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8 NOUVEAUX VOY
Ï693. rir, le firent avec toute la charité & toute
k tendreiTe pollîble. Mon mal diminua
conilderablement le 26 de forte que le
Samedi iS. le P. Daftez m'étant venu dire
qu'on devoir fans fiiure s'embarquer le
f o i r , & que ne me voyant pas en état de
faire le voyage, il alloit faire débarquer
monlitSc mon cofFrej jelepriai den'en
3-ien faire, l'aflurant que je me trouvois
allez fort pour lui tenir compagnie, ôc
que j'efperois que l'air de la mer me
guériroit. En effet malgré tout ce qu'on
put me dire, je me levai & me fis porter
abord de la chaloupe fur les quatre heures
après iVlidi. J'y trouvai leR. P. Charles
Holleyjefuite qui paflbit auffi aux iVliffions
des Ifles. Nous commençâmes dèslors
à lier enfemble une amitié auffi étroite
qiie le vulgaire s'imagine qu'elle eft ex-
A G E S AUX rSLES
traordinaire entre un Jefuite & un J-acobin.
L e friflbn me prit dans la chaloupe :
ce R . Pere me couvrit de fon manteau, £c
le Lieutenant du fíen j il me dura peu}
nous arrivâmes au vaiifeau fur les fept
heures du foir. M. de la Heronniere me
voyant fort rouge , parce quej'étois alors
dans le chaud de la fièvre, crut queje me
portois bien & m'en félicita. Je n'eus garde
de lui dire qu'il fe trompoit, & j'avois
eu foin de prier le Lieutenant & les autres,
de ne pas dire que j'avois eu le frif-^
fon en venant; tantj'avois peur qu'on ne
me renvoyât à terre attendre ma finté ÔC
un autre embarquement. Nous foupâmcs
bien, jebûsduvin Scdesliqueurs, après
quoi je me fus coucher à la Sainte-Barbe ,
où on m'avoit préparé mon lit fort commodément
entre deux canons.
Ous mîmes à la voile quelque
tems après que je me fus rer
tiré à la Sainte-Barbe, oii je
dormis fi bien malgré tout
le bruit qui fe fait en ces fortes d'occar
fions, que je ne me réveillai que le lendemain
fur les neuf heures. J'appris que
nous avions paiTé le pertuis d'Antioche,
& qu'on neyoyoit plus la terre. Je dînai
avec appétit, mais deux heures après la
fièvre me reprit avec des redoublemensfi
furieux, & qui fe fuivoient de fi prés ,
que les Chirurgiens jugerent que pour
peu que cela continuât, il me faudroit
jetter à la mer. M. de la Heronniere en
ayant été averti, defcenditauiïï-tôt pour
me voir; Il fit mettre des toiles autour de
mon lit 5 il ordonna à fes Chirurgiens
d'avoir un très-grand foin de moi, & à
fon Maître-d'hôtel de me faire apporter
ponduelleraçjit touc ce (jue les Chirur-
F R A N C O I S E S D E L'A M E R I Q^U E. y
v/Too la Heronniere, fon Lieutenant s'appel- J'etois prefent, & on remarqua que cc 169}
1„.V A/r«/r„_ . «'oxri^ric ¡- „ i A T_
C H A P I T R E II.
Depart de U Rochelle. Mort d'undes Miffionnaires. Lajlote efi feparee par me
tempête. Baptême du Tropique. Un vaijfeau perd fon gotivernail.
giens ordonneroienr. Il me donna un
moufle pour mefervir, & demeurer jour
& nuit auprès de moi , & pendant tout le
tems que j'ai été obligé de garder le lit,
ilvenoit quatre ou cinq fois le jour me vifiter,
& paflbit quelquefois les après-midi
entiers avec moi. Je n'oublierai jamais
les bontez de ce généreux Capitaine j
après Dieu ie fuis redevable de a vie 8c
delafintéà fesfoins,qui furent fi heureux
que la fièvre me quitta le 6 jour de Décembre,
Nôtre Flote étoit compofèe de trentefept
vaifltaux, & une Corvette. Levaiffeau
du Roi , l'Opiniâtre de 44 canons,
6c de zoo hommes d'équipage avec une
trentaine de palfagers, étoit nôtre Amiral,
& nous fervoit de convoi. Il étoit
commandé, comme je l'ai déjà dit, par
M. de Sainte Marie. La Flute la-Loire
où j'étois, étoit commandée par M. de
la
loit Maflbn : nous n'avions que vingt canons,
quoiqu'elle fut percée pour quarante,
mais ils étoient de bou calibre,
puifque les quatre.de la Sainte-Barbe
étoient de dix-huit livres j il y en avoit
iîx autres de douze livres, & le reftede
ihuit livres. Nous avions quatre-vingt
hommes d'équipage, trente foldats de
recrue pour les Ifles, & vingt-cinq paflagers,
entre
tres} fçavoir
P. Dafl;ez & moi, & l'Aumônier du Vaiffeau
qui étoit un bon Prêtre Breton. La
Flûte appellée la Souris, autrement la
Tranquille, étoit commandée par M.
Chevalier > elle avoit environ quatrevingt
hommes tant de fon équipage que
prélude, m'avoit choqué. Après que le
Sermon fut fini, on me demanda mon
fentiment, quejene me fis pas beaucoup
prier d edi r e , puifque c'eil; le fentiment
commun de l'Ecole deS. Thomas. Jedis
donc au P. Holley qu'il auroit été très à
propos qu'il eût prouvé ce qu'il avoit
fuppofé être crû de tout le monde, 6c
6c qu'elle s'efl: contentée d'impofer filence
à ceux qui difputoient fur cela, &fc
traitoient réciproquement d'heretiques.
J'allois m'étendre fur la matiere malgré
ma foiblefle, quand on vint avertir M.
, , ^ ^ de la Heronniere que nôtre Amiral faifoit
depaifagers, avec dix canons. LesPeres un fignal. Cela fépara lacompaenie, ôc
Seré, Martelly & du Mai y étoient embarquez
avec M. Guillaume à qui le Capitaine
avoit accordé le paflage gratis.
Ces deux Flutes étoient au Roi j elles
étoient chargées démunirions de guerre
6cde bouche pour lesMagazins des Ifles,
avec une quantité confiderable d'armes
êcd'habits pour les foldats. Ily avoit encore
une autre Flute du R o i defl;inée pour
Cayenne. Deux Vaifleaux marchands devoient
pafler le détroit, trois autres alloient
en Guinée, ôc lerefl;e à la Martinique
8c à la Guadeloupe.
. 6 de Décembre , nos Pilotes jugerent
que nous étions à 6o lieues au large.
fit remettre la difpute à une autre fois.
L e fignal étoit pour ordonner à la Cor-,
vette d'aller-reconnoître une voile qui paroiflbit.
Elle étoit très-bonne voiliere,
mais le Vaifleau qui étoit à près de quatre
lieues au vent le retint toûjours iàns
s'approcher de la flotte en chaflant la Corvette
comiiie on l'efperoitj cequi fit que
l'Amiral tira un coup de canon pour la
rappellcr, ôc remit en route.
L e 10. nous approchâmes de la T ran- Mort
quille à la portée de la voix, nousfçûmes
que le P. Seré étoit mort le jour préce- ^'JP""-
dent, 6c que les trois coups de canon
qu'on avoit tirez étoient pour fes funepar
le travers des Caps. La mer étoit fort railles. Nos Peres s'informerent de l'état
^es deux Vaiflèaux qui devoient demafimté. NosOfllciers qui m'avoient
paiier le détroit nous quittèrent, après empêché de me fiiire voir, leur dirent
jour de la Conception delà famte ' ' ' - ' •
Vierge, le P. Holley prêchai il dit d'abord
qu'il ne vouloir point perdre le tems
a prouver que la Conception de la Vierge
avoit été immaculée, étant perfuadé
qu'il n'y avoit perfonne qui n'en fût con-
cette réponfe équivoque leur firent croire
quej'étois mor t ; ilya apparence qu'ils
prièrent Dieu pour le repos de mon ame.
L e mêmejournôtre Capitaine fit mettre
Je canot à la mer, 6c fut dîner à bord
de l'Opiniâtre avec deux de nos paflagers.
En revenant fur le foir, ils penferent fe
/ faite fur ce myftere. perdrej il furvmt tout à coup une bruine