
La théorie de l’art de la guerre a été traitée par
de grands hommes, qui ont bien voulu nous communiquer
des lumières, fruits de leurs méditations
& de leur expérience. S’ils n’ont pas atteint la per-
feftionen tout, s’ils ont négligé quelques parties, il
nous femble qu’on doit tout attendre dit zèle 8c de
l ’émulation qui paroiffent aujourd’hui avoir pris la
place de l’ignorance 8c de la frivolité. Cette maniéré
de fe diftinguer mérite les plus grands éloges, 8c
doit nous faire concevoir les plus flateufes efpéran-
ces : s’il nous eft permis d’ajouter quelque chofe à
nos fouhaits , c’eft qu’elle devienne encore plus
commune.
Après avoir parcouru fuccin&ement tous les objets
qui ont un rapport direô à la culture de l’efprit,
nous parlerons plus brièvement encore des exercices
propres à rendre les corps robuftes, vigoureux
6c adroits.
Danfe. La Danfe a particulièrement l’avantage
de pofer le corps dans l’état^d’équilibre le plus propre
à la foupleffe 8c à la légèreté. L’expérience nous
a démontré que ceux qui s’y font appliqués, exécutent
avec beaucoup plus de facilité 8c de promptitude
tous les mouvemens de l’exercice militaire.
Efcrime. L’Efcrime ne doit pas non plus être négligée
; outre qu’elle eft quelquefois malheureufe-
ment néceffaire, il eft certain que fes mouvemens
vifs 8c impétueux augmentent la vigueur 8c l’agilité.
C ’eft ce qui nous fait penfer qu’on ne doit pas la
borner à l’exercice de l’épée feule, mais qu’on fera
bien de l’étendre au maniement des armes, même
qui ne font plus en u fage, telles que le fléau, le bâton
à deux bouts, l’épée à deux mains, &c. Il ne faut
regarder comme inutile rien de ce qui peut entretenir
le corps dans un exercice violent, qui pris
avec la modération convenable, peut être confidéré-
comme le pere de la fanté.
Art de nager. Il eft furprenant que les occafions&
les dangers n’ayent pas fait de l’art de nager une
partie effentielle de l’éducation. Il eft au moins hors
de doute que c’eft une chofe fouvent utile, & quelquefois
néceffaire aux militaires. On en lent trop
les conféquences, pour négliger un avantage qu’il
eft fi facile de fe procurer.
Manège. Il nous refte à parler du Manège 8c de
fes parties principales. Sans entrer dans un détail fn-
perflu, nous nous contenterons d’obferver que li
l ’art de monter à cheval eft utile à tout le monde,
il eft efl'entiel aux militaires, mais plus particulièrement
à ceux qui feroient deftinés au fervice de la
cavalerie.
Il eft aifé de concevoir tout l’avantage qu’il y au-
roit à avoir beaucoup d’officiers affez inftruits dans
ce genfe, pour former eux-mêmes leurs cavaliers.
Ce foin n’eft point du tout indigne d’un homme de
guerre. Ce n’eft que par une bilàrrerie fort fingulie-
r e , que quelques perfonnes y ont attaché une idée
oppofée. Elle eft trop ridicule pour mériter d’être
réfutée ; le fentiment des autres nations fur cet article
eft bien différent. On en viendra peut-être un
jour à imiter ce qui fe pratique chez plufieurs ; nous
nous en trouverions sûrement mieux.
Nous ne parlons point de l’utilité qu’il y a d’avoir
beaucoup de bons connoiffeurs en chevaux; cela
n’eft ignoré de perfonne. Ce qu’il y a de certain,
c’eft que le Roi a fait choix de ce qu’on connoît de
plus habile pour former des écuyers capables de remplir
fes vues, en les attachant à fon école militaire.
On peut juger par-là que cette partie de l’éducation
fera traitée dans les grands principes, 8c qu’on eft
fondé à en concevoir les plus grandes efpérances.
Après avoir indiqué l’objet & la méthode des études
de l'école royale militaire , il ne nous refte plus
qu’à donner un petit détail de ce qui compofe l’hôtel
; & c’eft ce que nous ferons en peu de mots."
Par une difpofition particulière de l’édit de créaJ
tron, le fecrétaire d’état ayant le département de la
guerre, eft fur-intendant né de l’établiffement ; rien
n’eft plus naturel ni plus avantageux à tous égards.Le
Roi n’a pas jugé à-propos qu’il y eût de gouverneur
dans l’etabliffement proviloire qui fubfifte ; Sa Ma-
jefte s eft referve d’en nommer un quand il fera tems.
C’eft quant à -préfent un lieutenant de ro i, officier
general, qui y commande ; les autres officiers font
un major, deux aides-major, 8c un fous-aide -mâjor.
II y a outre cela un capitaine & un lieutenant à la tête
de chaque compagnie d’éleves : on imagine bien que
le choix en a été fait avec la plus grande attention.
. Ce font tous des militaires, auffi diftingués par leurs
moeurs, que par leurs fervices. Les fergens, les caporaux
, 8c les anfpeffades de chaque compagnie,
iont choifis parmi les éleves mêmes, 8c cette diftincr
tion eft toûjours le prix du mérite 8c de la fageffe.
Il y a tous les jours un certain nombre d’officiers
de piquet. Leur fonûion commence au lever des éle-
ves ; 8c de ce moment jufqu’à ce qu’ils foient couches,
ils ne fortent plus de deffous leurs yeux. Ces
officiers prefident à tous les exercices, 8c y maintiennent
1 ordre, le filence, 8c la fubordination. Or»
doit convenir qu’il faut beaucoup de patience 8c de
zele pour foutenir ce fardeau. On juge aifément d©
ce que doivent etre les fonctions de l’état - major
fans que nous entrions à cet égard dans aucun détail.
Nous venons de dire que les éleves font continuellement
fous les yeux de quelqu’un : la nuit même n’en
eft pas exceptee. A l’heure du coucher, l’on pofe des
fentinelles d’invalides dans les falles où font diftri-
buees leurs chambres une à une ; 8c toute la nuit il
fe fait des rondes, comme dans les places de guerre».
On peut juger par cette attention, du foin fingulier
que 1 on a de prévenir tout ce qui pourroit donner
occafion au moindre reproche. C ’eft dans la même
vue qu’un des premiers 8c des principaux articles
des réglemens, porte une défenfe expreffe aux élevés
d entrer jamais, fous quelque prétexte que ce
foit, dans les chambres les uns des autres, ni même
dans celles des officiers 8c des profeffeurs , fous peine
de la prifon la plus fèvere.
On fent bien que nous ne pouvons pas entrer dans
le detail de ces réglemens ; il y en a de particuliers
pour les officiers, pour les éleves, pour les profeffeurs
8c maîtres, pour les commenfaux de l’hôtel,
pour les valets de toute efpece. Chacun a fes réglés
prefcrites ; elles ont été rédigées par le confeil de
l ’hôtel, dont nous parlerons après avoir dit un mot
de ce qui compofe le refte de rétabliffement.
L intendant eft chargé de l’adminiftration générale
des biens de Vecole royale militaire, fous les ordres
du fur-intendant ; c’eft lui qui dirige auffi la
partie oeconomique.: il a fous fes ordres un contrô-
leur-infpe&eur général, 8c un fous-contrôleur, qui
lui rendent compte ; ceux - ci font chargés du dé-
mil , 8c ont fous eux un nombre fuffifant domployés.
C eft auffi 1 intendant qui expédie les ordonnances
fur le threforier, pour toutes les dépenfes de l’hôtel
, de quelque nature qu’elles foient. Ce thréfo-
rier ne rend compte qu’au cqnfeil d’adminiftration
de l’hôtel.
Le Roi a jugé à-propos d’établir dans fon école
militaire un dire&eur général des études : fes fonctions
fe devinent aifément.
Il y a un profeffeur ou un maître , pour chaque
fcience ou art dont nous avons parlé. Ils ont chacun
un nombre fuffifant d’adjoints, dont ils font eux-
memes le choix. Cette réglé étoit néceffaire pour
établir la fubordination 8c l’uniformité dans les in-
ftruétions ; les uns 8c les autres dans la partie qui
leur eft confiée, ne reçoivent d’çrdrçs que du di-
reétçur général ÿçs études.
Le confeil eft compofe dii miniftre dé la giieîtè
fur-intendant ; du lieutenant de roi commandant,
de l’intendant, 8c du directeur des études. Un fecrétaire
dit confeil de l’hôtel y tient la plume.
Le Roi ; par une ordonnance particulière, a fixé
trois fortes de confeils dans Yécole royale militaire ;
un coiifeil d’adminiftrâtioU , un confeil d’cfccono-
mie, 8c liti confeil de policé.
Dans le premier qui fe tient tous lès mois, 8c
auquel ptéfide toûjours le miniftre, on traite de toutes
les affaires qui concernent l’adminiftration générale
de l’établiffement ; ort y entend les comptes du
thréforier ; le miniftre y confirme les délibérations
qui ont été faites dans fon abfenee par le confeil
d’économie 8c de police, &c.
Le confeil d’économie eft particulièrement def-
tiné à régler tout ce qui a rapport aux fournitures,
aux dépenfes courantes, &c. car il eft bon d’obfer-
v e r , que quoique la partie économique foit dirigée
par l’intendant de l’hôtel, il ne paffe auciin marché
, ni n’alloue aucune dépenfe qui ne foit vifée 8c
arrêtée au cottfeil d’éconbmie, & ratifiée enfuite
par le miniftre au confeil d’adminiftration.
Le confeil de police a principalement pour objet
de réprimer & de punir les fautes des éleves. Les
officiels îl’oiit d’aiitre autorité fur eux, qlie celle de
les mettre aux arrêts ; cette précaution étoit néceffaire
pour éviter ces petites prédilections , qui në
font que trop communes dans les éducations ordinaires;
L’officier rapporté la faute pâr écrit, 8c le
confeil prononce la punition. Les hommes font fi
fujets à fe laiffer prendre par l’extérieur, qu’on rte
doit pas être ftirpris qu’il en impôfe aux enfâns.
D ’ailleurs en fermant la porte aü caprice 8c à l’humeur.
cela leur donne une idée de juftice qu’on ne
peut leur fendrë refpë'Ctable de trop’ bonne - heure.
Au refte on a rettariché de Yécole militaire toutes cés
punitions, qui pOUf être confactées par l’üfagë, n’ëri
deshonOrènt pas moins l’humanité. Si des rémon-
trancés fértfées 8c raifonnablés ne fuffifent pas, îl eft
affez de moyens de punir féverement ; fah$ en venir
à ces extrémités qui abâiffent rame , UU lieu d’élever
fè courage. Nous avcps fait Ufage, avec le pliis
grand fticcès , de la privation même dé l’étude.8c
des exercices : cë rie peut être l’effet qüe d’une grari-
de éffiùlàfiori. RaifonnonS toûjours avec les erifâns,
fi nous Voulons les rendre raifonriâ'b'lês.
C ’éft à-peu-près là le plan du plus bel établiffe-
ment du monde. II eft digne de toute la gfa'ndeur du
Monarque ; la poftérité y recorinoîtra Iè fruit le plus
précieux de fa bonté 8c de fori humanité ; 8c la no-
bleffè de fon royaume, élevée par fes foins, perpétuée
par fès bienfaits, lui confacrera dés jours 8c des
talens, qu’elle aura l’hôri'riêUr St la gloire de tenir du
plus grand 8c du meilleur'dés' fois'.
Cet article nous d été dàntiépar M. Pa r i s DE MéY-
ZIEU , directeur gèriètdl dès études , & intendant dé l’école
royale militaire , enfUrvivàncé dé M. Pa r is DU
FERNEY, Confeillèr Péiat.
Ecole d’ArtilleriÉ, {Art milité) ce.font des
écoles établies par le roi, pour l’inftru&ion des officiers
8c dés foldatS de Royal Artillerie. Voici un précis
dé ce qui concerné Cés écoles.
Le Roi ayant yoùlù former un féïil corps de différentes
troupes qui dépendoient de l’artillerie , a
partagé ce corps en cinq bataillons, cômriie on peut
le voir au mot A r t i l l e r i e , qui furent placés à
Metz, Strasbourg, Grenoble, Lafere, 8c Perpignan
: ce dernier a depuis' été envoyé à Befançôn.
Sa Majefté a établi' dés écoles dé théorie 8c de pratiqué
dans chacune de ces villes.
Vécole de théorie fé fient trois jours de la femaine
le matin, depuis huit heures jufqu’à onze. Meilleurs
les officiers, à commencer par les capitaines en fe-
Tome F,
cond, lieutënâris, fous-lieutenans , 8c cadets, font
obligés de s’y trouver, àuffi-bien qü’un grand nombre
d’officiers d’artillerie; qui font entretenus dans
chaque ecoie, dans leïquelies on veut bien recevoir
les jeunes gens de famille volontaires dans l’artillerie
, où Royal Artillerie, pour y profiter des inftru-
ftioris, 8c remplir les emplois vacaris, quand on les
en jugé dignes.
L on commande tous les jours de mathématiques
un capitaine en premier ; pour préfider à Y école, afin
d’y maintenir le bon ordre ; il y a auffi une fe'nti-
neile à là porte, pOür empêcher que pendant la dictée
l’on ne faffe du bniit dans le voifinage. Ges dictées
font remplies par des traités d’arithmétique,
d’algèbre, de géométrie, des ferions coniques, dè
trigonométrie, de méchanique, d’hydraüliqüë, de
fortificätiöh ; de minés, de l’attaque 6c de la défenfe
des places, & de mémoires fur l’artillerie.
Comme, fùivarit l’ordonnance du Rbi ; il ne péut
être mis à la tete des bataillons dii régimèht Royal
Artillerie ; foit pour lieutenant-coloriè?, major, où
capitaine ; que dés officiers élevés dans le corps, 8fc
qiié les officiers d’artillerie qui font âux écoles ne fe
relfentent des grâces du grand-ffiaître de 1’artillëriè ,
qu^autant qu ils s’attachent à s’inftruiré des chofes
qu on érifeigne, il ie fait un exâriien tous les fix mois
par le pfofeileur dé mathématiques, en préfence des
comffiandaris de l’artillerie 8c dü bataillon ; où les
officiers font interrogés les tins après les autres fur
toutes les parties du cours de mathématiques, dont
ils démoritreht lès pfÖpöfitions qui leur font demandées
; 8c après qu’ils ont fatisfäit à l’eXâffien, lé pro-
fëffeur diète publiquement l’apoftille de celui qui a
été examiné ; 8c comme l’inégalité des âges 8c des
génies, 8c mêmë de la bôririé oit ffiâirtàile volonté
dela plûpart, petit faire beaucoup de différence dans
un nombre de près de èerit officiers qu’il y a dans
chaque ecole, l’état de l’examen eft divife en trois
clafies. Dans la première fioiit ceux qrii fè diûingiièni
le plus par leur application ; darts là fecôride, cëuX
qui forit de leur mieux : 8c dans la troifiemë, cèttx
dont on ri’efpere pas grand’chofe. Cet état eft en-
fuite envOyé à la cour, qui a par cés ~ moyens une
corinoiflanee exàfte des progrès de chacün.
Pour Yécole de pratique qui fe fait les trois autres
jours, où l’on n’énfeigne point de théorie ; elle con-
fifte principalèmerit à exercér les canonniers fes
bombardiers, lès mineurs, 8c lès fàppeüfs , à tirer
du canon, jefter des bombés, à apprenne les manoeuvres
de l’artilleriè, qui font proprement des pratiques
de méchanique ; à cortftruire des ponts fur
des rivières , avec la même promptitude qu’ori les
fait à l’armée ; à conduire des galeries de mines 8c
de contre-minés, des tranchées & des fappes. Confine
tous ces exercices ont pour principal objet l ’art
d attaquer 8c de défendre lés places, l ’ori a élevé
dans chaque école un front de fortification, accompagné
des autres ouvragés détachés d’une grandèur
luffifante pour être attaqués 8C défendus, comme
dans une véritable aétion ; ce qüi s’exécute par uà
fiége que l’ori fait tous lés deux ans, qüi dure d'euX;
Ou trois mois dé l’été.
C ’èft ainfi qüe joignant la théorie à l'a pratiqué
dans les écoles, chacun travaille à fê përfe&'iO'rtriër
dans le métier de là guerre. Fyye^ la préfacé dii tours
de mathématique dé M'. Bélidor, le règlémené ehlièr oti
le platt d'étude de cés écoles , dans le Code militaire de
M. Briqilét, où dans le premier volume dés mémoire^
d'artillerie de Saint-Renii, trôifièùte édition. (Q)
E C O L E , {Archit.') c’eft un bâtiment’ côrrïppfé dô
grandes falles, où des prpfefleiirs dôririént publiquement
des leçons fur les Mathématiques ,• la Güerré 1’Artillerie, là Marine, la Peinture, l’Aréhitëâure ,
&c. f l différé de 1’açadémie', éri cé que celle-ci eft
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