rângvniiicu , le fécond 1 étoit confequemmcnt y
& fans reffource ; car comment faire faire à des
chars mis en rang , .des demi-tours à droite pour la
retraité ?
Il paroît fuffifamment prouvé par les remarques
que nous venons dé faire fur quelques endroits du
texte d’Homere , que l’art de monter les chevaux a
été connu dans la Grece avant le fiége de T ro y e , &
qu’il y a voit même dans les armées des Grecs & des
Troyens, des troupes de cavalerie, proprement dite.
Si ce poëten’a pointdéerit particulièrement de combats
de cavalerie , on ne voit pas non plus qu’il foit
entré dans un plus grand détail, par rapport aux
Combats d’infanterie. Son véritable objet, en décrivant
des batailles , étoit de chanter les exploits des
héros & des plus illüftres guerriers des deux partis :
des héros combattoient prefque tous fur des chars,
& l’on ofëroit prefque affûrer qu’il n’appartenoit
qu’à eux d’y combattre. Leur valeur & leur fermeté
j paroiffoient avec d’autant plus d’éclat, que leur
attention n’étoit point divifée par le foin de conduire
les chevaux. Voilà pourquoi les deferiptions
des combats de chars font fi fréquentes, fï longues ,
fi détaillées. C ’étoit par ces combats que les grandes
affairés s’entamoient, parce que les chefs, montés
fur des chars , marchoient toujours à la tête des
troupes : Homere n’en omet aucune circonftance,
& pefe fur tous les détails , parce qu’il a fû déjà nous
iritéreffer vivement au fort des guerriers qu’il fait
combattre. Son grand objet fe trouvant rempli par-
là , dès que les troupes fe mêlent., & que l’affaire devient
générale , il paffe rapidement fur le relie du
combat ; & pour ne point fatiguer le leCteur, il fe
hâte de lui en apprendre l’iffue, fans defeendre à cet
égard dans aucune particularité. Tel efl la méthode
d’Homere, quand il décrit des combats ou des batailles.
Témoignages des écrivains pojlérieurs à Homere.
M. Freret qui s’étoit fait un principe confiant de foû-
tenir que les Grecs & les Troyens au tems de la guerre
de T roye ne connoilfoient que l’ufage des chars,
& qu’on ne pouvoit prouver par les poëmes d’Homere
que l’art de monter à cheval leur fût connu,
réeufe conféquemment à fon fyftème, les témoignages
de toits les écrivains poflérieurs à ce poëte , &
particulièrement tous ceux que les auteurs latins
fourniffent contre fon opinion.
« Virgile, dit-il, 8c les poètes latins, ont été moins
» ferupuleux qu’Homere, & ils n’ont pas fait diffi-
» culté de donner de la cavalerie aux Grecs & aux
» Troyens ; mais ces poëtes poflérieurs d’onze ou
douze fiecles aux tems héroïques, écrivoient dans
» un fiecle où les moeurs des premiers tems n’étoient
» plus connues que des favans..........leur exemple,
» ajoûte-t-il, ne peut avoir aucune autorité lorf-
» qu’ils s’écartent de la conduite d’Homere ».
Si le témoignage de V irgile, poflérieur d’onze ou
douze fiecles a la ruine de T roye, ne peut avoir aucune
fofcet pourquoi M. Freret veut - il que le fxen
poflérieur de trois mille ans, foit préféré ? pourquoi
admet-il plutôt celui de Pollux auteur grec , plus moderne
que Virgile d’environ deux cents ans ? Quant
à ce qu’il dit que les moeurs des premiers tems n’étoient
connues que des favans, ce reproche ne convient
point à Virgile : au titre fi juflement acquis de
prince des Poëtes j il joignoit celui de favant & d’excellent
\omme de lettres.
De plus, fon Enéide qu’il fut douze ans à compo-
fe r , efl entièrement faite à l’imitation d’Homere.
Virgile ayant pris ce grand poëte pour modèle, &
pour fujet de fon poëiiie, des évenemerts célébrés
qui touchoient, pour ainfi dire, à ceux qui font chantés
dans l’Iliade, croira-t-on qu’il ait confondu les
tifages & les tems, ôc méprifé le fuffrage des favans
au point de faire combattre fes héros à cheval, s’il
n’avoit pas regardé comme un fait confiant que IV-
quitation étoit en ufage de leur tems ?
Tout ce qu’on peut préfumer, c’efl que Virgile
s’efl abflenu de parler de chars aufft fréquemment
qu’Homere , pour rendre fes narrations plus inté-
reffantes, & parce que les Romains n’en faifoient
point ufage dans leurs armées* Enfin les faits cités
par les auteurs doivent paffer'pour inconteftables,
quand ils font appuyés lur une tradition ancienne ,
publique, & confiante : tel étoit l’ufage établi der
puis un tems immémorial chez les Romains, de nommer
les exercices à cheval de leur jeunefle, Us jeux,
troyens.
Trojaque nunc pueri trojanum dicitur agmen. ( En.
L. V. v. (>02.) Virgile n’invente rien en cet endroit,
il fe conforme à l ’hifloire de fon pays, qui rappor-
toit apparemment l’origine des courfes de chevaux
dans le cirque, au deffein d’imiter de femblables jeux
militaires pratiqués autrefois par les Troyens, &
dont le fouvenir s’étoit confervé dans les anciennes
annales du latium. Enée faifoit exercer fes enfans à
monter à cheval : Frenatis lucentin equis. (/</. v.JJy.)
C ’efl en fuivant les plus anciennes traditions gre-
ques, que Virgile (Georg. I. III.v. 11 à.) attribue aux
Lapithes de Pélétronium l’invention de l’art de monter
à cheval. Il nous apprend dans le même endroit
(Ib. v. 113.') l’origine des chars qui furent inventés
par EriCthonius, quatrième roi d’Athènes (q) depuis
Cécrops ; & ce qui fuppofe néceffairement que IV-
quitation étoit connue en Grece avant EriCthonius,
c’eft que la tradition véritable ou fabuleufe de ces
tems-là, rapporte que ce fut pour cacher la diffor-
mité de fes jambes qui étoient tortues, que ce prince
inventa les chars.
Hygin qui, de même que Virgile, vivoit fous le
régné d’Augufle, a fait de Bellérophon un cavalier
( Fable 273 *7 , & dit que ce prince remporta le prix
de la courfe à cheval aux jeux funèbres de Pelias,
célébrés après le retour des Argonautes ; mais parce
qu’on ignore dans quel poëte ancien Hygin a puifé
ce fait, M. Freret le traite impitoyablement de commentateur
fans goût, fans critique, indigne qu’on lui
ajoute foi. Il en dit autant de Pline (/. V il. c. Ivj
qui en faifant l’énumération de ceux auxquels les
Grecs attribuoient l’invention de quelque art ou de
quelque coutume, ofe d’après les Grecs, regarder
Bellérophon comme l’inventeur de l'équitation, &
ajouter que les centaures de Theffalie combattirent
les premiers à cheval.
Pour réfuter ce qu’Hygin dit de Bellérophon, M.
Freret prétend premièrement que , félon Paufanias
flib. V I .) f l’opinion commune étoit que Glaucus
pere de Bellérophon, avoit dans les jeux funèbres
de Pelops, difputé le prix à la courfe des chars: fe-
condement, que ces mêmes jeux étoient repréfentés
fur un très-ancien coffre, dédié par les Cyplelidesde
Corinthe, & confervé à Qlympie au tems de Paufanias
(/. V .) , & qu’on ne voyoit dans la repréfenta-
tion de ces jeux ni Bellérophon, ni de courfe à cheval.
On peut facilement juger de la fôlidité de cette
réfutation.
Le témoignage de Paufanias favorifant ici l’opinion
de M. Freret , il s’en rapporte aveuglément à
lui : mais il doit reconnoître de même la vérité d’un
autre paffage de cet auteur, capable de renverfer
fon fyftème.
Paufanias (/. V.') afTûre que Cafius arcadien, &
pere d’Atalante, remporta le prix de la courfe à cheval
, aux jeux funèbres de Pelops à Olympie (r). Ce
( q') Il vivoit environ 1489 ans avant J. C . Il fuccéda à
Amphiâion , & inftitua les jeux panathénaïques en l’honneur
de Minerve.
( r ) Ces jeux, dit M; Fxeret, font poflérieurs de quelque*
Fait qui donnerait aux courfes à cheval prefque là
même ancienneté que celle qu’on trouve dans Hygin
, M. Frerèt foûtient qu’il n’efl fondé que fur une
tradition peu ancienne : Pindare, d i t - il, n’en a pas
fait ufage lorfqu’il a célébré des victoires remportées
dans les courfes de chevaux. « Dans ces occafions,
» ajoûte-t- i l , l’hifloire ancienne ne lui fourniffant
» aucun exemple de ces courfes, il a recours aux
» avantures des héros qui fe font diftingués dans les
» courfes de chars (s) ». Mais qui ne voit que le poëte
a voulu varier fes deferiptions, en faifant de ces
deux fortes de courfes un objet de comparaifon, capable
de jetter plus de feu, plus de brillant, plus d’é-
hergie dans fes odes ?
Si ces courfes à cheval, dit M. Freret, avoient été
en ufage dès le tems de l’olympiade d’Hercule, pourquoi
n’ en trouve-t-on aucun exemple jufqu’à la tren-
te-troifieme olympiade de Coroebus, célébrée l’an
<>48 (t) avant J. C. 700 ans après les jeux funèbres
de Pelops, & 240 ans après le renouvellement des
jeux olympiques par Iphitus? Ce raifonnement ne
prouve rien du tout : car on pourroit avec autant de
raifon dire à M. Freret : vous aflùrez qu’au tems d’Homere
l’art de Y équitationétoit porté à un tel degré de
perfection, qu’un feul écuyer conduifoit à toute bride
quatre chevaux à la fois, s’élançant avec adreffe
de l’un à l’autre pendant la rapidité de leurs courfes ;
& moi je dis que fi cela étoit vrai, on n’auroit pas at- ,
tendu près de trois cents ans depuis Homere, pour
mettre les courfes de chevaux au nombre des fpefta-
cles publics.
Il y a quelque apparence que la nouveauté des
courfes de chars fut la caufe qu’on abandonna les
autres pendant long-tems, & qu’on n’y revint qu’a-
près plufieurs fiecles : il falloit en effet bien plus d’art
& de dextérité pour conduire dans la carrière un char
attelé de plufieurs chevaux, que pour manier un feul
cheval. Qu’on en juge par le difeours de Neflor à
Antiloque fon fils (lliad. I. X X I I I .).
La fable & Homere après elle, ont parlé du cheval
d’Adrafle : ce poëte le nomme le divin Arion; il
avoit eu pour maître Hercule ; ce fut étant monté
fur Arion (Pauf. II. vol.p. 181.) que ce héros gagna
des batailles, & qu’il évita la mort. Après avoir pris
Augias roi d’Elis, & après la guerre de Thebes antérieure
à cellé deTroye, il donna ce cheval à Adrafle.
Comme on voit dans prefque tous les auteurs qui en
pnt parlé ce rapide courfier toujours feul, on en a
conclu avec a fiez de vraiffemblance, que c’étoit un
cheval-de monture : mais M. Freret lui trouve un fécond
qu’on nommoit Cayros. Voilà un fait. Antima-
que (à) l’affûre ; il faut l ’en croire : mais il doit auffî
fervir d’autorité à ceux qui ne penfent pas comme
M. Freret. Or Antimaque dit pofitivementqu’ Adrafle
fuit en deuil monté fur fon Arion. On a donc eu raiannées
à ceux de Pelias, & c’eft ce que l’on nomme l'olympiade
d’Hercule, qui combattit à ces jeux, 3c qui en régla la forme Soixante
ans avant la guerre de T roye.
( j ) M. Freret cite en preuve la première olympipnique de
Pindare, où à propos de la victoire remportée parHiéron à la
courfe des chevaux, ce poète .rapporte l’hiftone de Pélops,,
vainqueur a la courfe des chars. Mais du tems d’Hiéron, à celui
où l’on introduific aux jeux olympiques les courfes des chevaux,
il y a cent foixante ans d’intervalle : les exemples anciens ne
pouvoienc donc pas manquer à Pindare, s’il avoit eu deffein
.. ( z ) *<?e calcul de M . Freret n’eft ni le plue exaél, ni le plus
fuivi. Les plus favans chronologiftes rapportent l’olympiade de
Coræbus à l’an 776 avant J. C . l’époque de la fondation de
Rome, liée avec cette olympiade, femble donner à ce dernier
fentiment toute la force d’une démohftracion. I l fuit de-là que
les coûrfes de chevaux furent admifes au nombre des fpeélacîes
des jeux olympiques cent vingt-huit anS plûtôt que M. Freret
pe l’a crû. ^ . .....
(u) Auteur d’un poème de la Thébaïde; il v ivoit du tems
de Socrate. Quintilien dit qu’on lui donnoit le fécond rang
après Homere ; Adrien le mettait au-deffus d’Homere même.
Tome V,
fon dé regarde? Ànôn comme un cheval accoutumé
à être monté, fans nier toutefois qu’il n’ait pu être
quelquefois employé à conduire un char. Antimaque
ajoute qu’Adrafle fut le troifieme qui eut l’honneur
de dompter Arion: c’efl qu’il avoit appartenu d’abord
à Onéus, qui le donna à Hercule. Tout-celâ ne
prouve-t-il pas en faveur de Y équitation de tems an*
térieurs à la guerre de Troye ?
Monumens anciens. M. Freret fuit la même marche
dans l’examen des monumens anciens* Ceux où il
n’a point vû de chevaux de monture, méritent feuls
quelque croyance, ils font autant de preuves pofiti-
ves : les autres font ou factices, ou modernes, on ne
doit point y ajouter foi.
(Paufan. /. V.~) Le cofre des Cypfélides dont il a
déjà été parlé, efl, félon cet académicien, un monument
du huitième fiecle avant J. C. On y voyoit
repréfentés les évenemens les plus célébrés de l’hif-
toire des tems héroïques, la célébration des jeux funèbres
de Pelias , plufieurs expéditions militaires,
des combats, & même en un endroit deux armées
en préfence : dans toutes ces occafions, les principaux
héros étoient montés fur des chars à deux ou
à quatre chevaux, mais on n’y voyoit point de cavaliers
; doit-on conclure qu’il n’y en avoit point,
de ce que Paufanias n’en parle pas ? mais fon filence
ne prouve rien ici : au contraire , l’expreffion qu’il
employé donnerait lieu de croire qu’il y en avoit.
En décrivant deux armées repréfentees fur ce coffre,
il dit que l’on y voyoit des cavaliers montés fur des
chars (Pauf. I. V.). Ce n’eft point-là affirmer qu’il
n’y en avoit point de montés fur des chevaux, car
il ne dit pas qu’ils fuffent tous fur des chars : d’ailleurs
les chefs, dans les tems héroïques, combattant
pour l’ordinaire fur des chars, il fe pourroit fort bien
que le fculpteur, qui ne s’attachoit qu’à faire con-
noître ces chefs &c par leur portrait & par leur nom
n’ait repréfenfé qu’eux, pour ne pas jetter trop de
confufion dans fes bas-reliefs en y ajpûtant un grand
nombre de figures d’hommes à cheval. Cette raifon
efl d’autant plus plaufible, que dans le tems où ce
coffre a été fait il y avoit, de l’aveu de M. Freret,
au moins 250 ans que Y équitation étoit connue des
Grecs.
Sur le maffif qui foûtenoit la flatue d’Apollon dans
le temple d’Arayclé, Caflor & Pollux étoient repré-,
fentés à cheval (Pauf. I. I I I . ) , de même que leurs
fils Anaxias & Mnafinoüs. Paufanias rapporte en-,
core qu’on voyoit à Argos (lib. II. ) dans le temple
des Diofcures, les flatues de Caflor & Poilu
x , cefles de Phoebe & Ilaïra leurs femmes, & celles
de leurs fils Anaxias & Mnafinoüs, & que ces
flatues étoient d’ébene , à l’exception de, quelques
parties des chevaux. Il y avoit. à ,Olympie (Paufan^
l. ^.)un grouppe de deux figures repréfenta.nt le combat
a’Hercule contre une amazone à chéyalj les mêmes
Caftor & Pollux étoient repréfentés à Athènes
debout, & leurs fils à cheval (Pauf. /. II.). '■
M. Freret qui rapporte tous ces monumens, &
quelques autres d’après Paufanias, étale, une érudition
immenfe pour montrer que les plus anciens font
poflérieurs à l’établiffement de la courfe des chevaux
aux jeux olympiques. Quand on en convien-'
droit avec lu i , on n’en feroit pas moins autorifé à
croire que la plûpart de^ces monumens n’ont été
faits que pour en remplacer d’autres que la longueur
du tems ou les fureurs de la guerre avoient détruits
; & que les fculpteurs fe font exactement con-
j formés à la maniéré diftinftiv e dont les héros avoient
été repréfentés dans les anciens monumens, de même
qu’à ce que la tradition en rapportoit. La pratique
confiante de toutes les nations & de tous les
tems, donne à cette conjecture beaucoup de vraif-
femblance.
y v v v v i j