tre chronologie n’atteint point, dans les fiecles des
héros, que Melampe berger, poëte, devin, & fils
de roi, guérit les filles de Pratus devenues folles par
la colere de Bacchus, ou par celle'de Junon, en leur
faifant prendre du lait de fes chevres, auxquelles il
avoit fait manger de Y ellébore peu auparavant ; & qu’il
s’avifa de cette reflbufee, parce qu’il avoit obfervé
qiie ces chevres étoient purgées après avoir brouté
cette plante. M. Leclerc remarque, dans fon hifloire de
la Médecine, que c’eft-là le plus ancien exemple que
nous ayons de la purgation, 8c qu’on pourroit croire
que c’eft ce qui fit donner à Melampe le furnom de
KxOetpTiiç, celui qui purge ou purifie, qui femble marquer
qu’il eft le premier qui- ait donné des purgatifs ;
c ’eft de-là aufii que l'ellébore fut appellé melampo-
dium. Voye{ Diofcoride, liv. IF . c. clxxxj. Galien
parle de cette cure de Melampe dans fon livre de
atrabile , c. vij ; & P l i n e X X F . c. v.
Aulugelle nous a trünfmis une anecdote bien plus
finguliere fur l’ufage de Y ellébore. Il rapporte (c. xv.
I. X F I I .) que Carnéade l’académicien fe difpofant
à écrire contre Zénon, fe fit vomir vigoureufemént
avec de Y ellébore, de peur que les humeurs corrompues
dans fon eftomac, ne laiflaffent échapper quelque
chofe qui parvînt jufqu’au fiége de fon ame, ôc
en altérât les fondions, (fi)
Valere Maxime raconte cette hiftoire d’une maniéré
encore plus merveilleufe qu’Aulugelle. Il dit
que Carnéade prenoit de Y ellébore toutes les fois qu’il
devoit difputer avec Chryfippe, & il ajoute que le
fuccès de Carnéade fit rechercher ce purgatif par
tous ceux qui aimoient les louanges folides. Pline
rapporte que Drufus, le plus renommé d’entre les
tribuns du peuple, fut guéri de l’épilepfie dans l’île
d’Anticyre, oîi l’on avoit coutume d’aller* pour le
prendre avec plus de fuccès & de fureté.
Encore eft-il bon d’indiquer ici entre trois ou quatre
Anticyres, ce que c’eft aujourd’hui que l’Anticy-
re fi fameufe , où tant de poètes alignent aux fous
un logement. Il faut donc diftinguer Anticyre 8c An-
ticyrrhe. La première eft une île du golfe de Zeiton,
entre la Janna & la Livadie, d’où l’on tiroit le plus
excellent ellébore. La fécondé étoit une ville de la
Livadie méridionale, fur le golfe de Lépante. On
portoit à cette ville Y ellébore de l’île , & les Romains
alloient l’y prendre. C ’étoit là qu’on préparoit 8c
qu’on corrigeoit ce remede de différentes maniérés,
nous connoiffons même quelques-unes de ces corrections
& de ces préparations. Aftuarius rapporte
celle-ci : on faifoit un peu macérer dans l’eau la partie
fibreufe de la racine d'ellébore, en rejettant la tête ;
enfuite on féchoit à l’ombre l’écorce que l’on avoit
féparée de la petite moelle qu’elle renferme : on don-
noit cette préparation avec des raifins fe es ou de Y o-
ximel, mêlé quelquefois avec des graines odoriférantes
, afin que ce remede fut plus agréable.
Pline dit aufii, qu’on mêloit à Anticyre Y ellébore
avec une certaine graine qui croiflbit aux environs
de la ville ; que l’on mettoit dans du vin doux une
pincée de la graine avec une obole 8c demie hellébore
blanc, & que ce remede purgeoit toute forte de
bile.
Les anciens employoient Y ellébore, non-feulement
pour la bile, c’eft-à-dire la mélancholie noire & pour
la folie, mais encore, comme on l’a remarqué ci-
defliis , pour l’hyftérifme, la goutte, l’apoplexie,
I’ép'ilepfie, la ladrerie, la leucoflegmatie, l’hydro-
pifie, en un mot pour toutes les maladies graves de
l’ame 8c du corps.
Ce remede fut en ufage dès la naiffance de la Médecine
: quelquefois Hippocrate le faifoit prendre à
jeun ; mais il l’ordonnoit plus ordinairement après le
fouper, parce que, fuivant M. le C le rc , Y ellébore
m|lé avec les alimens dans l’eftomap, y perdait une
partie de fa force ftimulante : dans plufieurs cas Hlp-
poc rate donnoit le/xàAÔctxoç iX\l@opoç;ce qui, félon
le mê me favant, étoit une forte de préparation hellébore
, qui affoiblifloit fon attivité violente.
Her ophile, Aûuarius, Arétée, Celfe, étoient fort
prévenus en faveur de ce remede ; Diofcoride, qui
en parle fort au long, nous inftruit particulièrement
des cérémonies fuperftitieufes qu’obfervoient ceux
qui le cueilloient en le tirant de terre.
On appliquoit extérieurement Y ellébore noir dans
les maladies cutanées opiniâtres ; 8c Galien prétend
que quand on en mettoit dans une fiftule calleufe ,
il emportoit la callofité en deux ou trois jours.
Cependant malgré l’ufage que les anciens faifoient
de Y ellébore, les plus fages. médecins n’avoient coutume
de l’employer qu’avec une très-grande précaution.
Avant que de le donner aux adultes mêmes
, qui étoient en état de le fupporter, ils exami-
noient principalement deux chofes ; l’une, fi la maladie
étoit invétérée; l’autre, fi les forces du malade
fe foûtenoient. Lorfque Y ellébore leur paroifloit convenir
, ils ne l’adminiftroient encore qu’après avoir
préparé foigneufement le malade 8c le remede.
Ils préparèrent le malade pendant fept jours, foit
par la diette, foit par des remedes minoratifs ; Pline
nous en inftruit fort au long. De fon tems, la préparation
du remede, à R ome, confiftoit à introduire
les racines hellébore noir dans des morceaux de raifort
, 8c de les faire cuire enfemble pour difliper
la trop grande force de Yellébore. Alors les uns don-
noien.t ces racines adoucies par l’ébullition, les autres
faifoient manger les raiforts, 8c rejettoient les
racines ; d’autres enfin faifoient boire au malade cette
décoftion qui purgeoit fufiifamment.
Quoique les anciens ayent fait grand ufage de leur
ellébore, pour les maladies du corps 8c de l’ame, 6c
que les plus fages Payent donné très-prudemment,
ils l’ont décrit fi obfcurément, que nous né recon-
noifîons plus celui qu’ils employoient. La deferip-
tion de Théophrafte eft en particulier trop tronquée
6c trop défeétueufe , pour nous fervir à découvrir
Yellébore dont il parle..Nous ne retrouvons point dans
aucune de nos efpeces hellébore noir3 celui de Diofcoride.
Enfin l’oriental noir aûuel d’Anticyre, ne
quadre avec aucune des deferiptions anciennes :
c’étoit cependant le leur félon'toute apparence, du
moins a-t-il la même violence dans fon aftion. Tour-
nefort, qui en a fait l’épreuve, avoue que tous ceux
à qui il en a donné l’extrait, étoient tourmentés de
naufées, de. pefanteur d’eftomac avec acrimonie,
jointe au foupçon de phlogofe, qui menaçoit la gorge
8c les inteftins : il ajoute encore qu’ils avoient des
douleurs de tête pendant plufieurs jours , avec dès
élancemens, & le tremblement de tous les membres,
de forte qu’il fe vit obligé de s’abftenir de ce remede.
La force de celui de notre pays , eft bien moindre
que dans l’Orient.
Mais quelle qu’elle foit, puifque nous pofledons
des purgatifs 8c des émétiques également efficaces,
8c beaucoup plus fûrs, tels que font les préparations
purgatives 6c vomitives de l ’antimoine, il vaut mieux
nous abftenir de l’ufage de tout ellébore, outre que
les corps des hommes qui vivent dans nos climats ,
ont de la peine à en fupporter les effets. Qu’on ne
dife point qu’on peut l’adoucir, le corriger avec
des aromates , ou bien avec la creme de tartre, le
fel de prunelle , les tamarins, l’oxymel, le fuc de
coing, & autres femblables ; il eft bien plus fimple
de ne pas fonger aux corre&ifs, dès qu’il eft aifé de
fe paffer de la plante même.
Concluons de ce principe, qu’il faut également
proferire toutes les préparations hellébore qui fe trouvent
dans les pharmacopées, fans dire ici que toutes
les préparations galéniques 6c arabefques font mifé-
rables en elles-mêmes .. *
E L L
Comme tôüt le moftde fait que Yellébore blanc eft
le plus fort, il eft encore plus digne de la proferip-
tion que le noir. Cette plante a un fuc cauftique 6c
brillant, qui, refpiré par les narines, excite uû éternuement
forcé, 6c c’eft un des plus puiffans fternu-
tatoires dans les maladies foporeufes. Si l’on met de
cette poudre à la fource d’une fontaine, l’eau qui en
découle purge violemment. Les feuilles, les tiges ,
les fleurs, 8c les racines de Yellébore blanc appliquées
fur la peau d’une perfonne vivante, excorient la part
ie , 6c y produifent une exulcération.
La feule faveur nauféabonde de Yellébore , eft un
ligne de fa vertu émétique ou purgative : celle de
Yellebore blanc, qui eft fort âcre & fort amere, indique
un purgatif très-aélif; aufii l’on place avec rai-
fon l’un Ôc l’autre genre parmi les mochliques. Voy.
M o c h l iq ü e .
Vous trouverez dans les mém. de l'acad. des Scienc.
année ryot, quelques expériences chimiques de M.
BoulduC , fur la racine de Yellébore noir. L’extrait^de
cette racine fait avec de l’eau, donne tout ce quon
peut en tirer, 6c le réfidu ne donne plus rien par 1 ef-
prit-de-vin.
Enfin, les curieux peuvent confulter, s’ils le jugent
à propos, Holzemii (Petr.) eflentia hellebori re-
diviva; Coloniæ, 1616. 8. Manelphi (Joan.)yi/c<:/>-
tatio dehelleboro; Romæ, 1612.8. Scobingeri (Joh.
Cafp.) dijfert. de helleboro nigro; Bafil. 1721. in-40.
Caftellus (Petrus) de elleboro apud Hippocratem &
altos autores; Romæ, 1618. in-40. Ce dernier ouvrage
eft rare, curieux, 6c favant. Article de M. le Chevalier
d e J a u c o u R T .
ELLEBORINE, BELLEBORINË, fub. f. (Hift.
nat. bot.) genre de plante à fleur anomale, compo-
fée de fix pétales différens les uns des autres : les cinq
du defliis font difpofés en rond ; celui du deflous eft
fait en forme de gouttière. Le calice devient dans la
fuite un fruit qui reffemble en quelque 'façon à une,
lanterne ouverte de trois côtés, dont les panneaux
font chargés de femences aufii menues que de la fciu-
re de bois. Ajoûtez aux carafteres de ce genre, que
les racines font fibreufes. Tournefort, injl. rei herb.
Foye^ P l a n t e . ( / )
ELLERENA, (Géog. mod.) ville de l’Eftramadure
de L éon, en Efpagne. Long. iz . 4S. lat.38. 8.
ELLIPSE, f. f. terme de Grammaire; c’eft une figure
de conftruftion, ainfi appellée du grec *aam jx , manquementy
omijfion : on parle par ellipfe, lorfque 1 on
retranche des mots qui feroient neceffaires pour rendre
la conftru&ion pleine. Ce retranchement eft en
ufage dans la conftru&ion ufuelle de toutes les langues
; il abrégé le difeours, 6c le rend plus v if 6c plus
foûtenu: mais-il doit être autorife par l’ufage ; ce qui
arrive quand le retranchement n’apporte ni équivoque
ni obfcurité dans le difeours , & qu’il ne donne
pas à l’efprit la peine de deviner ce qu’on veut dire,
6c ne l’expofe pas à fe méprendre. Dans une phrafe
elliptique3 les mots exprimés doivent réveiller l’idee
de ceux qui font fous-entendus, afin que l’efprit puif-
fe par analogie faire la conftruftion de toute la phrafe
, 8c appercevoir les divers rapports que les mots
ont entr’eux : par exemple, lorfque nous lifons, qu’un
Romain demandoit à un autre, où allez-vous >
6c que celui-ci répondoit ad cafloris, la terminaifon
de caflori's fait voir que ce génitif ne fauroit être le
complément de la prepofition ad, qu’ainfi il y a quelque
mot de fous-entendu ; les circonfiances font con-
noître que ce mot eft oedem , 6C que par conféquent
la conftruftion pleine eft eo ad cedem Cafloris, je vais
au temple de Caftor.
L’ellipfe fait bien voir la vérité de ce que nous
avons dit de la penfée au mot D é c l in a is o n & au
mot C o n s t r u c t io n . La penfée. n’a qu’un inftant,
.c’eft un point de vue de l’efprit ; mais il faut des mots
Tome F,
E L L 5i 5
p o u r la faire p a lie r dans l’efp rit dés a u tres ï o r oïl
re tran ch e fouvent ceu x q u i p e u v e n t être aifém ent
fu p p lé é s, Ôc c’eft Y ellipfe. ^ . ' { E l l i p t iq u e . ( fi)
E l l ip s e , fi f. en Géométrie, e ft u n e des féftions
co n iq u es qu’on appelle v u lg a irem e n t ovale. Foye{
C o n iq u e & O v a l e .
L’ellipfe s’engendre dans le cône, en coupant un
cône droit par un plan qui traverfe ce cône obliquement,
c’eft-à-dire non parallèlement à la bafe, qui ne
pafle point par le fommet, 6c qui ne rencontre là.
bafe qu’étant prolongé hors du cône, ou qui ne faflô
tout-au-plus que rafer cette bafe. La condition quô
lé cône foit droit, eft néceffaire pour que la courbe
formée comme on vient de le dire, foit toujours
une ellipfe; car fi le cône eft oblique, en coupant cé
cône obliquementon peut quelquefois y former un
cercle ( voye{ la fin de l'article C o n iq ue, & Sous-
CONTRAIRE OU ANTI-PARALLELE, au mot PARALLELE)
; o r la n a tu re d e Y ellipfe eft d ’être ova le , c’eft*
à-dire d ’a v o ir d eu x axes inégaux;
Ce mot eft formé du grec eAXti'^rc, défaut ; les anciens
géomètres grecs ont donné ce nom à cette figure,
parce que entr’autres propriétés elle a celle-
ci , que les quarrés des ordonnées font moindres quô
les rettangles formés tous les paramétrés 6c les abf-
cifles, ôu leur font inégaux par défaut.
En effet l’éqiiation de Y ellipfe * en prenant les abfi
cifles au fommet, eft c e l l e - c iy y = ( a x — x x )X
- , a étant l’axe, 6c b fon paramétré, (voye^ P a r a m
é t r é , C o u r b e , & É q u a t io n ; voye^aujfi la
fuite de cet article?) ; donc y y < b x ; donc, &c. Voy.
enfin P a r a b o l e & HYPERBOLE.
L’ellipfe, pour la définir par fa forme, eft une ligne
courbe, rentrante, continue, régulière, qui renferme
un efpace plus long que large, 8c dans laquelle
fe trouvent deux ppints également diftans des deux
extrémités de fa longueur, 8c tels, que fi on tire de
ces points deux lignes à un point quelconque dé I eU
lipfe, leur fomme eft égale à la longueur de Y ellipfe.
Ces deux points font éloignés de l’extrémité du petit
axe d’une quantité égale à la moitié du grand axe.
Ainfi dans Y ellipfe A E B D A (P lanche dejecl, conique
, fig. z i .) les lignes F a& cF a , tirées des deux
points F 3 f 3 également diftans des deux points^ 8c
I B , forment une fomme égale à A B ; 6c la diftance
des points F , f , au point E , eft— C A.
Souvent les Géomètres prennent Y ellipfe pour l’ef-
pace contenu ou renfermé dans cette courbe. Elle a ,
comme on vient de le dire, deux axes inégaux A B
6c E D . Le grand axe A B s’appelle quelquefois axe
ou diamètre tranfverfe , & le petit axe D E s’appelle
quelquefois Y axe conjugué ou fécond axe. Mais on appelle
en général diamètres conjugués ceux dont l’un
eft parallèle à la tangente menée à l’extrémité de
l ’autre, 6c réciproquement, foit que leurs angles
foient droits, ou non. Les deux axes fe coupent toû-
jours à angles dro ts. Voye{ A x e .
Les dëux axes font le plus grand 6c le moindre des
diamètres de Y ellipfe; mais Y ellipfe a une infinité d’autres
diamètres différens. Foye{ DIAMETRE, &c.
Le centre d’une ellipjé eft le point C dans lequel fe
coupent les deux axes. F>ye^ C e n t r e .
Les deux points F , f , pris dans le grand a x e , également
diftans de fes deux extrémités A 6c B , & diftans
chacun du point D de la valeur de A C , font
nommés foyers de Yellipfe , ou en latin umbilici. Foy.
F o y e r . ,
Mais Yellipfe confidérée comme une feûion conique,
ceft-à-dire comme une courbe provenant de la
feétion d’un cône, fe définit encore mieux par fa gé*
nératlon dans ce folide, que par la maniéré dontelle
peut être produite fur un plan. C ’eft la ligne courbe
D O E qu’on forme en coupant le ceoe droit .4 B C
T 11 ij