connue de'tout le monde. Il feroit à fouhàiter que
chacun fît la lienne de bonne heure ; qu’il la f ît la
plus flateufe qu’il eft poflible , & qu’il employât
toute fa vie à la mériter. Art. de M. Ma r m o n t e l .
EPITASE, f. f. {Belles- Leurres.') dans l’ancienne
poéfie , fignifioit \aféconde partie ou divijîon d'un poème
dramatique, dans laquelle l’aûion propofée dans
la première partie ou protafe, étoit noiiée, conduite
, & pouffée par différens incidens jufqu’à fa fin ou
fon dénouement, qui formoit la troifieme partie ap-
pellée catafiafe. Voye^ Tragédie.
L'épitafe commençoit au fécond a fte, ou au plu—
tard avec le troifieme. Cette divifion n’a plus lieu
dans les pièces dramatiques modernes.,, quant au
nom, parce qu’on les divife en a êtes ; mais V épitafe
y fubfifte toujours, quant au fond, & c’ell ce que
nous appelions noeud & intrigue. Voye^_ Nceud & Intrigue.
Les anciens fcholiaftes deTérence ont défini l’é-
pitafe, incrementum proceffufque turbarum , ac totius
nodus erroris; & Scaliger l’appelle pars in quâ turbot
aut excitantur aut invoîvuntur; ce qui revient parfaitement
à cè que nous entendons par noeud ou intribuc
( G) : . ? '
EPITASE , {Med.) Îniratriç, de t7rmivo/j.(tf, augefco.
Ce terme eft employé par Hippocrate pour lignifier
Yaccrôijfethènt d’une maladie, & fur-tout des fievres,
dans leurs paroxyfmes & dans leurs exacerbations.
Voye^ Fievre, Paroxysme, {d)
EPITE, f. f. {Art méchaniq.) petit coin que l’on
applique à l’extrémité-d’un autre pour le grofîir.
' EPITHALAME, f. m. {Poéfie.) -poème à l’occa-
lion d’un mariage ; chant de noces pour féliciter des
époux.
Le mot épithalame vient du grec i7nGa.\eipiov ; &
ce dernier, en ajoûtant ac/w, lignifie chant nuptial :
3-ccXex.juoç en eft la véritable étymologie.
Or les Grecs nommèrent ainli leur chant nuptial,
parce qu’ils appelaient oç l’appartement de
l’époux ; & qu’après la folennité du feftin, & lorf-
que les nouveaux mariés s’étoient retirés, ils chan-
toient l’épithalame à la porte de cet appartement.. Il
eft inutile de rechercher ce qui les détermina à choi-
fir par préférence ce lieu particulier,.moins encore
de fonger à réfuter les écrivains qui en allèguent une
raifon peut-être aufli frivole qu’elle eft communément
reçûe. Quoi qu’il en fo it , cette circonftance
du lieu eft regardée par quelques modernes comme
fi néceffaire , que tout chant nuptial qui ne l’exprime
pas, ne doit point, félon eux, être nommé épithalame.
Mais fans nous arrêter à c e t te pédanterie , non
plus qu’à toutes les diftinûions frivoles d'épithala-
mes, imaginées par Scaliger, Muret & autres ; ni
même fans confidérer ici fervilement l’étymologie
du mot, nous appellerons épithalame tout chant nuptial
qui félicite de nouveaux époux fur leur union ;
qu’il foit un fimple récit, ou qu’il foit mêlé de récit
& de chant ; que le poëte y parle feul, ou qu’il in-
troduife des perfonnages ; & quel que foit enfin, le
lieu de la fcene, s’il eft permis d’ufer d’une expref-
fion fi impropre.
L’épithalame eft en général une efpece de poéfie
très-ancienne ; les Hébreux en connurent l’ufage
dès le tems de David, du moins les critiques regardent
le pfeaume xljv. comme un véritable épithalame.
Origene donne aufli le nom d’épithalame au cantique
des cantiques ; mais en ce cas c’eft une forte
d’épithalame d’une nature bien finguliere.
Les Grecs connurent cette efpece de chant nuptial
dans les tems héroïques, fi l’on s’en rapporte à
D yû is , & la cérémonie de ce chant ne fut point oubliée
aux noces deThétis & de Pelée; mais dans fa
première origine l'épithalame n’étoit qu’une fimple
acclamation d'hymen, o hymenee. Le motif & l’objet
de cette acclamation font évidens : chanter hymen ,
o hymenee, c’étoit fans doute féliciter les nouveaux
époux fur leur union , & fouhàiter qu’ils n’euffent
qu’un même coeur & qu’un même efprit, comme
ils n’alloient plus avoir qu’une même habitation.
Cette acclamation paffa depuis dans l'épithalame;
& les poètes en firent un vers intercalaire, ou une
efpece de refrain ajufté à la mefure qu’ils avoient
choifie : ainfi ce qui étoit le principal devint comme
l’acceflfoire , & l’acclamation d'hymen, o hymenee
amenée par intervalles égaux, ne fervit plus que
d’ornement à l'épithalame, ou plutôt elle fervit à marquer
les voeux & les applaudiffemens des choeurs,
lorfque ce poème eut pris une forme réglée.
Stéfichore, qui floriffôit dans là xlij. olympiade ,
paffe communément pour l’inventeur de Y épithalame
; mais l’on fait qu’Héfiode s’étoit déjà exercé fur
ce même genre, & qu’il avoit compofé Y épithalame
de Thétis & de Pélée : ouvrage que nous avons
perdu, mais dont un ancien fcholiafte nous a con-
fervé un fragment. Peut-être que Stéfichore perfectionna
ce genre de poéfie, en y introduifant la cithare
& les choeurs.
Quoi qu’il en foit, Y épithalame grec eft un véritable
poème, fans cependant imiter aucune attion.
Son but eft de faire connoître aux nouveaux époux
le bonheur de leur union par les loiianges réciproques
qu’on leur donne , & par les avantages qu’on
leur annonce pour l’avenir. Le poëte introduit des
perfonnages, qui font ou les compagnes de l’époufe,
comme dans Théocrite ; ou les amis de l’époux ,
comme dans Apollonius.
L’épithalame latin eut à-peu-près la même origine
que Y épithalame grec : comme celui-ci commença
par l’acclamation YYhymenée, Yépithalame latin commença
par l’acclamation de Talaffius : on en fait
l’occafion & l’origine.
Parmi les Sabines qu’enleverent les Romains, il
y en eut une qui fe faifoit remarquer par fa jeuneffe
& par fa beauté, ; fes ravifleurs craignant avec raifon
, dans un tel defordre, qu’on ne leur arrachât
un butin fi précieux , s’aviferent de crier qu’ils la
conduifoient à Talaflius, jeune homme beau, bienfait
, vaillant, confidéré de tout le monde, & dont
le nom feul imprima tant de refpeét, que loin de
fonger à la moindre violence, le peuple accompagna
par honneur les ravifleurs , en faifant fans ceffe retentir
ce même nom de Talaffius. Un mariage que le
hafard avoit fi-bien afforti, ne pouvoit manquer
d’être heureux : il le fu t, & les Romains employèrent
depuis dans leur acclamation nuptiale le mot
TalaJJius , comme pour fouhàiter aux nouveaux
époux une femblable deftinée.
A cette acclamation , qui étoit encore en ufage
du tems de Pompée, & dont on voit des veftiges au
fiecle même de Sidonius, fe joignirent dans la fuite
les vers fefcenniens ; vers extrêmement grofliers, &
pleins d’obfcénités.
Les Latins n’eurent point d’autres épithalames
avant Catulle , qui prenant Sapho pour modèle ,
leur montra de véritables poèmes en ce genre, &
fubftitua l’acclamation greque d’hymenée à. l’acclamation
latine de Talaffius. Il perfe&ionna aufli les
vers fefcenniens ; mais, comme il arrive d’ordinaire
, s’il les rendit plus chaftes par l’expreflion, ils ne
furent peut-être que plus obfcenes par le fens.
Nous en avons des exemples dans un épithalame
de ce poëte {epithal. Jul.), dans une petite piece qui
nous eft reftée de l’empereur Gallien, & dans le Cen-
ton d’Aufone principalement. Stace, qui a fleuri fous
Domitien, ne s’eft permis dans Yépithalame de Vio-
lantille & de Stella, aucune expreflion peumefurée.
Claudien n’a pas toujours été fi retenu, il s’échappe
\
d’une maniéré ihdécente dans celui d’Honorius &
de Marie.
Pour Sidonius, aufli-bien que tous les modernes,
dont les poéfies font lues des honnêtesgehs , comme
Buchanan parmi les Ecoffois, Malherbe & quelques
autres parmi nous, excepté Scarron-, ils font irréprochables
à cet égard ; fi pourtant l’on excepte encore
parmi les Italiens le cavalier Marini, qui mêle
ians refpeél pour fes héros, à des loiianges quelquefois
délicates, des traits tout-à-fait Iicentieux.
Il femble que Yépithalame admettant toute la liberté
de la Poéfie, il ne peut être affujetti à des préceptes.
; mais comment arriver à la perfeâion de
Part, fans le fecours de l’art même } Aufli Denys
d’Halic-arnafle donnant aux orateurs les réglés1 de
Yépithalame, ne* dit pas qu’elles foient inutiles ; il les
renvoyé même aux écrits de Sapho. Rien n’eft.fi
avantageux, en général, que d’étudier les modèles,
parce qu’ils renferment toujours les préceptes, &
qu’ils en montrent encore la pratique.
Il eft vrai qu’il n’y a point de réglés particulières
prefcrites pour le genre , pour le nombre, ni pour
la difpofition des vers propres à cet ouvrage ; mais
comme le fujet en tout genre de poéfie eft ce qu’il
y a de principal, il femble que le poète doit chercher
une fiélion qui foit tout enfeinble jufte, ingé-
nieufe, propre & convenable aux perfonnes qui en
feront l’objet ; & .c’eft en choififfant les cifconfiances
particulières, qui ne font jamais abfolument les
mêmes, que Yépithalame eft fufceptible de toutes fortes
de diverfités.
Claudien & Buchanan, fans être en tout & à tous
égards de vrais modèles, ont rendu propres à leurs
héros les épithalames qu’ils nous ont laides. Pour le
cavalier Marini, loin qu’il foit heureux dans le choix
des circonftances, ou dans les fixions qu’il ne doit
qu’à lui-même, on n’y trouve prefque jamais ni convenance
ni jufteffe. L'épithalame qui a pour titre, les
travaux d"Hercule, & pour objet un feigneur de ce
nom , n’eft qu’une indécente & froide allufion aux
travaux de ce dieu de la fable. Dans l’hymenée oîi
il s’agit des noces de Vincent Caraffe, c’eft Silene
qui chante tout Amplement Yépithalame du berger
Amynte. Telles font ordinairement les fixions de
cet auteur : s’il en a d’une autre nature, il les emprunte
de Claudien , de Sidonius même ; ou il les
gâte par des defcriptions fi longues & fi fréquentes,
qu’elles rebutent l’elprit, & font difparoître le fujet
principal;
Fuye£ de cet auteur l'abondance flérile,
Et ne vous charge{ point d'un détail inutile,
dit un de nos meilleurs poètes dans une occafion
toute femblable.
Parlons à préfent des images ou des peintures qui
conviennent à ce genre de poème. L’épithalame étant
par lui - même deftiné à exprimer la joie, à en faire
éclater les tranfports, on lent qu’il ne doit employer
que des images riantes, & ne peindre que des objets
agréables. Il peut repréfenter l’Hymenée avec fon
voile & fon flambeau ; Vénus avec les grâces, mêlant
à leurs danfes ingénues de'tendres concerts ; &
les Amours cueillant des guirlandes pour les nouveaux
époux.
Mais ramener dans un épithalame le combat des
géans, & la fin tragique des héroïnes fabuleufes,
comme fait Sidonius, ou le repas de Thyefte, & la
mort de Céfar, comme fait le cavalier Marini, c’eft
(pour le dire avec un ancien) être en fureur en chantant
l’hymenée.
Pour lés images indécentes, ou qui révoltent la
modeftie, quiconque en employé de ce caraâere ne
peche pas moins contre les réglés de l’art en général^
que contre fes vrais intérêts. En effet, fi un difçours
T om e E .
n’a dë véritable beauté qu’autant qu’il exprime une
chofe qui fait plaifir à voir ou à entendre,ou bien qu’il
ptéfente un fens honnête , comme Théophrafte le
îoûtient, & comme la raifpn même le perfuade, que
doit-on penfer de ces fortes d’images ? Et fe lgs permettre
dans une matière chafte par elle-même, n’eft-
cë pas en quelque maniéré imiter Aufoné, qui pour
avoir travefti en poète fans pudeur le plus fage de
tous les Poètes, n’a pu trouver encore depuis tant
de fiecles un feul apologifte ?
Bien .différent de cet écrivain , Théocrite n’offre
à l’efprit que des images agréables il ne repçéfcnte
que des objets gracieux, & avec des idées &c des ex-
preflions enchanterefles. Telle eft fon épithalame
d’Hélene, chef-d’oeuvre en ce genre qu’ôn në fau-
roit trop loiier.
Après avoir dônné des coürônnes de jacinthe aux
filles de Lacédémone.qui chantent l’hymenée, il leur
fait relever en ces termes le bonheur de Ménelas.
« Vous êtes arrivé à Sparte fous des aufpices bien
»;fayorables ; feul entre les demi-dieux , vous deve-
» nez le gendre de Jupiter, vous époufez.Hélene 1
» Les grâces l’accompagnent, les amours font dans
» fes yeux; elle étoit l’ornement de Sparte, comme
» le cyprès eft l’honneur des jardins ». Puis venant à
Hélene même : « Uniquement occupées de vous ,
» nous allons, difent-eiles, vous cueillir une guir-
» lande de lotos ; nous la fufpendrons à un plane, &
» en votre honneur nous y répandrons des parfums.
» Sur l’écorce du plane,.on gravera ces mots : kono-
» re^- moi, je fuis l'arbre d Hélene ». S’adreffant en-
fuite aux deux ‘époux : « Puiffe Vénus, ajoûtent-
» elles, vous infpirer une ardeur mutuelle & dura-
» ble, !, puiffe Latone vous accorder une heureufe
»poftérité, & Jupiter vous donner des richeffes que
» vous tranfmettiez à vos defcendans » 1 -
Ce poème, au refte, a deux parties qui font bien
m a r q u é e s q u i paroiffent effentielles à tout èpitha-
lame; l’une qui comprend lès loiianges des nouveaux
époux, l’autre qui renferme des voeux pour leur
profpérité.
La première partie exige tout l’ai t du poëte ; car
il'en faut infiniment pour donner des loiianges, qui
fiaient tout enfemble ingénieufes, naturelles, & convenables
: & voilà fans doute pourquoi l’on dit fi fou-
vent que Y épithalame çB. l’écueil des Poètes.
Les loiianges feront ingénieufes , fi elles fprtent ,
pour ainfi dire, du fond même de la fi&ion ; naturel-1
les, fi elles ne bleffent pas la vraiffemblance poétique
; convenables, fi elles font accommodées félon
les réglés de cette vraiffemblance au fexe, à la naifi
fance, à la dignité, au mérite perfonnel.
Il en eft de même, à proportion, des voeux ; ils doivent
être naturels, ou fe renfermer dans la vraiflem- '
blance poétique ; & convenables, ou ne pas excéder
la vraiffemblance relative , fi je puis m’exprimer
ainfi avec M. Souchai ; car j’ai tiré toutes les réflexions
qu’on vient de lire dans cet article, d’un de fes
difçours inféré dans le recueil de l’académie des Belles
Lettres,& je ne crois pas que perfonne ait mieux
traité cette matière.
C ’eft peut-être un travail en pufe perte, que celui
de notre favant; du moins on a lieu de le penfer%
quand on confidere à quel point tout le monde eft
dégoûté de ce genre de poème, foit par la difficulté
du fuccès, foit par l ’exemple de tant de gens qui y
ont échoiié avec mépris, foit enfin par le peu d’hon-.
neur qu’on gagne à courir dans cette carrière : il eft
du moins certain que les épithalames font tombés
dans un tel difcrédit,que les Hoilandois qui en étoient
les plus grands proteêleurs, non-fèulement les ont
abandonnés,mais même ont pris le parti de leur fub-
ftituer des eftampes particulières, qu’ils appellent de
ce nom, comme s’ils penfoient que Yépithalamepoéti-
L L l l l i j