
prête le ferment de docteur ; jufques-là on ne le qualifie
encore que de licentié, quoique fes lettres de
docteur qu’on lui délivre le même jour, portent la
date du jour de fon afte.
Le titre de docteur eft commun aux docteurs en
Droit, avec ceux qui ont le même degré dans d’autres
facultés, comme les docteurs en Théologie, les
docteurs en Medecine.
Blondel a avancé qu’on ne parloit point de docteurs
avant l’an 1138; mais Marcel Ancyran fur la
decrétale ^fuperfpecula de magijîris , cite un canon du
concile de Sarragoffe tenu l’an 390, qui défend de
prendre fans permiflion la qualité de docteur, ce qui
prouve qu’il y avoit déjà des docteurs en Efpagne.
Il paroît même qu’il y en avoit encore plus anciennement
chez les Romains ; il en eft fait mention
dans Tacite & dans Pline : on donnoit volontiers le
titre de docteur aux philofophes, doBoresfapientioe.
Il y avoit auffi dès-lors des docteurs en Droit, on
plutôt, comme on difoit autrefois des docteurs es lois,
doctores legum. Ils font ainfi appellés au code depro-
fejforibus & medicis; fuivant la Loi 6 de ce titre, qui
eft de l’empereur Conftantin, ils étoient exempts,
eux , leurs femmes, & leurs enfans, de toutes charges
publiques.
La Loi 7 du même titré veut que les maîtres des
études 6c les docteurs 'foient diftingués, premièrement
par leurs moeurs, & enfuite parleur capacité,
moribus primùm , deinde facundiâ.
On voit par cette même loi qu’anciennement ils
n’étoient point examinés fur leur capacité avant
d’être reçus ; mais il fut .ordonné qu’à l’avenir ils fu-
biroient un examen^ & ne feroient reçus que fur le
fuffrage de leur orarë : quifquis docere vult9 non repente
nec temere projîliat ad hoc munùs 9fed judicio ordinis
probatus , decretum curialium mereatur , optimorum
confpirant& confenfu.
Mais comme il n’y avoit chez les Romains, ni
univerfités, ni facultés de gens de lettres, l’on ne
connoiffoit point auffi parmi eux de degrés proprement
dits dans le fens que ce terme fe prend aujourd’hui
parmi nous ; de forte que le titre de docteur 'es
lois fignifîoit feulement alors un homme, qui étant
verfé dans la fcience du D roit, avoit la permiffion
de l’enfeigner publiquement : ce qui revient néanmoins
allez au pouvoir que l’on donne aujourd’hui
aux docteurs en Droit, & même aux licentiés. II y
avoit pourtant dès le tems de Juftinien trois écoles
publiques de Droit : l’une à Rome, l’une à Conftan-
tinople, & une à Beryte, qui approchoient beaucoup
de nos facultés de Droit ; les étudians y acqué-
roient fucceffivement différens titres, defquels deux,
fa voir ceux de Atntic & de Tcpoxlmiç, qui lignifientJe•
lutores9 reffembloient beaucoup à nos degrés de bachelier
& de licentié. Ceux qui enfeignoient étoient
appellés, comme on l’a dit, doctores Legum ou ante-
cejfbres; mais encore une fois ce titre de docteur ès
lois n’étoit point un degré proprement dit; on peut
plutôt le comparer au titre de docteur - régent, que
portent aujourd’hui les profeflèurs en Droit.
Quelques-uns placent l ’origine du doêtorat en
France en 460 : ce qui eft de certain, c’eft qu’en
83Ç il y avoit des docteurs ès Lois appellés doctores legum
, de même que chez les Romains, dont les François
avoient fans doute emprunté cet ufage. Il fe
trouva de ces docteurs à Orléans en 83 y, pour juger
le différend du prieuré de S. Benoît fur Loire, & de
Uabbaye de S. Denis. Rech.fur le dr.franc, p. 164.
Il y a lieu de croire que le titre de docteur ès lois
fuivit en France le fort du droit romain, lequel déchut
beaucoup de fon autorité fous la fécondé race,
à caufe des capitulaires.
C’eft dans la faculté de droit que le degré de docteur
prit naiffançe dans l’école de Boulogne, vers
l ’an 1130. On tient que ce fut Irnerius qui porta
l ’empereur Lothaire dont il étoit chancelier, à introduire
dans les académies la création des docteurs ,
& qui en drefla la formule*; d’oii vint que dès ce
tems-Ià on promut folemnellement au doêtorat Bul-
garus, Hugolin, Martin, Pileus, & quelques autres
qui commencèrent à interpréter les lois romaines.
Ces cérémonies commencèrent à Boulogne , & fe
répandirent de-là dans les autres univerfités, & paf-
ferent de la faculté de Droit en celle de Théologie.
Voye^ Bayle, à l’article d’Irnerius.
C e t ufajjje fut auffi adopté peu de tems après dans
l ’univerfite de Paris, où l’on voit qu’il y avoit des
docteurs en droit dès le tems de Philippe-Aügufte ,
de S. Louis, & de Philippe-le-Bel : on les appelloit
doctores in utroque jure, & rarement doctores in legibus
; on les appelloit auffi doctores in decretis ou doctores
decretorum, doêteurs en decret, ce qui fignifioit
ordinairement docteur en droit canon, fur-tout depuis
que l’étude du droit civil eut été défendue, d’abord
par Alexandre III. aux religieux profès, & enfuite
par Honorius III. en 12,20, à toutes fortes de personnes
indiftinétement. Cette défenfe ne fut pourtant
point d’abord obfèrvée : on en trouve une preuve
dans le ferment prêté le lundi veille de la S. Jean-
Baptifte 1251, par les maîtres de l’univerfité de Paris,
à la reine Blanche mere de S. Louis , où il eft
parlé des bacheliers lifans les décrétales & les lois
dans l’univerfité de Paris, dont on exigea même un
ferment particulier. Voye^ Chopin , lib. III. dedom.
tit. xxvij. n. 3 . Dupuy, tr. de la major, des rois ; 8ç
aux addit. & t. III. de U hiß. de l'univerfitè, p. 240.
Mais le féjour que les papes firent à Avignon depuis
l’an 5 jnfqn’en 1378, engagea beaucoup
de perfonnes à étudier le droit canon préférablement
au droit civil : on enfeignoit néanmoins celui
ci dans quelques univerfités. A l’égard de celle
de Paris, on ne l’y enfeignoit pas, du moins ordinairement
: il y eut beaucoup de variations à ce fujet ;
& comme dans ces fiecles d’ignorance les religieux
& les eccléfiaftiques étoient prefque les feuls qui
euffent quelque teinture des lettres, il ne faut pas
s’étonner s’il y avoit alors beaucoup plus de docteurs
en droit canon, qu’en droit civil.
Il eft certain qu’en 1576-les doBeurs-règens de la
faculté de Paris n’étoient qualifiés que de docteurs-
régens en droit canon , & que Cujas obtint une permiffion
particulière d’y enfeigner le droit civil, comme
il faifoit auparavant en l’univerfité de Bourges.
L’ordonnance de Blois en 1579, défendit encore
plus expreffément qu’auparavant de graduer en droit
civil à Paris ; & l’étude de ce droit n’y fut rétablie
ouvertement que cent ans après, par la déclaration
du Roi du mois d’Avril 1679.
De tout ce qui vient d’être dit, l’on doit conclure
que depuis la défenfe d’Honorius III. jufqu’en
1679, ^ Y eut Peu de do&eurs in utroque jure , &
fur-tout à Paris ; la plûpart n’étoient docteurs qu’en
droit canon : c’eft pourquoi on les appelloit ordinairement
doclores in decretis. On entendoit cependant
auffi quelquefois par le terme de decret, tout le droit
en générai, tant civil que canonique.
Il y avoit auffi des docteurs ès lois dans l’univerfité
de Touloufe, dès 1335 ; ils furent commis par Philippe
de Valois, avec d’autres perfonnes , pour l’exécution
d’un arrêt du parlement de Touloufe. Les
lettres du roi les nomment doclores legum.
Ceux de l’univerfité de Montpellier obtinrent au,
mois de Janvier 1350, des lettres du roi Jean, dans
lefquelles ils font qualifiés d’univerfitè, collège, & de
docteurs en droit civil & canon, ad fupplicationem-
univerfitatis , collegii, doBorum & fcholarium utriufque
juris Montisp effilant. Le roi les prend fous fa protection
& fauve-garde, eux, leurs fuppôts, & leurs
biens ; il attribue la cpnnoiflance de leurs caufes au
juge du petit-feel de Montpellier, & ordonne que
les bedeaux du collège appelles banquerii, & qui
fervent pro quolibet doBore aBu regente in utroque jure,
ne pourront faire commerce de marcharidifes communes
, tandis qu’ils rempliront cette fônêtion , à
moins que ce ne fût de livres fervant à l’étude du
Droit. . . ..
Dans quelques univerfités , comme à Orléans,
ceux qui profeflent le droit romain prennent le titre
d e docteurs-régens ; comme cela fe pratique auffi dans
les facultés de'Medecine.
A Paris , ceux qui profeflent publiquement le
D ro it , font appelles communément profejfeurs en
Droit : on les appelle cependant auffi quelquefois
dans les a êtes publics,, docteurs-régens , & en latin,
doclores aBu regentes , ou anteceffores ; ce qui fait voir
que doüeur - régent &■ profeffeur font fynonymes. Il
n’eft cependant pas néeeflaire d’être doBeur en droit
pour devenir profeffeur ; mais l’inftallation des profeflèurs
, qui eft une cérémonie femblable à celle du
doctorat, leur conféré le titre de docteur-régent.
Il y a dans la plûpart des facultés de Droit, outre
les profeflèurs, des doBeurs aggrégés, dont le premier
établiffement fut fait à Paris en vertu d’un decret de la
faculté de Droit de l’an 1636, homologué au parlement
: ôn les appelloit alors tous doBeurs honoraires,
aggrégés à la faculté. Ils étoient d’abord vingt-deux,
& enfuite furent au nombre de vingt-quatre. Comme
la plûpart de ces doBeurs honoraires remplifloient
auffi d’autres fonctions dans la magiftrature & dans
lé barreau , & qu’ils négligeoient-de venir à la faculté
; par un arrêt du confeil du 23 Mars 1680, il
fut ordonné, fans toucher aux doBeurs honoraires,
que 'dans chaque faculté il y auroit un hombre de
doBeurs aggrégés, qui feroit au moins le double de
celui des profeflèurs. Par un autre arrêt du confeil
du 16 Novembre fuivant, le roi nomma douze docteurs
pour être aggrégés de la faculté de Paris, dont
trois furent tirés du nombre des doBeurs honoraires,
fans rien innover aux droits utiles & prérogatives
des profeflèurs , ni aux rangs & fondions attribués
aux yingt-quatre doBeurs honoraires de ladite faculté
par les arrêts & réglemens ; ce qui fut confirmé par
la déclaration du 6 Août 1682 : ôc par la déclaration
du 19 Janvier 1700, le nombre des doBeurs honoraires
fut réduit à douze pour l’avenir.
Ces doBeurs honoraires aggrégés, qu’on appelle
communément aggrégés d honneur , font nommes fans
concours par la faculté, à mefure qu’il y a quelque
place vacante ; il doit y avoir deux eccléfiaftiques,
huit magiftrats, & deux avocats au parlement, plai-
dans ou confultans au moins depuis vingt ans. La
faculté élit tous les deux ans parmi ces doBeurs honoraires
un doyen d’honneur, lequel dans les affem-
blées & a&es de la faculté, a la voix conclufive ou
prépondérante. La fon&ion de ces doBeurs honoraires
eft d’affifter aux aflèmblées, cérémonies, concours
, élevions, & à tous aftes de la faculté, avec
droit de fuffrage ; mais ils viennent rarement, fi ce
n’eft aux difeours qui fe font à la rentrée & autres
cérémonies publiques.
Le decret de 1656 porte auffi que les évêques &
les confeillers-clercs au parlement, qui font doBeurs
en droit de la faculté de Paris, ont le même droit
que les doBeurs honoraires.
Pour cé qui eft des douze autres doBeurs aggrégés
qu’on appelle auffi quelquefois fimplement aggrégés,
pour obtenir une de ces places, il faut être dotteur
in utroque jure ; & dans une des univerfités du royaume
, il falloit autrefois, fuivant l’arrêt du confeil du
23 Mars 1680, & la déclaration du 6 Août 1682,
être âgé de trente ans accomplis, & avoir les deux
$iers des yoix de la faculté. Depuis, fuivant la déclaràtion
du 19 Janvier 1700, il faut avoir affifté
affiduement pendant un an aux thefes qui fe foutien-
nent, & y avoir difputé ■ dans l’ordre preferit par le
préfident ; ce que l’on appelle faire fon Jlage. La même
déclaration ordonne, que quand il y aura une
place d’aggrégé vacante, on ouvrira un concours à
tous les doBeurs en droit qui fe préfenteront, pour*
vû qu’ils ayent les qualités requifes ; & qu’après les
épreuves convenables, la place fera donnée à celui
qui fera jugé le plus capable à la pluralité des voix.
La déclaration du 7 Janvier 1703 a réduit à vingt-
cinq ans accomplis l’âge néeeflaire pour concourir à
ces places.
La fon&ion de ces doBeurs aggrégés confifte à
affifter aux aflèmblées & cérémonies publiques de
la faculté, & aux thefes & examens, où ils peuvent
interroger & argumenter. Ils ont droit de fuffrage
dans toutes ces aflèmblées & a êtes de la faculté ,
avec cette reftriêtion néanmoins, que comme les
doBeurs aggrégés font en plus grand nombre que les
profeflèurs, ils n’ont voix qu’en nombre égal à celui
des profeflèurs qui font préfens, fuivant les déclarations
de 1680 , 16 8 2 ,6c 1700, que l’on a déjà
cité.
Ils préfident auffi à leur tour alternativement avec
les profeflèurs, aux thefes de baccalauréat, & non
aux thefes de licence, finon lorfqu’ils en font requis
par le profeffeur qui eft en tour.
Ils exercent auffi en particulier les jeunes candi*
dats qui font fur les bancs*. - v
Les fondions & droits .de ces doBeurs aggrégé»
ont été regïéfc tant,par l’a^êt du confié de* 1680,
que par plufieùrs-âûtres^l|felafêtions du Roi, que
l’on peut confulter ; notammeht celles de 1680,
1682, & 1700, & par celle du 7 Janvier 1703. ,
Il y a auffi dans lés autres univerfités un certain
nombre de doBeurs aggrégés, qui eft communément
au moins du double de celui des profeflèurs, fuivant
l’arrêt du confeil du 23 Mars 1680. Il y a eu
plufieurs réglemens particuliers pour les docteurs aggrégés
de ces univerfités, entre autres la déclaration
du 30 Janvier 1704, pour les doBeurs aggrégés
de l ’univerfité d’Aix ; & celle du 18 Août 1707,
pour la faculté d’Orléans.
Les doBeurs en droit ou autre faculté, qui ont
obtenu des bénéfices en cour de Rome , in forma
dignum, c’e ft-à -d ire en forme commiffoire , font
fujets à l’examen de l’ordinaire, telle que puiflè être
leur capacité. Cela eft conforme au concile de Trente
,fej[. xxjv. can. 12. à [’article y5. de l ’ordonnance
de Moulins ; à Y article-12. de celle de Blois ; à l’édit
de Melun, art. i4.8ck celui de 1.695 »art’ lefquels
n’exceptent perfonne de l’examen : ce qui a été fa-
gement établi, parce qu’on peut avoir obtenu des
degrés par furprife. II ne fuffit pas d’ailleurs1 qu’un
doBeur foit favant, il faut qu’il foit de bonnes moeurs
& de bonne doélrine.
Ceux qui ont obtenu en cour de Rome des provi-
fions en forme graeieufe, font de même fujets à l’examen
lorfqu’il s’agit d’une cure, vicariat perpétuel
, ou autre bénéfice ayant charge d’ames. .l'cyj
ledit de i6c)5 , art. 3.'
Les doBeurs en droit joiiiffent de plufieurs priyi-
léges. I ■ M
Par exemple, en fait de bénéfice, lorfque plufieurs
gradués concourent , le doBeur en droit eft
préféré au licentié ; & en cas de concurrence entre
plufieurs doBeurs en différentes facultés, le docteur
en Théologie eft préféré au doBeur en droit, le
doBeur en droit canon eft préféré au doBeur en droit
civil, le doBeur en droit civil au doBeur en Medecine
: mais les profeflèurs en Théologie des maifons
de Sorbçpne & de Navarre, les profeflèurs en droit
canonique & civil, & même tous régens feptenai*