems dont nous joiiiflîons, &
les bons traitemens que je recevois de
M. de la Heronniere 3. me remirent promr
ptement en une fanté parfaite ; il ne me 1593;
reiloit plus d'une ii grande maladie que
la foiblefle. Nôtre équipage 8c les paflagers
étoient très-contens du Capitaine.
Il aimoit la paix Sclajoye, Scilavoit un.
foin tout particulier que les fains & les
malades fuflent bien traitez. Nous étions'
douze à fa table parfaitement bien fervie,
& avec beaucoup de propreté. Dès le
premier jourilnous marqua nos places, 6c
nous pria de ne les point changer, afire
que les domeftiques nous rendiflènt toûjours
les mêmes ferviettes que l'on changeoit
deux fois la femainc. Il avertit tous'
ceux qui mangeoient à fa table, d'avoir
pour les quatre Eccléfiàftiques qui étoient
dans la Vaifleau, tout le refpeft & toute
la-déference poflïble. 11 recommanda trèsfort
la même chofe à l'équipage. Le P.
Holley & moi étions affis à l'arriéré dit
Vaifleau entre le Capitaine & leLieutenant.
L'Aumônier & mon compagnon
vis-à-vis de nous étoient entre l'Ecrivairr
& le Chirurgien Major, quatre paflagers
rempliflbient les deux bouts de latabley
c'étoient MeflîeursRoi Capitaine de Milice
de la Martinique yKercoue Capitaine
deFlibufl;ier3, Ravari ^ Gagni Lieutenansdans
les Compagnies Franches de la
Marine.
L'on iâifoitla priere aiTez matin, après Ripas
laquelle les jours ordinaires, l'Aumônier^^
ou mon compagnon difoit la Mefle. Les
Dimanches & les Fêtes nous la difions
tous quatre quand le temps le permettoit..
Auflî-tôt que laMefl'e étoit finie, on fe
mettoit à table pour déjeuner. On fervoit
ordinairement un jambonou un pâtéavec
un ragouit, ou une fricaflee , du
beure Scdu fromage,. Scfurtoutdetrèsbon'vin,
6c du pain ftais matin & foi r.
L'on dînoit après que les Pilotes avoienc
pris hauteur, c'efl:-à-dire , après qu'ib
avoient obfervé la hauteur du foleil à
midi, ce qui fait connoître la hauteur du
poledalieuoàron eil arrivé. Le dîner
F R A N C O I S E S DE L'AMERia.UE- 11
iÊpj. étoit compofé d'un grand potage avec le ouvrîmes nos caves, & en jettâmcs les
bouilli qui é.toit toûjours d'une volaille,
une poitrine de boeuf d'Iriande, du petit
Cilé, Scdu mouton ou du veau frais, accompagné
d'une fricaflee de poulets, ou
autre chofe. On levait ces trois plats, 6c
on mettoit à leur place un plat de rôti,
deux ragouts 8c deux faladesj pour le
deflert nous avions du fromage, quelques
compotes, des fruits crus, des marrons Se
des confitures. On fera peut-être furpris
que je marque tous les jours des falades,
mais on ceiTera de l'être quand on fçaura
que nous avions bonne proviflon debeteraves,
de pourpier, de creflbn, 8c de cornichons
confits, Se deux grandes caifles
remplies de chicorée fauvage en terre,
qui étoient gardées jour ,8c nuit par un
fentinelle, de peur que les rats & les matelots
n'y fiflent du dommage. Quand
nous eûmes mangé une de nos caifles,
nous yfemâmes des graines de laitues 8c
de raves que nous eûmes le plaiflr de voir
croître 8c de manger avant d'arriver à la
Martinique. Ce fut ainfi que nous eûmes
toûjours de la falade, rafraichiifement
qui n'efl; pas indiffèrent dans les voyages
de long cours.
Lefouper étoit à peu près comme le
dîner: une grande foupe avec une poule
deflus, deux plats de roti, deux ragoufl:s,
deux falades 8c le deflert; & comme nous
étions bien pourvûs de liqueurs on ne les
épargnoit pas. Nôtre Capitaine en avoit
deux caiflèz de 24 flacons chacune. Il
s'apperçût un jour que fon Maître d'Hôtel
en fermoit une dont on s'étoitfervi,
8c en emportoit la clef, il l'appella, 8c
aïant fait ouvrir fes deux caves, il enjetta
les clefs à la mer, en difant qu'il vouloit
que fes liqueurs fiifl^ent à la difcretion de
tous ceux qui mangeoient à fa table, 8c
que la précaution de les enfermer étoit
inutile, puifque perfonne qu'eux n'entroit
dans la chambre. Un fi bel exemple
fut aufli-tôt fuivide tout le monde, nous
1693.
etojt
clefs à la mer: il n'y eut que l'Ecrivain
qui s'en exempta fous de mauvais prétextés
; mais outre que fon oeconomie l'expofa
à une raillerie, qui recommençoit à
tous les repas, nos jeunes gens trouvèrent
moyen d'ouvrir fa cave, 8c de remplir fes
flacons d'eau de mer,après en avoir dillribué
les liqueurs à l'équipage. J'avois
acheté un Jeu d'échecs à la Rochelle.
Monfieur Roi qui y joiioit un peu, me
pria d'achever de le lui apprendre, les autres
voulurent auflî yjoiier ; de forte que
pour contenter tout le monde, le Charpentier
fut obligé d'en faire comme il put
deux auti'es j e u x , Scmoi d'en tenir école
dans les heures de nos récréations après
le repas. Lesjeux de cartes étoient bannis
de nôtre petite république. Le Chef ne
les aimoit pas, 8c vouloit éviter les difputes
qui arrivent ordinairement, 8c qui
auroient pu troubler la paix dont nous
joiiiffions.
Mais le jeu d'échecs ne fut pas la feule
école queje fus obligé de tenir. Monfieur
de la Heronniere m'ayant trouvé un jour
à la Sainte Barbe, oîi je donnois quelque
leçon de Geometrie aux Pilotes,
me pria de lui en enfeigner les principes :
jele fis avec plaifir le refliedu voyage, 8c
je le mis en état d'étudier fans maître
quand nous nous quittâmes. Meilleurs
Roi Se de Kercoue étudioient auflî de
maniéré que la journée étoit toujours
trop courte pour les différentes occupations
qui la partageoient. Car quoique
je me evafle au point du jour, l'heure du
dîner étoit arrivée avant queje m'en fufle
apperçû: laPriere, le Bréviaire, k Mefle,
le déjeuner, un peu de promenade fur le
gaillard, la lefture, la leçon de Géométrie
m'occupoient iucceflîvement ce
temps-là. On joiioit une heure 8c quelquefois
davantage après dîner, je faifois
enfuiteleCatéciiifme aux Moufles 8c aux
Matelots. L'Aumônier aïant bien voulu
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