fait des payfages admirables , dans lefquels il y a
fouvent des fleurs , des fruits, des animaux & des
voitures repréfentes avec une intelligence finguliere.
Il a aufli peint en petit des fujets d’hiftoire. Sa touche
eft pleine d’efprit, fes figures font correctes, 8c
fes ouvrages d’un fini qui ne laiffe rien à defirer. Ses
defleins ne font pas moins précieux que fes tableaux.
Il le fervoit du pinceau avec une adreffe infinie,
pour feuiller les arbres.
Breugel, (.Pierre) fon frere, furnommé le jeune ,
a fuivi un autre goût ; les fujets ordinaires de fes
tableaux font des incendies , des feux, des lièges,
des tours de diables 8c de magiciens. Ce genre de
peinture, dans lequel il excelloit, l’a fait furnom-
mer Breugel d'enfer.
Rubens (Pierre-Paul} originaire d’Anvers, d’une
très-bonne famille, naquit à Cologne en 1577, 8c
mourut à Anvers en 1640. C ’eft le reftaurateur de
l ’école flamande, le Titien 8c le Raphaël des Pays-
bas. On connoît fa vie privée ; elle eft illuftre, mais
nous la laiffons à part.
Un goût dominant ayant porté Rubens à la Peinture,
il le perfeûionna en Italie, 8c y prit une maniéré
qui lui fut propre. Son génie vafte le rendit
capable d’exécuter tout ce qui peut entrer dans la
riche compolition d’un tableau, par la connoiffance
qu’il avoit des Belles Lettres, de l’Hiftoire 8c de la
Fable. Il inventoit facilement, 8c fon imagination
lui fourniffoit plufieurs ordonnances également belles,
Ses attitudes font variées , 8c fes airs de têtes
font d’une beauté finguliere. Il y a dans fes idées
une abondance, & dans fes expreflions une vivacité
furprenante. Son pinceau eft moelleux, fes touches
faciles 8c legeres ; les carnations fraîches, 8c fes draperies
jettées.avec art.
Il a traité fupérieurement l ’Hiftoire ; il a ouvert
le bon chemin du coloris, n’ayant point trop agité
fes teintes en les mêlant, de peur que venant à fe
corrompre par la grande fonte de couleurs, elles ne
perdilTent trop leur éclat. D ’ailleurs la plûpart de fes
ouvrages étant grands , 8c devant par conféquent
être vûs de loin, il a voulu y conferver le caraâere
des objets 8c la fraîcheur des carnations. Enfin on
ne peut trop admirer fon intelligence du clair-obfcur,
l’éclat, la force, l’harmonie 8c la vérité qui régnent
dans fes compolitions.
Si l’on confidere la quantité étonnante de celles
que cet homme célébré a exécutées, 8c dont on a
divers catalogues, on ne fera pas furpris de trouver
fouvent des incorre&ions dans fes figures ; mais
quoique la nature entraînât plus Rubens que l’antique
, il ne faut pas croire qu’il ait été peu favant dans
la partie du Deflein ; il a prouvé le contraire par divers
morceaux deflïnés d’un goût 8c d’une correction
que les bons peintres de l’école romaine ne defa-
voueroient pas.
Ses ouvrages font répandus par-tout, & la ville
d’Anvers a mérité la curiofité des étrangers par les
feuls tableaux de ce rare génie. On vante en particulier
fingulierement celui qu’elle poflede du crucifiement
de Notre Seigneur entre les deux larrons.
Dans ce chef-d’oeuvre de l’a rt, le mauvais larron
qui a eu fa jambe meurtrie par un coup de barre de
fer dont le bourreau l’a frappé , fe foûleve fur fon
gibet ; & par cet effort qu’a produit la douleur, il a
force la tête du clou qui tenoit le pié attaché au poteau
funefte : la tête du clou eft même chargée des
dépouilles hideufes qu’elle a emportées en déchirant
les chairs du pié à-travers lequel elle a palfé. Rubens
qui favoit fi-bien en impofer à l’oeil par la magie de
fon clair-obfcur, fait paroître le corps du larron for-
tant du coin du tableau dans cet effort, & ce corps
eft encore la chair la plus vraie qu’ait peint ce grand
colorifte. On voit de profil la tête du fupplicié, 8c
fa bouche, dont cette fituation fait encore mieux
•remarquer l’ouverture énorme ; fes yeux dont la
prunelle eft renverlée, 8c dont on n’apperçoit que
le blanc fillonné de veines rougeâtres & tendues ; enfin
l’aélion violente de tous les mufcles de fon vifage,
font prel'que oiiir les cris horribles qu’il jette. Réflex.
fur la Peint, tome I.
Mais les peintures de la galerie du Luxembourg
qui ont paru gravées au commencement de ce fiecle,
8c qui contiennent vingt-deux grands tableaux 8c
trois portraits en pié, ont porté la gloire de Rubens
par tout le monde ; c’eft aufli dans cet ouvrage qu’il
a le plus développé fon carattere & fon génie. Per-
lonne n ignore que ce riche & fuperbe portique, fem-
blable à celui de Verfailies, eft rempli de beautés de
defièin, de coloris, 8c d’élégance dans la compofi-
tion. On ne reproche à l’auteur trop ingénieux, que
le grand nombre de fes figures allégoriques , qui ne
peuvent nous parler 8c nous intéreffer ; on ne les
devine point fans avoir à la main leur explication
donnée par Féhbien & par M. Moreau de Mautour.
Or il eft certain que le but de la Peinture n’eft pas
d exercer notre imagination par des énigmes ; fon
but eft de nous toucher & de nous émouvoir. Mon
fentiment là-deffus , conforme à celui de l’abbé du
Bos, eft fi vrai, que ce que l’on goûte généralement
dans les galeries du Luxembourg & de Verfailies,
eft ^uniquement l’expreflion des pallions. * Telle eft:
» 1 exprefiion qui arrête les yeux de tous les fpec-
» tateurs lur le vifage de Marie de Medicis qui vient
» d accoucher ; on y apperçoit diftinôement la joie
* d’avoir mis au monde un dauphin , à-travers les
» marques fenfibles de la douleur à laquelle Eve fut
» condamnée ».
-Au refte M. de Piles, admirateur de Rubens, a
donné fa v ie , confultez-la.
Fouquieres (Jacques) né à Anvers vers l’an 15 80,
mort à Paris en 1621, excellent payfagifte, s’il n’eût
pas trop bouché fes payfages, & s il y eût mis moins
de vert. Il étudia quelque tems fous Breugel de velours
; fes peintures ne font pas fi finies, mais elles
ne font pas moins vraies ni moins bien coloriées que
celles de fon maître.
Krayer, (Gafpard) né à Anvers en 1585, mort à
Gand en 1669. Ce maître a peint avec niccès des
fujets d’Hiftoire ; on trouve dans fes ouvrages une
belle imitation de la Nature , une exprefiion frappante
, un coloris féduifant. Krayer a fait un grand
nombre de tableaux de chevalet, & de tableaux
d’autels; les villes d’Oftende, de Gand, de Dender-
monde , & en particulier de Bruxelles, font enrichies
de fes compofitions. Son chef-d’oeuvre eft un
tableau de plus de vingt piés de haut, qu’on voit
dans la galerie de Dufleldorp , dont, il fait un des
beaux ornemens : l ’éle&eur Palatin l’acheta 60000
livres des moines qui le pofledoient. Ce tableau repréfente
la Vierge foûtenue par des Anges, extrêmement
bien groupés. S. André appuyé fur fa croix,
admire avec d’autres Saints la gloire,de la Mere de
Notre Seigneur, &c. Il régné dans cet ouvrage un coloris
fuave, une grande intelligence du clair-obfcur,
une belle difpolition de figures & d’attitudes.
Snyders, (François) né à Anvers en 1587, mort
dans la même ville en 1657, n’a guere été furpafle
par perfonne dans l’art de repréfenter des animaux.
Ses chafles , fes payfages , & les tableaux oü il a
peint des cuifines, font aufli fort eftimés. Sa touche
eft legere, fes compofitions variées, & fon intelligence
des couleurs donne encore du prix à fes ouvrages.
Cet artifte a gravé un livre d’animaux.
fordaans , ( Jacques) né à Anvers en 1594, mort
dans la même ville en 1678, eft un des plus grands
peintres de l'école flamande ; fon pinceau peut être
comparé à celui de Rubens même. Les douze ta"
bleaux de la Paflîon de Notre Seigneur, qu’il fit pour
Charles Guftave roi de Suede, font très-eftimés. Le
tableau de quarante piés de haut, qu’il peignit à la
gloire du prince Frédéric Henri de Nafl’a u , eft un
ouvrage magnifique. Ce maître a aufli excellé dans
des fujets plaifans : on connoît fon morceau du roi-
toit. Enfin il embrafToit par fes talens tous les genres
de Peinture.
Vandeyk , (Antoine) né à Anvers en 1599» niort
à Londres en 16 4 1 , comblé de faveurs & de bienfaits
par Charles I. Vandeyk eft le fécond peintre de
I ’’école flamande, 8c le roi du portrait. On reconnoît
dans toutes fes compofitions les principes par lef-
quels Rubens fe conduifoit. Il a fait aufli des tableaux
d’Hiftoire extrêmement eftimés. Voye%_, par exemple
, fur fon tableau de Belifaire, les reflexions de M.
l'abbé du Bos.
Braur ou Brouter, né à Oudenarde en 1608, mort
à Anvers en 1640. Il a travaillé dans le goût de Té-
niers avec un art infini. Les fujets ordinaires de fes
ouvrages, font des feenes plaifantes de payfans.
II a repréfenté des querelles de cabaret, des filous
jouant aux cartes, des fumeurs, des y vrognes, des
noces de village, &c. Etant en prifon à Anvers , il
peignit avec tant de feu & de vérité des foldats espagnols
occupés à joiier, que Rubens ayant vû ce
tableau , en fut frappé, en offrit aufli-tôt 600 flor.
8c employa fon crédit pour obtenir la liberté de
Braur. Les tableaux de cet artifte font rares ; il don-
noit beaucoup d’expreflion à fes figures, & rendoit
la nature avec une vérité frappante. Il avoit une
grande intelligence des couleurs ; fa touche eft d’une
legereté 8c d’une fineffe peu communes : enfin il
étoit né peintre.
Tèniers le jeune, (David) naquit à Anvers en
1610, & mourut dans la même ville en 1694. C ’eft
un artifte unique en fon genre ; fes paylages, fes fêtes
de villages, fes corps-de-garde, tous fes petits
tableaux, & ceux qu’on nomme des apres-foupers,
parce qu’il lés commençoit 8c les finiffoit le foir même
, font les ornemens des cabinets des curieux. .
Louis X IV . n’aimoit point le genre de peinture
de Téniers ; il appelloit les tableaux de cet
artifte , des magots : aufli il n’y a dans la colleôion
du Roi qu’un tableau de ce peintre, repréfentant les
oeuvres de miféricorde ; mais M. le duc d Orléans
en poflede plufieurs. On a beaucoup gravé d’après
les ouvrages de Téniers : il a lui-même gravé divers
morceaux. Ses defleins font fort recherchés, pour
l’efprit 8c la legereté qui y brillent. Enfin aucun
peintre n’a mieux réufli que lui dans les petits fujets ;
fon pinceau étoit excellent ; il entendoit très-bien
le clair-obfcur, & il a furpafle tous fes rivaux dans
la couleur locale: mais Téniers, lorfqu’il a voulu
peindre l’Hiftoire , eft demeuré au-deflous du médiocre.
Il réüflifloit aufli mal dans les compofitions
férieufes, qu’il réüflifloit bien dans les compofitions
grotefques ; ainfi un corps-de-garde de ce peintre
nous attache bien plus qu’un tableau d’Hiftoire de
fa main.
Van-der-Meer, (Jean) né à Lille en 1627, avoit,
ainfi que fon frere, dit le jeune (de Joughe) , un talent
fupérieur pour peindre des vûes de mer, des
payfages & des animaux. Le jeune Van - der- Meer
excelloit en particulier à peindre des moutons, dont
il a repréfenté la laine avec un art féduifant. Tout
eft fondu 8c d’un accord parfait dans fes petits tableaux.
yan-der-Meulen , (Antoine-François) né'à Bruxelles
en 1634, mourut à Paris en 1690. Il avoit un talent
fingulier pour peindre les chevaux ; fa touche
eft pleine d’efprit, 8c approche de celle de Téniers. i
Ce maître eft non-feulement connu par fes charmans
payfages, mais encore par de grands tableaux qui
foht l’ôrnement de Marly & des autres maifons royales.
Ses tableaux particuliers font des chafles, des
fiéges, des combats , des marches ou des campe-
mens d’armées.
Vleughels, ( Le chevalier) né en Flandres vers le
milieu du dernier fiecle ; cultiva la Peinture dès fa
tendre jeuneffe, vint en France, & fe rendit enfuitè
en Italie , où fes talens, fon efprit & fon favoir
le firent nommer par le roi, direêteur de l’académie
de S. Luc établie à Rome. Il n’a guere peint que de
petits tableaux de chevalet ; mais fes compofitions
font ingénieufes, 8c il s’eft particulièrement attaché
à la maniéré de Paul Veronefe. Article de M. U Chevalier
DE J A U COU RT.
Ecole Florentine , (Peint.) Les peintres de
cette école, qui mettent à leur tête Michel-Ange 8c
Leonard de V in c i, fe font rendus recommandables
par un ftyle élevé, par une imagination vive 8c féconde
, par un pinceau en même tems hardi, corrett
8c gracieux. Ceux qui font fenfibles au coloris, reprochent
également aux pèintres de Florence, comme
à ceux de Rome, d’avoir ordinairement négligé
cette partie, qui rend le peintre le plus parfait imi-.
tateur de la nature. Foye^ Ecole Romaine.
Les beaux-Arts éteints dans l’Italie par l’invafîort
des Barbares , franchirent en peu de tems un long
efpace, 8c fauterent de leur levant à leur midi. Le
fénat de Florence fit venir des peintres de la Grece ,
pour rétablir la Peinture oubliée, & Cimabué fut
leur premier difciple dans le xiij. fiecle ; ainfi l’on
vit paroître en Tofcane, dans la patrie de Léon X .
la première lueur de ce bel A r t , qui avoit été couvert
d’épaiffes ténèbres pendant près de mille ans ;
mais il jetta bientôt la plus éclatante lumière.
Cimabué, né à Florence en 1213, 8c mort en 1294 ,
eut donc la gloire d’être le reftaurateur de la Peinture
en Italie. Il a peint à frefque & à détrempe
car on fait que la peinture à l’huile n’étoit pas trouvée.
On voyoit encore à Florence dans le dernier fiecle,
des renes de la peinture à frefque de Cimabué.
Léonard de Fïnci, né de parens nobles dans le
château de Vinci près de Florence en 145 5, mourut à
Fontainebleau entre les bras de François I. en 1520.'
Cét homme célébré étoit un de ces heureux génies
qui découvrent de bonne heure les plus grands talens
pour leur profeflion. Il a la gloire d’être le premier,
depuis la renaiffance des Arts , qui ait immortalifé
fon nom dans la Peinture.Tl pouffa la pratique pref-
qu’aufli loin que la théorie, 8c fe montra tout enfem-
ble grand deffinateur, peintre judicieux, expreflîf
naturel, plein de vérité^ de grâces & de nobleffe.
Au bout de quelques années d’étude il peignit un
Ange fi parfaitement dans un tableau de Verrochio
fon maître, que celui-ci confondu de la beauté d«
cette figure, qui effaçoit toutes les fiennes, ne voulut
plus manier le pinceau.
La Cène de Notre Seigneur, que Léonard de Vinci
repréfenta dans le réfe&oire des Dominicains de
Milan, étoit un ouvrage fi magnifique par l’exprek
fion, que Rubens qui l’avoit vû avant qu’il fût détruit
, reconnoît qu’il eft difficile de parler affez dignement
de l’auteur, 8c encore plus de l’imiter s
l’eftampe que Soëtmans en a gravée, ne rend point
les beautés de l’original ; mais on en voit à Paris à
S. Germain l’Auxerrois, une excellente copie, qu’on
doit vraiffemblablement à François I.
Les tableaux de ce maître fe trouvent difperfés
dans toute l’Europe, & la plûpart font des morceaux
très-gracieux pour le faire. Il n’eft perfonne qui ne
connoiffe de nom fa fameufe Gioconde, qui eft peut-
être le portrait le plus achevé qu’il y ait au monde 2
le Roi en eft le poffeffeur.
Les defleins de Léonard de Vinci, à la mine de
plomb, à la fanguine, à la pierre noire, & fur-tout