âchaque clafle particulière ; lorfque Fappas du gain
s’eft montré à plufieurs , la chaleur & la confiance
qu’il porte dans les efprits , deviennent générales.
L ’aifance réciproque des hommes les aiguillonne à
la vue les uns des autres, & leurs prétentions communes
font le fceau de la profpérité publique.
Ce que ncius venons de dire de l’augmentation de
la malle de l’argent par le commerce étranger, eft
la fource de plufieurs conféquences.
i ° . L’augmentation de la mafle d’argent dans la
circulation ne peut être appellée fcnjibU, qu’ autant
qu’elle augmente la confommation des denrées né-
ceffaires , ou d’une commodité utile à la conlérva-
tion des hommes, c’eft-à-dire à l’aifance du peuple.
2°. Ce n’eft pas tant une grande fomme d’argent
introduite à-la-fois dans l’état, qui donne du mouvement
à la circulation, qu’une introdu&ion continuelle
d’argent pour être réparti parmi le peuple.
3°. A mefure que la répartition de l’argent étranger
fe fait plus également parmi les peuples, la circulation
fe rapproche de l’ordre naturel.
4°. La diminution du nombre des emprunteurs,
ou de l’intérêt de l’argent, étant une fuite de l’aâi-
vité de la circulation devenue plus naturelle ; &
l’aélivité de la circulation, ou de l’aifance publique,
n’étant pas elle-même une fuite néceffaire d’une
grande fomme d’argent introduite à-la-fois dans l’état
, autant que de fon accroiffement continuel pour
être réparti parmi le peuple , on en doit conclure
que l’intérêt de l’argent ne diminuera point par-tout
où lés confommations du peuple n’augmenteront
pas : que fi les confommations augmentoient, l’intérêt
ae l’argent diminueroit naturellement, fans
égard à l’étendue de fa mafle , mais en raifon com-
pofée du nombre des prêteurs & des emprunteurs :
que la multiplication fubitedes richefles artificielles,
ou des papiers circulans comme monnoie, eft un re-
mede violent & inutile, lorfqu’on peut employer le
plus naturel.
5°. Tant que l’intérêt de l’argent fe foutient haut
dans un pays qui commerce avantageufement avec
lés étrangers, on peut décider que la circulation n’y
eft pas libre. J’entens en général dans un état ; car
quelques circonftances pourroient raffemblet une
telle quantité d’argent dans un feul endroit, que la
furabondance forceroit les intérêts de diminuer;
mais fouvent cette diminution même indiqueroit une
interception de circulation dans les autres parties du
corps politique.
6°. Tant que la circulation eft interrompue dans
un état, on peut affûrer qu’il ne fait pas tout le commerce
qu’il pburroit entreprendre.
7°. Toute circulation qui ne réfulte pas du commerce
extérieur, eft lente & inégale, à moins qu’elle
ne foit devenue abfolument naturelle.
8°. Le volume des lignes étant augmenté à raifon
de leur mafle dans le Commerce ; fi cet argent en
fortoit quelque tems après, les denrées feroient forcées
de diminuer de prix ou de mafle en même tems
que l’intérêt de l’argent haufleroit, parce que fa rareté
accroîtrait les motifs de défiance dans l’état.
o°. Comme toutes chofes auroient augmente dans
une certaine proportion par l’influence de la circulation
, & que perfonne ne veut commencer par diminuer
fon profit, les denrées les plus néceffaires à
la vie fe foûtiendroient. Les falaires du peuple étant
prefque bornés à ce néceffaire, il faudroit ablolu-
ment que les ouvrages fe tinffent chers pour continuer
de nourrir les artiftes : ainfi ce feroit la mafle
du travail qui commenceroit par diminuer, jufque à
ce que la diminution delà population & des confom-
mations fît rétrograder la circulation & diminuât
les prix. Pendant cet intervalle les denrées étant che-
îe s , & l’intérêt de l’argent haut, le commerce étranger
déelineroit, le corps politique feroit dans une
crife violente.
io ° . Si une nouvelle mafle d’argent introduite
dans l’état, n’entroit point dans le Commerce, il eft
évident que l’état en feroit plus riche, relativement
aux autres états, mais que la circulation n’en accroî-.
troit ni n’en diminueroit.
i i ° . Les fortunes faites par le Commerce en général
ayant néceffairement accru ou confervé la circulation
, leur inégalité n’a pû porter aucun dérangement
dans l’équilibre entre les diverfes clafles du
peuple.
12°. Si les fortunes faites par le commerce étranger
en fortent, il y aura un vuide dans la circulation
des endroits où elles répàndoient l’argent. Elles y
relieront, fi l’occupation eft protégée & honorée.
130. Si ces fortunes fortent non-feulement du
commerce étranger, mais encore de la circulation
intérieure, la perte .en fera reffentie par toutes les
clafles du peuple «çn général co'mme une diminution
de mafle d’argent. Cela ne peut arriver lorfqu’il n’ÿ
a point de moyens de gagner plus prompts, plus
commodes, ou plus sûrs que le Commerce.
140. Plus le commerce étranger embraflera d’objets
différens, plus fon influence dans la circulation
fera prompte.
1 50. Plus les objets embraffés par le commerce
étranger approcheront des premières néceflités communes
à tous les hommes, mieux l’équilibre fera établi
par la circulation entre toutes les clafles du peuple
, & dès-lors plutôt l’aifance publique fera baiffer
l’intérêt de l’argent.
160. Si l’introduftion ordinaire d’une nouvelle
mafle d’argent dans l’état par la venté des denrées
fuperflues, venoit à s’arrêter fubitement, fon effet
feroit le même abfolument que celui d’une diminution
de la mafle : c’eft ce qui rend les guerres fi fu-
neftes au Commerce. D ’où il s’enfuit que le peuple
qui continue le mieux fon commerce à l’abri de fes
forces maritimes, eft moins incommodé par la guerre.
Il faut remarquer cependant que les artiftes ne.defer-
tent pas un pays à raifort de la guerre aufli facilement
, que fi l’interruption fubite du Commerce pro-
venoit d’une autre caufe ; car l’efpérance les foutient,
&c les autres parties belligérantes ne laiffent pas d’éprouver
aufli un vuide dans la circulation.
170. Puifque le commerce étranger vivifie tous
les membres du corps politique par le choc qu’il donne
à la circulation , il doit être l’intérêt le plus fen-
fible de la fociété en général, & de chaque individu
qui s’en dit membre utile.
Ce commerce étranger dont l’établiffement coûte
tant de foins, ne fe foiîtiendra pas, fi les autres peuples
n’ont un intérêt réel à l’entretenir. Cet intérêt
n’eft autre que le meilleur marché des denrées.
Nous avons vû qu’une partie de chaque nouvelle
mafle d’argent introduite dans le Commerce, augmente
communément le volume des lignes. „
Ce volume indifférent en foi à celui qui le reçoit,’
dès qu’il ne lui procure pas une plus grande abondance
de commodités, n’eft pas indifférent à l’étranger
qui acheté les denrées ; car fi elles lui font données
dans un autre pays en échange de fignes d’un moindre
volume, c’eft-là qu’il fera fes emplettes : également
les peuples acheteurs chercheront à fe pafler
d’une denrée, même unique , dès qu’elle n’eft pas
néceffaire, fi le volume de fon ligne devient trop
confidérable relativement à la mafle de lignes qu’ils
poffedent.
Il paroîtroit donc que le commerce étranger, dont
l’objet eft d’attirer continuellement de nouvel argent,
travailleroit à fa propre deftruôion, en raifon
des progrès qu’il fait dans ce genre, & dès-lors que
tétât fe priveroit du bénéfice qui en revient à la
circulation.
Si réellement ia mafle des fignes étoit augmentée
dans un état à un point affez confidérable, pour que
toutes les denrées fuffent trop cheres pour les étran*
Vers, le commerce avec eux fe réduiroit à des échanges
; ou fi ce pays fe luffifoit à lui-même > le commerce
étranger feroit nul; la circulation n’augmert-
teroit plus, mais elle n’en feroit pas moins affoiblie,
parce que l’introduâion de l’argent cefferoit par une
fuite de gradations infenfibles. Ce pays contiendroit
autant d’hommes qu’il en pourroit nourrir & occuper
par lui-même ; fes richefles en métaux ouvragés,
en diamans, en effets rares & précieux, furpaffe-
roîent infiniment fes richefles numéraires, fans compter
la valeur des autres meubles plus communs. Ses
hommes, quoique fans commerce extérieur, feroient
très-heureux tant que leur nombre n’excéderoit pas
la proportion des terrés. Enfin l’objet du légiflateur
feroit rempli, puifque la fociété qu’il gouverne ferait
revêtue de toutes les forces dont elle eft fufeep*
Cible.
Les hommes n’ont point encore été affez inno-
cens pour mériter du ciel une paix aufli profonde &
un enchaînement de profpérités aufli confiant. Des
. fléaux terribles continuellement fufpendus fur leurs
têtes les avertiffent de tems-en-tems par leur chute:;
que les objets périffables dont ils font idolâtres,
étoient indignes de leur confiance.
Ce qui purge les vices des hommes, délivre le
Commerce de la furabondance des richefles numéraires.
■ Quoique le terme où nous avons conduit un corps
politique, ne puiffe moralement être atteint, nous
fte taillerons pas de fuivre encore un moment cette
•hypothèfe , non pas dans le deffein chimérique de
pénétrer dans un lieu inacceflible, mais pour recueillir
des vérités utiles fur notre paffage.
Le pays dont nous parlons, avant d’en venir à
l’interruption totale de fon commerce avec les étrangers
, auroit difputé pendant une longue fuite de fie-
des le droit d’attirer leur argent.
Cette méthode eft toûjoùrs avantageufe à une fociété
qui a des intérêts extérieurs avec d’autres fo-
ciétés, quand même elle ne lui feroit d’aucune utilité
intérieure. L’argent eft un ligne général reçu par
fine convention unanime de tous les peuples policés.
Peu Montent de fa fonétion de ligne , il eft devenu
mefure des denrées ; & enfin’même les hommes en
ont fait celle de leurs aftions. Ainfi le peuple qui en
poffede le plus, eft le maître de ceux qui ne favent
pas le réduire à leur jufte valeur. Cette fcience paraît
aujourd’hui abandonnée en Europe à un petit
nombre d’hommes, que les autres trouvent ridicules
, s’ils n’ont pas foin de fe cacher. Nous avons vû
‘d’ailleurs que l’augmentation de la mafle des fignes
anime l’induftrie, accroît la population ; il eft inté-
reffant de priver fes rivaux des moyens de devenir
puiffans, puifque c’eft gagner des forces relatives.
Il feroit impoflible de déterminer dans combien
de tems le volume des fignes pourroit s’accroître
dans un état au point d’interrompre le commerce
étranger. Mais on connoît un moyen général & naturel
qui prolonge dans une nation l’introduftion des
métaux étrangers.
Nous avons vû naître de l’augmentation des fignes
"bien répartis dans un état, la diminution du nombre
des emprunteurs, & la baiffe des intérêts de l’argent.
Cette réduéfion eft la fource d’un profit plus
fadile fur les denrées, d’un moyen affûré d’obtenir la
préférence des ventes, enfin d’une plus grande concurrence
des denrées des artiftes & des négocians.
Calculer les effets de la concurrence, ce feroit vouloir
calculer les efforts du génie ou mefurer leiprit
humain. Du moindre nombre des emprunteurs & du
bas intérêt de l’argent, réfultent encore deux grands
avantages»
Nous avons Vu qtte les propriétaires des denrées
fuperflues vendues à l’étranger, commencent par
payer fur les métaux qu’ils ont reçus en échange, ce
qui appartient aux falaires des ouvriers occupés du
travail de ces denrées. Il leur en relie encore une
portion confidérable ; & s’ils n’ont pas befoin pouf
le moment d’un affez grand nombre de denrées pouf
employer leurs métaux en entier, ils en font ouvra-
ger une partie, ou bien ils la convertiffent en pier*
res précieùfes, en denrées d’une rareté affez reconnue
pour devenir dans tout le monde l’équivalent
d’un grand volume de métaux.
La circulation ne diminue pas pouf cela fuivartt
notre dixième conféquence fur l’augmentation de la
mafle de l’argent. Lorfque cet ufage eft le fruit de fà
furabondance dans la circulation générale, c’eft une
très-grande preuve de la profpérité publique. Il fuf-
pend évidemment l’augmentation du volume des lignes
, fans que la force du corps politique ceffe d’être
accrue. Nous parlons d’un pays où l’augmentation
des fortunes particulières eft produite par le
commerce & l’abondance de la circulation généra*
le ; car s’il s’y trouve d’autres moyens de faire de
grands amas de métaux, & qu’une partie foit convertie
à cet ufage, il eft clair que la circulation diminuera
de la fomme de ces amas ; que toutes les
conféquences qui réfultent de nos principes fur la diminution
de la mafle d’argent, feront reffenties, comme
fi cet argent eût paffé chez l’étranger, à moins
qu’il ne foit aufli-tôt remplacé par une nouvelle introduction
équivalente ; mais dans ce cas le peuple
n’auroit point été enrichi.
Le troifieme avantage qui réfulte du bas intérêt
de l’argent, donne une grande fupériorité à un peuple
fur un autre.
A mefure que l’argent furabonde entre les mains
des propriétaires des denrées, ne trouvant point
d’emprunteurs , ils font pafler la portion qu’ils ne
veulentpoint faire entrer dans le commerce chez les
nations oùTargent mefure les denrées. Ils le prêtent
à l’état, aux négocians, à un gros intérêt qui rentre
annuellement dans la circulation de la nation créancier
e , & prive l’autre du bénéfice de la circulation.'
Les ouvriers du peuple emprunteur ne font plus que
des efclaves auxquels on permet de travailler pendant
quelques jours de l’année pour fe procurer une
fubûftance médiocre : tout le refte appartient au maître,
& le tribut eft exigé rigoureufement, foit que
cette fubfiftance ait été commode ou miférable. Le
peuple emprunteur fe trouve dans cet état de crife,
dont nos huitième & neuvième conféquences fur
l’augmentation de la mafle de l’argent donnent la
raifon.
Après quelques années révolues, le capital emprunté
eft forti réellement par le payement des arrérages,
quoiqu’il foit encore dû en entier, & qu’il
refte.au créancier un moyen infaillible de porter un
nouveau defordre dans la circulation de l’état débiteur,
en retirant fubitement fes capitaux. Enfin pour
peu qu’on fe rappelle le gain que fait fur les changes
une nation créancière des autres, on fera intimement
convaincu de l’avantage qu’il y a de prêter fon
argent aux étrangers.
Diverfes caufes naturelles peuvent retarder la
préférence de l’argent dans le Commerce, lors même
que la circulation eft libre ; fon tranfport d’ailleurs
eft long & coûteux. Les hommes ont imaginé
de le repréfenter par deux fortes de fignes.
Les uns font momentanés, & de fimples promeffes
par écrit de fournir de l’argent dans un lieu & à un
terme convenu.