eft compté parmi les plus célébrés artiftes. Il mettoit
ordinairement des fonds noirs dans fes tableaux,
pour ne point tomber dans des défauts de perfpec-
tive dont il ne voulut jamais fe donner la peine
d’apprendre les principes ; cependant on ne peut fe
lalîer d’admirer l’effet merveilleux que fes tableaux
font de loin , fon intelligence du clair-obfcur, l’harmonie
de fes couleurs, le relief de fes figures, la force
de fes expreflions, la fraîcheur de fes carnations, enfin
le cara&ere de vie & de vérité qu’il donnoitaux
parties du vifage : fes gravures formées de coups
écartés, irréguliers & égratignés, font un effet très-
piquant.
Fan-Oflade , {Adrien) né à Lubec en 1610, mort
à Amfterdam en 1685. On l’appelle communément
le bon O fad e, pour le diftinguer de fon frere. Les
tableaux d’Oftade préfentent ordinairement des intérieurs
de cabarets, de tavernes, d’hôtelleries, d’ha-
bitationsruftiques, & d’écuries. Cet habile artifte
avoit une parfaite intelligence du clair-obfur, fa touche
eft legere & fpirituelle : il a rendu la nature avec
une vérité piquante ; mais fon goût de deffein eft
lourd, & fes figures font trop courtes. Il a fait une
belle fuite de deffeins coloriés, qui eft actuellement
dans le cabinet des curieux hollandois. On a aufli
gravé d’après Van-Oftade.
Dow, (Gérard) né à Leydenen 1613. Rembrant
lui montra la Peinture, quoique Gérard ait pris une
maniéré d’opérer oppofée à celle de fon maître ; mais
il lui devoit l’intelligence de ce beau coloris qu’on
admire dans fes tableaux. On admire encore le travail
étonnant, le goût fingulier pour la propreté, le
fini, la vérité, l’exprefîion, & la parfaite eonnoif-
fance que ce célébré artifte avoit du clair-obfcur.
Ses ouvrages augmentent tous les jours de prix.
Laar, (Pierre de) né à Laar en 1613 , village près
de Naarden, mort à Harlem en 1675. Pierre de Laar
eft encore plus connu fous le nom de Bamboche, qui
lui fut donné à caufe de la finguliere conformation
de fa figure. Bamboche étoit né peintre dans fon
genre ; il n’a traité que de petits fujets, des foires,
des jeux d’enfans , des chaffes , des payfages , des
feenes gaies & champêtres, des tabagies & autres
fujets plaifans, qui, depuis lui, ont été nommées
des bambochades. En effet, perfonne n’a touché ce
genre de peinture avec plus de force, d’efprit & de
vérité, que l’a fait cet artifte.
Metçii, ( Gabriel ) né à Leyden en 1615, mort à
Amfterdam en 1658. Ce maître a fait peu de tableaux;
mais ceux qu’on voit de lui font très-précieux
, par l’art avec lequel il a sû rendre les beautés
de la nature : la fineffe & 1 a legereté de la touche,
la fraîcheur du coloris, l’intelligence du clair-obfcur
& l’exaCtitude du deffein, fe font également fentir
dans fes ouvrages. Ce maître ne peignoit qu’en petit
, & la plûpart de fes fujets font de caprice. On
vante fon tableau qui repréfente une vifite de couches
, comme aufli celui de la demoifelle qui fe lave
les mains au-deffus d’un baflin que tient fa fervante,
tandis qu’un jeune homme qui entre alors , lui fait
la révérence. Le Roi a un feul tableau de Metzu ; il
repréfente une femme tenant un verre à la main, &
un cavalier qui la falue. On a gravé d’après ce charmant
artifte.
Wouwermans, (Philippe) né à Harlem en 1620,
mort dans la même ville en 1668. C ’eft un des maîtres
hollandois dont la maniéré a été le plus univer-
fellement goûtée, & c’eft en particulier un payfagi-
fte admirable. Foyeç Le diclionn. des Beaux-Arts , &
Houbraken dans fa vie des Peintres hollandois.
Berghem, { Nicolas) né à Amfterdam en 1624,
mort à Harlem en 1683. C ’eft un des plus grands
payfagiftes de la Hollande. Ses ouvrages brillent par
la richeffe & la variété de fes compolitions, par la
vérité & le charme de fon coloris, par la liberté &
l’élégance de fa touche, par des effets piquans de
lumières, par fon habileté à peindre les ciels, enfin
par l’art & l’efprit avec lefquels il à defliné les animaux.
Miéris, dit le vieux, (François) né à Leyden en
1635, mort dans la même ville en 1681, à la fleur
de fon âge. Il eut pour maître Gérard Dow ; plu-
fieurs connoiffeurs prétendent qu’il l’a égalé pour le
précieux fini, & l’a furpaffé par le goût & la correction
du deffein , par l’élégance de fes compofi-
tions, & enfin par la fuavité des couleurs. Quoi qu’il
en foit, fes tableaux font très-iÿires , & d’un grand
prix ; il les vendoit lui-même une fomme confidéra-
ble. Ce charmant artifte excelloit à repréfenter des
étoffes, & fe fervoit, à l’exemple de Gérard Dow,
d’un miroir convexe pour arrondir les objets.
Fan-del-Felde, {Adrien) né à Amfterdam en 1639,
mort en 1672. On eftime fes payfages & fes tableaux
d’animaux. Il a excellé dans le petit, mais
fes ouvrages demandent du choix : ceux de fon bon
tems charment par la fraîcheur du coloris, & le
moelleux du pinceau ; fa couleur eft en même tems
fondue & vigoureufe, fes petites figures font naïves
& bien deflinées : enfin ce maître fait les délices
des curieux qui font partifans des morceaux peints
avec amour.
Il y a eu plufieurs autres Van-del-Velde peintres
hollandois, dont il feroit trop long de parler ici ; il
me fuffira de dire qu’ils fe font tous diftingués à toucher
le payfage , les animaux, les marines , & les
combats de mer. Foye\_ Marine , Paysage , &c.
Scalken, {Godefroi) né à Dordrecht en 1643, mort
à la Haye en 1706. Eleve de Gérard D ow , il ex-
ceiloit à faire des portraits en petit, & des fujets de
caprice : fes tableaux font ordinairement éclairés
par la lueur d’un flambeau ou d’une lampe. Les reflets
de lumière qu’il a favamment diftribués, un
clair-obfcur admirable, des teintes parfaitement fondues
, & des expreflions rendues avec art, donnent
beaucoup de prix à fes ouvrages.
Van-der-Werff', {Adrien) né à Roterdam en 1659,
mort dans la même ville en 1727. Ses ouvrages font
très-chers, par leur rareté & leur fini. Il a travaillé
dans le goût & avec le même foin que Miéris. Son
deffein eft affez corrett, fa touche eft ferme, fes figures
ont beaucoup de relief ; mais fes carnations
font fades, & approchent de l ’y voire : fes compofi-
tions manquent aufli de ce feu préférable au beau
fini. Il a traité quelques fujets d’Hiftoire. L’éle&eur
Palatin qui goûtoit fa maniéré , le combla de biens
& d’honneurs. Ses principaux ouvrages font à Dufr
feldorp dans la collection de cet électeur ; on y voit
entr’autres les quinze tableaux qu’a faits Van-der-
Werff fur les myftèrès de la Religion, & qui font les
chefs-d’oeuvres de cet artifte.
Van-Huyfum, {Jean) né à Amfterdam en 1682,
mort dans la même ville en 1749, le peintre de Flore
& de Pomone. Il n’a point eu de maître dans l’art
de repréfenter des fleurs & des fruits. Le velouté
des fruits, l’éclat des fleurs, la fraîcheur & le tranf-
parent de la rofée, le mouvement qu’il favoit donner
aux infe&es, tout enchante dans les tableaux de
ce peintre unique en fon genre ; mais il n’y a que des
princes ou de riches particuliers qui puiffent les acquérir.
Nous poffédons depuis quelque tems en France
, deux des plus beaux tableaux de ce célébré artifte
; M. de Voyer d’Argenfon qui defiroit les avoir,
les couvrit d’or pour fe les procurer. Article de M.
le Chevalier DE J AU COURT.
Ecole Lombarde, {Peint.) Le grand goût de
deffein formé fur l’antique & fur le beau naturel,
des contours coulans , une riche ordonnance, une
belle expreflion, des couleurs admirablement fondues,
un pinceau leger & moelleux, enfin une touche
favante, noble & gracieufe , caraClérifent les
célébrés artiftes de cette école. Soit que l’on ne regarde
pour lombards que les ouvrages qui ont précédé
la galerie Farnefe, foit que l’on comprenne
avec nous dans ¥ école lombarde celle de Bologne,
qui fut établie par les Carraches,il fera toûjours vrai
de dire que les grands maîtres qui fe fuccéderent ici
confécutivement , fe font également immortalifés
par des routes différentes , & toûjours fi belles,
qu’on feroit fâché de ne les pas connoître.
Mais la maniéré du Correge, fondateur de ¥ école
lombarde proprement dite, eft le produit d’un heureux
génie qui reçut fon pinceau de la main des
grâces ; cependant on ne fauroit s’empêcher d’admirer
les grands artiftes qui parurent après lui : le
Parmefan , dont les figures charmantes attachent
les regards, & dont les draperies femblent être agitées
par le vent ; les Carraches, gracieux ou cor-
refts, & féveres dans le deffein mêlé du beau naturel
& de l’antique ; le Caravage, qui prenant une
route oppofée, tirée de fon cara&ere, peint la nature
avec tous fes défauts , & cependant avec tant
de force & de vérité , qu’il laiffe le fpettateur dans
l’étonnement ; le Guide, qui fe fit une maniéré originale
fi goûtée de tout le monde ; l’AIbane , qui
nous enchante par fes idées poétiques , & par fon
pinceau riant & gracieux ; Lanffanc, né pour l’exécution
des plus grandes entreprifes ; le Dominiquin,
qui a fourni par fes travaux uqe fource inépuiïable
de belles choies ; enfin le Guerchin, qui, même fans
la correction du deffein, fans aucun agrément, plaît
encore par fon ftyle dur & terrible. Voilà les hommes
qu’a produits ¥ école lombarde pendant fa courte
durée, c’eft-à-dire dans l’efpace d’un fiecle ; & dans
çet intervalle il ne vint point de taillis ni à côté, ni
au milieu de ces grands chênes.
Corrige, {Antoine Allégri, dit le) né, félon Va-
fari, à Corrégio dans le Modénois, l’an 1475 » »
félon d’autres , plus vraiffemblablement en 1494,
mourut dans la même ville en 1534. Ce puiffant génie,
ignorant fes grands talens, mettoit un prix très-
modique à fes ouvrages, & les travailloit d’ailleurs
avec beaucoup de foin ; ce qui joint au plaifir qu’il
prenoit d’aflïfter les malheureux, le fit vivre lui-
même dans la mifere. Etant un jour allé à Parme recevoir
le prix d’un de fes tableaux, qui fe montait
à 200 livres , on le paya en monnoie de cuivre :
I’empreffement de porter cette fomme à fa pauvre
famille, l’empêcha de faire attention à la pefanteur
du fardeau, à la chaleur de la faifon , au chemin
qu’il avoit à faire à pié ; il s’échauffa, & gagna une
pleuréfie dont il mourut à la fleur de fon âge.
Il ne paroît pas que le Correge ait rien emprunté
de perfonne ; tout eft nouveau dans fes ouvrages,
fes compofitions, fon deffein, fa couleur, fon pinceau
: & quelle admirable nouveauté ! fes penfees
font très-élevées, fa couleur enchante, & fon pinceau
paroît manié par la main d’un ange. Il eft vrai
que fes contours ne font pas correfts, mais ils font
d’un orand goût ; fes airs de têtes font gracieux &
d’un choix fingulier, principalement ceux des femmes
& des petits enfans. Si l’on joint à tout cela
l’union qui paroît dans le travail du Correge, & le
talent qu’il avoit de remuer les coeurs par la fineffe
de fes expreflions, on n’aura pas de peine à croire
que ces belles parties lui venoient plûtot de la nature
que d’aucune autre fource.
Le Correge n’étant pas encore forti de fon bourg,
quoiqu’il fût déjà un peintre du premier ordre, fut
fi rempli de ce qu’il entendoit dire de Raphaël, que
les princes combloient à l’envi de préfens & d’honneurs
, qu’il s’imagina que cet artifte qui faifoit un
fi grand bruit, devoit être d’un mérite bien fupérïeiir
au lien, qui ne Favoit pas encore tiré de la
médiocrité. En homme fans expérience du monde,
il jugeoit de la fupériorité du mérite de Raphaël fur
le fien, par la différence de leurs fortunes. Enfin le
Correge parvint à voir un tableau de ce peintre fi
célébré ; après l’avoir examiné avec attention, après
avoir penfé ce qu’il auroit fait, s’il avoit eu à traiter
le même fujet que Raphaël avoit traité , il s’écria :
Je fuis un peintre aujji- bien que lui , &ç il l’était en.
effet. Il ne fe vantoit pas, puifqu’ilaproduit des ouvrages
fublimes, & pour les.penfées, & pour l’exécution.
Il ofa le premier mettre des figures véritablement
en l’air, & qui .plafonnent, comme difent
les Peintres. Pour fes tableaux de chevalet, ils lont
d’un prix immenfe.
Parmefan, {François Ma^uoli , dit le) né à Parme,
en 1504, & mort dans là ’même ville en 1540. Il
exécuta, n’ayant que feize ans, des tableaux cnil
auroient pû faire honneur à un bon maître. A l’âge,
de vingt ans, l’envie de fe perfectionner, & d’étu-.
dier avec tout le foin poflible les ouvrages de Michel-
Ange & de Raphaël, le conduifit à Rome. On rapporte
que pendant le fac de cette ville en 1^27, il
travailloit avec tant d’attache & de fécurite, que
les foldats efpagnols qui entrèrent chez lui en furent
frappés ; les premiers fe contentèrent de quelques
deffeins, les fuivans enlevèrent tout ce qu’il poffé-
doit. Protogene fe trouva à Rhodes dans des cir-
confiances pareilles, mais il fut plus heureux. Foyer
Protogene, au mot Peintres anciens.
Le Parmefan contraint de céder à la force , &
privé de fes richeffes pittorefques, vint à Bologne,
où il partageoit fon goût entre la Gravûre & la Peinture
, quand fon graveur lui vola fes planches & fes
deffeins. Cette nouvelle perte mit le Parmefan au
defefpoir, quoiqu’il eût affez promptement le bonheur
de recouvrer une partie du vol. Il quittaBo-
logne & fe rendit à Parme, où trouvant des fecours
& de la çonfolation, il fit dans cette ville de grands
& de beaux ouvrages ; mais enfin s’avifant de donner
dans les prétendus fecrets de l’Alchimie:, il perdit
à les chercher, fon tems, fon argent, fa fanté ,
& mourut miférable à l’âge de trente-fix ans.
La vivacité de l’efprit, la facilité du pinceau, la
fécondité du génie, toûjours tourné du côté de l’agrément
& de la gentilleffe ; le talent de donner
beaucoup de grâces à fes attitudes aufli - bien qu’à
fes têtes ; un beau choix des mêmes airs & des mêmes
proportions, qu’on aime quoiqu’il foit fouvent
réitéré ; des draperies legeres & bien contraftées ,.
font les parties qui caraftérifent les ouvrages de cet
aimable maître.
Ses deffeins pour la plûpart à la plume , & fur-
tout en petit, font précieux : on y remarque quelques
incorrections & quelques affeélations , fur-tout
à faire des doigts extrêmement longs ; mais on ne
voit guere ailleurs une touche plus legere & plus
fpirituelle. Enfin dans les tours de fes figures il régné
une flexibilité qui fait valoir fes deffeins, lors même
qu’ils pechent par la jufteffe des proportions.
Les Carraches , qui ont acquis tant de. gloire & de
réputation, étoient Louis , Auguftin , & Annibal
Carrache, tous trois de Bologne.
Carrache, {Louis) né à Bologne en 15 ç 5, décéda
dans la même ville en 1619. Louis Carrache étoit
un de ces genies tardifs, lents à fe développer, mais
qui venant à leur point de maturité, brillent tout-
à - coup, & laiffent le fpeClateur dans un étonnement
mêlé de plaifir. La vûe des merveilles de l’art
jointe à un travail foûtenu, l’égalerent aux plus
grands peintres d’Italie. Au goût maniéré qui regnoit
de fon tems à Rome, Louis Carrache appofa l’imitation
de la nature & les beautés de l’antique. Dans
cette vûe il établit à Bologne une académie de Pein