eft condamné à la mort avec flétriffure de fa mémoire.
Remarquons ici que les lois ne peuvent pas fpé-
cifier toutes les avions qui donnent atteinte civile-
ment à la réputation d’honnête homme ; c’eft pour
cela qu’autrefois -chez les Romains il y avoit des
cenfeurs dont l’emploi confiftoit à s’informer des
moeurs de chacun, pour noter d’infamie ceux qu’ils
croyoient le mériter.
Au refte 11 eft certain que Vefiime jhnple , c’eft-à-
dire la réputation d’honnête homme, ne dépend pas
de la volonté des fouverains, enforte qu’ils puiffent
l’ôter à qui bon leur femble , fans qu’on l’ait mérité, ,
par quelque crime qui emporte l’infamie , foit de fa
nature , foit en vertu de la détermination expreffe
des lois. En effet comme le bien & l’avantage de
l’état rejettent tout pouvoir arbitraire fur l’honneur
dés citoyens , on n’a jamais pu prétendre conférer
un tel pouvoir à perfonne : j’avoue que le fouveram
eft maître , par un abus manifefte de fon autorité ,
de bannir un fujet innocent ; il eft maître aufli de le
priver injuftement des avantages attachés à la conservation
de l’honneur civil : mais pour ce qui eft de
Vefiime naturellement & inféparablement attachée à
la probité, il n’eft pas plus en fon pouvoir de la ravir
à un honnête homme, que d’étouffer dans le coeur
de celui-ci lés fentimens de vertu. Il implique con-
tradiôion d’avancer qu’un homme foit déclaré infâme
par le pur caprice d’un autre, c’eft-à-dire qu’il
foit convaincu de crimes qu’il n’a point commis.
J’ajoute qu’un citoyen n’eft jamais tenu de facrï-
fier fon honneur & fa vertu pour perfonne au monde
: les avions criminelles qui font accompagnées
d’une véritable ignominie , ne peuvent être ni légi-
mement ordonnées par le fouverain, ni innocemment
exécutées par les fujets. Tout citoyen qui con-
noît l’injuftice, l’horreur des ordres qu’on lui donne,
& qui ne s’en difpenfe pas, fe rend complice de l’in*-
juftice ou du crime, & conféquemment eft coupable
d’infamie. Grillon refufa d’aflaffiner le duc de
Guife. Après la S. Barthélemy, Charles IX. ayant
mandé à tous les gouverneurs des provinces de faire
maffacrer les Huguenots, le vicomte Dorté , qui
çommandoit dans Bayonne, écrivit au roi : « Sir e ,
« je n’ai trouvé parmi les habitans & les gens de
>> guerre, que de bons citoyens, de braves foldats,
» Sc pas un bourreau ; ainfi eux & moi fupplions V.
» M. d’employer nos bras & nos vies à chofes faifa-
» blés ». Hifi. de d'uàubignè.
Il faut donc çonferver très-précieufement Vefiime
fimple, c’eft-à-dire la réputation d’honnête homme ;
il le faut non-feulement pour fon propre intérêt,
mais encore parce qu’en négligeant cette réputation
on donne lieu de croire qu’on ne faitpas allez de cas
de la probité. Mais le vrai moyen de mériter & de
çonferver 1 \fiimefimple des autres, c’eft d’être réellement
eftimable, & non pas de fe couvrir du maf-
que de la probité, qui ne manque guere de tomber
tôt ou tard : alors fi malgré fes foins on ne peut im-
pofer filence à la calomnie, on doit fe confoler par
le témoignage irréprochable de fa confçience.
Voilà pour Vefiime fimple, conlidérée dans l’état
de nature & dans la foçiété civile : life^ fur ce fujet
la differtation de Thomafius, de exifiimaiione , famâ
& infamiâ. Paffons à Vefiimc de diftin&ion.
Vefiime de difiinclion eft celle qui fait qu’entre plu?
fieurs perfonnes, d?ailleurs égales par rapport à Vef-
time fimple, on met l’une avj-deffus de l’autre, à caufe
qu’elle èft plus avantageufement pourvue des qua- |
lités qui attirent pour l’ordinaire quelque honneur ,
ou qui donnent quelque prééminence à ceux en qui
ces qualités fe trouvent. On entend ici par le mot
A-honneur, les marques extérieures de l’opinion avan-
tageufe que les autres ont de l’exçeUençp de quelqu’un
à certains égards,
Vefiime de difiinclion, auffi-bien que Vefiime fimph,
doit, être confédérée ou par rapport à ceux qui vi» ’
vent enfemble dans l’indépendance de l’état de nature,
ou par rapport aux membres d’une même fo»
ciété civile» ■ •
Pour donner une jufte idée de Vefiime de difiinc»
tion , nous en examinerons les fondemens, & cela ,
ou en tant qu’ils produifent Amplement un mérite,
en vertu duquel on peut prétendre à l’honneur, ou
en tant qu’ils donnent un droit 3 proprement ainfi
nommé, d’exiger d’autrui des'témoignages d’une efi
time de difiinclion, comme étant dues à la rigueur.
On tient en général pour des fondemens de Vefii*
me de difiinclion, tout ce qui renferme ou ce qui marque
quelque perfeâion, ou quelque avantage con-
fidérable dont l’ufage & les effets font conformes au
but de la loi naturelle & à celui des fociétés civiles,
Telles font les vertus éminentes , les talens fupé-
rieurs, le génie tourné aux grandes & belles chofes,
la droiture & la folidité du jugement propre à manier
les affaires, la fupériorité dans les fciences &
les arts recommandables & utiles, la production des
beaux ouvrages, les découvertes importantes, la
force, l’adreffe & la beauté du corps, en tant que
ces dons de la Nature font accompagnés d’une belle
ame , les biens de la fortune, en tant que leur ae--
quifition a été l’effet du travail ou de l’induftrie de
celui qui les poffede, & qu’ils lui ont fourni le
moyen de faire'des chofes dignes de louange.
Mais ce font les bonnes & belles aftions qui produifent
par elles - mêmes le plus avantageufement
Vefiime de difiinclion, parce qu’elles fuppofent un
mérite réel, & parce qu’elles prouvent qu’on a rapporté
fes talens à une fin légitime. L’honneur, di-
foit Ariftote, eft un témoignage Vefiime qu’on rend
à ceux qui font bienfaifans ; & quoiqu’il fût jufte de
ne porter de l’honneur qu’à ces fortes de gens, on ne
laiffe pas d’honorer encore ceux qui font en puif-
fance de les imiter.
Du refte il y a des fondemens Vefiime de difiinc-
tion qui font communs aux deux fexes, d’autres qui
font particuliers à chacun, d’autres enfin que le beau
fexe emprunte d’ailleurs.
Toutes les qualités qui font de légitimes fondemens
de Vefiime de difiinclion , ne produifent néanmoins
par elles-mêmes qu’un droit imparfait, c’eft-
à-dire une fimple aptitude à recevoir des marques
de refpeft extérieur ; deforte que fi on les refufe à
ceux qui le méritent le mieux , on ne leur fait par-
là aucun tort proprement dit, c’eft feulement leur
manquer.
Comme les hommes font naturellement égaux
dans l’état de nature , aucun d’eux ne peut exiger
des autres, de plein droit, de l’honneur & du refpeft.-
L’honneur que l’on rend à quelqu’un , confifte à lui
reconnoître dés qualités qui le mettent au-deffus de
nous, & à s’abaiffer volontairement devant lui par
cette raifon : or il ferbit abmrde d’attribuer à ces qualités
le droit d’impofer par elles-mêmes une obligation
parfaite, qui autorisât ceux en qui ces qualités
fe trouvent, à fe faire rendre par force les refpeéls
qu’ils méritent. C ’eft fur ce fondement de la liberté
naturelle à cet égard, que les Scythes répondirent
autrefois à Alexandre : « N’eft-il pas permis à ceux
>> qui vivent dans les bois, d’ignorer qui tu e s , &
» d’où tu viens ? Noiis ne voulons ni obéir ni com-
» mander à perfonne ». Q. Curce , liv. VII. c. yiij.
Aufli les fages mettent au rang des fottes opinions
du vulgaire, aefiimer les hommes par la nobleffe, les
biens, les dignités, les honneurs, en un mot toutes
les chofes qui font hors de nous. « C’eft merveille ,
dit fi bien Montagne dans fon aimable langage, » que
» fauf nous, aucune chofe ne s’apprétie que par fes
» propres qualités. . ..y. , Pourquoi eftin?e?-vous un
à homme tout enveloppé & empaqueté ? Il ne nous » fait montre que des parties qui ne font aucunement
» tiennes > & nous cache celles par lefquelles feules
■w on peut réellement juger de (on efiimation. C’eft le
;» prix de l’épée que vous cherchez, non de la gai-
» ne; vous n’en donneriez à l’avanture pas un qua-
». train, fi vous ne l’aviez dépouillée. Il le faut juger
» par lui-même, non par » remarque très-plaifammefnets u ant oaunrcsi e;n &, f acvoemz-mveo ulés .
» pourquoi vous l’eftimez grand ? vous y comptez
» la hauteur de fes patins ; la bafe n’eft pas de la fta-
» tue, Mefurezr-le fans fes échaffes: qu’il mette à
» part fes richeffes & honneurs, qu’il fe préfente en
'» chemife. A -t-il le corps propre à,fes fon&ions ,
fain & alegre ? Quelle ame a-t-il ? eft-elle belle -,
» capable, & heureufement pourvue de toutes fes
» pièces ? eft-elle riche du fien ou de l’autrui ? la for-
» tune n’y a elle que voir? fi les yeux ouverts, elle
» attend les efpées traites ; s’il ne lui chaut par oîi lui
» forte la vie, par la bouche ou par le gofier ? fi elle
» eft raffife, équablè, & contente ? c’eft ce qu’il faut
» voir ». Liv. I. ch. xlij. Les enfans raifonnent plus
fenfément fur cette matière : Faites bien , dilent-
ils, & vous ferez roi.
Reconnoiffons donc que les alentours n’ont aucune
valeur réelle ; concluons enfuke que quoiqu’il
foit conforme à la raifon d’honorer ceux qui ont
intrinfequement une vertu éminente , & qu’on de-,
Vroit en faire une maxime de droit naturel ; cependant
ce devoir confidéré en lui-même, doit être mis
au rang de ceux dont la pratique eft d’autant plus
louable, qu’elle eft entièrement libre. En un mot,
pour avoir un plein droit d’exiger des autres du
refpeft , ou des marques üefiime de difiinction , il
faut, ou que celui de qui on l’exige foit fous notre
puiffance , & dépende de nous; ou qu’on ait acquis
ce droit par quelque convention avec lui ; ou bien
en vertu d’une loi faite ou approuvée par un fou*
verain commun. C’eft à lui qu’il appartient de régler entre les citoyens
les degrés de diftinélion, & à diftribuer les
honneurs & les dignités ; en quoi il doit avoir toujours
égard au mérite & aux fervices qu’on peut,
rendre, ou qu’on a déjà rendu à l’état : chacun après
cela eft en droit de maintenir le rang qui lui a été af-
fçiognntéef, te&r. les autres citoyens ne doivent pas le lui Voye{ CONSIDERATION.
Vefiime de difiinclion ne devroit être ambitionnée
qu’autant qu’elle fuivroit les belles a étions qui tendnoenuts
mà le’tatvroanitt apglues deen . léat-a fto dc’ieénté f a,i roe.u I la fuatuatn êtt rqeu b’eiellne malheureux pour rechercher les honneurs par de
fmataiusfvaaiirfée sp lvuosi ecso,m oum pooduérm ye anftp fierse rp faeluliloenms.e nLt aa fviné rdie
table gloire confifte dans Vefiime des perfonnes qui
font elles - mêmes dignes àVefiime , & cette efiime ne
s’accorde qu’au mérite,. « Mais (dit la Bruyere) com*
» me après le mérite, perfonnel ce font les éminen-.
» tes dignités & les grands titres, dont les hommes
» tirent le plus de diftinftion & le plus d’éclat, qui
» ne fait être unErafme, peut penfer à être évêque ».
Article de M. le Chevalier d e J au court.
* Estime , (Marine.) c’eft le calcul que fait le
pilote de la route & de la quantité du chemin du
vaiffeau. La route d’un vaiffeau étant, comme elle
l’eft prefque toujours, oblique au méridien du lieu,
il fe forme un triangle reétangle dont elle eft l’hypo-
îhénufe ; les. deux autres côtés font le chemin fait
dans le même tems en longitude & en latitude. La
latitude eft connue par l’obfervation de la hauteur
<dé quelque aftre. On a par la bouffole l’angle de la
route, avec un,côté du.triangle ; on a la route en efi 'rimant la vîteffe du vaifleau pendant un tems donné,
d’oîi fe tire très - afiément la quantité de la longitude.
' • '
La difficulté confifte dans Vefiime de la vîteffe du
vaiffeau. Pour l’avoir on jette le loch, piece de bois
attachée à une ficelle , que l’on dévidé à mefuré que
le vaiffeau s’éloigne ( Voye^ L O c H ) ; car la mer
n’ayant point de mouvement vers aucun endroit,
le loch y demeure flotant & immobile, & devient
un point fixe par rapport auquel le vaifleau a plus
ou moins de vîteffe. Mais cette fuppofition ceffe, fi
l’on eft dans un courant: alors on eft expofé à prendre
pour vîteffe abfolue, ce qui n’eft que vîteffe relative
; favoir la différence en vîteffe du loch & du
vaiffeau. Erreur dangereufe. Cependant quand on
auroit les longitudes par l’obfervation célefte , le
ciel fe couvrant quelquefois pouf plufieurs jours, il
en faudroit toujours venir à la pratique de Vefiime 6c
du loch, qui ne fera jamais qu’un tâtonnement. Aft-
moires de Üacadém. lyoz . Voye% Na v ig a t io n ,
ESTIOLER, (Jard.) On dit d’une plante qu’elle
efiiole ou s’filiale, quand en croiffant. elle devient
menue & fluette, ce qui eft un défaut ; cela arrivé
aux légumes, quand les graines font feméjes trop ferrées:
(K)
ÉSTINE, (Mar.) c’eft le jufte contrè-poids qu’ort
donne à chaque côté d’un vaiffeaii, pour balancef
fa charge avec tant de jufteffe, qu’un côté né pefé
pas plus que l’autre ; ce qui eft néceffaire pour qu’il
fille & marche avec plus de facilité.
ESTIRE, fi f. (Corroyeur.) c’eft un morceau dé
fer ou de cuivre, de l’épaiffeur de cinq à fix lignes,
de la largeur de cinq à fix pouces, moins large par
en-haut que par en-nas. La partie la moins large lert
de poignée à Toüvriei\
Le corroyeur étend, abat le grain de fleur, oit
décraffe fes cuirs à Vefiire.
Vefiire. de fer eft pour les cuirs noirs : celle de cuivre
, pour ceux de couleur qu’on craint de tacher.
* ESTISSEUSES, f. f. (Manuf. en foie petites
tringles de fer qui retiennent les roquetins ôc les canons
dans les cantres.
ESTISSU, fi m. (RubaniersJ) c’eft la même çhofé
que les eftiffeufes de l’article précédent.
ESTO C, f. m. (Jurifprüd.) fignifie tronc ou fouchc
commune, dont plufieurs perfonnes font iffues. Ce
mot vient de l’allemand fioc, ou de l’anglo - faxoït
fiocce , qui veut, pareillement dire tronc.
On fefert de ce terme en matière de propres , foit
réels ou fictifs, pour exprimer la fouche commune
d’où fortoit celui qui a poffédé le propre.
Dans les coutumes de Lmple côté Ou de côté &
ligne, on confond fouvent le terme d’efioc avec ce*
lui de côté; mais dans les coutumes foucheres, le
terme d'efioc s’entend, comme on vient de le dire ,
pour la fouçhe commune.
La coutume de Dourdan, qui eft du nombre des
coûtumes foucheres, explique bien (art. i iy.) la différence
qu’il y a entre efioc St coté & ligne ; & font entendus
, dit cet article, les plus prochains de Vefioc Sc
ligne , ceux qui font defeendus de celui duquel les
héritages font procédés, & qui les a mis dans la ligne
; & où ils n’en feroient defeendus, encore qu’ils
fuffent paréos du défunt de ce côté , ils ne peuvent
prétendre les héritages contre les plus prochains lignagers
d’icelui défunt, pofé qu’ils ne fuffent lignagers
dudit côté dont les héritages font procédés.
Voye^ Renuffon , traité des propres, ch. vj.fecl. 5. 8s
aux mots CÔTÉ , COUTUMES SOUCHERES0 LïGNE f Propres, (A )
Es to c -et-Ligne , (à laMonnoie. ) les enfans 8ç
petits-enfans des monoyeurs, taillerefles, ouvriers;
enfin dp ceux qui ont été reçus & qui ont prêté fer*
ment,font dits être à'efioc-&-ligne de monnoyage : les
aînésjQnt le droit d’être reçus, en cas de mort ou de
réfignàtion, à la placé de leurs peres ou merçs, félon
le fexe & la plaçe. Les cadets ne peuvent avoir