nibal dans fon début en Italie par le combat diiTef-
fin, nous fourniflent deux exemples, <Jui donnent à
cette propofition la Force de l’évidence.
Or deux vitftoires dont tout l’honneur appartient
à la cavalerie, & l’influence qu’elles ont eu l’une &
l ’autre fur les évenemens qui les ont fuivis, prouvent
combien ce fecours eu effentiel aux premières
opérations d’une campagne. Si l’on en veut des
traits plus modernes & analogues à notre maniéré
de faire la guerre , la derniere nous en offre dans
prefque chacun de nos fuccès, ainfi que dans les cir-
conftances malheureufes.
Dans les détails de la guerre, il y a quantité de manoeuvres
, toutes fort eflentielles, qui feroient impraticables,
à une armée deftituée de cavalerie ; s’il
s’agit de couvrir un deffein, de malquer un corps de
troupes, un pofte, c’eft la cavalerie qui le fait. M.
de Turenne fit lever le fiége de Cazal en 1640, en
raflemblant toute la cavalerie fur un même front ;
les ennemis trompés par cette difpofition, perdirent
courage, prirent la fuite : jamais vi&oire ne fut plus
complété pour les François, dit l’auteur de l ’hiftoire
•du vicomte.
A la journée de Fleurus, M. le maréchal de Luxembourg
fit faire à fa cavalerie un mouvement à-
peu-près femblable , fur lequel M. de Valdee prit
le change ; ce qui lui fit perdre la bataille (1690).
C ’eft, dit M. de Feuquieres, une des plus belles actions
de M. de Luxembourg.
La fupériorité de la cavalerie donne la facilité de
faire de nombreux détachemens, dont les uns s’emparent
des défilés, des bois, des ponts, des débouchés
, des gués ; tandis que d’autres, par de faüffes
marches, donnent du foupçon à l’ennemi, & l’affoi-
bliffent en l’obligeant à faire diverfion.
Une armée qui fe met en campagne eft un corps
compofé d’infanterie, de cavalerie, d’artillerie, ôc
de bagage ; ce corps n’eft parfait qu’autant qu’il ne
lui manque aucun de fes membres ; en retrancher
un, c’eft l’affoiblir, parce que c’eft dans l’union de
tous que réfide toute fa force, & que c’eft cette union
qui refpeâivement fait la sûreté & le foûtien de chaque
mèmbre.Dans la comparaifon que fait Iphicrate
d’une armée avec le corps humain, ce général athénien
dit que la cavalerie lui tient lieu de pié, & l’infanterie
legere de main; que le corps de bataille forme
la poitrine, & que le général en doit être regardé
comme la tête. Mais fans s’arrêter à des eomparai-
fons, il fuffit d’examiner comment on difpofe la cavalerie
lorfqu’on veut faire agir, pour fentir l’étroite
obligation d’en être pourvû. C ’eft elle dont on forme
la tête, la queue, lés flancs ; elle protégépour
ainfi dire, toutes les autres parties, qui fans elle courraient
rifque à chaque pas d’être arrêtées, coupées,
& même enveloppées ; s’il eft queftion de marcher,
c ’eft la cavalerie qui allure la tranquillité des marches
, c’eft à elle qu’on confie la sûreté des camps,
laquelle dépend de fes gardes avancées ; plus elle
fera nombreufe,& plus fes gardes feront multipliées :
de-là les patrouilles pour le bon ordre & contre les
furprifés en feront plus fréquentes, & les communications
mieux gardées ; les camps qui en deviendront
plus grands, en feront plus commodes pour les né-
Ceftités de la vie ; ils pourront contenir des eaux,
des vivres, du bois, & du fourrage y qu’on ne fera
pas obligé de faire venir à grands frais avec beaucoup
de peine & bien dès nfques.
On peut confidérer que de deux armées, celle qui
■ fera fupérieure en cavalerie fera l’offenfive,elle agira
toujours fuivânt l’opportunité des tems & des lieux,
telle aura toûjours cette ardeur dont ori eft animé
quand on attaque ; l’aurre -obligée de fe tenir fur la
défenfive, fera toûjours,contrainte par la néceftité
'des cjjçpnftanççs, qu’une grofie cavalerie fera naître
à fon defavantage 4 chaque moment ; le foldat
fera toûjours furpris, découragé, il n’aura fûrement
pas la même confiance que l’attaquant. Lorfqu’une
armée fera pourvûe d’une nombreufe cavalerie, les
détachemens fe feront avec plus de facilité ;- tous les
jours fortiront de nouveaux partis, qui fans celle ob-
fédant l’ennemi, le gêneront dans toutes fes opérations,
le harcèleront dans fes marches,lui enlèveront
fes détachemens, fes gardes, & parviendront enfin à
le détruire parles détails, ce qu’on ne pourra jamais
efpérer d’une armée foible en cavalerie quelque forte
qu’elle foit d’ailleurs: àu contraire réduite à fe tenir
enfermée dans un camp d’oû elle n’ofe fortir,
elle ignore tous les projets de l’ennemi, elle ne fau-
roit joüir de l’abondance que procurent les convois
fréquens, on les lui enleve tous ; ou s’il en échappe
quelques-uns, ils n’abordent qu’avec des peines infi-»
nies. C ’eft la cavalerie qui produit l’abondance dans
un c^mp ; fans elle point de sûreté pour les convois :
il faut qu’à la longue une armée manque de tout; v ivres
, fourrages, recrues, thréfors, artillerie, rien
ne peut arriver, li la cavalerie n’en aflure le tranf-*
port.
Les efcortes du général & de fes lieutenans font
aufli de fon reflort, & c’eft elle feule qui doit être
chargée de cette partie du fervice. La guerre fe fait
à l’oeil. Un général qui veut reconnoître le pays &
jügefr par lui-même cle la pofition des ennemis, rif-
queroit trop de fe faire efcorter par de l’infanterie ;
outre qu’il ne pourroit aller ni bien loin ni bien vite ,
il fe mettroit dans le danger de fe faire couper & enlever,
avant d’avoir apperçû les troupes de cavalerie
ennemie chargées de cette opération.Le feul parti
qu’ait à prendre un général, s’il manque de cavalerie
, c’eft de ne pas pafler les gardes ordinaires : or
que peut-on attendre de celui qui ne pouvant con-
noître par lui-même la difpofition de l’ennemi, ne
éauroit en juger que par le rapport des efpions ? &
le moyen que fes opérations puiffent être bien dirigées
, fi faute de cavalerie il ne peut ni prendre langue
, ni envoyer à là découverte, ni reconnoître les
lieux ?
La vîtefle, comme le remarque Montecuculli, eft:
bonne pour le fecret, parce qu’elle ne donne pas lé
tems de divulguer les defleins ; c’eft par - là qu’on
faifit les momens, & c’eft cette qualité qui diftingue
particulièrement la cavalerie ; prompte à fe porter
par-tout où fon fecours eft néceflaire, on l’a vû fou-
vent rétablir par fa célérité des affaires que le moindre
retardement auroit pû rendre defefpérées. La
vivacité la met dans le cas de profiter des moindres
defordres ; & fi elle n’a pas toûjours l’avantage dé
vaincre, elle a en fe retirant celui de n’être jamais
totalement vaincue. La viftoire, lorfqu’elle eft l’ouvrage
de la cavalerie, eft toûjours complété; celle
que remporte l’infanterie feule, ne l’eft jamais.
La guerre eft pleine de ces occafions, dans lesquelles
on ne fauroit fans rifque accepter le combat.
Il en eft d’autres, au contraire, où l ’on doit y forcer,
& c’eft par la cavalerie qu’on eft le maître du
choix.
Une armée ne peut fe pafler de vivres, d’hôpitaux
, d’artillerie , d’équipages ; il faut du fourragé
pour les chevaux deftinés à ces différens ufages , il
. en faut pour ceux des officiers généraux & particu4-
liers ; & s’il n’y a point de cavalerie qui foit chargée
du foin d’y pourvoir, l’infanterie ne pourra feulé
aller un peu loin faire ces fourrage* ; elle n’ira
pas interrompre ceux de l’ennemi, lui enlever fes
fourrageurs ; la chaîne qu’elle formeroit he feroit’ni
afféz étendue pour embrafler un terreîn fuffifant, ni
nffez épaiffe polir Foûtenir l’impétupfité du choc dé
la cavalerie ennemie.
Pour peu que l’on confidere la variété des opéra-.
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lions d’une armée , & l’étendue de fes befoinS, OU
he peut dire que l’infanterie foit feule en état d’y
ifiiffire.
Dans là. guerre de plaine & dans toutes les occafions
, par exemple, qui exigent un peu de célérité,
& qui font affûrément très-fréquentes, peut-on s’empêcher
de convenir qu’elle ne foit d’une grande né-
ceflité ? Eft-il queftion de traverfer une riviere à la
nage ou à gué? c’eft la cavalerie qui facilite le paffage
en rompant la rapidité de l’eau par la force de fes ef-
cadrons , ou parce que chaque cavalier peut porter
en croupe un fantaffin.Si l’on veut préfenter un grand
front, fi l’on veut déborder l’ennemi, l’envelopper,
c’eft par le moyen de la cavalerie qu’on le fait, c’eft
en détachant fouvent des troupes de cavalerie qu’on
maintient le bon ordre fi néceflaire à une armée ; elles
empêchent les deferteurs, les maraudeurs de for-
tir du camp ; ce font elles qui veillent à ce qu’il n’y
entre point d’efpions ou autres gens aufli dangereux,
& qui procurent aux payfans la sûreté chez eux, &
la liberté d’apporter des vivres au camp.
Si l’on excepte les fiéges qui font des opérations
auxquelles on ne peut procéder que lentement, &
pour ainfi dire pié à pié, 011 ne trouvera peut-être
point d’autres occafions à la guerre qui ne demande
de la diligence, & conféquemment pour laquelle les
fervices de la cavalerie ne foient très - avantageux :
& d’ailleurs perfonne n’ignore que dans les fiéges, la
cavalerie n’ait un fervice qui lui foit uniquement af-
fe&é;on l’a vû au dernier fiége de Berg-op-zoom faire
fes fondions, & partager même celles de l’infanterie.
Ce n’eft pas le feul exemple qui prouve qu’elle eft
capable de fervir utilement en mettant pié à terre.
Le premier fervice de la cavalerie dans les fiéges,
& le plus important, eft celui de l’inveftiffement de
la ville qu’on veut afliéger avant que l’ennemi ait pû
y faire entrer du fecours ; veut-on, au contraire, fe-
courir une ville menacée d’un fiége, ou même qui
eft afliégée? c’eft au moyen de la cavalerie. Le grand
Condé nous en fournit un exemple dans le fervice
qu’elle lui a rendu en pareille occafion ; il s’agiflbit
de faire entrer du fecours dans Cambrai que.M. de
Turenne tenoit afliégé, le tems preffoit : le prince
de Condé rafîemble à la hâte dix-huit efeadrons , fe
met à leur tête,.force les gardes, fe fait jour jufqu’à
la contrefcarpe, il oblige M. de Turenne de lever le
fiége. Ce fut un feul détachement de cent chevaux
qui en quelque forte a donné lieu au dernier fiége de
Berg-op-zoom, fiége à jamais glorieux pour les armes
du Roi, & pour le général qui y a commandé ;
car il eft à préfumer que le fiége eût été différé, ou
que peut-être on ne l’eût pas entrepris, fi les grandes
gardes de cavalerie qu’avoient en avant les ennemis
, euffent tenu aflez de tems pour leur donner
celui d’envoyer leur cavalerie, & enfuite le refte de
leur armée qui étoit de l’autre côté,s’établir entre la
ville & notre camp : mais ces gardes firent peu de ré-
fiftance ; une partie fut enlevée, & le refte prit la
fuite.
La cavalerie n’eft pas moins néceflaire pour la dé-
fenfe d’une place ; fi des afliégés en manquoient, ils
ne pourroient faire de forties , .ou leur infanterie
courroit rifque en fortant de fe faire couper par la
cavalerie des ennemis.
Un état dépourvû de cavalerie, pourroit peut-être
garder pour un tems fes places avec fa feule infanterie
; mais combien en ce cas ne lui en faudroit-il
pas ? & que lui ferviroient fes places fi l’ennemi, au
moyen de fa cavalerie, pénetroit jufque, dans le
coeur du royaume ? :
La levée & l’entretien d’un corps de cavalerie entraînent
de la dépenfe ; mais les contributions qu’elle
impofe au loin, les vivres, les fourrages qu’elle en
lire, la sûreté des cçpvois qu’elle procure, & tarit
Tome K*
E S C 9*1
d’autres fervices qu’elle feule eft en état dé rendre 4'
ne dédommagent-ils pas bien avantageufement de
la dépenfe qu’elle bccafionne ? D ’ailleurs la cavalerie
étant d’une utilité plus générale pour les opérations
de la guerre, on n,e fauroit dire qu’elle foit plus
à charge à l’état que l’infanterie, puifque la levée
d’un efcadron n’eft pas d’une dépenfe plus grande
que celle d’un bataillon, & que l’entretien de celui-
ci eft bien plus confidérable.
Enfin fi l’on s’en rapporté aux plus grands capitai-
nés, on fera forcé de convenir que l’avantage fera
toûjourS le plus grand pour celui des deux ennemis
qui fera fupérieur en cavalerie»
Cyrus, Alexandre, Annibal, Scipion, joiiiffent
depuis plus de vingt fiecles d’une réputation qu’ils
doivent aux fuccès que leur a procuré leur cavalerie.
Cyrus & Annibal avoient une cavalerie très-
nombreufe ; Alexandre eft celui des Grecs qui, à
proportion de fes forces, en a eu le plus ; & l’on ne
voit pas que les Grecs fous ce prince, non plus que
les Perfes & les Carthaginois du tems de Cyrus ,
ayent été fur leur déclin ; il fembleroit, au contraire
, que la vie de ces grands hommes pourroit être
regardée comme l’époque la plus floriffante de leur
nation.
Si les Romains, après avoir été vaincus par la cavalerie
des Carthaginois, triomphent enfin d’eux ,
c’eft que ceux-ci furent abandonnés de leur cavalerie
, que leur enleva Scipion par fes alliances & fes
conquêtes ; ôè. cette guerre qui avoit commencé par
être honteufe au peuple romain, finit par l’époque la
plus floriffante pour lui.
Les fuffrages des auteurs modernes qui ont le
mieux écrit de l’art militaire, fe réunifient avec l’autorité
des plus grands capitaines &: des meilleurs
écrivains de l’antiquité. Il fembloit au brave la
Noue, que fur quatre mille lances ilfuffifoitde 2500
hommes d’infanterie : « Perfonne ne contredira ,
ajoûte cet auteur, » qu’il ne faille toûjours entrete-
» nir bon nombre de gendarmerie ; mais d’infante-
» rie, aucuns eftiment qu’on s’en peut pafler en tems
» de paix». Mais on doit confidérer que la Noue écri-
voit dans un tems ( 1587) où l’infanterie étoit comptée
pour peu de chofe,; parce que les principales actions
de guerre confiftoient moins alors à prendre,
des places, qu’en des affaires de plaine campagne ,
où l’infanterie ne tenoit pas contre la cavalerie. Sa
réflexion ne peut manquer de tomber fur la nécefli-
té qu’il y a d’exercer pendant la paix la cavalerie ,
qui ne peut être bonne à la guerre fi elle eft nouvellement
levée.
Un auteur fort eftimé & en même tems grand
officier (M . le maréchal de Puyfegur), qui eon-
noiffoit fans doute en quoi confifte la force des armées
, dont il avoit rempli les premiers emplois pendant
cinquante-fix ans, propofe dans fes projets de
guerre plus de moitié de cavalerie fur une fois autant
d’infanterie.
Santa-Cruz veut qu’une armée foit toûjours com-
pofée d’une forte cavalerie; il foûtient même qu’elle
doit être une fois plus nombreufe que l’infanterie ,
fuivant les circonftances : par exemple, li les ennemis
la craignent davantage, ou fi votre nation eft
plus propre à agir à cheval qu’à pié ; la nature du
pays où l’on fait la guerre eft une diftinftion qu’il a
oublié de faire. « Un pays plain, dit M. de Turen-
» n e, eft très-favorable à la cavalerie ; il lui laifîe
» toute la liberté néceflaire à fon fervice, & lui;
» donne beaucoup d’avantage fur l’infanterie ». Ce
grand général, dont les maximes font des lois, avoit
toûjours, comme on l’a déjà dit, dans fes armées au
moins autant de cavalerie que d’infanterie, & on 1^
vû quelquefois avec un plus grand nombre de cavalerie..
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