I
S’il ne donne pas à fes monnoies le plus grand degré
de fineffe , il faut que les termes diminués foient
continuellement proportionnels aux plus grands termines.
: .
Soient les parties de la plus grande fineffe de l’or
repréfentées par 16 c; les parties de la plus grande
fineffe de l’argent par 6 d.
Si l’on veut monnoyer de l’or qui ne contienne
que la moitié des parties de la plus grande fineffe
dont ce métal eft fufceptible , elles feront repréfentées
par 8 c.
Confervant la proportion du poids entre l’or &
l’argent, il faut que le titre de ce dernier foit équivalant
à 3 d. Parce que 8 c. 3 d : 1 16 c. 6 d.
Si la proportion du titre eft hauffée en faveur de
l’o r, & que 8 c = 4</, les étrangers apporteront de
l ’or de pareil titre pour l’échanger contre l’argent. La
différence d , ou la quatrième partie de fin de chaque
piece de monnoie d’argent enlevée fera leur profit.
Dès-lors l’état fur qui il eft fait en eft appauvri réellement
& relativement. La même chofe s’opérera
fur l’or , fi la proportion du titre eft hauffée en faveur
de l’argent.
Ainfi l’intérêt de chaque fociété exige que la monnoie
fabriquée avec chaque métal, fe trouve en rai-
fon exaéle & compofée de la proportion unanime des
titres, & de la proportion du poids obfervée par les
états voifins.
Dans les fuppofitions que nous avons établies,
a + i 6 c = i 5 £ + 6 < /
a -j- 8 c = 15 0 + 3 ^
Et ainfi du refte. Ou bien fi l’une de ces proportions
eft rompue , il faut la rétablir par l’autre :
16 c = 3o£ + 3 ^::<* + 16 C = 15 b + 6 d
a + 8 C = 7 £ b + 6 d : : a + 8 c = 1 5 b + 3 d '
D ’où il s’enfuit que l’alliage ou les parties, hétérogènes
qui compofent avec les parties de fin le poids
d’une piece de monnoie, ne font point évaluées dans
l’échange qui s’en fait avec les étrangers, foit pour
d’autres monnoies, foit pour des denrées.
Ces parties d’alliage ont cependant une valeur intrinfeque;
dès-lors on peut dire que le peuple qui
donne le moins de degres de fineffe à fes monnoies,
perd le plus dans l’échange qu’il fait avec les étrangers
; qu’à volume égal de la maffe des fignes, il eft
moins riche qu’un autre.
De ce que nous venons de dire, on doit encore
conclure que les titres étan^, égaux, c’eft la quantité
qu’il faut donner du métal le moins rare pour équivalent
du métal le plus rare, qui forme le rapport
ou la proportion entr’eux. -
Loriqu’un état a coûtume de recevoir annuellement
une quantité de métaux pour compenfer l’excédent
des denrées qu’il vend fur celles.qu’il acheté ;
& que fans s’écarter des proportions dont nous v e nons
de parler au point de laiffer une différence capable
d’encourager l’extraélion d’un de fes métaux
monnoyés, il préfente un petit avantage à l’un des
métaux hors d’oeuvre fur l’autre : il eft clair que la
balance lui fera payée avec le métal préféré ; confé-
quemment après un certain nombre d’années, ce métal
fera relativement plus abondant dans le Commerce
que les autres. Si cette préférence étoit réduite,
ce feroit augmenter la perte du peuple , qui paye la
majeure partie de cette balance.
Si ce métal préféré eft le plus précieux de tous ;
étant par cela même moins fufceptible de petites di-
vifions & plus portatif, il eft probable que beaucoup
de,denrées, mais principalement les chofes que le riche
paye lui-même, haufferont plus de prix que fi la
préférence eut été donnée à un métal moins rare.
On conçoit que plus il y a dans un pays de fubdi-
yifions de valeurs dans chaque efpece de métaux monnayés,
plus il eft aifé aux acheteurs de difputer fur
le prix avec les vendeurs, & de partager le différend.
Conféquemment fi les fubdivifions de l’o r , de l’argent
& du cuivre, ne font pas dans une certaine proportion
entr’elles, les chofes payées par le riche en
perfonne, doivent augmenter de prix dans une proportion
plus grande que les richeffes générales » parce
que fouvent le riche ne fe donne ni le tems, ni la
peine de difputer fur le prix de ce qu’il defire ; quelquefois
même il en a honte. Cette obfervationn’eft
pas aufli frivole qu’elle pourra le pafoitre au premier
afpeft ; car dans un état où les fortunes feront très-
inégales hors du Commerce, l’augmentation des fa-
laires commencera par un mauvais principe , &
prefque toujours par les profeflions moins utiles; d’où
elle paffe enfuite aux profeflions plus néceffaires.
Alors le commerce étranger pourra en être affoibli,
avant d’avoir attiré la quantité convenable d’argent
étranger. Si l’augmentation du falaire des ouvriers
néceffaires trouve des obftacles dans la pauvreté
d’une partie du peuple, l’abus eft bien plus confidéra-
ble : car l’équilibre eft anéanti entre les profeflions ;
les plus néceffaires font abandonnées pour embraffer
celles qui font fuperflues, mais plus lucratives. A
Dieu ne plaife que je defire que le peuple ne fe ref-
fente pas d’une aifance dpnt l’état n’eft redevable
qu’à lui ! au contraire je penfe que le dépôt des richeffes
n’eft utile qu’entre fes mains, & le Commerce
feul peut le lui donner, le lui conferver. Mais il me
femble que ces richeffes doivent être partagées le'
plus également qu’il eft poflible , & qu’aucun des
petits moyens généraux qui peuvent y conduire n’eft:
à négliger.
Par une confequence naturelle de ce que nous
venons de dire ', il eft évident qu’àmefure que les
monnoies de cuivre difparoiffent du Commerce,]
les denrées hauffent de prix.
Cette doubleiproportion entre les poids & les tï-'
très des divers métaux monnoyés n’eft pas la feule
que le légiilateur doive obferver. Puifque le poids &
le titre lont la feule valeur intrinfeque des monnoies
; il eft clair qu’il eft une autre proportion également
effentielle entre les divifions & les fubdivifions
de chaque efpece de métal.
Soit, par exemple, une portion d’argent m , d’un
poids a , d’un titre quelconque, fous une dénomination
c. On aura a.— c.
Si on altéré le titre, c’eft-à-dire fi l’on fubftitue
dans la portion d’argent m , à la place d’une quantité
quelconque x de cet argent, une quantité y d’alliage
, telle que la portion d’argent m refte toûjours,
du même poids a.
Soit 1 la différence en valeur réelle & générale
de la quantité x & de la quantité y .
Il eft clair qu’on aura un poids a = c & un poidi
Si le légiilateur veut qu’un poids a, quel qu’il foit
indiftinûement, paye c ; c’eft précifément comme
s’il ordonnoit que c foit égal à c — Qu’arrivera-t-
il de -ïà ? que chacun s’efforcera de faire le payement
c avec le poids a = c — { , plutôt qu’avec let
poids a= c; parce qu’il gagnera la quantité Par là
même raifon perfonne ne voudra recevoir le poids
a z± c — { , d’où naîtra une interruption de commerce
, un refferrement de toutes les quantités a = c p
&C un defordre général.
Ce n’eft pas cependant encore tout le mal. Ceux
qui fe feront les premiers apperçus des deux valeurs
d’un même poids a., auront acheté des poids a = c,
avec des poids a = c — { ; ils auront fait paffer les
poids a = c dans les états voifins, pour les refondre
& rapporter, des poids a = c — { , avec lefquels
ils feront le payement c tant que le defordre durera»
Si le bénéfice fe partage avec l’étranger moitié par
moitié
tïioïtié, il èft inèonteftàble que fur chaque à c reformée
par l’étranger en a = c — [■ , l’état aura été
appauvri réellement & relativement de la moitié de
la quantité £.
• Le cas feroit abfolument le même fi le légiilateur
ordonnoit que de deux quantités a-\-b égales pour
le titre & le poids, fune paffât fous la dénomination
c en vertu de fa forme nouvelle, & l’autre fous
la dénomination c— ç. Car pour gagner la quantité
le même tranfport fe fera à l’étranger qui donnera
la forme nouvelle à l’ancienne quantité ; même
bouleverfement dans le commerce, mêmes rai-
fons de refferrer l ’argent, mêmes profits pour les
étrangers, mêmes pertes pour l’état.
D ’où réfulte ce principe, qu’un état fufpend pour
long-tems la circulation & diminue la maffe de fes.
métaux, lorfqu’il donne à la fois deux valeurs in-
trinfeques à une même valeur numéraire, Ou deux
valeurs numéraires différentes à une même valeur
intrinfeque.
Tous les états qui font des refontes ou des reformes
de monnoies pour y gagner, s’écartent nécef-
fairement de ce principe, & payent d’un fecours léger
la plus énorme des ufures aux dépens des fujets.
Dans les pays où la fabrication des monnoies fe
fait aux dépens du public, jamais un femblable defordre
n’arrive. Indépendamment de l’aélivité qu’une
conduite fi fage donne à la circulation intérieure & .
extérieure des denrées, & au crédit public par la
confiance qu’elle infpire , elle met encore les fujets
dans le cas de profiter plus aifément des fautes des
états voifins fur les monnoies : on fait que dans certaines
circonftances ces profits peuvent être im-
menfes.
N’ayant effleuré la matière des monnoies qu’au-
tant que ce préambule paroiffoit néceffaire à mon
objet principal, qui eft la circulation de l’argent,
je ne parlerai du furhauffement & de la diminution
des monnoies qu’à l’endroit où les principes de la
circulation l’exigeront.
L’argent eft un nom colleélif, fous lequel l’ufage
comprend toutes les richeffes de convention. La raifon
de cet ufage eft probablement, que l’argent tenant
une efpece de milieu entre l’or & le cuivre
pour l’abondance & pour la commodité du tranfport
, il fe trouve plus communément dans le commerce.
Il eft effentiel de diftinguer d’une maniéré très-
nette les principes que nous allons pofer, parce que
leur fimplicite pourra produire des conféquences
plus compliquées, & fur-tout de refferrer fes idées
dans chacun des cercles qu’on fe propofe de parcourir
les uns après les autres.
Nous l’avons déjà remarqué, I’introduélion de l’argent
dans le commerce n’a évidemment rien changé
dans la nature de ce commerce. Elle confifte toûjours
dans une échange des denrées contre les denrées, ou
dans l’abfence de celles que l’on defire contre l’argent
qui en eft le ligne.
La répétition de cette échange eft appellée circulation.
L’argent n’étant que figne des denrées, le mot de
circulation qui indique leur échange devroit donc
être applique aux denrées, & non à l’argent ; car la
fonélion du- figne dépend abfolument de l’exiftence
de la chofe qu’on veut repréfenter.
Aufli l’argent eft-il attiré par les denrées, & n’a
de valeur repréfentative qu’autant que fa poffeflîon
n’eft jamais féparée de l’affûrance de l’échanger contre
les denrées. Les habitans du Potozi feroient réduits
à déplorer leur fort auprès de vaftes monceaux
d’argent, & à périr par la famine, s’ils reftoient fix à
fept jours fans pouvoir échanger leurs thréfors contre
des vivres.
Tome
C ’éft donc abiifivement que l’argent eft regardé
en foi comme le principe de la circulation ; c’eft ce
que nous tâcherons de développer*
Diftirtgitons d abord deux lbrtes de circulations
de l’argent ; l’une naturelle,Tautre compofée.
Pour fe faire une idée jufte de cette circulation
naturelle ;, il faut confidérer lek fociétés dans une
pofitiün ifolée ; examiner quelle fon&ion y peut
faire l’argent en raifon de fa maffe.
Suppol'ons deux pays qui fe fuffifent à eux-mê^
mes, fans relations extérieures, également peuplés
poffedant un nombre égal des mêmes denrées ; qué
dans l’un la maffe des denrées foit repréfentée par
100 livres d’un métal quelconque» & dans l’autre
par 200 livres du même métal. Ce qui vaudra une
once, dans l’un coûtera deux onces dans l’autre.
Les habitans de l’un & de l’autre pays feront également
heureux, quant à l’ufage qu’ils peuvent faire
de leurs denrées entr’eux ; la feule différence confîfi
tera dans le volume du figne, dans la facilité de fon
tranfport, mais fa fonélion fera également remplie*
On concevra facilement d’après cette hypothefe
deux vérités très-importantes*
i°. Partout où une convention unanime a établi
une quantité pour figne d’une autre quantité, fi la
quantitéyepréfentante fe trouve accrue, tandis que
la quantité repréfentée refte la même, le volume
du ligné, augmentera ; mais la fonélion ne fera pas
multipliée*
2°. Le point important pour la facilité des échan-*
ges, ne confifte pas en ce que le volume des lignés
ioit plus ou moins grand ; mais dans l’affûrance oit
. font les proprietaires de l’argent 8c des denrées, de
les échanger quand ifs'le voudront dans leurs divifions
, fur le pié établi par l’ufage en raifon des maf-
fes réciproques.
Aingopération de la circulation il’eft autre chofe
que l’échange réitérée deSdenrées contré l’argent,
& de l’argent contre les denrées. Son origine eft la
commodité du Commerce ; fon motif eft le hefoin
continueh ôc réciproque oh les hommes font les uns
des autres.
Sa durée dépend d’une confiance entière dans la
facilité de continuer fes échanges fur lé pié établi
par l’ufage, en raifon des maffes réciproques.
Définiffons donc la circulation naturelle de l’argent
de la maniéré fuivante :
C ’eft la préfence continuelle dans le Commerce de
la portion d’argent qui a coûtume de revenir à chaque
portion des denrées, en raifon des maffes réciproques.
L’effet de cëtte circulation naturelle, eft d’établir
entre l’argent & les denrées une concurrence parfaite
qui les partage fans ceffe entre tous les habitans
d’un pays : de ce partage continuel, il réfulte
qu’il n’y a point d’emprunteurs; que tous les hom*
mes font occupés par un travail quelconque, ou propriétaires
des terres.
Tant que rien n’interrompra cet équilibre exaft,
les hommes feront heureux, la focréte très-ifloriffan-
te , foit que le volume des fignes foit confidérable ou
qu’il ne le foit pas.
Il ne s’agit point ici de fuivre la condition de cettè
focicte ; mon but à ete de déterminer en quoi con—
fifte la fonélion naturelle de l’argent comme fi^ne ;
& de prouver que par-tout où cet ordre naturefexi-
fte aéluellement, l’argent n’eft point la mefure des
denrées, qu’au contraire la quantitédesdenrées mefure
le volume du figne.
Comme les denrées font fujettes à une grande inégalité
dans leur qualité, qu’elles peuvent fe détruire
plus aifément que les métaux, que ceux-ci peuvent
fe cacher en cas d’invafion de l’ennemi ou de troubles
domeftiques, qu’ils l'ont plus commodes à tranf»
F F F f f f