
 
        
         
		au mouvement.  Il  ne  faut pas  confondre cette tendance  
 avec les corps mus. 
 22.  Pour rencontrer  la  véritable  diftribution des  
 mouvemens,  il  vaut mieux  s’attacher  aux différences  
 intérieures,  qu?aux  différences  extérieures, &   
 diftinguer les forces en forces animées &  forces inanimées  
 ;  ou  mieux  encore,  en forces animées  par  
 -l’art ou par la fenfation. 
 23. Le repos eft une  privation,  à moins  qu’il ne  
 foit  éternel. 
 24. Les  qualités  aftives  &   pafîives, ne font que  
 des maniérés différentes de fe mouvoir. 
 25.  Quant  à  la  relation,  elle  fuppofe,  pluralité  
 d’êtres  confidérés  par  quelque  qualité  qui  naiffe  
 effentiellement de la pluralité. 
 Voilà  le  fyftème des  genres  ou  des  prédicamens  
 •que  la  fe£te  éclectique avoit adopté. On ne difcon-  
 viendra pas, fi l’on fe donne la peine de le lire avec  
 attention,  qu’à-travers bien des notions obfcures &  
 puériles,  il n’y  en  ait quelques-unes  de fortes &  de  
 très-philofophiques. 
 Principes de la métaphyjîque des Eclectiques.  Autre  
 labyrinthe  d’idées  fophiftiques ,  où  Plotin  fe perd  
 lui-même, &  où le leCteur nous pardonnera bien de  
 nous  égarer quelquefois. Les Eclectiques difoient : 
 1.  Il y  a les  chofes &   leur principe ;  le principe  
 eft  au-deffus des chofes  ;  fans le principe,  les  chofes  
 ne feroient pas.  Tout procédé  de  l’être  principe  
 ;  cependant  c’eft  fans mouvement, divifion,  ni  
 multiplication  de  lui-même.  Voilà  la  fource  des  
 émanations  éclectiques, 
 2.  Ce principe  eft l’auteur de  l’effence  & de  l’être  
 ; il eft premier ;  il  eft un ;  il  eft  fimple :  c’eft la  
 caufe  de  l’exiftence  intelligible.  Tout  émane  de  
 lui, &  le mouvement &  le repos ;  cependant il n’a  
 befoin ni de l’un  ni  de  l’autre. Le mouvement  n’eft  
 point en lu i,  &  il n’y  a rien  en quoi il puiffe fe re-  
 pofer. 
 3.  Il eft indéfïniffable.  On  l’appelle  infini, parce  
 qu’il  eft un ; parce que l’idée de limite  n’a  rien  d’analogue  
 avec  lui, &  qu’il n’y  a rien à quoi il abou-  
 tiffe : mais fon infinitude  n’a  rien de  commun avec  
 celle de la matière. 
 4.  Comme il  n’y   a rien  de  meilleur que le principe  
 de  tout  ce  qui  eft,  il  s’enfuit que  ce  qu’il y   a  
 de meilleur, eft. 
 5.  Il  eft  de  la  nature  de  l’excellent  de  fe  fuffire  
 à  foi-même.  Qu’appellerons-nous donc  excellent,  
 fi ce n’eft ce qui  étoit  avant qu’il y  eût  rien,  c’eft-  
 à-dire  avant que  le mal  fût. 
 ,  6.  L’excellent  eft  la  fource  du  beau ;  il  en  eft  
 l’extrême ; il doit en être la fin. 
 7. Ce  qui n’a qu’une  raifon  d’agir,  n’en  agit pas  
 moins  librement :  car  l’unité  de motif n’offre point  
 l’idée de privation, quand  cette unité émane de  la  
 nature de  l’être ;  c’en un  corollaire de  fon  excellence. 
   Le premier  principe  eft  donc  libre. 
 8. La liberté du premier principe n’a rien de fem-  
 blable dans  les êtres émanes  de lui.  Il  en  faut  dire  
 autant de fes autres attributs. 
 9.  Si  rien n’eft  au - deffus de  ce  qui  étoit  avant  
 tout, il ne faut point remonter au-delà; il faut s’arrêter  
 à ce  premier principe,  garder le filence  fur fa  
 nature, &  tourner toutes  fes recherches fur  ce  qui  
 en eft émané. 
 10. Ce qui eft identique avec l’effence, prédomine  
 fans ôter la liberté ; l’aCte eft effentiel,  fans être  
 contraint. 
 11. Lorfque nous difons du premier principe qu’il  
 eft jufte, excellent, miféricordieux, &c.  cela fignifîe  
 que fa nature eft toûjours une &; la'même. 
 12. Le premier principe pofé, d’autres caufes font  
 Superflues;  il  faut defcendre  de  ce  principe à l’en-  
 -tendement 9 ou à ce qui conçoit, &  de l’entendement 
 à l’ame :  c’eft-là l’ordre naturel des êtres. Le genre  
 intelligible  eft borné à  ces objets ;  il n’en renferme  
 ni plus ni moins. Il n’y  en a pas moins, parce qu’il y   
 a diverfité entr’eux. Il n’y  en a pas davantage, parce  
 que la raifon démontre que l’énumération eft complété. 
  Le premier principe tel que nous l’admettons,  
 ne  peut  être  Amplifié ; &   l’entendement  eft,  mais  
 Amplement, c’eft-à-dire fans qu’on puiffe dire qu’il  
 foit ou  en  repos,  ou  en mouvement. De  l’idée  de  
 l’entendement à l ’idée de raifon, & de celle-ci  à  l’idée  
 d’ame, il y  a procefîion  ininterrompue ;  on  ne  
 conçoit aucune nature moyenne entre  l’ame &  l’entendement. 
  Plotin file ces notions avec une fubtilité  
 infinie, &   les dirige  contre les Gnoftiques, dont  il  
 bouleverfe  les  éons &  toutes  les  familles  divines^  
 Mais ce n’étoit-là que la moitié de fon but ;  il en déduit  
 encore une trinité hypoftatique, qu’il oppofe à  
 celle des Chrétiens. 
 13.  Il y   a  un  centre  commun  entre  les  attributs  
 divins  :  ces  attributs  font  autant  de  rayons  qui en  
 émanent ; ils forment une fphere, au-delà des limites  
 de  laquelle rien n’eft lumineux :  tout  veut  être  
 éclairé. 
 14. Il n’y  a que l’être fimple, premier &  immobile  
 qui puiffe expliquer comment tout eft émané de lui ;  
 c’eft à lui qu’il faut s’adreffer pour s’en inftruire, non  
 par une  prierè  vocale, mais  par  des  élans  réitérés  
 qui portenr l’ame au-delà des efpaces ténébreux qui  
 la féparent du principe éternel dont elle eft émance-.  
 Voilà'le  fondement  de  l’enthoufiafme  écleCtique. 
 15.  Lorfqu’on applique  le  terme  de génération  à  
 la  production  des  principes divins,.il  en  faut écarter  
 l’idée du  tems.  Il  s’agit  ici  de  tranfaCtions  qui  
 fe  font  paffées  dans  l’éternité. 
 16. Ce qui émane du premier principe , s’en émane  
 fans mouvement. S’il y  avoit mouvement dans le  
 premier  principe,  l’être  émané  feroit  le  troifieme  
 être mu, &  non pas  le  fécond.  Cette émanation fe  
 fait fans qu’il y  ait dans le premier principe,  ni  répugnance  
 , ni confentement. 
 17.  Le  premier  principe  eft  au  centre  des  êtres  
 qui s’en émanent; en repos, comme le foleil au centre' 
  de la lumière &   du monde. 
 18.  Ce qui  eft fécond  &   parfait  ,   engendre  de  
 toute éternité. 
 19.  L’ordre  de  perfection  fuit  l’ordre  d’émanation  
 ;  l’être de  la  première  émanation  eft  l’être  le  
 plus  parfait  après  le principe :  cet  être fut  l’entendement  
 , vue. 
 20. Toute émanation tend à fon principe ; c’eft un  
 centre où il a été néceffaire  qu’elle  fe  reposât pendant  
 toute la durée, où il n’y  avoit d’être qu’elle &   
 fon  principe :  alors  ils  étoient  réunis,  mais  diftin-  
 gués,  car l’un n’étoit pas l’autre. 
 21. L’émanation première  eft l’image la plus parfaite  
 du premier principe ; elle  eft de lu i, fans intermède. 
 22.  C ’eft de cette émanation la première, la plus  
 pure, la plus digne du premier principe, qui n’a pû  
 naître que de ce principe, qui en eft la vive image ,  
 qui lui reffemble plus que la lumière au  corps lumineux  
 , que font émanés tous les êtres, toute la fubli-  
 mité des idées, tous les dieux intelligibles.  • 
 23.  Le premier principe d’où tout eft émané, ré-  
 abforbe tout ; c’eft en rappellant les émanations dans  
 fon fein, qu’il les empêche de dégénérer en matierè. 
 24. L’entendement ou la première  émanation, ne  
 peut être  ftérile, A elle eft parfaite. Qu’a-t-elle donc  
 engendré  ?  L’ame  ,  fécondé  émanation moins  parfaite  
 que  la  première ,  plus parfaite que  toutes les  
 émanations qui l’ont fuivie.  / 
 25. L ’ame eft un hypoftafe du premier  principe ;  
 elle y  Éj| inhérente,  elle en  eft  éclairée, elle Ia'fépréfente  
 ; elle eft féconde à  fon tour, &  laiffe échapper  
 d’elle des êtres à l’infini. 
 26.  Ce  qui  entend eft  différent de  ce qui eft entendu  
 ;  mais de ce que l’un entend, &  l’autre eft en-’  
 tendu, fans  être identiques, ils  font co-exiftans ; &   
 celui qui entend a en foi  tout ce qu’il peut avoir de  
 reffemblance &   d’analogie,  avec  ce  qu’il  entend :  
 d’où il s’enfuit : 
 27.  Qu’il y  a je ne fai quoi de fuprème qui n’entend  
 rien ; une première émanation qui entend ; une  
 fécondé  qui  eft  entendue,  &  qui  conféquemment  
 n’eft pas fans reffemblance &   fans  affinité  avec  ce  
 qui  entend. 
 28. Où il y  a intelligence, il y  a multitude. L’intelligent  
 ne peut être ce qu’il y  a de premier, de fimple  
 , &  d’un. 
 29. L’intelligent s’applique à lui-même &  à fa nature  
 ;  s’il  rentre  dans  fon fein &   qu’il y  confomme  
 fon aérien,  il  en  découlera  la  notion  de duité,  de  
 pluralité, &  celle de tous les nombres. 
 30.  Les  objets  des  fens  font  quelque  chofe ;  ce  
 font les images d’êtres ; l’entendement connoît &  ce  
 qui eft en lui, & ce qui eft hors de lui, &  il fait que  
 les chofes exiftent, fans quoi il n’y  auroit point d’images. 
 31. Les intelligibles different des fenfibles,  comme  
 l’entendement différé des  fens. 
 3 2. L’entendement eft en même tems une infinité  
 de chofes,- dont il eft diftingué. 
 3 3.  Autant que  le monde  a  de  principes  divers  
 de fécondité, autant il a  d’ames différentes, autant  
 il y  a d’idées  dans l’entendement divin. 
 34. Ce  que  l’on entend ,  devient intime ;  il s’in-  
 ftitue une  efpece  d’unité  entre  l’entendement & la  
 chofe  entendue. 
 35.  Les  idées  font  d’abord  dans  l’entendement;  
 l’entendement en  a été ou  l’intelligence,  s’applique  
 aux idées.  La nature de  l’entendement &  des  idées  
 eft donc une ; fi nous les divifons, fi nous en faifons  
 des êtres  effentiellement différens, c’eft une fuite de  
 la marche de notre efprit, &  de la maniéré dont nous  
 acquérons nos connoiffances. Voilà le principe fondamental  
 de la doftrine des idées innées. 
 36. L’entendement  divin  agit fur la  matière  par  
 fes  idées ,  non d’une  aCtion extérieure &  méchani-  
 que  ,  mais d’une aCtion  intérieure &  générale,  qui  
 n’eft  toutefois  ni  identique  avec  la matière,  ni fé-  
 parée d’elle. 
 37.  Les  idées  des irrationels font dans l’entendement  
 divin : mais elles n’y  font pas fous une forme ir-  
 rationelle. 
 38.  Il y  a deux efpeces de dieux dans le ciel incorporel  
 ;  les  uns.  intelligibles,  les  autres  intelligens :  
 ceux-ci font les idées, ceux-là des entendemens béatifiés  
 par la  contemplation des idées. 
 39.  Le  troifieme principe émané du premier, eft  
 l ’ame du monde. 
 40.  Il y  a deux Vénus,  l’une fille du ciel,  l’autre  
 fille  de  Jupiter  &  de  Dioné;  celle-ci  préfide aux  
 •amours des hommes ;  l’autre n’a point eu de mere :  
 elle  eft née avant toute union corporelle ,   car il ne  
 s’en fait point dans les cieux. Cette Vénus célefte eft  
 un efprit divin ; c’eft une ame aufli incorruptible que  
 l’être dont elle eft émanée ; elle réfide au-deflùs  de  
 la  fphere  fenfible ;  elle  dédaigne  de la  toucher du  
 pié : que dis-je du pié, elle n’a point de corps ;  c’eft  
 un pur efprit,  c’eft une quinteffence de ce  qu’il y  a  
 de  plus  lubtil ;  inférieure, mais  co-exiftante  à  fon  
 principe. Ce principe vivant la produifit ; elle en fut  
 un  atte  fimple ;  il  étoit  avant  elle;  il  l’a  aimée  de  
 toute éternité ; il s’y  complaît ; fon bonheur eft de la  
 contempler. 
 41.  De  cette  ame divine  en  font émanées  d’autres  
 , quoiqu’elle foit une ; les âmes qui en font émanées, 
  font  des  parties  d’elle-même, qui  pénètrent  
 tout. 
 42. Elle  fe repofe  en  elle-même ;  rien  ne l’agite  
 &  ne la diftrait ;  elle eft toûjours  une,  entière,  ôc  
 par-tout. 
 43.  Il n’y  a point eu de tems où  l’ame  manquât à  
 cet  univers ;  il ne pouvoit durer fans elle ; il a toûjours  
 ete ce qu’il eft.  L’exiftence  d’une maffe  informe  
 ne fe conçoit pas. 
 44.  S’il  n’y1  avoit  point  de  corps,  il  n’y  auroit  
 point  d’ame. Un  corps  eft le  feul  lieu où  une  ame  
 puiffe exifter ;  elle n’a aucun mouvement progreffif  
 fans lui ; elle fe meut, dégénéré, & prend un corps  
 en s’éloignant de fon principe ,  comme un  feu allumé  
 fur une haute montagne, dont l’éclat va toûjours  
 en s’affoibliffant jufqu’où les ombres  commencent. 
 45.  Le monde eft un  grand  édifice,  co - exiftant  
 avec l’architeCle : mais l’archite&e &  l ’édifice ne font  
 pas un ÿ quoiqu’il n’y  ait  pas une molécule de l’édifice  
 où  l’archite&e ne foit préfent.  Il  a fallu que ce  
 monde fût ;  il a fallu qu’il fût beau ;  il a fallu qu’il le  
 fût autant qu’il étoit poffible. 
 46.  Le monde eft animé, mais il eft plutôt en font  
 ame, que  fon ame n’eft en  lui ;  elle le renferme ;  il  
 lui eft intime ; il n’y  a pas un point où elle ne foit appliquée  
 , & qu’elle n’informe. 
 47. Cette ame fi grande par fa nature, fuit le monde  
 par-tout ; elle eft par-tout où il eft. 
 48.  La  perfection  des  êtres  ,  auxquels  l’ame du  
 monde eft préfente, eft proportionnée  à la diftance  
 du premier principe. 
 49.  La beauté des êtres eft en raifon de l’énergie  
 de l’ame en chaque point ; ils ne font que ce qu’elle  
 les fait. 
 50. L’ame eft comme  affoupie dans  les êtres inanimés  
 : mais ce qui s’allie à un autre, tend à fe l’af-  
 fimiler ;  c’eft ainfi qu’elle  vivifie  autant qu’il eft en  
 elle,  ce qui de foi n’eft point  vivant. 
 51. L ’ame  fe laiffe diriger fans effort ;  on la captive  
 en lui offrant quoi que ce foit qu’elle puiffe fup-  
 porter, &   qui  la  contraigne  à  céder  une  portion  
 d’elle - même ; elle n’eft pas difficile  fur ce  qu’on- lui  
 expofe, un miroir n’admet pas plus indiftinciement  
 la repréfentation des objets. 
 La  nature  univerfelle  contient  en  foi  la  raifon  
 d’une  infinité de phénomènes ; &   elle  les  produit,  
 quand on fait la provoquer. 
 Voilà les principes  d’où Plotin &  les Eclectiques  
 déduifirent leur enthoufiafme, leur trinité,  &   leur  
 théurgie  fpéculative &  pratique ;  voilà  le labyrinthe  
 dans lequel ils s’égarèrent.  Si Ton veut en fuivre  
 tous les détours, on conviendra qu’il leur en  auroit  
 coûté beaucoup moins  d’efforts  pour rencontrer la  
 vérité. 
 Principes de la pjyckologie des Eclectiques.  Ce  que  
 l’on enfeignoit dans l’école alexandrine fur la nature  
 de l’ame de l’homme, n’étoit ni moins obfcur ni plus  
 folide que ce qu’on y  débitoit fur  la nature du premier  
 principe,  de l’entendement divin, &c de  l’ame  
 du monde. 
 1.  L’ame  de  l’homme  &  Marne  du monde  ont  la  
 même nature, ce font comme les deux foeurs. 
 2.  Cependant les âmes des hommes  ne font pas à  
 Marne du monde, ce que les parties  font au tout ; autrement  
 l’ame du monde divifée, ne feroit pas toute  
 entière par-tout. 
 3.  Il n’y  a qu’une ame dans  le monde, mais chaque  
 homme a la  fienne.  Ces  âmes different, parce  
 qu’elles n’ont pas été des écoulemens de l’ame univerfelle. 
   Elles y  repofoient feulement, en attendant  
 des corps ; &  les corps leur ont été départis  dans le  
 tems,  par l’ame univerfelle qui les domine  toutes. 
 4.  Les effences vraies ne refident que dans le monde  
 intelligible ; c’eft aufli le féjour des âmes ; ç ’eft de