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148 NOUVEAUX VOY
fépare la tige des patcs en la coupant ou
Com- ^^ l'ompant, & on les étend fur des
ff>e»to!t '^^^yes que l'onexpofe à l'air & au vent,
le fait mais jamais au foleil, 6c encore moins
fec/jtr. au four, comme le dit le Sieur l'Emery
dans fon Traité des Alimens, & le Sieur
Pomet dans fon Hiftoire générale des
Drogues, premiere Partie pag. 6. Ces
deux Auteurs d'ailleurs ii recommandables
par leur exaftitude & par leur travail
, ont eu fur cet article là & fur quelques
autres de mauvais mémoires; ils
font il honnêtes gens, que j'efpere qu'ils
ne trouveront pas mauvais queje les en
avertiflc quand l'occafion s'en prefentera,
efperant d'eux la même faveur. La .
raifon pourquoi on ne s'eft jamais avifé
de faire fecher le Gingembre au four
ou au fokil eft, parce que la fubllance
de ce fruit étant délicate, elle feroit
bien-tôt entièrement confumée, de maniere
qu'il ne refteroit prefque plusque
la peau avec très-peu de chair, fi feche
& íi aride, qu'elle ne feroit plus en état
de iêrvir.
Le Gingembre ainfi feché, après avoir
été cueilli dansfa parfaite maturité
, fe conferve tant que l'on veut. Il
eft cependant vrai que le tems diminue
toujours fa bonté & fa fubftance, &
qu'autant qu'on le peut il faut ufer du
plus récent, ce qui eft aiféà connoître;
car plus il vieillit & plus fon poids diminue.
Il faut qu'il foit bien long-tems
dans l'eau douce ou falée avant de s'y
corrompre, mais il fe gâte facilement
s'il a été cueilli trop tôt, ou qu'il ait
été enfutaill« ou ferré dans le magasin
avant d'être parfaitement fee. C'eft
pourtant ce que l'avarice & la mauvaife
foi font faire quelquefois aux habitans,
& ce que l'ignorance des Marchands
ou de leurs commis ne connoir
pas.
Le fret de cette marchandife ne doit
A G E S AUX ISLES
jamais être fort cher, parce qu'elle fe
met en grenier, e'eft-à-dire, qu'on en '
remplit des foutes, ou qu'on s'en ferc
à remplir les vuidés des banques & autres
marchandifes qui font dans un vaiffeau,
fur quoi les Propriétaires ou les
Capitaines des bàtimens trouvent toûjours
leur compte, parce que la rendant
felon le poids, il eft fur que l'humidité
qu'elle a contradée pendant le voyage,
l'augmente toujours confiderablement, m»,
comme il arrive aux vaiiTeaux Hollan- " t f j
dois chargez de cloud de gérofle, quoi-{''"/«f
que les matelots ou autres en vendent
OU en dérobent une aflèz bon-ne quan- cy/srii
tité; ils remedient au poids & au volume
qui manqueroit, en arrofant d'eau
de mer ce qui refte, parce que cette
marchandifeétant fort feche, elle s'imbibe
aifément de l'eau qu'on lui donne,
& augmente ainil fon poids & fon volume.
Depuis la paix de Rifvick eni^tß^"''»
jufqu'à la guerre de 1701. leGingem-j*
bre a valu à la Guadeloupe depuis dix
jufqu'à quatorze livreslecent. C'eftua
3rix confiderable iî on regarde la faciité
qu'il y a à faire cette marchandife,
qui eft d'un très-bon debit & d'un
grand ufage , fur tout dans les païs
froids où íes qualitez chaudes & feches
la font beaucoup eftimer , & où par
conféquent il s'en fait une grande confommation.
Les Epiciers mêlent le gin>
gembre avec le poivre, un peu de gé*
rofle & de canelle, & après les avoir
pilez & paffezau tamis, ils vendent ce
compofé fous le nom d'épicerie douce,
& le vendent même aflèz cher, quoi
qu'il foit certain que le Gingembre qui
eft à fort bon marché, en faile les trois
. quarts & plus.
Quoique le climat des Ifles foit fort
chaud, on ne laifle pas d'y confommer
une t^uantité conlîderable de Gingem--
bre
Pfli,
•menili
» lìfri,
F R A N C O I S E S DE
bre. On dit que c'eft pour refifter à la
trop grande humidité du pays. On le
mange crud quand il eft verd, 8c il n'eft
pas mauvais, ou bien on le fait confire
8c il eft bien meilleur.
Lorfqu'on le veut confire d'une maniéré
à pouvoir être préfenté à d'honnêtes
gens, on le cueille long-tems avant
qu'il foit meur , & lorlqu'il eft
cncore*fi tendre, que fes fibres ne fe
diftinguent prefque pas du refte delà
chair, ni par leur dureté ni par leur
couleur qui eft toûjours plus forte que
celle du refte, on le gratte avec foin
pour enlever toute la-peau, & on le
coupe par tranches, fans approcher le
moins qu'il eft paiïïble des groifes nervures,
ce qu'on fent aifément au couper.
On le fait tremper trois ou quatre
jours dans l'eau de mer , que l'on
change deux fois par jour, 8c enfuite
L ' A M R R I Q ^ U E . 149
i6'j6. pays.
11 eft conftant que le Gingembre
confit de cette maniéré perd fon goût
acre & mordicant, & ne laiife pas de
conferver fà chaleur & fes autres bonnes
^jualitez.
Si on en mange le matin , il acheve Pj-^Pyjde
faire la digeftion des alimens qu'on a
pris le foir, qui ne font pas encore bien ¿rc condigerez.
Il confomme les flegmes qui fit.
font dans l'eftomac y il nettoye les conduits
j il.excite l'appétit) il provoque
l'urine ôc rend l'haleine douce & de bonne
odeur.
Si on le mange après le répas, il aide
à la digeftion & chalTe les ventsj mais
comme il faut ufer de toutes les chofes
quelque bonnes qu'elles foient avec modération
, il faut ufer de celle-ci avec
beaueoup de difcretion 8c de fageife,
parce qu'elle eft extrêmement chaude ,
pendant fept ou huit jours dans l'eau 8cque q u e l q u e foi n q u ' o n prenne, on ne
douce que l'on change auiiî deux fois peut lui ôter que fon âcreté , fans rien
en vingt-quatre heures. Après cela
on le fait bouillir à grande eau peiidant
une bonne heure, & on le remet dans
l'eau fraîche pendant un jour. Après
qu'il en eft tiré 8c égoût.é, on. le met
dans un firop foible, mais bien clarifié
èc tout chaud, fans cependant l'y faire
bouillir, où on le laiife pendant vingtquatre
heures. On l'en retire au bout
diminuer de fa chaleur.
On connoît qu'il eft bien fai t , 8c tel
que je viens de dire , quand on le voit
d'une couleur d'ambre, fort clair 8c prefque
tranfparant, qu'il eft tendre fous la
dent fans être mol,. 8c que fon firop eft
bien clair.
Celui que les Confituriers font pour
vendre, ou le menu peuple pour fon
de ce tems-làj on le laiife égoûter , 8c ufage, eft brun i le firop noirâtre 8c le
on le met dans un autre firop plus fort
que le premier > ce qu'on fait trois jours
de fuite. On jette tous ces firops comme
inutiles, parce qu'ils ont contrafté
tout le refte de l'àcreté 8c du goût trop
piquant du fruit : enfin on le met dans
un firop de confiftance bien clarifié,
oil on le lailTe fi on veut le conferver
liquide, 8c d'où on le tire quand on
veut le mettre à fee, comme je l'ai expliqué
dans un autre endroit, en pariant
des citrons 8c autres fruits du
fruit fi for t , fi âpre & fi mordicant, qu'il
eft prefque impoifible de le tenir fur la
langue , à moins d'y être accoutumé
comme ces foi'tes de gens, qui mangent
le piment comnae on mange une poire
ou une pomme.
Les gens qui voyagent fur mer ne. u Ginmanquent
jamais de s'en pourvoir , 8c sembre
plus les voyages font longs,, plus il eft ^^fi^l
neceifaire d'en faire provifion , parce
qu'on eft plus expofé aux maux qui pro- U fctrviennentdes
mauvais alimens 5c des eaux ..
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