premières fyllabes de père , mère, frère, 6c dans il
appelle , il mène , ma nièce, & encore dans tous les
mots où Vc eft fuivi d’une confonne avec laquelle il
forme la même fyllabe, à moins que cette confonne
ne foit l’s ou le { qui marquent le pluriel, ou le nt
<le la troilîenie perfonne du pluriel des verbes ; ainli
on dit examen y 6c non examen. On dit tel, bel, ciel,
thèf, bref y Jofèph , nèf, relief, Ifraèl, Abèl, Babèl,
réel y Michel y miel, pluriel, criminel y quel y naturèl,
hôtel y mortel y mutuel, Y hymen , Sadducéèn , Chaldêèn,
il viènt, il foûtiènt, & c .
Toutes les fois qu’un mot finit par un e muet, on
ne fauroit foûtenir la voix fur cet e muet, puifque fi
on la foûtenoit, Ve ne feroit plus muet : il faut donc
que l’on appuie fur la fyllabe qui précédé cet e
muet; & alors fi cette fyllabe eft elle-même un e
muet, cet e devient ouvert commun, 6c fert de point
d’appui à la voix pour rendre le dernier e muet ; ce
qui s’entendra mieux par les exemples. Dans mener,
appeller, &c. le premier e eft muet & n’eft point accentué
; mais fi je dis je mène, j’appelle , cet e muet
devient ouvert commun, 6c doit être accentué, je
mène, j'appelle. De même quand je dis j'aime , je
demande, le dernier e de chacun de ces mots eft
muet ; mais fi je dis par interrogation, aimé-je ? ne
demandé-je pas ? alors Ve qui étoit muet devient e
ouvert commun.
Je fai qu’à cette occafion nos Grammairiens di-
fent que la raifon de ce changement de Ve muet, c’eft
qu’/V ne fa u r o it y avoir d eux e muets de fu i t e ; mais il
faut ajôûter, à la f in d 'u n mot : car dès que la voix
paffe, dans le même mot, à une fyllabe foûtenue,
cette fyllabe peut être précédée de plus d’un e muet,
REBEmander, r e v e n ir , & c . Nous avons même plu-
fieurs e muets de fuite, par des monofyllabes ; mais
il faut que la voix paffe de Ve muet à une fyllabe
foûtenue : par exemple , de ce que je redemande ce
qui m’eft dû, &c. voilà fix e muets de fuite au commencement
de cette phrafe, & il ne fauroit s’en trouver
deux précifément à la fin d’un mot. II. L’e eft plus ouvert en plufieurs mots, comme
dans la première fyllabe de fermeté, où il eft ouvert
bref ; il eft ouvert long dans grèffe.
I I I . L’e eft très-ouvert dans accès, fuccès, être,
tempête, ilè fi, abbèffe, fans cèffe, profèjfe, arrêt, fo-
, rêt, trêve, la Grève, il rêve, la tête.
L’e ouvert commun au fingulier, devient ouvert
long au pluriel, le chéf, les chèfs; un mot bref, les
mots brèfs; un autél, des autèls. Il en eft de même
des autres voyelles qui deviennent plus longues au
pluriel. Voye^ le traité de la Profodie de M. l'abbé
d’Olivet.
' Ces différences font très-fenfibles aux perfonnes
qui ont reçû une bonne éducation dans la capitale.
Depuis qu’un certain efprit de jufteffe', de précifion
& d’exaftitude s’eft un peu répandu parmi nous,
nous marquons par des aecens la différence des e.
Voyei ce que nous avons dit fur l’ufage 6c la deftina-
tion des accens, même fur l’accent perpendiculaire,
au mot A c c e n t . Nos protes deviennent tous les
jours plus exafts fur ce point, quoi qu’en puiffent
dire quelques perfonnes qui fe plaignent que les accens
rendent les caraûeres hériffés ; il y a bien de
l’apparence que leurs yeux ne font pas accoûtumés
aux accens ni aux efprits des livres grecs, ni aux
points des Hébreux. Tout ligne qui a une deftina-
tion, un ufage, un fervice, eft refpe&é par les perfonnes
qui aiment la précifion 6c la clarté ; ils ne
s’élèvent que contre les lignes qui ne fignifient rien,
ou qui induifent en erreur.
C ’eft fur-tout à l’oceafion de nos e brefs & de nos
e longs, que nos Grammairiens font deux obferva-
îions qui ne me paroiffent pas juftes.
: ’ La première, c?eft.qu’ils prétendent que nos peres
ont doublé les confonnes, pour marquer que la
voyelle qui précédé étoit breve. Cette opération ne
me paroît pas naturelle ; il ne feroit pas difficile de
trouver plufieurs mots où la voyelle eft longue, malgré
la confonne doublée, comme dans grèffe & nèfle :
le premier e eft long, félon M. l’abbé d’O liv et,
Profod. p. y4.
L’e eft ouvert long dans abbèjfe, profèffe ,fans cèffe9
malgré Vf redoublée. Je crois que ce prétendu effet
de la confonne redoublée, a été imaginé par zèle
pour l’ancienne ortographe. Nos peres écrivoient
ces doubles lettres , parce qu’ils les prononçoient
ainfi qu’on les prononce en latin ; 6c comme on a
trouvé par tradition ces lettres écrites, les yeux s’y
font tellement accoûtumés, qu’ils’en fouffrent avec
peine le retranchement : il falloit bien trouver une
raifon pour exeufer cette foibleffe.
Quoi qu’il en fo it , il faut confidérer la voyelle
en elle-même, qui en tel mot eft breve , & en tel
autre longue : Va eft bref dans place, 6c long dans
grâce, 6cc.
Quand les poètes latins avoient befoin d’allonger
une voyelle, ils redoubloient la confonne fuivante,
relligio; la première de ces confonnes étant prononcée
avec la v o yelle, la rendoit longue : cela paroît
raifonnable. N icot dans fon dictionnaire, au mot auge,
obferve que « ce. mot eft écrit par double aa, pour
» dénoter, dit-il, ce grand A françois, ainfi que Va
» grec ; lequel aa nous prononçons, pourfuit-il, avec
n traînée delà voix en aucuns mots,comme en Chaa-
»Ions». Aujourd’hui nous mettons l’accent circonflexe
fur Va. Il feroit bien extraordinaire que nos
peres euffent doublé les voyelles pour allonger, 6c
les confonnes pour abréger !
La fécondé obfervation , qui ne me paroît pas
exatte, c’eft qu’on dit qu’anciennement les voyelles
longues étoient fuivies d/muettesqui enmarquoient
la longueur. Les Grammairiens qui ont fait cette remarque
, n’ont pas voyagé au midi de la France, où
toutes ces ƒ fe prononcent encore, même celle de la
troifieme perfonne du verbe eft; ce qui fait voir que
toutes ces f r f ont été d’abord écrites que parce qu’elles
étoient prononcées. L’ortographe a fuivi d’abord
fort exactement fa première deftination ; on écrivoit
une ƒ, parce qu’on prononçoit une f . On prononce
encore ces ƒ en plufieurs mots qui ont la même racine
que ceux où elle ne fe prononce plus. Nous di-
fons encore feftin, de fête; la baftille, & en Provence
la bafiide, de bâtir : nous difons prendre une
ville par efcalade , df échelle ; donner la bafionnade , de
bâton : ce jeune homme a fait une efeapade , quoique
nous difions Réchapper, fans f .
En Provence, en Languedoc & dans les autres
provinces méridionales, on. prononce Vf de Pafques;
& à Paris, quoiqu’on dife Pâques, on dit pafcal,
Pafquin, pafquinade.
Nous avons une efpece de chiens qu’on appelloit
autrefois efpagnols, parce qu’ils nous viennent d’Ef-
pagne : aujourd’hui on écrit épagneuls, 6c communément
on prononce ce mot fans/, & Ve y eft
bref. On dit preflolet, presbytère, de prêtre; prefia—
tion de ferment; prefieffe, celeritas , de prafio effe,
être prêt.
L’e eft auffi bref en plufieurs mots, quoique fuivi
d’une f , comme dans prefque, modifie, lefie, terrefire ,
trimefire , &c.
Selon M. l’abbé d’Olivet, Profod. p. yg, il y a
auffi plufieurs mots où Ve eft bref, quoique 1/ en ait
été retranchée, échelle: être eft long à l’infinitif, mais
il eft bref dans vous êtes, il a été. Profod. p. 80.
Enfin M. Reftaut, dans le Dictionnaire de l'ortographe
françoife, au mot regifire, dit que 1/fonne auffi
fenfiblement dans regifire que dans lifte 6c funefie; 6c
il obferve que du teins de Marot on prononçoit
épifire
ipifire comme regifire, 6c que c’eft pat cette raifon
que Marot a fait rimer regifire avec épifire : tant il eft
vrai que c’eft de la prononciation que l’on doit tirer
les réglés de l ’ortographe. Mais revenons à nos e.
L’é fermé eft Celui que l’on prononce en ouvrant
moins la bouche qu’on ne l’ouvre lorfqu’on prononce
un è ouvert commun ; tel eft Ve de la derniere
fyllabe de fermeté, bonté, 6cc.
Cet e eft auffi appellé mafeulin, parce que lorf-
qu’il fe trouve à la fin d’un adjettif ou d’un participe,
il indique le mafeulin, aifé, habillé, aimé, &ç.
L’e des infinitifs eft fermé, tant que IV ne fe prononce
point ; mais fi l’on vient à prononcer l’r, ce
qui arrive toutes les fois que le mot qui fuit commence
par une voyelle, alors Ve ferme devient ouvert
commun ; ce qui donne lieu à deux obferva-
tions. i°. L'efermé ne rime point avec Ve ouvert:
aimer, abîmer, ne riment point avec la mer, mare ;
ainfi madame des Houlieres n’a pas été exaûe lorf-
que dans Vidylle du ruiffeau elle a dit :
Dans votre fein il cherche â s'abîmerf
Vous & lui jufques à la mer
Vous n'êtes qu'une même chofe,
k®. Mais comme Ve de l’infinitif devient Ouvert commun
, lorfque l’r qui le fuit eft lié avec la voyelle
qui commence le mot fuivant, on peut rappeller la
jrime, en difant :
Dans votre fein il cherche a s’abîmer,
E t vous & lui jufqu’â la mer
Vous rfêtes qu'une même chofe,
Ife muet eft ainfi appellé relativement aux autres
e ; il n’a pas, comme ceux-ci, un fon fort, diftinft
& marqué : par exemple, dans mener, demander, on
fait entendre Vm 6c le d, comme fi l’on écrivoit mner,
dma'nder.
Le fon foible qui fe fait à peine fentir entre Vm 6c
Vn de mener, 6c entre le d 8c Vm de demander, eft précisément
Ve muet : c’eft une fuite de l’air fonore qui
a été modifié par les organes de la parole, pour faire
entendre ces confonnes. Voyeç C o n s o n n e .
L’e muet des monofyllabes me, te, f e , le, de, eft
un peu plus marqué ; mais il ne faut pas en faire un
e ouvert, comme font ceux qui difent amèné-lè : Ve
prend plûtôt alors le fon de l'eu foible.
Dans le chant, à la fin des mots, tels que gloire,
fidele, triomphe, Ve muet eft moins foible que Ve
muet commun, 6c approche davantage de IV« foible.
L’e muet foible, tel qu’il eft dans mener, demander,
fe trouve dans toutes les langues, toutes les fois
qu’une confonne eft fuivie immédiatement par une
autre confonne ; alors la première de ces confonnes
ne fauroit être prononcée fans le fecours d’un efprit
foible : tel eft le fon que l’on entend entre le p 6c Vf
dans pfeudo, pfalmus, pfittacus ; 6c entre Vm 6c Vn
de mna, une mine, efpece de monnoie ; Mnemofyne,
la mere des Mufes, la déeffe de la mémoire.
On peut comparer Ve muet au fon foible que l ’on
entend apres le fon fort que produit un coup de marteau
qui frappe un corps foliole.
Ainfi il faut toujours s’arrêter fur la fyllabe qui
précédé un e muet à la fin des mots.
Nous avons déjà obfervé qu’on ne fauroit prononcer
deux e muets de fuite à la fin d’un mot, &
que c’eft la raifon pour laquelle Ve muet de mener devient
ouvert dans je mène.
20. Les vers qui finiffent par un e muet, ont une
fyllabe de plus que les autres, par la raifon que la
derniere fyllabe étant muette, on appuie fur la pénultième
: alors, je veux dire, à cette pénultième,
l’oreille eft fatisfaite par rapport au complément du
rithme & du nombre des fyllabes ; & comme la derrière
tomb^ foiblement, 6c qu’elle n’a pas un fon
Tome V ,
plein, elle n’eft point comptée, & la mefure eft remplie
à la pénultième.
Jeune 6* vaillant héros, dont la haute fagef-fe.
L’oreille eft fatisfaite à la pénultième, gef, qui eft le
point d’appui, après lequel on entend Ve muet de la
derniere fyllabe fe.
L’e muet eft appelle féminin, parce qu’il fert à-
former le féminin des adjeftifs ; par exemple, faine,
fainte ; pur, pure; bon, bonne, 6cc. au lieu que l’e fermé
eft apeilé mafeulin, parce que lôrfqu’il termine
un adjeaif, il indique le genre mafeulin, un homme
aimé, &C.
L’e qu’on ajoûte après lé g , il mangea, 8cd. ii’eft
que pour empêcher qu’on ne donne au g le fon fort
ga , qui eft le feul qu’il devroit marquer : or cet t
fait qu’on lui donne le fon foible, il manjâ : ainfi
Cet e n’eft ni Ouvert, ni fermé, ni muet ; il marque
feulement qu’il faut adoucir le g , 6c prononcer j e ,
comme dans la derniere fyllabe de gage : on trouve
en ce mot le fon fort 6c le fon foible du g.
L’e muet eft la voyelle foible de eu, ce qui paroît
dans le chant , lorlqu’un mot finit par un e muet
moins foible :
Rien ne peut l*arrêter
Quand la gloire l'appelle
Cet eu qui eft la forte de l’e muet, eft une véritable
voyelle : ce n’eft qu’un fon fimple fur lequel on peut
faire une tenue. Cette voyelle eft marquée dans
l’écriture par deux carafteres ; mais il ne s’enfuit
pas de-là que eu foit une diphtongue à l’oreille, puif-
qu’on n’entend pas deux fons voyelles. Tout ce que
nous pouvons en conclure, c’eft que les auteurs de
notre alphabet ne lui ont pas donné un carattere propre.
Les lettres écrites qui, par les changemerts fur-
venus à la prononciation, ne fe prononcent point
aujourd’hui , ne doivent que nous avertir que la
prononciation a changé; mais ces lettres multipliées
ne changent pas la nature du fon fimple, qui feul eft
aujourd’hui en ufage, comme dans la derniere fyllabe
de ils aimoient, amabant.
L’e eft muet long dans les dernieres fyllabes des
troifiemes perfonnes du pluriel des verbes, quoique
cet e foit fuivi d’nt qu’on prononçoit autrefois, 6C
que les vieillards prononcent encore en certaines
provinces : ces deux lettres viennent du latin amant ^
ils aiment.
Cet e muet eft plus long & plus fenfible qu’il ne
l’eft au fingulier : il y a peu de perfonnes qui ne fen-
tent pas la différence qu’il y a dans la prononciation
entre il aime & ils aiment. (JF')
Ë , (Ecriture.) dans l’italienne 6c la coulée, c’eft
la fixieme 6c la leptieme partie de l’o, 6c fa première
moitié. L’e rond eft un demi-cercle, ou la moitié de
Vo, auquel il faut ajoûter un quart de cercle qui faffe
la fécondé partie de cet e. Les deux premiers e fe
forment d’un mouvement mixte des doigts & du poignet.
L’e rond s’exécute en deux tems. Voye£ les figl
de ces différens e dans nos Planches, & dans nos exemples
d.'Ecriture^
E A
* EACÉES, ad), f. pi. pris fubft. (Myth.) étoient
des fêtes folennelles qu’on célébroit à Egine en l’honneur
d’Eaque qui en avoit été ro i, & qu’on difoit
avoir dans les enfers la fonftion de juge, parce qu’il
s’étoit diftingué fur la terre par fa droiture 6c fon
équité. Voye( Fê t e , &c. E n f e r .
* E A L É , f. f. (Hifi. nat.) animal à quatre pies
dont Pline donne la defeription fuivante, à la fuite
de celles du lyn x, du fphynx, 6c d’autres animaux
d’Ethiopie. « Véalé f dit-il, eft de la grandeur d^
A a