Il y a diverfes efpeces de donations entre-vifs, félon
les circonftances qui les accompagnent : telles
■ font les donations entre-vifs & à caufe de mort ; les
■ donations en faveur de mariage, les donations de fur-
v ie , les -donations remunératoires, & autres j que 4’qn expliquera chacune en particulier dans les fub-
•divifiôns de cet article.
Toutz donation doit avoir une caufe légitime : par
exemple , .on donne en' faveur de mariage, ou en
avancement d’hoirie, pour la bonne amitié que l’on
•porte au donataire, ou pour l’engager à faire quelque
choie ; une donation fans caufe ferait nulle, de
■ même que toute autre obligation qui feroit infe&ée
de ce vice*
Suivant la nouvelle ordonnance des donations,
■ article i , tous a£les portant donation entre-vifs, doivent
etre paffés devant notaire, & il en doit relier
minute, à peine de nullité.
• Les donations entre-vifs doivent être faites dans
la forme ordinaire des contrats devant notaire , Sc
revêtues des autres formalités qui font requifes par
l ’ufage du lieu.
Toutes donations à caufe de mort, à l’exception
de celles qui fe font par contrat de mariage, ne font
plus valables qu’elles ne foient revêtues des formalités
preferites pour les teftamens ou codiciles ; 8c
une donation entre-vifs qui ne feroit pas valable en
cette qualité, ne peut valoir comme donation à caufe
de mort.
Les principales formalités intrinfeques des donations
entre-vifs, font la tradition, l’acceptation, 8c
l ’infinuation.
La tradition ell réelle ou fiâive : elle eft réelle ,
lorfque le donateur remet en main la chofe donnée,
ce qui ne peut avoir lieu que pour des effets mobiliers
; 8c l’ordonnance des donations , art. tS , veut
que fi la donation renferme des meubles & effets
mobiliers, dont elle ne contienne pas une tradition
réelle, il en foit fait un état ligné des parties, qui
demeure annexé à la minute de la donation ; faute
de quoi le donataire ne pourra prétendre aucun des
meubles ou effets mobiliers, même contre le donateur
ou fes héritiers.
La tradition fi clive qui a lieu pour les immeubles
, fe fait en fe deffaififfant par le donateur au
profit du donataire, en remettant les titres de propriété
, les clés de la maifon.
Quelques coutumes exigent pour la tradition certaines
formalités particulières, qu’on appelle vefl &
devefl, ou faijînc & dejfaijïne : il faut à cet égard fui-
vre i’ufage du lieu oit font les biens donnés.
Le donateur peut fe referver l’ufufruit fa vie durant
; ce qui n’empêche pas qu’il y ait tradition actuelle
de la propriété.
L’acceptation de la part du donataire efl tellement
effentielle dans les donations entre-vifs , que
celles mêmes qui feraient faites en faveur de l’E-
glife, ou pour caufe pie , ne peuvent engager le
donateur , ni produire aucun autre effet, que du
jour qu’elles ont été acceptées par le donataire ou
par fon fondé de procuration générale ou fpéciale,
laquelle procuration doit demeurer annexée à la
minute de la donation.
Si le donataire efl abfent, & que la donation ait
été acceptée par une perfonne qui ait déclaré fe porter
fort pour lui, elle n’aura effet que du jour de la
ratification expreffe, faite par le donataire par a£te
paffé devant notaire , 8c dont il doit refier minute,
Autrefois le notaire acceptoit pour le donataire
abfent ; mais la nouvelle ordonnance défend à tous
notaires - tabellions de faire ces fortes d’acceptations
, à peine de nullité.
- L’acceptation doit être expreffe , fans que les
juges puiffent avoir égard aux çirconflances. dont
on prétendrait induire une acceptation tacite ; &
cela quand même le donataire aurait été préfent-à.
l’aéle de donation, 8c qu’il l’aurait ligné, ou qu’il
fe feroit mis en poffefîion des biens donnés.
Lorfque le donataire efl mineur de vingt r cinq
ans , ou interdit par autorité de juflice, l’acceptation
peut-être faite pour lui par fon tuteur ou curateur,
ou par fes pere &mere ou autres afeendans ,
même du vivant du pere ou de la mere , fans qu’il
foit befoin d’aucun avis de parens pour rendre l’acceptation
valable.
Les donations faites aux hôpitaux, & autres éta-
blilfemens de charité , doivent être acceptées par
les adminiflrateurs ; 8c celles qui font faites pour le
fervice divin , pour fondations particulières , ou-
pour la fubfiflance & le foulagement des pauvres
d’une paroiffe, doivent être acceptées par le curé &
les marguilliers.
Les femmes mariées, même celles qui feraient
non-communes en biens, ou qui auraient été fépa-
rées par fentence ou arrêt, ne peuvent accepter aucune
donation entre-vifs fans être autorifées par
leurs maris ,ou par juflice à leur refus : cette autori-
fation ne feroit cependant pas néceffaire pour les
donations qui feraient faites à la femme à titre de pa^
raphernal, dans les pays où les femmes peuvent
avoir des biens de cette qualité.
Il y a encore plufieurs fortes de donations, dans
lefquels l’acceptation n’efl pas néceffaire ; favoir ,
i° . Celles qui font faites par contrat de mariage
aux conjoints, ou à leurs enfans à naître, foit par
les conjoints même, ou par les afeendans ou parens
collatéraux, même par des étrangers.
2°. Lorfque la donation efl faite en faveur du donataire
8c des enfans qui en naîtront, ou que le donataire
efl chargé de fubftitution au profit de fes
enfans ou autres perfonnes nées ou à naître, elle
vaut en faveur defdits enfans ou autres perfonnes ,
parla feule acceptation du donataire, encore qu’elle
ne foit pas faite par contrat de mariage, 8c que le
donateur foit un collatéral ou un étranger.
3°. Dans une donation faite à des enfans nés & à
naître, l’acceptation faite par ceux qui étoient déjà
nés au tems de la donation, ou par leurs tuteurs ou
curateurs, pere 8c m ere, ou autres afeendans, vaut
également pour les enfans qui naîtraient dans la fuite
, encore que la donation ne foit pas faite par contrat
de mariage, 8c que le donateur foit un collatéral
ou étranger.
4°. Les inflitutions contractuelles & les difpofi-
tions à caufe de mort, qui feraient faites dans un contrat
de mariage, même par des collatéraux, ou par
des étrangers , ne peuvent pareillement être attaquées
par le défaut d’acceptation.
Les mineurs, les interdits, l’églife, les hôpitaux,
les communautés, ou autres, qui joiiiffent des privilèges
des mineurs, ne peuvent être relevés du défaut
d’acceptation des donations entre-vifs ; ils ont
feulement leur recours , tel que de droit, contre
leurs tuteurs, curateurs, ou autres perfonnes, qui-
pourraient être chargées de faire l’acceptation : mais
la donation ne doit point être confirmée fous prétexte
de l’infolv.abilite de ceux contre lefquels ce recours
eft donné.
Les donations faites par contrat de mariage en ligne
direfte, ne font pas fujettes à infinuation.
Mais toutes autres donations , même rémunéra-^
toires, mutuelles, ou égales, 8c celles qui feraient
faites à la charge de fervices & de fondations, doivent
être infinuées dans les quatre mois , fuivant.
les ordonnances, à peine de nullité.
Cette peine n’a cependant pas lieu à l’égard des
dons mobiles, augmens, contre-augmens, engage-
rnens, droits de rétention, agençemens, gains de
sioce & de furvie, dans les pays où ils font en lifagè ;
le défaut d’infmuation de ces fortes de ftipulations,
fait feulement encourir les autres peines portées par
les édits, notamment par la déclaration du 2 5 Juin
1729. , .
Il en eft de même du défaut d’infinuation pour les
'donations de chofes mobiliaires, quand il y a tradition
réelle, ou quand elles n’excédent pas la fomme
de 1000 liv. une fois payée.
Dans les cas où l’infinuation eft néceffaire à peine
de nullité, les donations d’immeubles reels, ou de
ceux qui fuivant la loi ont une affiete fixe & ne fui-
vent pas la perfonne, doivent être infinuees aux
greffes des bailliages, ou fénéchauffées royales, ou
autre fiége royal, reffortiffant nuement aux cours
du parlement, tant du domicile du donateur, que
du lieu dans lequel les biens donnés font fitues, ou
ont leur affiete. . . .
A l’égard des donations de chofes mobiliaires, meme
des immobiliaires, qui n’ont point d’affiete fixe
& fuivent la perfonne, on les fait feulement infinuer
au greffe du bailliage, ou fénéchauffée royale, ou
autre fiége royal, reffortiffant nuement' au parlement
, du domicile du donateur ; fi le donateur eft
domicilié dans une pairie ou autre juflice feigneu-
riale, ou que les biens donnés y foient fitués, l’in-
finuation doit être faite au greffe du fiége qui coçi-
hoît des cas royaux dans le lieu du domicile, ou de
la fituation des biens.
La donation doit être tranferite en entier dans le
regiftre des infinuàtions, ou du moins la partie de
l ’afte qui contient la donation, 8c fes charges , clau-
fes , & conditions, fans rien omettre, à l’effet de
quoi la groffe-doit être repréfentée.
L’infinuation étant faite dans les quatre mois, même
après le décès du donateur ou du donataire, la
donation a fon effet du jour de fa date, à l’égard de
toutes fortes de perfonnes : elle peut néanmoins être
infinuée après les quatre mois, même après le décès
du donataire, pourvu que le donateur foit encore
Vivant ; mais en ce cas, elle n’a effet que du jour de
l’infinuation.
Le défaut d’infinuation, lorfqu’elle eft requife à
peine de nullité, peut être oppofé par tous ceux qui
y ont intérêt, foit tiers acquéreurs & créanciers du
donateur, ou par fes héritiers, donataires, ou légataires.
Il peut pareillement être oppofé à la femme commune
ou féparée de biens, & à fes héritiers , pour
toutes les donations faites à fon profit, même à titre
de dot, fauf à elle ou à fes héritiers leur recours, s’il
y a lieu, contré le mari où fes héritiers, fans que
l ’infolvabilité de ceux - ci puiffe couvrir le défaut
d’infinuation.
Le mari n’eft point garant de l’infinuation envers
fa femme, quand il s’agit de donations à elle faites,
pour lui tenir lieu de paraphernal, à moins qu’il n’en
eût eu la joiiiffance du confentement de fa femme.
Les perfonnes qui ne peuvent exciper du défaut
'd’infinuation, font :
i°. Le donateur, lequel ne peut l’oppofer en aucun
cas, encore qu’il fe fut expreffément chargé de
faire infinuer la donation.
2°. Le mari, ni fes' héritiers, ou ayans caufe, ne
peuvent aufli en aucun cas oppofer le défaut d’infinuation
à la femme ou à fes héritiers, à moins que
la donation ne lui eût été faite à titre de paraphernal,
& qu’elle n’en eût joui librement.
30. Les tuteurs, curateurs, & autres, qui par
leur qualité font chargés de faire infinuer les donations
faites, foit par eux ou par d’autres perfonnes,
ne peuvent, ni leurs héritiers ou ayans caufe, oppofer
le défaut d’infinuation.
. Les mineurs, l’églife, les hôpitaux, communautés,
& autres, qùi joiiiflent du privilège des mineurs,
ne peuvent être reftitués contre le défaut
d’infinuation , fauf leur recours contre ceux qui
étoient chargés de faire infinuer, fans que l’infolvabilité
de ceux-ci puiffe faire admettre la reftimtion.
L’effet de la donation entre - v ifs, lorfqu’elle eft
revêtue de toutes fes formalités, eft d’être irrévo-*
cable.
Les engagemens du donateur font en conféquen-
ce d’exécuter la donationy en faifant jouir le donataire
des chofes données autant qu’il dépend de lui ;
& même de les garantir, fila donation eft faite fous
cette condition.
Le donataire de fa part doit exécuter les claufes ,
charges, 8c conditions de la donation ; il doit ufer de
reconnoiffance envers le donateur, à peine d’être
dépouillé de la donation pour caufe d’ingratitude ;
8c fi le donateur tombe dans l’indigence, il doit lui
fournir des alimens.
Toutes donations font aufli révoquées de pleia
droit par la furvenance d’un enfant légitime au donateur
, fuivant la loi Ji unquam, au code de rtvo-
candis donatiànibus, dont les difpofitions font expliquées
par l’ordonnance.
Ce que l’on vient de dire, a lieu mêrfie. pour les
donations faites -par contrat de mariage par autres
que par les conjoints ou les afeendans.
La légitimation d’un enfant naturel du donateur
par mariage fubféquent, produit aufli le même effet.
La révocation a lieu, encore que l’enfant du donateur
fût conçû au tems de la donation.
Elle demeure pareillement révoquée, quand même
le donataire feroit entré en pofleffion des biens
donnés, & qu’il y aurait été laifle par le donateur
depuis la furvenance d’enfans : & dans ce cas, le
donataire n’eft point tenu de reftituer les fruits par
lui perçûs, de quelque nature qu’ils foient, fi ce
n’eft du jour que la naiffance de l’enfant, ou fa légitimation
par mariage fubféquent, lui aura été notifiée
juridiquement.
Les biens compris dans la donation révoquée de
plein droit, rentrent dans le patrimoine du donateur
, libres de toutes charges & hypotheques du
chef du donataire, fans qu’ils puiffent demeurer af-
feflés, même fubfidiairement, à la reftitution de là
dot de la femme du donataire, ni à fes reprifes,
doiiaire, & autres conventions matrimoniales : &
cela a lieu quand même la donation aurait été faite
en faveur du mariage du donataire, & inférée dans
le contrat, & que le donateur fe feroit obligé comme
caution par la donation, à l’exécution du contrat
de mariage.
Les donations une fois révoquées, ne peuvent
revivre par la mort de l’enfant du donateur, ni par
aucun a£le confirmatif ; fi le donateur veut donner
les mêmes biens au même donataire, foit avant ou
après la mort de l’enfant, par la naiffance duquel là
donation avoit été révoquée, il ne le peut faire que
par une nouvelle difpofition, & avec les mêmes formalités
qui étoient requifes pour la première donation.
Toute claufe par faquelle le donateur aurait renoncé
à la révocation de la donation pour furvenance
d’enfans, eft regardée comme nulle, & ne peut
produire aucun effet.
Le donataire, fes héritiers, ou ceux qui font à
fes droits pour les chofes données, ne peuvent oppofer
la prefeription pour faire valoir la donation révoquée
par furvenance d’enfans, qu’après une pof-
feflion de trente années, qui ne commencent à courir
que du jour de la naiffance du dernier enfant du donateur
, même pofthume, fans préjudice des interruptions
telles que de droit.
Lorfque les biens laiffés par le donateur à fon
décès ne fuffifent pas pour la légitimé des enfans,