
qu’onvoît à l’embouchure de l’Âcheloüs dans la hier
d’Ionie.
ESCHRAKITES , ou ERASKITES, f. Th. (B!/,
mod. ) fe£le de philofophes ïnahométans, qui adné-
ïent à la doôrine & aux opinions de Platon.
Ce mot eft dérivé de l’arabe fchraka, qui lignifie
briller, éclairer comme le foleil, de forte que ejchra-
kite femble lighifier illuminé.
Les efchrakites ou platoniciens, mahométans font
conlifter le bonheur fuprème & le fouverain bien
dans la contemplation de la majefté divine , & mé-
prifent l ’idée grolfiere & matérielle que l’alcoran
donne du paradis. Voyt{ Mahométisme.
• Ils évitent avec beaucoup de foin toute forte de
v ic e s , confervent autant qu’ils le peuvent l’égalité
& la tranquillité d’ame , aiment la mufique, & s’a-
mufent à compofer de petits poèmes ou chants fpi-
rituels. Les fchéics ou prêtres, & les principaux
prédicateurs des mofquées impériales, font efchrakites.
Dicl. de Trévoux & Chambers. ((y)
ESCLAME , (Manege.) terme qui n’eft pas moins
inufité que le mot ejlrac. L’un & l’autre étoient fy-
nonymes. Voye^ Etroit.
ESCLAIRE -, ([Fauconnerie.) C ’eft ainfi qu’on appelle
un oifeau dont le corps ell d’une belle longueur
, & qui n’eft point épaulé. On dit que les
efclaires font plus beaux voleurs que les gouffants,
ou ceux qui font courts & bas afiîs.
ESCLAVAGE , f. m. ( Droit nat. Religion , Mo-
rale.) L’efclavage eft l’établiffement d’un droit fondé
fur la force , lequel droit rend un homme tellement
propre à un autre homme, qu’il eft le maître abfolu
de fa v ie , dé fes biens , & de fa liberté.
Cette définition convient prefque également à Y efclavage
c iv i l, & à Y efclavage politique : pour en
crayonner l’origine , la nature , & le fondement,
j’emprunterai bien des chofes de l’auteur de l’efprit
des lo is , fans m’arrêter à loiier la folidité de fes
’ principes , parce que je ne peux rien ajouter à fa
gloire.
Tous les hommes naiflent libres ; dans le commencement
ils n’avoient qu’un nom , qu’une condition
; du tems de Saturne & de Rhée, il n’y avoit
ni maîtres ni efclaves dit Plutarque : la nature les
avoit fait tous égaux ; mais on ne conferva pas
long-tems cette égalité naturelle, on s’en écarta peu-
à-peu, la fervitude s’introduifit par degrés, & vraif-
femblablement elle a d’abord été fondée fur des conventions
libres , quoique la néceflité en ait été la
fource & l’origine.
Lorfque par une fuite néceffaire de la multiplication
du genre humain on eut commencé par fe lafler
de la fimplicité des premiers fiecles, on chercha de
nouveaux moyens d’augmenter les aifances delà v ie,
& d’acquérir des biens fuperflus ; il y a beaucoup
d’apparence que les gens riches engagèrent les pauvres
à travailler pour eux , moyennant un certain
falaire. Cette reffource ayant paru très-commode
aux uns & aux autres, plusieurs fe réfolurent à
aflùrer leur état, & à entrer pour toujours fur le
même pié dans la famille de quelqu’un , à condition
qu’il leur fourniroit la nourriture & toutes les autres
chofes néceflaires à la vie ; ainfi la fervitude a d’abord
été formée par un libre confentement, & par
un contrat de faire afin que l’on nous donne : do ut
fadas. Cette fociété étoit conditionnelle, où feulement
pour certaines chofes , félon les lois de chaque
pays , & les conventions des intéreffés ; en un
mot, de tels efclaves n’étoient proprement que des
forviteurs ou des mercenaires, allez femblables à
nos domeftiques.
Mais on n’en demeura pas là ; on trouva tant d’avantages
à faire faire par autrui ce que l’on auroit été
©bligé de faire foi-même , qu’à mefure qu’on youlut
s’aggrandir les armes à là main ÿ On établit lâ
coutume d’accorder aux prifonniers de guerre , la
vie & la liberté corporelle, à condition qu’ils fervi-
roient toujours en qualité d’efclaves ceux entre les
mains defquels ils étoient tombés.
Comme on confervoit quelque refte de reflenti*
ment d’eftnemi contre les .malheureux que l’on ré-
duifoit en efclavage par le droit des armes , on les
traitoit ordinairement avec beaucoup de rigueur ;
la cruauté parut excufable envers des gens de la
part de qui on avoit couru rifque d’éprouver le même
fort ; de forte qu’on s’imagina pouvoir impunément
tuer de tels efclaves, par un mouvement de colere,
ou pour la moindre faute.
Cette licence ayant été une fois autorifée , on
l ’étendit fous un prétexte encore moins platifible ,
à ceux qui étoient nés de tels efclaves, & même
à ceux que l’on achetoit ou que l’on acquéroit de
quelque autre maniéré que ce fut. Ainfi la fervitude
vint à fe naturalifer, pour ainfi dire, par le
fort de la guerre : ceux que la fortune favorifa ,
& qu’elle laifla dans l’état oit la nature les avoit
créés, furent appellés libres ; ceux au contraire que
la foibleffe & l’infortune affujettirent aux vainqueurs*
furent nommés efclaves ; & les Philofophes juges du
mérite des aftions des hommes, regardèrent eux-
mêmes comme une charité, la conduite de ce vainqueur
, qui de fon vaincu en faifoit fon efclavé, au
lieu de lui arracher la vie.
La loi du plus fo r t , le droit de la guerre injurieux
à la nature, l’ambition', la foif des conquêtes, l’amour
de la domination & de la mollefle, introduifi-
rent Y efclavage , qui à la honte de l’humanfté, a été
reçu par prefque tous les peuples du monde. En e f fet
, nous ne faurions jetter les yeux fur l’Hiftoire
facrée , fanis y découvrir les horreurs de la fervitude
: l’Hiftoire prophane, celle des G recs, des Romains
, &c de tous les autres peuples qui paflent pour
les mieux policés, font autant de monumens de cette,
ancienne injuftice exercée avec plus ou moins de
violence fur toute la face de la terre, fuivant les
tems , les lieux, & les nations.
Il y a deux fortes d’efc/avage ou de fervitude , la
réelle & la perfonnelle i la fervitude réelle eft celle
qui attache l’efclave au fonds de la terre;la fervitude
perfonnelle regarde le miniftere de la maifon, & fe
rapporte plus à la perfonne du maître. L’abus extrême
de Y efclavage eft lorfqu’il fe trouve en même tems
perfonnel & réel. Telle étoit chez les Juifs la fervitude
des étrangersjils exerçoient à leur égard les trai-
temens les plus rudes : envain Moyfe leur crioit
« vous n’aurez point fur vos efclaves d’empire ri-
» goureux ; vous ne les opprimerez point » , il ne
put jamais venir à bout, par fes exhortations, d’adoucir
la dureté de fa nation féroce : il tâcha donc
par fes lois d’y porter quelque remede.
Il commença par fixer un terme à Y efclavage, Sc
par ordonner qu’il ne dureroit tout-au-plus que juf-
qu’à l’année du jubilé pour les étrangers, & par rapport
aux Hébreux pendant l ’efpace de fix ans. Lèvit.
ch. xxv. ■ ÿ-, 32 •
Une des principales raifons de fon inftitution du
fabbat, fut de procurer du relâche aux ferviteurs
& aux efclaves. Exode, ch. xx. & xxiij. Deutéronome,
ch. xvj.
Il établit encore que perfonne ne pourroit vendre
fa liberté, à moins qu’il ne fut réduit à n’avoir plus
abfolument de quoi vivre. Il preferivit que quand
les efclaves fe racheteroient , on leur tiendroit
compte de leur fervice, de la même maniéré que les
revenus déjà tirés d’une terre vendue entroient en
compenfation dans le prix du rachat, lorfque l’ancien
propriétaire la recouyroit, Deutéron, ch. xv,
Lévitiq. ch. xxv.
Si un maître avoit crevé un oeil ou cafte une dent
à fon efclave ( & à plus forte raifon fans doute s’il
lui avoit fait un mal plus confidérable), l’efclave de-
voit avoir fa liberté, en dédommagement de cette
perte.
Une autre loi de ce légiflateur porte , que fi un
maître frappe fon efclave, & que l’efclave meure
fous le bâton, le maître doit être puni comme coupable
d’homicide : il eft vrai que la loi ajoûte que fi
l’efclave vit un jour ou deux, le maître eft exempt
de la peine. La raifon de cette loi étoit peut-être
que quand l’efclave ne mouroit pas fur le champ,
on préfumoit que le maître n’avoit pas eu deflein de
le tuer ; & pour lors on le croyoit allez puni d’avoir
perdu ce que l’efclave lui avoit coûté, ou le
fervice qu’il en auroit tiré : c’eft du moins ce que
donnent à entendre les paroles qui fuivent le texte,
car cet efclave ejl fon argent.
Quoi qu’il en foit, c’étoit un peuple bien étrange ,
fuivant la remarque de M. de Montefquieu , qu’un
peuple où il falloit que la loi civile fe relâchât de la
loi naturelle. Ce n’eft pas ainfi que S. Paul penfoit
fur cette matière, quand, prêchant la lumière de l’Evangile
, il donna ce précepte de la nature & de la
réligion, qui devroit être profondément gravé dans
le coeur de tous les hommes : Maîtres (Epît. aux Co-
loff. jv. I.) , rende^ à vos efclaves ce que le droit & l ’équité
demandent de vous , Juchant que vous avez un maître
dans le ciel ; c’eft-à-dire un maître qui n’à aucun
égard à cette diftinftion de conditions, forgée par
l ’orgueil & l’injuftiçe.
Les Lacédémoniens furent les premiers de la Grece
qui introduifirent l’ufage des efclaves, ou qui commencèrent
à réduire en fervitude les Grecs qu’ils
avoient faits prifonniers de guerre : ils allèrent encore
plus loin (& j’ai grand regret de ne pouvoir tirer
le rideau fur cette partie de leur hiftoire), ils
traitèrent les Ilotes avec la derniere barbarie. Ces
peuples, habitans du territoire de Sparte, ayant été
vaincus dans leur révolte par les Spartiates, furent
condamnés à un efclavage perpétuel, avec la défenfe
aux maîtres de les affranchir ni de les vendre hors
du pays : àinfi les Ilotes fe virent fournis à tous les
travaux hors de la maifon, & à toutes fortes d’in-
fultes dans la maifon ; l’excès de leur malheur alloit
au point qu’ils n’étoient pas feulement efclaves d’un
citoyen, mais encore du public. Plusieurs peuples
n’ont qu’un ejelavage rée l, parce que leurs femmes
& leurs enfans font les travaux domeftiques : d’autres
ont un efclavage perfonnel, parce que le luxe demande
le fervice des efclaves dans la maifon ; mais
ici on joignoit dans les mêmes perfonnes Y efclavage
réel & Y ejelavage perfonnel.
Il n’en étoit pas de même chez les autres peuples
de la Grece ; Y efclavage y étoit extrêmement adouci,
& même les efclaves trop rudement traités par leurs
maîtres pouvoient demander d’être vendus à un autre.
C ’eft ce que nous apprend Plutarque, de fuperf-
titione ,p € S . 1 .1. édit, de Wechel.
Les Athéniens en particulier, au rapport de Xé-
nophon, en agiffoient avec leurs efclaves avec beaucoup
de douceur : ils puniffoient féverement, quelquefois
même de mort, celui qui avoit battu l’efcla-
ve d’un autre. La loi d’Athènes, avec raifon, ne
vouloit pas ajouter la perte de la fûreté à celle de la
liberté ; aufli ne voit-on point que les efclaves ayent
troublé cette république, comme ils ébranlèrent Lacédémone.
Il eft aifé de comprendre que l’humanité exercée
envers les efclaves peut feule prévenir, dans un gouvernement
modéré , les dangers que l’on pourroit
•craindre de leur trop grand nombre. Les hommes
s’accoutument à la fervitude, pourvu que leur maître
ne foit pas plus dur que la fervitude : rien n’eft
plus propre à confirmer cette vérité, que l’état des
efclaves chez les Romains dans les beaux jours de
la republique ; & la confidération de cet état mérite
d’attacher nos regards pendant quelques momens.
Les premiers Romains traitoient leurs efclaves
avec plus de bonté que ne l’a jamais fait aucun autre
peuple : les maîtres les regardoient comme leurs
compagnons ; ils vivoient, travailloient, & man-
geoient avec eux. Le plus grand châtiment qu’ils in-
nigeoient à un efclave qui avoit commis quelque
faute, étoit de lui attacher une fourche fur le dos
ou fur la poitrine , de lui étendre les bras aux deux
bouts de la fourche, & de le promener ainfi dans
les places publiques ; c’étoit une peine ignominieufe,
& rien de plus : les moeurs fuffifoient pour maintenir
la fidélité des efclaves.
Bien-loin d’empêcher par des lois forcées la multiplication
de ces organes vivans & animés de l’économique,
ils la favorifoient au contraire de tout
leur pouvoir, & les aflocioient par une efpece de
mariage, contuberniis. De cette maniéré ils remplif-
foient leurs maifons de domeftiques de l’un & de
l’autre fexe, & peuploient l’état d’un peuple innombrable
: les enfans des efclaves qui faifoient à la
longue la richeffe d’un maître , naiffoient en confiance
autour de lui ; il étoit feul chargé de leur entretien
& de leur éducation. Les peres, libres de ce
fardeau, fuivoient le penchant delà nature, & mul-
tiplioient fans crainte une nombreufe famille ; ils
voyoient fans jaloufie une heureufe fociété, dont ils
fe regardoient comme membres ; ils fentoient que
leur ame pouvoit s’élever comme celle de leur maître
, & ne fentoient point la différence qu’il y avoit
de la condition d’efclave à celle d’un homme libre :
fouvent même des maîtres généreux faifoient apprendre
à ceux de leurs efclaves qui montroient des
talens, les exercices, la mufique, & les lettres gre-
ques ; Térence & Phedre font d’aflez bons exemples
de ce genre d’éducation.
La république fe fervoit avec un avantage infini
de ce peuple d’efclaves, ou plutôt de fujets : chacun
d’eux avoit fon pécule , c’eft-à-dire fon petit thré-
for , fa petite bourfe, qu’il poffédoit aux conditions
que fon maître lui impofoit. Avec ce pécule il tra-
vailloit du côté oïi le portoit fon génie ; celui-ci faifoit
la banque , celui-là fe donnoit au commerce de
la mer ; l’un vendoit des marchandifes en détail,
l’autre s’appliquoit à quelque art méchanique, af-
fermoit ou failoit valoir des terres : mais il n’y en
avoit aucun qui ne s’attachât à faire profiter ce pécule
, qui lui procuroit en même tems l’aifance dans
la fervitude préfente, & l’efpérance d’une liberté
future. Tous ces moyens répandoient l’abondance,
animoient les arts & l’induftrie.
Ces efclaves, une fois enrichis, fe faifoient affranchir
& deve noient citoyens ; la république fe répa-
roit fans ceffe, & recevoit dans fon fein de nouvelles
familles à mefure que les anciennes fe détrui-
foient. Tels furent les beaux jours de Yefclavage,
tant que les Romains conferverent leurs moeurs &
leur probité.
Mais lorfqu’ils fe furent aggrandis parleurs conquêtes
& par leurs rapines, que leurs efclaves ne furent
plüs les compagnons de leurs travaux , & qu’ils les
employèrent à devenir les inftrumens de leur luxe
& de leur orgueil, la condition des efclaves changea
totalement de face ; on vint à les regarder comme
la partie la plus vile de la nation, & en confé-
quence on ne fit aucun fcrupule de les traiter inhumainement.
Par la raifon qu’il n’y avoit plus de
moeurs, on recourut aux lois ; il en fallut même de
terribles pour établir la fûreté de ces maîtres cruels,
qui vivoient au milieu de leurs efclaves comme au
milieu de leurs ennemis.