boyante, environnée de cara&eres arabes én broderie
: une grofle pomme dorée, attachée au bout de
la lance, & lurmontée d’un croiffant d’argent, termine
l’étendard ; ce qui, félon eu x, repréfente le
Soleil & la Lune. Si au-deffous de la pomme dorée
& autour de la lance il n’y a que de gros floccons de
queue de cheval à longs crins teints de diverfes couleurs,
on appelle ces étendards tongs. L’étendue du
commandement réglé le nombre de ces queues ; plus
on a droit d’en faire porter devant foi, & plus on a
d’autorité. On dit, un hacha à deux queues , un bacha
à trois queues, pour lignifier que celui-ci a plus de
pouvoir que le premier.
Le principal étendard des Turcs eft celui qu’ils
appellent l’étendard du prophète, foit que ce loit celui
de Mahomet même, ou quelqu’autre fait à fon imitation.
Il eft verd. Les Turcs fuppofent que lefala-
vat ou confeflion de foi mahométane, y étoit autrefois
écrit en lettres noires ; mais il y a long-tems que
toute cette écriture eft effacée : pour toute infcrip-
tion on y voit le mot alem au bout de la lance. Il paraît
déchiré en beaucoup d’endroits ; aulli, pour le
ménager, ne le déploye-t - on jamais. On le porte
roulé autour d’une lance devant le grand-feigneur,
& il demeure ainfi expofé jufqu’à ce que les troupes
fe mettent en marche. Aufli-tôt que l’armée eft arrivée
à fon premier campement, on met l’étendard
dans une caiffe dorée, où fe conservent aulîi l’ai—
çoran & la robe de Mahomet ; & toutes- ces chofes
chargées fur un chameau, précèdent le fultan ou le
grand-vifir. Autrefois cet étendard étoit en fi grande
vénération, que lorfqu’il arrivoit quelque fédition à
Conftantinople ou dans l’armée, il fuffifoit de l’ex-
pofer à la vue des rebelles pour les faire rentrer dans
le devoir.
Le chevalier d’A rvieux, tome IV. en décrivant la
marche du grand-feigneur pour fe rendre à l ’armée,
dit qu’entre deux tongs qui le précédoient, étoit un
autre cavalier qui portoit un grand drapeau de toile
pu d’étoffe de laine verte, fimple & fans ornement ;
que le haut de la pique où il étoit attaché, étoit garni
d’une boîte d’argent doré en forme d’un as de pique
, qui renfermoit un alcoran ; & que ce drapeau
uni & fans ornement, qui repréfentoit la pauvreté &
la fimplicité dont Mahomet faifoit profeffion, étoit
fuivi de deux autres fort grands de damas rouge ornés
de paffages de l’alcoran dont les lettres étoicnt
formées de feuilles d’or appliquées à l’huile, après
lequel fuivoit un troifiem.e de toile ou d’étoffe de
laine legere, tout rouge & fans ornement, qui eft
l ’étendard de la maifon impériale.
Sept grands étendards ou tongs precedent le
grand-feigneur lorfqu’il va en campagne. Tous les
gouverneurs de provinces ont auffi leurs étendards
particuliers, comme des fymboles de leur pouvoir ;
qui les accompagnent dans toutes leurs cérémonies,
qu’ils placent dans un lieu remarquable de leur logis,
& en guerre à la porte de leur tente.
S’il eft queftion de lever une armée, tous les particuliers
fe rangent fous l’étendard du Janjac, chaque
fanjac fous celui dit bacha, & chaque bacha fous
celui dubeglerbeg. On arbore aufli à Conftantinople
les queues de cheval en différens endroits, pour
marque de déclaration de guerre. Les bachas qui ne
font point d’un rang inférieur aux yifirs, quoiqu’ils
ne foient pas honorés de ce titre , ont deux queues
de cheval, un alem verd, &: deux autres étendards,
auffi-bien que les princes de Moldavie & de Vala-
chie ; un beg ou fanjac a les mêmes marques d’honneur
, excepté qu’il n’a qu’un tong. L’alem ou grand
étendart du grand - v ifir, quand il eft à la tête des
troupes, eft beaucoup plus diftingué que ceux des
autres .officiers généraux. Celui qu’on.trou va devant
la tente du grand-vifir à la levée du fiége de
Vienne en 1683 , étoit de crin de cheval marin travaillé
à l’aiguille, brodé de fleurs & de carafteres
arabefques. La pomme étoit de cuivre doré., & le
bâton couvert de feuilles d’or. Celui que le roi de
Pologne envoya à Rome pour marque de cette victoire
, étoit encore plus riche. Le milieu de cet étendard
étoit de brocard d’or à fond rouge ; le tout de
brocard, argent, & verd, & les lambrequins de brocard
incarnat & argent. On y voit ces paroles brodées
en lettres arabes , la illahe ilia allait Maharnet
refui allah; ce qui fignifie, il n'y a point d'autre Dieu
que le feul Dieu, & Mahomet envoyé de Dieu. On li-
foit encore dans,les rebords d’autres caraâeres arabes
l qui fignifioient plaife à Dieu nous afjijler avec un
fecours puijjant ; c'efl lui qui a mis un repos dans le coeur
des fideles pour; fortifier leur foi. Le bâton de l’étendard
étoit furmonté d’une pomme de cuivre doré, avec
des houpes de foie verte.
Les étendards ou drapeaux' des janniffaires font
fort petits mi-partis de rouge & de jaune, fur-
chargés d’une épée flamboyante en forme d’un éclat
de foudre, vis-à-vis d’un croiffant. Ceux des fpahis
font rouges, & ceux des feliâarlis font jaunes. Tous
les étendards des provinces font à la garde d’un officier
nommé émir alem, c’eft-à-dire chef des drapeaux.
Il a auffi la garde de ceux du fultan, qu’il
précédé immédiatement à l’armée , faifant porter
devant lui une'cornette mi-partie de blanc & de
verd, pour marque de, fa dignité..
Parmi les Tartares Monguls, ou Orientaux, chaque
tribu a fon ki ou étendard, qui confifte en un
morceau d’étoffe appellé kitaïka, qui eft d’une aune
en quarré, attaché à une lance de douze piés de
haut. Chez les Tartares mahométans , chaque ki a
une fentence particulière avec fon nom écrit en arabe
fur cette enfeigne: mais chez les Tartares idolâtrer,
tels .que les Kalmouts., chaque borde ou tribu
a un chameau, un cheval, ou quelqu’autre animal
, & encore .quelqu’autre marque diftinôive ,
pour reconnoître les familles d’une même tribu. Les
Tartares européens ont auffi des drapeaux & étendards
,. chargés de figures & de fymboles : tels que
celui d’un kam des Tartares de Crimée, pris par les
Mofcôvites en 1738 ; il étoit verd portant une main
ouverte, deux cimeteres croifés, un croiffant, &
quelques étoiles, & le bouton d’en-haut étoit garni-
de plumes. Guer, moeurs des Turcs, , tome II. mém.
^« chevalier d’A rvieux, tome IV. Beneton, comm.
fur les enfeignes.
Les Sauvages d’Amérique ont auffi des efpeces
d’enfeignes. Ce font, dit le P. de Charlevoix. dans
fon journal d’un voyage d’Amérique, de petit morceaux
d’écorce coupée en rond, qu’ils mettent au
bo*it d’une perche, & fur lefquels ils ont tracé la
marque de leur nation, ou de leur village. Si le parti
eft nombreux, chaque famille ou tribu a fon enfeigne
avec fa marque diftinélive, qui leur fert à fe reconnoître
& à fe rallier.. .(G) Enseigne de Vaisseau , (Marine.) c’eft un of-.
ficier qui a rang après le lieutenant, & qui lui doit
obéir ; mais en fon abfence, Venfeigne fait les fonctions
du lieutenant. (Z ) . Enseigne de Poupe, (Marine.) c’eft le pavil-.
Ion qui fe met fur la poupe. Uenfeigne de poupe dans
les vaiffeaux françois eft blanche pour les vaiffeaux
de guerre, & bleue pour les vaiffeaux marchands.
m k . Enseigne , f. f. petit tableau pendu à une boutique
de marchand, ou à une chambre d’ouvrier pour
le défigner. L’on appelle encore enfeigne, un tableau
qu’on met fous l’auvent d’une boutique, &c qui tient
toute fa longueur.
ENSEIGNEMENT » f* nu (Jurifpf) font les preuves
que l’on donne de quelque choie, tant par titres.
de.
& pièces que par d’autres indications. Voyei PreÜ-
,VE. ( J )
ENSELLÉ, adj. (Manège & Maréch. ) cheval en*
fellè: on défigne par ce mot un cheval dont le dos,
au lieu d’être uni & égal dans toute fon étendue,
creufe dans fon milieu, & y eft, vû cette efpece de
concavité, infiniment plus bas que par-tout ailleurs.
Les chevaux ainfi conformés ont, il eft vrai, l’encolure
haute & relevée, la tête bien p lacée, l’avant-
main , tout le bout de devant beau, nombre d’entre
eux ont de la legereté ; mais il en eft auffi beaucoup
qui font foibles & qui fe laffent aifément.
Il eft extrêmement difficile d’ajufter la felle qu’on
leur deftine, & l’on eft contraint de charpenter les
arçons différemment ; pour les approprier à leur
tournure défeéhieufe. Voye^ Selle, (e)
ENSEMBLE, ( Peint.) Voici un mot dont la lignification
vague en apparence, renferme une multitude
de lois particulières impofées aux Artiftes ;
premièrement par la nature, ou , ce qui revient au
même, par la vérité ; & enfuite par le raifonne-
ment, qui doit être l’interprete de la nature & de la
vérité. •
L’enfemble eft l’union des parties d’un tout.
L’enfemble de l’univers eft cette chaîne prefque
entièrement cachée à nos y eu x, de laquelle réfulte
l’exiftence harmonieufe de tout ce dont nos fens
joiiiffent. L’enfemble d’un tableau eft l’union de toutes
les parties de l’art d’imiter les objets ; enchaînement
connu des artiftes créateurs, qui le font fervir
de bafe à leurs produftions ; tiffu myftérieux, invi-
fibleà la plupart des fpeâateurs, delunés à jouir feulement
des beautés qui en réfultent.
Venfemble de la compofition dans un tableau d’hi-
ftoire eft de deux efpeces., comme la compofition
elle-même, & peut fe divifer par conféquent en enfemble
pittorefque , & en enfemble poétique.
Les aéleurs d’une feene hiftorique peuvent fans
doute être fixés dans les ouvrages des auteurs qui
nous l’ont tranfmife. La forme du lieu où elle fe
paffe, peut auffi fe trouver très - exa&ement déterminée
par leur récit : mais il n’en reftera pas moins
au choix de l’artifte un nombre infini de combinai-
fons que peuvent éprouver entre eux les perfonna-
ges effentiels & les objets décrits. C ’eft au peintre
à créer cet enfemble pittorefque ; & je crois qu’on doit
moins craindre de voir s’épuifer la variété dans les
compofitions, que le talent d’embraffer toutes les
combinaifons qui peuvent la produire.
Celle des combinaifons poffibles à laquelle on
s’arrête, eft donc dans un tableau fon enfemble pittorefque
; il eft plus ou moins parfait, félon que l’on
a plus ou moins réuffi à rendre les grouppes vraif-
femblables , les attitudes juftes, les fonds agréables,
les draperies naturelles, les acceffoires bien choifis
& bien difpofés.
\Jenfemble poétique exige à fon tour cet intérêt
général, mais nuancé, que doivent prendre à un
événement tous ceux qui y participent. L’efprit,
l’ame des fpeûateurs veulent être fatisfaits, ainfi
que leurs yeux ; ils veulent que les fentimens dont
l’artifte a prétendu leur faire paffer l’idée , ayent
dans les figures qu’il repréfente une liaifon, une conformité
, une dépendance, enfin un enfemble qui exifte
dans la nature. Car dans un événement qui occa-
fionne un concours de perfonnes de différens âges,
de différentes conditions, de différens fexes ; le fen-
timent qui réfulte du fpe&acle prélent, femblable à
un fluide qui tourbillonne, perd de fon aftion en s’étendant
loin de fon centre : outre cela, il emprunte
fes apparences différentes de la force, de la foiblef-
fe , de la fenfibilité, de l’éducation, qui font comme
différens milieux par lefquels il circule.
Tome V%
Dans éette multitude d’obligations qu’impofent
les lois de l’enfemble, on juge bien que la couleur ré-
vendique fes droits^
Son union, fon accord, fa dégradation infenfible ,
forment fon enfemble ; le clair-obfcur compofe le fieu
des grouppes de lumière & d’ombre, & de l’enchaînement
de fes maffes : mais cè fujet mérite bien que
l’on confulte les articles qui font plus particulière-»
ment deftinés à les approfondir ; ainfi je renverrai
entre autres, pour l’explication plus étendue de ce
genre d'enfemble, au mot H a r m o n i e , qui l’exprime.
La couléür a des tons, des proportions, des inter*
valles > il n’eft pas étonnant que la Peinture emprunte
de la Mufique le mot harmonie, qui exprime fi bien
l’effet que produifent ces différens rapports : & la
Mufique à fon tour peut adopter le mot coloris ; en
nommant ainfi cette variété de ftyle qui peut l’affranchir
d’une monotonie, à laquelle il femble q u elle
s’abandonne parmi nous.
Si je ne me fuis arrêté qu’à des réflexions généra*
les fur le mot enfemble, on doit fentir que je l’ai fait
pour me conformer à l’idée que préfente ce terme :
cependant il devient d’une lignification moins vague
& plus connue, lorfqu’il s’applique au deffein. Il eft
plus communément employé par les artiftes ; & de cet
ufage plus fréquent doit naturellement réfulter une
idée plus nette & plus précifé : auffi n’eft-il pas d’é-
leve qui ne fâche ce qu’on entend par l’enfemble d’u*
ne figure, tandis quepeut-être fe trouveroit-il des
artiftes qui auroient peine à rendre compte de ce que
fignifie enfemble poétique & enfemble pittorefque,
Cet ufage plus ou moins fréquent des termes de
Sciences & d’Arts, eft un des obftacles les plus difficiles
à vaincre pour parvenir à fixer les idées des
hommes fur leurs différentes connoiffances. Les mots
font-ils peu ufités ? on ne connoît pas affez leur lignification.
Le deviennent-ils? bien-tôt ils le font trop ;
on les détourne, on en abufe au point qu’on ne fau*
roit plus en faire l’ufage méthodique auquel ils font
deftinés.
Mais fans m’arrêter à citer des exemples trop fiaci*
les à rencontrer, je reviens au mot enfemble. Lorfqu’il
s’agit d’une figure, c ’eft l’union des parties du
corps & leur correfpondance réciproque. On dit un
bon ou un mauvais enfemble ; par conféquent le mot
enfemble ne fignifie pas précifément la perfeftion dans
le deffein d’une figure, mais feulement l’affemblage
vraiffemblable des parties qui la compofent.
U enfemble d’une figure eft commun & à la figure
& à l’imitation qu’on en fait. Il y a des hommes dont
on peut dire qu’ils font mal enfemble ; parce que dil-
graciés dès leur naiffance, leurs membres font effectivement
mal affemblés. Mais n’eft-il pas étonnant
que l’extravagance des modes & l’aveuglement de»
prétentions ayent fouvent engagé plufieurs de ces
êtres indéfiniffables qu’on nomme petits-maîtres , à
défigurer un enfemble quelquefois très-parfait, ou au
moins paffable, dont ils étoient doüés, pour y fub-
ftituer une figure décompofée qui contredit defa-
gréablement la nature ?
Les grâces font plus refpeftées par la Peinture ;
& fi on ne leur facrifie pas toujours, au moins a-t-,
on toujours pour objet d’obtenir leur aveu par la
perfeélion de Yenfemble. Les Grecs qui entre autres
avantages ont fur nous celui de nous avoir précédés,
ont fait une étude particulière de ce qui doit con-
ftituer la perfeâion de Yenfemble d’une figure.
Ils ont trouvé dans leur goût pour les Arts, dans
leur émulation, dans les reffources de leur efprit, &
dans les ufages qu’ils pratiquoient, des facilités &•
des moyens qui les ont menés à des fuccès que nou»
admirons. Je reprendrai ce fil, qui tjie conduiroit in-
fenfiblement à parler des proportions, & de la grâce
, aux mots Proportion, Grâce ; voye^ aujfi
X X x x •