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tinuellement, pour peu qu’il y eût de difpofition. Je
ne puis approuver au relie que l’on fixe aux deux
côtés de chaque pilier un anneau de fer, à 1 ettet
d’y attacher les renes du filet ou du maftigadour,
Iorfqü’on tourne le cheval de façon que fa croupe
foit à l’auge. En premier lieu, ces anneaux peuvent
demeurer relevés & non applatis contre les piliers,
fans qu’on s’en apperçoive ; & le cheval qui rentre-
roit à fa place avec vivacité, pourrait s’y prendre
& s’y engager par quelques parties de fon harnois,
ou fe heurter 8c fe bleffer. D ’une autre part il faut
convenir qu’ils font dès-lors multiplies fans necef-
fité ; car un feul anneau placé au-devant du pilier,
environ deux pouces 8c demi au-deffus du trou dont
nous avons parlé, fuffiroit aflïirement pour contenir
la longe droite 8c la longe gauche de deux chevaux
qui font voifins, & l’on éviterait les rifques des
heurts, des contufions 8c des déchiremens de quelques
portions de l’équipage de l’animal. A 1 egard
du crochet pofé au-deffus du lieu que je prefcris,
& que j’affigne à cet anneau, il peut être utile pour
fufpendre un moment une bride , un bridon , & c .
mais il n’eft pas fi néceffaire qu’on ne puiffe s’en
paffer.
Au moyen des féparations pratiquées félon que
je viens de l’expliquer, on peut ne laiffer qu un intervalle
de quatre pies pour la place de chaque chev
a l; mais celles que forment de véritables cloifons
feroient trop étroitement efpacées, fi cet intervalle
ne comprenoit que cinq piés de terrein. Ces cloifons
font communément en bois de chêne ; les planches
en font exactement affemblées & languetées ;
nul clou ne peut porter atteinte au cheval ; nulle
fiffure, nulle afpérité, n’endommagent ni fes crins
ni fes poils ; une de leurs extrémités eft inférée par
couliffe dans le pilier ; l’autre eft arrêtée à l’auge,
& elles montent depuis le fol pavé ou parqueté, juf-
qu’à la hauteur des piliers 8c des fitfeaux du râtelier.
Outre la sûreté dans laquelle cet arrangement con-
ftitue les chevaux, il eft certain que leurs places font
toûjours plus propres, fur-tout fi elles font garnies
de madriers ; 8c ils fe trouvent pour ainfi dire emboîtés,
de maniéré qu’ils font à l’abri d’une multitude
d’accidens qui ne font que trop fréquens, lorfqu’on
n’établit que des barres entre eux. On ne doit
pas au furplus oublier de garnir les murs qui terminent
les rangs d’une femblable cloifon; elle garantit
le cheval de toute humidité, n’entame pas fon poil,
& ne porte aucune atteinte à fes crins dans le cas oîi
îi entreprend de fe froter.
Dans la diftribution des jours qui doivent éclairer
les écuries, il eft d’une néceflité abfolue d’avoir égard
aux yeux de ces animaux. En les expofant aux traits
d’une lumière vive & continuelle, leur vue fe perd
bien-tôt, ou s’affoiblit. Les écuries fimples, ou à un
feul rang, préfentent à cet égard moins de difficultés
que les autres. 11 eft aifé d’y pratiquer des fenêtres
dans le mur qui fait face aux croupes , 8c l’on
a de plus la commodité d’y fixer des chevalets pour
y placer les felles, d’y implanter des croffes ou des
crochets au-deffous des mêmes chevalets, à l’effet
de fufpendre les brides, bridons, & c . 8c de ranger
en un mot derrière les chevaux tout ce qui eft d’u-
fage pour leur fervice.
On ne peut joiiir des mêmes avantages dans la
conftruflion des écuries à double rang , les croupes
fe trouvant vis-à-vis les unes des autres. En premier
lieu, les palefreniers ne fauroient avoir fous leurs
mains tout ce qui, eu égard à ce même fervite,
devrait être à leur portée, à moins qu’on ne ménage
d’efpace en efpace félon la longueur du vaiffeau,
une plus ou moins grande étendue de terrein, à l’effet
d’y receler tous lès équipages 8c tous les inftru-
jnens néceffaires, En fçççnd lieu, on ne peut y être
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tellement maître des jours , que les yeux des chevaux
n’en foient incommodes, fur - tout fi ce meme
vaiffeau eft médiocrement élevé.
Quant aux écuries à double rang, les têtes placées
vis-à-vis les unes des autres , au moyen d’une fé-v
paration quelconque, élevée dans le milieu meme
du vaiffeau à une hauteur convenable, il eft certain
qu’elles ne different point des écuries fimples, puif-
qu’une feule de celles-là en compofe en quelque
façon deux de celles-ci. On en voit une à Naples, qui
prouve que quelque décorées & quelque embellies
qu’elles puiffent être, elles n’offrent jamais aux yeux
un fpe&acle auffi fatisfaifant, que celui que leur pre-
fentent les premières écuries à double rang dont j’ai
parlé.
Je n’examinerai point fi ces fortes d’edifices en
générai ont acquis, relativement à l’Archite&ure ,
toute la beauté 8c toute la perfection dont ils peuvent
être fufceptibles ; mais perfuade de 1 importance
d’obferver dans des conftru&ions de cette efpece,
une multitude de points egalement eflentiels a la sûreté
, à la confervation des chevaux, à la commodité
des hommes auxquels on en confie le foin, & qui
ne font que trop fréquemment rebutés à l’afpeCt des
travaux les moins pénibles, j’imagine que ces memes
points font le principal objet que l’on doit envi-
fager dans le plan que l’on forme, 8c dont on médite
l’exécution.
On doit à M. Soufflot architeae du ro i, le fragment
d'écurie, qui occupera une place dans les Plan-r.
ches de cet ouvrage. Je m’emprefferois ici de lui
rendre l’hommage le plus légitime par . un tribut
d’éloges , dont un mérite réel 8c connu garanti-
roit la fincérité, & que l’amitié ne faurait rendre
fufpeCts, fi d’une part ce même mérite ne l’élevoit
au-deffus des loiianges qu’on ne peut refufer à des
talens fupérieurs, 8c fi de l’autre , la difcuffion de
fes idées fur ce genre de bâtiment ne fuffifoit pas
à fa gloire.
La fiabilité de l’édifice & la néceflité de le mettre
à l’abri de l’incendie, paroiffent avoir d’abord fixé
fon attention. L'écurie qu’il propofe eft voûtée en are
furbaiffé , 8c a une hauteur proportionnée. Au-deffous
de cette voûte eft pratiqué le fenil; il l’a recouvert
d’une voûte gothique, qui fans l’entremife d’au-
. cüne charpente, porte les tuiles deftinées à couvrir
ce vafte bâtiment. Ces voûtes ne pouvoient fe foû-
tenir que par une épaiffeur de mur très-difpendieu-
fe , ou par des contre-butes difformes & très-défec,-
tueufes à la vue ; mais ces-deux inconvéniens, bien
loin d’étonner M. Soufflot, n’ont été pour lui qu’une
occafion de déployer fon génie, 8c de démontrer
que les vrais maîtres de l’art trouvent dans les difficultés
mêmes les plus grandes reffources. Il a en effet
lié jufqu’au premier cordon, par des murs médiocrement
épais, ces butes les unes aux autres, 8c n’a
laiffé paroître de leur faillie que ce qui convient à
des pilaftres, dont elles tiennent lieu dans la décoration
extérieure qui annonce l’incombuftibilité de
fon ouvrage. Supérieurement à ce premier cordon,
ces butes font liées par une baluftrade, au-deffus
de laquelle on n’apperçoit que le mur intérieur fur
lequel ces voûtes font affifes ; 8c c’eft dans f-es ren-
foncemens que font pratiqués les deux Ordres de îc-*
nêtres qui éclairent Vécurie & le fenil. Par cette maniéré
d’obvier à la difformité & à la dépenfe que l’élévation
des deux voûtes fembloit néceffairement entraîner,
M. Soufflot s’eft encore ménagé les moyens
d’une conftruûion auffi finguliere qu’avantageufe ;
il a placé entre le mur intérieur 8c le mur extérieur,
des corridors à différens étages, qui régnent autour
de fon édifice. Celui qui eft le plus élevé, a pour
plafond les deffous des chéneaux de pierre qui reçoi-
J vent les eaux pluviales du toît ; il fert à vifiter ces
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chéneaux, à les réparer dans le befoin ; 8c comme U
eft lui-même pavé avec beaucoup de précaution,
il conduit les eaux qu’ils peuvent avoir laiffés filtrer,
dans des tuyaux de defcente deftinés à leur écoulement.
Le fécond, qui n’eft proprement qu’une ef-
pece de galerie couverte, interrompue par les butes
dans la faillie defquelles il a pratiqué des communications
, eft un paffage pour arriver aux Vitraux,
pour lès ouvrir, & pour les fermer; 8c ces
vitraux étant placés dans les lunettes dé là voûte,
la direction de la lumière eft telle qu’elle ne frappe
que la croupe des chevaux. Qu^nt aux jours du grenier
au foin, ils font au-deffus de ceux-ci. Enfin le
troifieme corridor qui eft fermé de toutes parts, eft
éclairé par des fenêtres percées dans le foubaffe-
ment de l’édifice ; il communique avec Y écurie par
autant d’ouvertures qu’il eft de places cloifonnées,
8c avec le dehors, pàr des portes diftribuéès avec
fymmétrie dans l’ordre des fenêtres pratiquées : ces
portés fervent à pouffer au-dehbrs les ordures 8c la
pouffiere dont on le nettoye . & ces ouvertures, à
la diftribution du fourrage néteffaire aux chevaux.
En confidérant l’intérieur du bâtiment, on voit
que M. Soufflot s’eft à-peu-près conformé aux me-
fures que nous avons fixées, relativement à l’efpace
que doit occuper chaque cheval, & eu égard à l’étendue
du terrein qui livre un pafîage derrière eux,
ôc qui fe trouve entre deux ruiffeaux, fuivans parallèlement
toute la longueur de Y écurie : chaque place
eft conftruite en plate forme. Nous avons, malgré
les objeâions. qui nous ont été faites , perfévéré
dans la préférence que nous donnons aux madriers
fur le pavé, de quelque efpece qu’il puiffe être ; parce
que nous ne croyons pas.que l'expérience foit
d’accord avec les idées de ceux qui.prétendent que
des chevaux fédentaires fur dès planches, fouffrent
enfuite dans leur marche, & redoutent les terreins
durs & pierreux. L’ongle du cheval en effet ne peut
jamais que fie reffèntir du fer dont fon contour eft
inférieurement garni , fur laquelle la maffe repofe,
& qui garantit le pié de l’impreflion 8c du heurt direct
de tous les corps quelconques qu’il rencontre :
la feule partie de ce même ongle qu’il ne défend
point, 8c qui n’eft autre chofe que la foie, n’eft point
expofée au contaCt du' pavé ; car il en arriverait des
contufions, telles que celles qui ont lieu lorfque ranimai
a chemirié fans fer, & que nous appelions foie
battue : ainfi l’ufage du plancher nous prëfente non-
feulement tous les avantages dont j’ai parlé, & qui
ne peuvent être détruits ou balancés par aucun inconvénient
, mais celui de garantir l’animal de l’humidité
du terrein ; humidité qui perce toûjours ,
quelle que foit la litiere qu’on puiffe faire.
M. Soufflot a appuyé les cloifons qui forment les
féparations , d’une pa rt, fur les trumeaux , 8c de
l ’autre, fur un pilier femblable à ceux qui fervent
communément à fioûtenir les barres ; il en a élevé la
partie, qui répond à la tête du cheval, jufqu’à la
hauteur de la traverfe fiupérieure du râtelier. Ce fa-
crifice de la beauté du coup-d’oeil lui a d’autant
moins coûté, qu’il importait à la sûreté des chevaux
, qui dès-lors ne fauroient s’entremordre, porter
la tete hors de l’intervalle qui leur eft afligné, fe
gratter, fe frotter, &c. 8c il l’a d’ailleurs habilement
compenfé, puifiqu’il met toutes les croupes à 4a por- j
tée de la vû e , en contournant fupérieurement cés
cloifons en une doucine terminée par la boule des !
piliers, dans lefquels elles font engagées.
L’auge eft de pierre. Les carnes en font exaCte- :
ment abattues 8c arrondies. Le milieu de chacun des j
piés droits qui la foûtiennent, répond à chaque cloi-
fon, & contribue à l'affermin II a donné à ce canal,
dont la profondeur eft telle que celle que j’ai défi-
£née, une legere pente de chaque côté ; 8c au moyen ;
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d’un réfervoir placé dans le milieu de Y écurie, un
feul homme peut dans un moment, en tournant un
robinet, le remplir d’eau pour abreuver tout un rang
de chevaux, 8c l’en defiemplir enfuite, en tournant
à chaque extrémité la clé d ’un autre robinet, par lequel
cette même eau, dont on peut encore profiter
de la retraite pour laver exactement l’auge , fera
bien-tôt écoulée. /
Ici les râteliers ne font point faillans ; il en eft un
pour chaque cheval à fleur de mur , 8c placé entre
deux trumeaux qui laiffent un enfoncement capable
de contenir le fourrage que l’on diftribue de dehors.
Pour donner l’intelligence de la maniéré dont fe
fait ce fervice,j’obferverai d’abord que M. Soufflot a
creufe dans l’épaiffeur dés buttes qui font entre chaque
fenêtre, des puits ou couloirs. Les uns partent du
corridor fupérieur, & renferment les tuyaux de défi*
cente des eaux pluviales ; les autres, qui répondent
inférieurement au corridor le plus bas, 8c fupérieurement
au fenil, par un paflage terminé par une mar-
delle, par-deffus laquelle on jette librement le four*
rage, fervent à couler également 8c le foin 8c l’avoine
jufque fur ce même corridor, qui n’en eft point
embarraffé, puifque les bottes de foin 8c l’avoine ne
fauroient s’y répandre, 8c n’en forterrt qu’autant 8i
à mefure que les palefreniers les en tirent^
Les enfoncemens ou les efpeces de niches fermées
dans l’intérieur de Y écurie par les râteliers, 8c du côté
du corridor, par des portes qui ne s’ouvrent qu’à
la hauteur de la traverfe fupérieure de ces mêmes
râteliers, font le lieu dans lequel chaque portion
néceffaire à l’animal eft dépofée. Un glacis, qui du
haut de la paroi poftérieure de 4’auge incline dâiîs le
corridor , laiffe échapper ati - dehors la pouflîère du
fourràge, inférieurement foûtenu par un grillage
dont la largeur égale la profondeur des nichés.
M. Soufflot indique encore un autre moyen. Il
mafqueroit en quelque façon ces mêmes niches ; la-
face du mur qui feroit ouverte en coulifle inclinée %
Sc fermée du côté du corridor par un bon volet à
double feuillure, defcendroit jufque fur la traverfe
fupérieure des râteliers, 8c le foin par fon propre
poids glifferoit dans cette couliffe contre leurs fuie
aux ; la grille du fo'nd feroit affemblée par charnière
avec la traverfe inférieure ; 8c 11- fuffiroit au
palefrenier de pouvoir y introduire la tête 8c les
bras pour relever cette même grille contre le râtelier
, à l’effet d’enlever toutes les ordures provenant
des débris 8c de la pouffierè dti foin ou de la paille.
L’empire qu’ufurpe l’habitude, la tyrannie qu’exerce
l’ufage, i’afcendant en un mot des vieilles erreurs
fur l’efprit de la plûpart des hommes, font autant
d’obftacles à combattre lorfqu’on a le coiirage
de s’écarter des routes ordinaires ; les innovations
même les plus fenfées les révoltent 8c les bleflent.
Celle-ci tend d’une part à maintenir la propreté de
Yecurie, qui n’eft par ce moyen femée d’aucun brin
de foin, 8c la propreté des chevaux, dont ni les
crins ni le corps ne peuvent être chargés de la pouffiere
du fourrage, comme quand on les fert de l’intérieur.
D ’un autre côté, elle obvie à la perte qui fe
fait de ce même fourrage, lorfqu’on eft obligé de le
jetter du fenil hors de l’édifice pour le tranfporter
.enfuite dans, Y écurie, 8c pour le diftribuer encore à
chaque cheval ; elle fupplée à ces communications
dont une fage économie avoit fuggeré l’idée, 8c què
nous connoiffons vulgairement fous le nom à’abac
fo in , mais qu’on ne pratique plus dans des conftruc-
tions bien ordonnées, 8c qu’on n’apperçoit aujourd’hui
que dans les écuries des hôtelleries, des .cabarets
, & de quelques particuliers ; en un mot elle paré
au defagrément qui réfulte, pour des perfonnes que
la curiofité peut attirer, de la rencontre de nombre
de palefreniers occupés du foin de diftribuer chaque