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 f 4  NOUVEAUJt  VOY  
 Nous  trouvâmes  le Pere  Breton  au  
 logis quand nousy retournâmes ,  il était  
 venu avec unMardîand  du Fort S. Pierre  
 nommé  Ricordi  avec  lequel  nous  
 foupâmes.  
 Le  Pere  Breton  nous  vouloir  mener  
 le_ lendemain  chez  lui,  mais mon  hôte  
 lui  reprefenta  que j'avois  encore  befoin  
 d'un jour de  repos  pour  guérir  mes. jambes  
 égratignées,  &  lui promit  que nous  
 irions le Mercredi  pafTer la journée  avec  
 l u i ,  8c que  nous y  porterions  toute  la  
 chaiîe  que  fa-oient  les  deux  Negres  
 qu'on  avoit  envoyez  dans  le  bois)  il  y  
 confentit  avec  peine. Nous allâmes  dire  
 la  Meilé  à  une  petite Chapelle  qui  eft  
 de  l'autre  côté  de  la  grande  riviere  qui  
 A G E S  AÜX  I&LES  
 iepare  la ParoiiFe du  Macoiiba,  de celfe  
 du  Prêcheur.  Cette  Chapclk  e#  de  la  
 depcndmce  rpirituelle  des  JefuMes,  
 on  l'a  fait  bâtir  pour  la  commodité  
 de  deux  habitations  qui  font  de  ce  
 ^ t e - l à ,  qui  appartiennent  aux  fleurs  
 Ourfault  & Marchand.  Le  Pere Jefuicc  
 Cure du Prêcheur,  y  vient direla Mefle  
 deux  ou  trois  fois  l'année.  Je  paiTai  
 une  partie  de  l'après-diner  à  faire accommoder  
 le  terrein,  &  à  tracer  le  
 jardin;  pendant  que  je  m'occupois  i  
 cet ouvrage,  on vint  me  chercher  pour  
 confeiTerunNegredeMonfieur  Roy,  à  
 la  grande  riviere,  qui  venoit  d'être  
 mordu  d'un  ferpent.  Monfieur  Michel  
 eut  l'honnêteté  de m'y  accompagner.  
 C H A P I T R E  VII.  
 VJuienr  va  canfejfer  m  Negre  mordu  par  m  firfmt.  
 ^L  faut  que  j'avoue  quejl'état  
 '  ou  je  trouvai  ce Negre  me  
 fit  compaffion,  il  avoit  été  
 _ _  mordu  trois  doigts  au  deP  
 fus de la cheville du pied,  par un ferpent  
 long  de  fept pieds,  &  gros  à peu  près  
 comme  la  jambe  d'un  homme  ;  on  
 l'avoit  tué,  6c  on  me  le  fit  voir.  On  
 cfperoit que  le  ferpent  étant  mort,  le  
 venin  agiroit  avec  moins  de  force  fur  
 celui qui  avoit  été  mordu.  J'en  demandai  
 la  raifon  qu'on  ne  me  pût  dire.  
 J'appris  feulement  qu'ils  prétendoient  
 avoir  une  longue expérience de ce qu'ils  
 me  difoient,  fondée  lur  la  fympatie,  
 j e  ne  fçai  s'ils  connoiiîent  cette  vertu.  
 Ce  pauvre  garçon  étoit  couché fur une  
 planche  au  milieu de fa cafe  entre  deux  
 leux,  couvert  de  quelques  blanchets,  
 c'eft-â-dire, degros  draps  de  laine,  ou  
 l'on  pafle  le  fyrop  dont  on  veut  faire  
 du fucre blanc.  Avec  tout  cç  feu &  ces  
 couvertures,  il  difoit  qu'il  mourroit  de  
 froid,  &  cependant  il  demandoit  fans  
 eeffe a  boire,  aiTurant  qu'il  fentoit  en  
 dedant  un  feu  qui  le  devoroit  avec une  
 envie  prodigieufe  de  dormir.  Ce  font  
 les  fymptômes  ordinaires  du  venin  q #  
 arrête  le  mouvement  &; la-circulation  
 du  iang,  &  caufeainfi ce froid  extraordinaire  
 dans  les  parties  éloignées  du  
 coeur,  &  en  même temps  cet  aiToupifiement  
 involontaire,  pendant  que  tous  
 les  efprits  retirez  au  dedans  y  excitent  
 un  mouvement  violent,  caufe  de  la  
 chaleur  intérieure  ôc  exceiTive  qui  l'obhgeoitde  
 demander fi fouvent à  boire  
 J e  voulus  voir  fa jambe  que  je  trouvai  
 hee  très-fortement au  deiTous,  Scaudeffiisdugenoiiil  
 avec une lianneou  efpece  
 d'oaer  qui  court  comme la  vigne-viergci  
 la  jambe  &  le  pied  étoient  horriblement  
 enflez,  6c le  genoiiil  malgré  
 les ligatures,  l'étoit  un  peuj je  le  conteflai, 
   6c j'en  tus  fort  content j  il  eft  
 vrai  que  pour  l'empêcher  de  dormir,  
 je  lui  tenois  une  main  que  je  remuois'  
 ianscelTci  il  étoit  âgé  de  dix-neuf  à  
 Ving  
 F R A N C O I S E S  D  
 ving  ans,  &  aiTez  fage.  Son  pere  &  
 fa mere,  6c fes  autres  parens  qui  entrèrent  
 dans  la cafe après  que j'elis  fini  ma  
 fondion,  témoignoient  bien  du  regret.  
 Je fis appeller  le Negre  qui l'avoit  penfé, 
  Se je lui demandai  en  particulier  fon  
 fentiment  fur cette  morfure :  il me  dit  
 qu'il y avoit du danger,  6c qu'on ne pouvoit  
 rien  décider  qu'après  vingt-quatre  
 heures,  quand  on  leveroit  le  fécond  
 appareil i  que  cependant  il  en  efperoit  
 -bien  parce  que  la  ventoufe  qu'il  avoit  
 appliquée  fur  la  morfure,  avoit  attiré  
 quantité de venin.  
 Je  lui demandai  de  quelle  maniéré  il  
 traitoit  ces  fortes  de  playes,  6c  de  
 quels  remedes  il  fe  fervoit,  il  s'excufa  
 de me dire  le nom  de  toutes  les  herbes  
 qui  entroient  dans  la  compofition  de  
 fon  remede,  parce  que  ce  fecret  lui  
 faifant  gagner  iii  vie,  il  ne  vouloit  pas  
 le  rendre  public.  Il  me  promit  de  me  
 traiter  avec  tout  le  foin  poflible  fl  je  
 venois  à  être  mordu,  je  le  remerciai  
 de  fes  offres,  fouhaitant  très-fort  de  
 n'en avoir jamais befoin.  
 ^ A l'égard du traitement,  il me dit que  
 menton  dès qu'on efl mordu,  il faut fe lier  ou  fe  
 ie7"plr-  fortement  le membre  mordu  
 fimcs  fept  ou  huit  doigtsau  deiTus  de  la  mormor 
   fure,  6c que quand  il  fe rencontre  quel- 
 'dn'rer-  jointures,  il  faut  encore  lier  au  
 deiTus,  6c  marcher  au  plûtôt  pour  fe  
 rendre  â  la  maifon  fans s'arrêter  6c fans  
 -boire,  à  moins  qu'on  ne  veuille  boire  
 de fa  propre  urine  qui  dans  cette  occafion  
 eft un  puilTant  contrepoifon.  Il  
 eft vrai,  me  dit-il,  que  quand  on  eit  
 mordu  à  une  jambe  on  a  bien  de  la  
 peine  à  marcher,  parce  que  dans  un  
 moment  elle s'engourdit  6c femble  être  
 devenue  de  plomb;  mais  pour  lors  il  
 faut  tirer  des  forces de fa raifon,  ôc rappeiier  
 tout  fon  courage.  Pour.luik  
 premiere  chofe  qu'il  faifoit  quand  on  
 Corn- 
 E  L'AMERIQ.UE.  Sf  
 Jui  prefentoit  un  blefle,  c'étoit  d'examiner  
 fi les deux crocs du ferpent étoient  
 entrez dans la chair,  ou s'il  n'y  en  avoit  
 qu'un.  Car comme  il me  le fit voir  dans-^'^/J'  
 la  gueule  de  celui  qui  avoit  mordu  le  
 Negre  ,  les  ferpens  n'ont  que  deux  
 dents  venimeufes  qu'on  appelle  crocs  
 àcauiè  de leur  figure  courbe:  ces  crocs  
 font  dix à  dpuze  fois plus  longs  que  les  
 autres- dents.  Ils  font  couchez  le  long  
 de  leur  palais.  J'en  fis  arracher  un,  6ç  
 je  remarquai  qu'il  étoit  creux  depuis  
 fa naiflance  jufqu'aux  deux  tiers  de  fa  
 longueur,  où  il  y aVoit  un  petit  trouj  
 ces dents  fon  mobiles,  6c  font  accompagnées  
 à  l'endroit  où  elles  font  attachées  
 aux  gencives,  d'une  petite  pellicule  
 en  maniéré  de  veifie  remplie  de  
 venin.  Quand le ferpent veut mordre,  il  
 penche un peu la tête,  8c mord de côté >  
 de maniéré  que  le  mouvement  violent  
 qu'il  fait  en  mordant  comprime  les  
 veflies,  6c fait  couler  le  venin  par  la-  ~  
 concavité  des  dents,  6c le  répand  dans  
 la  playe  qu'elles  ont  faite  par  le  petit  
 •trou  qui  eft  à  l'extrémité  de  la  concavité  
 ,  enforte  que  le  danger  d'une  
 morfure de  ferpent  cil  plus  ou  moins  
 jrand  felon  que  la  dent  eft  entrée  dansa  
 chair,  6c qu'elle  y  a  demeuré.  
 II eft naturel de retirer avec  précipitation  
 le  bras  ou  la  jambe  où  l'on  fe  
 fent  mordu,  6c il  eit  ordinaire  d'attirer  
 à  foi  le  ferpent,  parce  que  fes dents  
 courbes,  6c  la  pofture  où  il  s'eft  mis  
 -pour  mordre;  ne  fe  dégagent  pas  facilement  
 des  chairs  où  elles  font  en- 
 -trées,  6c  il  ¡arrive  quelquefois  qu'op  
 arrache  les  dents  par  l'extrême  violence  
 qu'on  fait en  fe  retirant.  
 Quand  les  trous  des  deux  crocs  font  
 jaflez  près  l'un  de  l'autre,  6c  dans  un  
 /endroit  où  une  ventouiè  les  peut  couvrir  
 tous deux, on n'eniapplique qu'une  j  
 .quand  ecla  ne  fe  trpuve  pasj  on  en  
 ap