Les Vifigoths, les Bourguignons, les Francs, &
les Allemands, qui s’emparèrent chacun d’une partie
des Gaules, y apportèrent les ufages de leur pays,
c’eft-à-dire des coutumes non écrites, qu’on qualif
iâ t néanmoins de lois félon le langage du tems ; delà
vinrent la loi des Vifigoths qui occupoient l’Efpa-
gne & une grande partie de l’Aquitaine ; la loi des
Bourguignons , lefquels fous le nom de Bourgogne
occupoient environ un quart de ce qui compofe le
royaume de France ; la loi Salique & la loi des Ri-
puariens, qui étoient les lois des Francs : 1 une pour
ceux qui ha bitoient entre la Loire & la Meufe : l’autre
, qui n’eft proprement qu’une répétition de la loi
Salique, étoit pour ceux qui habitoient entre la Meufe
& le Rhin ; & la loi des Allemands, qui étoit pour
les peuples d’Alface & du haut Palatinat.
Comme tous ces peuples n’étoient occupés que
de la guerre & de la chaffe , leurs lois étoient fort
{impies, 5 _
Ils ne contraignirent point les Gaulois de les fui-
vre ; ils leur laifferent la liberté de fuivre leurs anciennes
lois ou coutumes ; chacun avoit même la
liberté de choifir la loi fous laquelle il vouloit vivre
, & l’on étoit obligé de juger chacun fuivant la
loi fous laquelle il étoit n é , ou qu’il avoit choifie :
les uns vivoient félon la loi romaine : d’autres Envoient
celle des Vifigoths : d’autres, la loi gombette
ou les lois des Francs.
L’embarras & l’incertitude que caufoit cette di-
verfité de lois qui, à l ’exception des lois romaines,
n’étoient point écrites, engagea à les faire- rédiger
par écrit ; elles furent écrites en latin par des Gaulois
ou Romains, & cela fut fait de l’autorité des
rois de la première race : quelques-unes, après une
première rédaftion, furent enfuite réformées & augmentées
; & elles ont été toutes recueillies en un
même volume, que l’on a intitulé codex legum anti-
quarum , qui contient aulïL les anciennes lois des Bavarois
, des Saxons, des Anglois, des Frifons, &c.
A ces anciennes lois fiiccéderent en France les capitulaires
ou ordonnances des rois de la fécondé race
; de même que fous la troifieme, les ordonnances
, édits , déclarations, ont pris la place des capitulaires.
V. C a p it u l a ir e s , & L o i d e s G o t h s ,
L o i Sa l iq u e , &c. & aux mots O r d o n n a n c e ,
E d it , & D é c l a r a t io n .
Les Gaulois & les Romains établis dans les Gaules
fuivoient la loi romaine, qui confifioit alors dans
le code théodofien , dont Alaric fit faire un abrégé
par Arien fon chancelier ; & dans le xij. fiecle, les
lois de Juftinien ayant été retrouvées en Italie, furent
aufli introduites en France, & obfervées au lieu
du code théodofien. Voyei C o d e 6* D ig e s t e .
Les provinces les plus méridionales de la France,
plus attachées au droit romain que les autres, l’ont
confervé comme leur droit municipal, & n’ont
point d’autre lo i, fi l’o'n en excepte quelques ftatuts
locaux, & les ordonnances, édits, & déclarations,
qui dérogent au droit romain ; & comme les lois romaines
étoient dans l’origine les feules qui fuffent
écrites , les provinces où ces lois font fuivies comme
droit municipal, font appellées pays de droit écrit.
F b y e i D r o i t R o m a in 6* P a y s d e D r o i t é c r i t .
Dans les provinces les plus feptentrionales de la
France, les coûtumes ont prévalu peu-à-peu fur le
droit romain, de forte qu’elles en forment le droit
municipal ; & le droit romain n’y eft confidéré que
comme une raifon écrite, qui fupplée aux cas que
les coutumes n’ont pas prévûs ; & comme ces provinces
font régies principalement par leurs coûtu-
mes, on les appelle pays coutumiers. Voye^ C o u t u m
e.O
n voit donc que le droit français n’eft point une
jfeul.e loi uniforme dans tout le royaume, mais un
cômpofé du droit romain civil & canonique, des
coûtumes, des ordonnances, édits & déclarations,
lettres patentes, arrêts de réglemens : il y a même
aufli différens ufages écrits qui ont force de lo i, &
qui font partie du droit françois.
Ainfi le droit romain , même dans les pays de
droit écrit où il eft obfervé, ne peut être appellé
le droit françois , mais il fait partie de ce droit. Il en
eft de même des coutumes, ce droit n’étant propre
qu’aux pays coûtumiers, comme le droit romain
aux pays de droit écrit.
Mais les ordonnances, édits , & déclarations
peuvent à j ufte titre être qualifiés de droit françois ,
attendu que quand les difpofitions de ces fortes de
lois font générales, elles forment un droit commun
pour tout le royaume.
Le droit françois fe divife comme celui de tout autre
pays, en droit public & droit privé.
On appelle droit public françois , ou de la France
celui qui a pour objet le gouvernement général du
royaume, ou qui concerne quelque partie de ce gouvernement.
Le droit françois privé eft celui qui concerne les
intérêts des particuliers, confidérés chacun féparé-
ment & non colleûivement. Voye^ ci-après D r o i t
p u b l i c & D r o i t p r iv é .
On divife encore le droit françois en civil & canonique.
Le premier eft celui qui s’applique aux
matières civiles. L’autre, qui a pour objet les matières
canoniques & bénéficiâtes, eft le droit canonique
tel qu’il s’obferve en France, c’eft-à-dire conformément
aux anciens canons, aux libertés de l’é-
glife Gallicane, & aux ordonnances diuroyaume.
M. l’abbé Fleury a fait une hiftoire fort curieufe
du droit françois, qui eft imprimée en tête de l’infti-
tution d’Argou, & dans laquelle il donne non - feulement
l’hiftoire du droit françois en général, mais
aufli des différentes parties qui le compofent, c’eft-
à-dire des lois antiques, des capitulaires, du droit
romain, des coutumes , & des ordonnances : mais
comme ici ce qui eft propre à chacun de ces objets
doit être expliqué en fon lieu, afin de ne pas tomber
dans des répétitions, on s’eft borné à donner
une idée de ce que l’on entend par droit françois
en général ; & pour le furplus, on renvoyé le lecteur
à l’hiftoire de M. l’abbé Fleury, & aux arti-.
clés particuliers qui ont rapport au droit françoisJ
Plufieurs auteurs ont fait divers traités fur le droit
françois. Les uns ont fait des inftitutions au droit
françois, comme Coquille & Argou ; d’autres ont
fait les réglés du droit françois, comme Poquet de
Livoniere : Lhommeau a donné les maximes générales
du droit général ; Jérôme Mercier a donné
des remarques ; Bouchel, la bibliothèque du droit
françois ; Automne, une conférence du droit françois
avec le droit romain ; Bourgeon a donné le
droit commun de la France. Il y a encore une foule
d’auteurs qui ont donné des traités ex profejfo fur le
droit françois , ou qui en ont traité fous d’autres
titres ; ce qui feroit ici d’un trop long détail. Pour,
les connoître , on peut recourir aux meilleurs catalogues
des bibliothèques.
L’étude du droit françois n’a été établie dans les.
univerfités qu’en 1680 ; auparavant on n’y enfei-
gnoit que le droit civil & canonique. Voye{ le dif-
cours de M. Delaunay profeffeur en droit françois
prononcé à Paris pour l’ouverture de fes leçons,
le 28 Décembre 1680. Çd')
D r o i t d e s G e n s , eft une ju rifp ru d en ce que la
raifo n n a tu re lle a étab lie fur certain es m atières en-,
tre to u s les h o m m e s, & q u i eft o b fe rv é e chez to u tes
les n atio ns.
On l’appelle aufli quelquefois droit public des gens
ou droit public Amplement} mais quoique l’on dif*
tîngue deux fortes de droit public , l’un général qui
eft commun à toutes les nations, l’autre particulier
qui eft propre à un état feulement, le terme de droit
des gens eft plus ancien & plus ufité, pour exprimer
le droit qui eft commun à toutes les nations.
Les lois romaines diftinguent le droit naturel d’avec
le droit des gens ; & en effet le premier confidéré
dans le fens le plus étendu que ce terme préfente,
eft un certain fentiment que la nature infpire à tous
les animaux aufli-bien qu’aux hommes.
Mais fi l ’on confidéré le droit naturel qui eft propre
à l’homme, & qui eft fondé fur les feules lumières
de la raifon, dont les bêtes ne font pas capables,
il faut convenir que dans ce point de vûe le droit naturel
eft la même chôfe que le droit des gens, l’un &
l’autre étant fondé fur les lumières naturelles de la
raifon : aufli voit-on que la plupart des auteurs qui
ont écrit fur cette matière, ont confondu ces deux
objets ; tels que le baron de Puffendorf, qui a intitulé
fon ouvrage le droit de la nature & des gens , ou
fÿftème général de la morale, de la jurifprudence,
& de la politique.
On diftinguoit aufli chez les Romains deux fortes
de droit des gens ; favoir, l’un primitif appellé pri-
mariùm, l’autre fecundarium.
Le droit des gens appellé primarium , c’eft-à-dire
primitif ou plus ancien , eft proprement le feul que
la raifon naturelle a fuggéré aux hommes : comme
le culte que l’on rend à Dieu, le refpéft & la foû-
miflîon que les enfans ont pour leurs pere & mere,
rattachement que les citoyens ont pour leur patrie,
la bonne-foi qui doit être l’ame des conventions, &
plufieurs autres chofes femblables.
Le droit des gens appellé.fecundarium , font de certains
ufages qui fe font établis entre les hommes par
fucceflion de tems, à mefure que l’on en a fenti la
néceflité.
Les effets du droit des gens par rapport aux pèr-
fonnes, font la diftin&ion des villes & des états, le
droit de la guerre & de la paix, la fervitude perfon-
nelle, & plufieurs autres chofes femblables. Ses e ffets
par rapport aux biens, font la diftinélion des patrimoines
, les relations que les hommes ont entre
eux pour le commerce & pour les autres befoins de
la vie ; & la plupart des contrats, lefquels tirent leur
origine du droit des gens, & font appellés contrats du
droit des gens, parce qu’ils font ufités également chez
toutes les nations : tels que lés contrats de vente,
d’échange, de loiiage, de prêt, &c.
On voit par ce qui vient d’être dit, que le droit
des gens ne s’applique pas feulement à ce qui fait
partie du droit public général, & qui a rapport aux
liaifons que les différentes nations ont les unes avec
les autres, mais aufli à certains ufages du droit priv
é , lefquels font aufli regardés comme étant du droit
des gens, parce que ces ufages font communs à toutes
les nations, tels qiie les différens contrats dont
©n a fait mention ; mais quand on parle Amplement
du droit des gens, on entend ordinairement le droit
public des gens.
Le droit primitif des gens eft aufli ancien que les
hommes ; & il a tant de rapport avec le droit naturel
, qui eft propre aux hommes, qu’il eft par ef-
fence aufli invariable que le droit naturel. Les cérémonies
de la religion peuvent changer, mais le
Culte que l’on doit à Dieu ne doit fotiftrir aucun changement
: il en eft de même des devoirs des enfans
envers les peres 6c meres, ou des citoyens envers la
patrie, & de la bonne-foi due- entre les contraéfans ;
fi ces devoirs ne font pas toûjours remplis bien pleinement
, au moins ils doivent Pêtre, & font invariables
de leur nature.
Pour ce qui eft du fécond droit des gens appellé
par les Romains fecundarium, celui - ci ne s’eft formé,
comme on l’a déjà dit, que par fucceflion de
tems, & à mefure que l’on en a fenti la néceflité :
airifi les devoirs réciproques des citoyens ont commencé
lorfque les hommes ont bâti des villes pour
vivre en fociété ; les devoirs des fujets envers l’état
ont commencé, lorfque les hommes de chaque pays
qui ne compofoient entre eux qu’une même famille
foumife au feul gouvernement paternel, établirent
au-deffus d’eux une puiffance publique, qu’ils déférèrent
à un ou plufieurs d’entre eux.
L’ambition, l’intérêt, & autres fujets de différends
entre les puiffances voifines, ont donné lieu
aux guerres & aux fervitudes perfonnelles : telles
font les fources funeftes d’une partie de ce fécond
droit des gens.
Les différentes nations, quoique la plupart divi-
fées d’intérêt, font convenues entre elles tacitement
d’obferver, tant en paix qu’en guerre, certaines
réglés de*bienféance, d’humanité, & de juftice:
comme de/ne point attenter à la perfonne des am-
baffadeurs, ou autres perfonnes envoyées pour faire
des propofitions de paix ou de treve ; de ne point
empoifonner les fontaines ; de refpe&er les temples ;
d’épargner les femmes, les vieillards, & les enfans :
ces ufages & plufieurs autres femblables, qui par
fucceflion de tems ont acquis force de lo i, ont formé
ce que l’on appelle droit des gens, ou droit commun
aux divers peuples.
Les nations policées ont cependant plus ou moins
de ^droits communs avec certains peuples qu’avec
d’autres, félon que ces peuples font eux-mêmes plus
ou moins civilifes, & qu’ils connoiffent les lois de
l ’humanité, de la juftice & de l’honneur.
Par exemple , avec les fauvages antropophagés ,
qui font dans une profonde ignorance & fans forme
de gouvernement, il y a peu de communication, &
prefqu’aucune fûreté de leur part.. Il eft permis aux
autres hommes de s’en défendre, même par la force
, comme des bêtes féroces ; on ne doit cependant
jamais leur faire de mal fans néceflité : on peut habiter
dans leur pays pour le cultiver, & s’ils veulent
trafiquer avec nous,les inftruire de la vraie religion,
& leur communiquer les commodités de la vie.
Chez les Barbares qui vivent en forme d?état, on
peut trafiquer & faire toutes les autres chofes qu’ils
permettent, comme on feroit avec des peuples plus
polis.
Avec les infidèles on peut faire tout ce qui ne
tend point à autorifer leur religion, ni à nier ou dé-
gùifer la nôtre.
Les diverfes nations mahométanes, quoiqu’atta-
chées la plupart à différentes feéles & fournîtes à diverfes
puiffances ,• ont entr’elles plufieurs droits communs
qui forment leur droit des gens, l’alcoran étant
le fondement de toutes leurs lois, même pour le temporel.
Les Chrétiens , lorfqu’ils font en guerre les uns
contre les autres, font des prifonniers , comme les
autres nations ; mais ils ne traitent point leurs prifonniers
en efclaves : c’eft aufli une loi entr’eu x, de
fe donner un mutuel fecours contre les infidèles.
Lé droit des gens qui s’obferve préfentement en
Europe, s’eft formé de plufieurs ufages venus en
partie des Romains, en partie des loix germaniques,
& n’eft arrivé que par degrés au point de perfection
où il eft aujourd’hui.
Les Germains, d’où font fortis les FranGS, ne con-
noiffoient encore prefqu’aucun droit dis gens du tems
de Tacite ; puifque cet auteur, en parlant des moeurs
de cés peuples, dit que foute leur politique à 1 égard
des étrangers, connftôit à enlever ouvertement à
leurs voifins le fruit de leur labeur, ayant pour ma-
xinj.e'qu’il y àvpw de la lâçheté à n’acquérir qu’à