■ ferez avec foin, de chacune cinquante livres ;-de feï
ide tartre blanc huit onces : mêlez ces matières ; ex-
.pofez-les au feu pendant dix heures , dans un pot
■ neuf de terre cuite ; retirez-les -enfuîte, & les pul-
vérifez; ferrez cette poudre dans un lieu fe c , St la
tenez à couvert de toute ordure j ce fera la bafe commune
de tous les émaux,
Kunckel fubftitue aux huit onces de felde tartre
huit onces de potaiTe purifiée à plufieurs reprifes, &
dégagée le plus exactement qu’il eft poifible de toutes
faletés.
Faire un émail blanc de lait. Prenez de la matière
commune pour tous les émaux, fix livres ; de ma*
ignéfie quarante-huit grains : mettez le mélange dans
un pot vernifle blanc ; faites- le fqndre au fourneau
à un feu clair, fans fumée, d’un bois de chêne bien
i'ec, la fufion fe fera promptement. Lorfqu’elle fera
-parfaite, verfez le mélange dans une eau bien claire
, qui l’éteigne & la purifie ; réitérez toute cette
manoeuvre trois fois de fuite. Lôrfque vous aurez remis
le mélange au feu pour la quatrième fois, voyez'
s’il vous paroît blanc ; fi vous lui trouvez un oeil ver-
-dâtre, ajoûtez-y un peu de magnéfie : cette addition
convenablement faite, lui donnera la blancheur de
lait.
Libavius & Porta çompofent cet émail d’une partie
de plomb calciné, de deux parties de chaux d’étain
, & de deux fois autant de verre.
Kunckel veut abfolument qu’on y employé la
■ magnéfie, mais qu’on en fafle l’addition petite-petit
; obfervant de n’en pas rendre la dofe trop forte,
parce qu’elle ne fe confume pas, & qu’elle donne au
verre une couleur de pêcher pâle.
Autre émail blanc. Prenez d’antimoine & de nitre
bien mêlés & bien broyés, de chacun douze livres ;
de la matière du verre commun, cent foixante &
feize livres : mêlez exactement le tout ; faites calciner
le mélange au fourneau, & le réduifez en fritte,
'ou, ce qui revient au même, faites un régule d’antimoine
avec de l’antimoine crud & du nitre, comme
la Chimie le prefcrit. Ce régule mêlé au verre,
vous donnera un émail blanc & propre à recevoir
toutes fortes de couleurs.
Kunckel qui prefcrit ce procédé, dit que pour
employer cet émail il faut le réduire en une poudre
fine, en le broyant pendant vingt-quatre heures avec
du vinaigre diftillé ; que cette attention le difpofe à
entrer facilement en fufion : mais que pour l’appliquer
, il faut l’humetter d’eau de gomme, & commencer
par tracer tout ce qu’on voudra colorer avec
la couleur noire, ou le rouge brun, ou l’émail même,
ce qui vaut encore mieux.
Faire un émail bleu turquin. Prenez de la matière
commune pour tous les émaux , fix livres : mettez
dans un pot de terre vernifle en blanc , faites fondre,
purifiez par FextinClion dans l’eau, ajoûtez trois
onces d’écailles de cuivre calcinées par trois fois ;
prenez quatre-vingt-feize grains de fafre, & quarante
huit grains de magnéfie, réduifez en poudre ces
deux derniers ingrédiens , mêlez bien les poudres ;
faites-en quatre parties, ajoûtez-les à la matière
commune des émaux à quatre reprifes différentes.
Remuez bien le mélange ; fi la couleur vous paroît
belle, le procédé fera fini ; fi au contraire vous la
trouvez trop foible ou trop forte, vous l’affoiblirez
par l’addition d’un peu de la matière commune des
émaux : pour la fortifier, vous vous fervirez du fafre,
& le plus ou le moins de matières colorantes vous
^donnera différentes teintes.
Faire un émail bleu d'azur. & renez quatre livres d’é-
tnail blanc , deux onces de fafre, quarante-huit grains
àM uflum calciné par trois fois : mêlez bien ces poudres.
Expofez le mélange au fourneau de verrerie,
dans un pot vernifle blanc ; quand il vous paroîtra
bien ‘fondu & lbien purifié, éteignez-le dans l ’eau ^
& le procédé fera fini.
Kunckel prefcrit de faire fondre à la fois, dix,1
v in g t, trente livres d’émail, de les éteindre dans
l’eau, de les faire fondre derechef, & de les garder
pour l’ufage qu’il prefcrit de la maniéré fuivante 5
après avoir averti que le procédé de Neri efl excellent
, & que fi l’on ne réuflit pas, fur - tout dans les
couleurs où il entre du fafre, c’efi que la qualité de
cette matière varié, & que toute la chimie des émaux
demande un grand nombre d’eflais.
Pour avoir différentes teintes, il faut, félon Kunc*
k e l, prendre d’abord un yerre clair & tranfparent*
mettre un grain de magnéfie fur une once de verre
en faire autant avec le fafre, & voir la couleur ré-
fultante ; puis deux grains de magnéfie, &c.
Faire un émail verd. Prenez quatre livres de frittes
d’émail : mettez dans un pot de terre vernifle blanc y
faites fondre & purifier au feu pendant dix à douze:
heures, éteignez dans l’eau, remettez au feu; quand
la matière fera en fufion , ajoûtez deux onces d’#*
uflum, & quarante-huit grains d’écailles de fer : le,
tout bien broyé & bien mêlé , ajoûtez ce mélange
de poudres à trois reprifes & petit-à-petit, remuez
bien : cela fait, vous aurez un bel émail verd à pouvoir
être mis fur l’or.
Autre émail verd. Prenez fix livres de la matière
commune des émaux, ajoûtez-y trois onces de fer—
ret d’Efpagne, & quarante-huit grains de fafran de
Mars, le tout bien broyé ; mettez ce mélange dans
un pot vernifle à l’ordinaire, purifiez-le en l’éteignant
dans l’eau ; après FextinCtion, faites fondre
derechef.
Autre émail verd. Mettez au feu quatre livres dV-
mail, faites fondre, & purifiez à l’ordinaire; faites
fondre derechef ; ajoûtez à trois reprifes la poudre
fuivante, compofée de deux onces d’oes uflum & de
qnarante-huit grains de fafran de Mars, le tout bien,
pulvérifé & bien mélangé.
Faire un émail noir. Prenez quatre livres de la matière
commune des émaux ; de fafre & de magnéfie
de Piémont, de chacun deux onces : mettez ce mélange
au fourneau dans un pot vernifle, afin qu’il fe
purifie. Prenez le pot plus grand qu’il ne le faudroit,
eu égard à la quantité des matières, afin qu’elles
puiflent fe gonfler fans fe répandre ; éteignez dans
l’eau, remettez au feu, formez des gâteaux.
Autre émail noir. Prenez de la fritte à?émail, fix
livres ; du fafre, du fafran de Mars fait au vinaigre,
& du ferret d’Efpagne, de chacun deux onces : met-,
tez le mélange dans un pot vernilfé, & achevez le
procédé comme les précédens.
Autre émail noir. Prenez de la matière commune
des émaux, quatre livres ; de tartre rouge, quatre
onces ; de magnéfie de Piémont préparée, deux onces
: réduifez le tout en une poudre fine. Mêlez bien
cette poudre à la matière commune des émaux ; mettez
le mélange dans un pot vernifle, de maniéré qu’il
relie une partie du pot vuide , & achevez le procédé
comme les précédens.
Faire un émail purpurin. Prenez de fritte d’émail
quatre livres, de magnéfie deux onces ; mettez le
mélange au feu dans un pot, dont il relie une grande
partie vuide.
Kunckel obferve que la dofe de deux onces de
magnéfie fur quatre livres de fritte ell forte, & que
la couleur pourra venir foncée ; mais il ajoûte qu’il
ell prefqu’impoflible de rien preferire d’exaCi fur les
dofes, parce que la qualité des matières, la nature
des couleurs, & les accidens du feu, occafionnent
de grandes variétés.
Autre émail purpurin. Prenez de la matière commune
des émaux, fix livres ; de magnéfie, trois onces
; d’écailles de cuivre calcinées par trois fois, fis;
/Onces: mêlez exactement, réduifez en poudre, &
.procédez comme ci-deffiisj ‘ ;
Le fuccès de ce procédé dépend furtout delà* qualité
de la magnéfie, & de la conduite du feu. Trop de
feu efface les couleurs ; & moins la magnéfie a de
qualité, plus il en faut augmenter la dofe.
Faire un émail jaune. Prenez de la matière 'commune
de l’émail, fix livres ; de tartre trois onces ,
de magnéfie foixante & douze grains : mêlez & incorporez
bien ces matières avec celle.de l’émail; &
procédant comme ci-deflus, vous aurez un émail
jaune bon pour les métaux, à l’exception de For, à
moins qu’on ne le foûtienne par d’autres couleurs.
Kunckel avertit que, fi on laifle trop long - tems
au feu, le jaune s’en ira ; qu’il ne faut pas pour cette
couleur un tartre pur & blanc, mais un tartre fale &
grofîier ; & que fa coûtume eft d’y a jouter un peu de
cette poudre jaune qu’on trouve dans les vieux chênes
, & au défaut de cette poudre, un peu de charbon
pilé.
Faire un émail bleu. Prenez d’oripeau calciné deux
onces, de fafre quarante-huit grains; réduifez en
poudre, mêlez les poudres, répandez-les dans quatre
livres de la matière commune des émaux, & achevez
comme ci-deflus.
Faire un émail violet. Prenez de la matière commune
des émaux fix livres, de magnéfie deux onces,
d’écailles de cuivre calcinées par trois fois quaran-
te-fiuit grains, & achevez comme ci-deflus.
Kunckel dit fur les deux derniers émaux, qu’ils
donnent l’aigue-marine ; il prefcrit le fafre feul pour
le bleu, & il veut qu’on y ajoûte un pou de magnéfie
pour le violet : mais il fe rétrafte enfuite ; il approuve
les deux procédés de Neri : il'ajoûte feulement
qu’il importe pour ces deux couleurs de retirer
du feu à propos ; obfervation générale pour toutes
les autres couleurs.
Ces émaux viennent de Venifé ou de Hollande ;
ils font en petits pains plats de différentes grandeurs.
Ils ont ordinairement quatre pouces de diamètre, &
quatre à cinq lignes d’epaifleur. Chaque pain porte
empreinte la marque de l’ouvrier : cette empreinte
fe donne avec un gros poinçon ; c’eft ou un nom de
Jefus, ou un foleil, ou une fyrene, ou un fphynx,
ou un finge, &c.
II. L'art de peindre fur P émail. L’art d’émailler fur
la. terre eft ancien. Il y avoit au tems de Porfenna
roi des Tofcans, des vafes émaillés de différentes
figures. Cet art, après avoir été long-tems brut, fit
tout-à-coup des progrès furprenans à Faenza 6c à
Caftel-Durante, dans lé duché d’Urbin. Michel Ange
& Raphaël florifloient alors : aufli les figures qu’on:
remarque fur les vafes qu’on émailloit, font-elles infiniment
plus frappantes par le deflein, que par le coloris.
Cette efpece de peinture étoit encore loin de
ce qu’elle devoit devenir un jour ; on n’y employoit
que le blanc & le noir, avec quelques teintes légères
de carnation au vifage & à d’autres parties : tels
font les émaux qu’on appelle de Limoges. Les pieces-
qu’on faifoit fous Erançois I. font très-peu de cho-
f e , fi on ne les eftime que par la maniéré dont elles
font coloriées. Tous les émaux dont on fè fervoit,
tant fur l’or que fur le cuivre, étoient clairs & tranf-
parens.On couchoit feulement quelquefois des émaux
épais, féparément & à plat, comme on le pratique-
roit encore aujourd’hui fi l’on fe propofoit de former,
un relief. Quant à'cette peinture dont nous nous
propofons de traiter, qui confifte à exécuter avec
des couleurs métalliques , auxquelles on a donné
leurs fondans, toutes fortes de fujets., fur une plà-;
que d’or ou de cuivre qu’on a émaillée & quelquefois
contre-émaillée, elle étoit entierèment ignorée.
On en attribue l’invention aux François. L ’opinion
générale eft qu’ils ont les premiers exécuté fur For
des portraits aufli beaux, aufli finis, & aufli vivans
que s’ils avoient été peints oü à l’huile ou en migna-
ture. Ils ont même tenté deé fujets d’hiftoire, qui ont
au moins cét avantage que l’éclat en eft inaltérable.
L’ufage en fut d’abord cortfacré au bijoii. Les Bijoutiers
en firent des fleurs & de la mofaïque où l’on
voyoit des'couleurs brillantes , employées contre
toutes les réglés de l’art, captiver les yeux par le
feul charme de leur éclat.
La connoiflance de la manoeuvre produifit une
forte d’émulation, qui, pour être aflez ordinaire, n’en
eft pas, moins précieufe ; ce fut de tirer un meilleur
parti des difficultés qu’on avoit furmontées, en pro-
duifarit des ouvrages plus raifonnables & plus parfaits.
Quand il n’y eut plus de mérite à émailler purement
& Amplement, on fbngeâ à peindre en émail;
les Joailliers fe firent peintres, d’abord copiftes dés
ouvrages des autrés, enfuité imitateurs de la nature.
Ce fut en 163 2 qu’un orfèvre de Châteaudun, qui
entendoit très-bien l’art d’employer les émaux clairs
& tranfparens, ,fe mit à chercher l’autre peinture,
qu’on appellera plus exactement peinture fur l'émail
qu’e/z émail ; Sc il parvint à trouver des couleurs,
qui s’appliquoient fur un fond émaillé d’tine feulé
couleur,& fe parfondoient au feu. Il eut pour difciple
un nommé Gribalin : ces deux peintres communiquèrent
leur fëcret’ à d’autres artiftes qui le perfectionnèrent,
&: qui pouffèrent la peinture en émail juf-
qu’aù point où nous la pofledons aujourd’hui. L’or-«
févre de Châteaudun s’appelloit Jean Toutiri.
Le premier qui fe diftingua entre ces artiftes, fuf
l’orfévre Dubie qui logeoit aux galeries du louvre.
Peu de tems après Dubié, parut Morliere : il étoit
d’Orléans. Il travailloit à Blois. Il borna fon talent
à émailler des bagues & des boîtes de montre. Ce
fut lui qui forma Robert Vouquer de Blois, qui l’emporta
fur fes prédécefîeurs par fa beauté des couleurs
qu’il employa, & par la connoiflance qu’il euf dû
deflein. Vouquér mourut en 1670'. Pierre'Chartier
de Blois lui fuccéda, 6c peignit dès fleurs avec quelque
fuccès. _
La durée de la peinture en émail, fon luftré permanent,
la vivacité de fes couleurs, la mirent alorâ
en grand crédit r on lui donna fur la peinture en mi-
gnature une préférence, qu’elle eût fans doute Con-
fervée, fans les connoiflances qu’elle fùppofe, la patience
qu’ellë exige, les accidens du feu qu’on né
peut prévoir -, 6c la longueur du travail auquel il
faut s’aflujettir. Ces raifons font fi fortes, qü’orf
peut affûrer fens craindre de fe tromper, qu’il y aura
toûjours un très-petit nombre de grands peintres?
en émail; que les beaux ouvrages qiti fe feront eir
ce genre feront toûjours très-rares & très-précieux,
& que eetfe peinture fera long tems encore fur lé
point de fe perdre; parce que la recherche des couleurs
prenant-un tems infini à. ceux qui s’en occupent,
& les fuccès ne s’obtenant que par des expériences
coûteufes & réitérées ; on continuera d’en!
faire un fecret. C’eft pour cette raifon que nous invitons
ceux qui aiment les Arts, & que leur état &
leur fortune ont élevés au-deffus dë toute Confidéra-’
tion d’intérêt, de publier fur la compofition des couleurs
propres pour la peinture de F émail &c de la
porcelaine , ce qu’ils peuvent en connoître ; ils fe
feront beaucoup d’honneur, & ils rendront un fer-*
vice important à la Peinture. Les peintres fur l’émail
ont une peine incroyable à compléter leur palette
; & quand elle eft à peu près complété, ilis craw
gnent toûjours qu’un accident ne la dérange, ou que
quelques couleurs dont ils-ignorent la compofition ,
& qu’ils employent avec beaucoup de fuccès-, ne
viennent à leur manquer. Il m’a paru, par exemple*
que des^rouges de Mars qui euflent de l’éclat & de
la fixité étoient très-rares, Comment un Art fe per*