D e plus, comme tout ce qu’on chantoit dans la tragédie
, quoique divilé en fcenes, étoit compris -fous
le nom général de choeur, de même chaque partie de
la Fable ou de l’aôion , chaque incident, quoiqu’il
formât à part un épifode, è toit compris fous le nom
général d’épifode, qu’on donnoit-à tonte l’aÛion pri-
le enfemble. Les parties du choeur étoient autant de
choeurs, & les parties de Y épifode -autant d'épifodes.
En ce fens ( & c’eft le fécond qu’Ariftote donne à
ce terme ) chaque partie de l’a&ion exprimée dans
le plan & dans la première conftitution de la fable,
étoient autant d'épifodes.; telles font dans l’Odiffée,
-l’abfence & les erreurs d’Ulyffe, le defordre qui régné
dans fa maifon, fon retour, & fa préfence qui
rétabliffent toutes chofes.
Ariftote nous donne encore une troifieme forte
d?épifode, lorfqu’il dit que ce qui eft compris & exprimé
dans le premier plan de la fable, eft propre,
& que les autres chofes font des épijbdes. Par propre
il entend ce qui eft abfolument néceffaire, & par
épifode ce qui n’eft néceffaire qu’à certains égards ,
& que le poète peut ou employer ou rejetter. C ’eft
ainfi qu’Homere après avoir dreffé le premier plan
de fa fable de l’Odyffée, n’a plus été maître de faire
ou de ne pas faire Ulyffe abfent d’Ithaque ; cette ab-
■ fence étoit effentielle , & par cette raifon Ariftote
la met au rang des chofes propres à la fable : mais il
ne nomme point de la forte les avantures d’Anti-
phate, de Circé, des Syrennes, de Scylla, de Ca-
ribde, & c. le poète avoit la liberté, d’en choifir d’autres
; ainfi elles font des épifodes diftinguéesdela première
aûion, à laquelle en ce fens elles ne font point
propres ni immédiatement néceffaires. II eft vrai qu’on
peut dire qu’elles le font à quelques égards; car
l’abfence d’Ulyffe étant néceffaire, il falloir auffi né-
ceffairement que n’étant pas dans fon pays il fut ailleurs.
Si donc le poète avoit la liberté de ne mettre
que les avantures particulières que nous venons de
citer, & qu’il a choifies, il n’avoit pas la liberté générale
de n’en mettre aucunes. S’il eût omis celles-
ci , il eût été néceffairement obligé de leur en fubfti-
tuer d’autres, ou bien il auroit omis une partie de la
matière contenue dans fon plan, & fon poème auroit
été défeôueux. Le défaut de ces incidens n’eft
donc pas d’être tels que le poète eût pû, fans changer
le fonds de l’a&ion, leur en fubftituer d’autres ;
mais de n’être pas liés entr’eux de façon que le pré-
- cèdent amene celui qui le fuit ; car c’ eft peu de fe
fuccéder, il faut encore qu’ils naiffent les uns des
autres.
Le troifieme fens du mot épifode, revient donc au
fécond ; toute la différence qui s’y rencontre , c’eft
que ce que nous appelions épifode dans le fécond
fens, eft le fonds ou le canevas de Y épifode pris dans
le troifieme fens, & que ce dernier ajoûte à l’autre
certaines circonftances vraiffemblables , quoique
non néçç flaires, des lieux, des princes, & des peuples
chez lefquels Ulyffe a été jetté par le courroux
de Neptune.
Il faut encore ajoûter que dans Y épifode pris en ce
troifieme fens, l’incident ou Y épifode dans le premier
fens fur lequel l’autre eft fondé, doit être étendu &
amplifié, fans quoi une partie effentielle de l’aôion
& de la fable n’eft-pas un épifode.
Enfin c’eft à ce troifieme fens qu’il faut reftrain-
dre le. précepte d’Ariftote, qui preferit de ne faire
les épijbdes qu’après qu’on a choifi les noms qu’on
veut donner aux perfonnages. Homere, par exemple
, n’auroit pas pû parler de flotte & de navires
comme il a fait dans l’Iliade , fi au lieu des noms
d’Achille , d’Agamemnon , & c . il avoit employé
ceux de Capanée, d’Adrafte, & c . Voye^ Fa ble.
Le terme d'ép 'fod e , au féntiment d’Ariftote , ne
lignifie donc pas dans l’épopçe un évenemen; étranger
ou hors d’oeuvre, mais une partie néceffaire St
effentielle de l’a&ion & du fujet ;»elle doit être étendue
& amplifiée «avec des circonftances vraiffemblables.
C ’eft par cette raifon que le même auteur preferit
que Y épifode ne foit point ajouté à l’attion & tiré d’ailleurs
, mais qu’il faffe partie de l’aftion même ; &
que ce grand maître parlant des épifodes ne s’eft i armais
fervi du terme ajoûter, quoique fes interprètes
Payent trouvé fi naturel ou fi conforme à leurs idées,
qu’ils n’ont pas manqué de l’employer dans leurs traductions
ou dans leurs commentaires. 11 ne dit cependant
pas qu’après avoir tracé fon plan & choifi les
noms de fes perfonnages, le poète doive ajoûter les
épifodes, mais il fe fert d’un terme dérivé de ce mot,
comme fi nous difions en françois que le poète doit
épifodier fon aétion.
Ajoûtez à cela, que pour faire connoître quelle
doit être la véritable étendue d’une tragédie ou de
l’épopée, & pour enfeigner l’art de rendre celle-ci
plus longue que l’autre, il ne dit pas qu’on ajoûte
peu d'épifodes à l’aûion tragique , mais Amplement
que les épifodes de la tragédie font courts & concis ,
& que l’épopée eft étendue & amplifiée par les liens.
En un mot la vengeance & la punition des méchans
énoncée en peu de paroles ? comme on la lit dans le
plan d’Ariftote, eft une aélion fimple, propre, & né^
ceffaire au fujet ; elle n’eft point un épifode, mais le
fonds & le canevas d’un épifode; & cette même punition
expliquée & étendue avec toutes les circonftances
du tems, des lieux, & des perfonnes, n’eft:
plus une aCtion fimple & propre, mais une aâion
épifodiée, un véritable épifode, qui pour être plus
au choix & à la liberté du poète, n’en contient pas
moins un fonds propre & néceffaire.
Après tout ce que nous venons de dire, il femble
qu’on pourroit définir les épifodes, les parties néceffaires
de l’a&ion étendues avec des circonftances
vraiffemblables.
Un épifode n’eft donc qu’une partie de l’a&ion, &
non une aftion toute entière ; & la partie de l’aCtion
qui fert de fonds à Y épifode, ne doit pas, lorfqu’elle
eft épifodiée, demeurer dans la fimplicité, telle qu’elle
eft énoncée dans le premier plan de la fable.
Ariftote, après avoir rapporté les parties de l’Odyffée
confidérées dans cette première fimplicité ,
dit formellement qu’en cet état elles font propres à-
ce poème, & il les diftingue des épifodes. Ainfi que
dans l’OEdipe de Sophocle la guérifon des Thébains
n’eft pas un épifode, mais feulement le fonds & la
matière d’un épifode, dont le poète étoit le maître
de fe fervir. De même Ariftote en difant qu’Homere
dans l’Iliade a pris peu de chofe pour fon lujet, mais
qu’il s’eft beaucoup fervi de fes épifodes, nous apprend
que le fujet contient en foi beaucoup d’ épijbdes
dont le poète peut fe fervir, c’eft-à-dire qu’il en
contient le fonds ou le canevas, qu’on peut étendre
& développer comme Sophocle a fait le châtiment
d’CEdipe.
Le fujet d’un poème peut s’amplifier de deux maniérés
; l’une, quand le poète y employé beaucoup
de fes épifodes; l’autre, lorfqu’il donne a chacun une
étendue confidérable. C ’eft principalement par cet
a r t, que les poètes épiques étendent beaucoup plus
leurs poèmes que les dramatiques ne font les leurs.'
D ’ailleurs il y a certaines parties de l’adion qui ne
préfentent naturellement qu’un feul épifode, comme
la mort d’He&or, celle de Tufnus, &c: au lieu que
d’autres parties de la fable plus riches & plus abondantes
, obligent le poète à faire plufieurs épifodes fur
chacune, quoique dans le premier plan elles foient
énoncées d’une maniéré aufli fimple que les autres:
telles font les combats desTroyens contre les Grecs,
l’abfence d’U lyffe, les erreurs d’Enée, &c, car l’ab-,
fèftce d’Ülyffe hors de fon pays & pendâfit plufieurs
années exige néceffairement fa préfence ailleurs ;
le deffein de la fable le doit jetter en plufieurs périls
& en plufieurs états ; or chaque péril & chaque état
fournit un épifode, que le poète eft maître d’employer
ou de négliger^ ^ > _
De tous ces principes il réfulte i° . que les èpfo-
des ne font point des aCtions, mais des parties d’uné
aftion : i° . qu’ils ne font point ajoûtés à l’aûion &
à la matière du poème , mais qu’eux - mêmes-font
cette aftion & cette matière, comme les membres
font la matière du corps : 30. qu’ils ne font point tirés
d’ailleurs, mais du fonds même du fujet ; qu’ils
ne font pas néanmoins unis & liés néceffairement à
ï’a&ion, mais qu’ils font unis & liés les uns aux autres
: 40. que toutes les parties d’une aCtion ne font
pas des épifodes, mais feulement celles qui font étendues
& arpplifiées par les circonftances particulières;
& qu’enfin l’union qu’ont entr’eux les épifodes
eft néceffaire dans le fonds de Yépifode, Sc vraiffem-
blable dans les circonftances. (G ) Episode , en Peinture, font des fcenes qu’on introduit
dans un tableau, qui femblent étrangères au
fujet principal du tableau, & qui néanmoins y font
néceffairement liées. Voyeç Composition.
Ces fcenes ou épifodes feroient, par exemple, dans
un morceau repréfentant un facrifice, un homme qui
portant du bois pour entretenir le feu de l’autel, en
laiffe tomber quelques morceaux que d’autres rarnaf-
fent; ou des femmes qui s’intéreffant à la confervation
d’un enfant, le dérangent du paffage de la viûime.
Ces hommes qui ramaffent les morceaux de bois tombés
, ces femmes qui dérangent l’enfant, forment des
épifodes; & cependant liés avec le fujet ; ces epifodes^
jettent une variété, & même une forte d interet, qui
produit de grands effets, particulièrement dans la ré-
préfentation des aftions qui ne font pas fufiifamment
intéreffantes par elles-mêmes.
EPISODIQUE, adj. (Belles-Lettres.) En Poéfie on
nomme fable épifodique, celle qui eft chargée d’inci-
dens fuperflus, & dont les épifodes ne font point ne-
ceffairement ni vraisemblablement lies les uns aux
autres. AriftoVtoey de^an Es pfias poodéeti.q ue établ#it que les tragédies
dont les épifodes font ainfi comme découfus & indé-
pmeen dans entr’eux, font défeôueufes, & il les nomdrames
épifodiques, comme s’il difoit, fuperabun-
dantes in epifodis, furchargés d’épifqdès ; & il les conjdaammanise
fpoarrmcee qr ue tous ces petits epifodes ne peuvent qu’un enfemble vicieux. Voy. Fable.
Les aftions les plus fimples font les plus fujettes à
cette irrégularité , en ce qu’ayant moins d’incidens
& de parties que'les autres plus compofées, elles
ont plus befoin qu’on y en ajoûte d’etrangeres. Un
poète peu habile épuiiera quelquefois tout fon lujet
dès le premier ou le fécond afte, & fe trouvera par-là
dans la nécelfité d’avoir recours a des aCtions étrangères
pour remplir les autres a êtes. Ariftote, poetiq.
chap. jx .
Les premiers poètes françois font tombes dans ce
défaut ; pour remplir chaque afte, ils prenoient des
attions qui appartenoient bien au même héros, mais
qui n’avoient aucune liaifon entr elles.^
Si l’on inféré dans un poème un épifode dont le
nom & les circonftances ne foient pas néceffaires,
& dont le fonds Sc le fujet ne faffent pas la partie
principale, c’eft-à-dire le fujet du poème, cet épifode
rend alors la fable épifodique. ^ ^ ,
Une maniéré de connoître cette irrégularité, c eft
de voir fi l’on pourroit retrancher l’épifode, & ne
rien fubftituer en fa place , fans que le poème en
fouffrît ou qu’il devînt défeûueux. L’hiftoire d’Hyp-
fipile , dans la Thébaïde de Stace , nous fournit un
exemple de ces épifodes défectueux. Si l’on retranchoït
toute f hiftoire de cette nourrice & de fon enfant
piqué par un ferpent, le fil de l’aétion principale
n’en iroit que mieux ; perfonne n’imagineroit qu’il y
eût rien d’oüblié ou qu’il manquât rien à l’a&ion. Le
Boffu, trâité du poème épique.
Dans le poème dramatique , lorfque la fable où
le morceau d’hiftoire que l’on traite fournit naturellement
les incidens & les obftacles qui doivent con-
trafter avec l’a&ion principale, le poète eft difpenfé
d’imaginer un épifode, puifqu’il trouve dans fon fujet
même ce qu’ en vain il chercheroit mieux ailleurs.
Mais lorfque le fujet n’en fuggere point, ou que les
incidens he font pas eux-mêmes affez importans pour
produire les effets qu’on fe propofe, alors il eft permis
d’imaginer un epifode & de le lier au fujet, en-
forte qu’il y devienne comme néceffaire. C’eft ainfi
que M. Racine a inféré dans fon Andromaque l’amour
d’Orefte pour Hermione, & que dans Iphigénie
il a imaginé Fépifode d’Eriphile. L’Andromaque
& Iphigénie ne font pas des pièces épifodiques, dans
le fens qu’Ariftote l’entend & qu’il condamne.
Depuis quelques années on a mis fur le théâtre
françois quelques pièces vraiment épifodiques, compofées
de fcenes détachées, qui ont un rapport à un
' certain but général, & qu’on appelle autrement pièces
à tiroirs. Le nom de comédie ne leur convient nullement,
parce que la comédie eft une aftion, & emporte
néceffairement dans fon idée l’unité d’aéfion ;
or ces pièces à tiroir , que le défaut de génie a fi
étrangement multipliées, ne font*que des déclamations
partagées en plufieurs points contre certains ri*
dicules. Voye^ Unité.
EPISSER UNE co rd e , (CorderiebMarine.) c’eft
l’affembler avec une autre, en entrelaffant leurs fils
ou cordons l’un avec l’autre , ce qui fe fait par le
moyen d’une broche de fer appellée cornet d'épift
ou épijfoir. Après un combat, lorfque quelques manoeuvres
font coupées ou rompues, on eft obligé de
les épiyer quand on n’en a pas de rechange.
Vovx épiffer deux cables enfemble, il faut premièrement
détordre les trois tourons, longueur d’environ
deux braffes de chaque cable, puis paffer chaque
touron dans le cable, tant d’un bout que de l’autre ,
par trois foi'i ; les tourons étant ainfi paffés, on décorde
un cordon de chaque touron, on le coupe à
l’endroit oit il'eft paffé , & on y faifentrer les bouts
de ces cordons coupés ; enfuite on paffe chaque touron
des cordons reftans deux fois dans les cables, &
de chaque côté ; après cela on les décorde encore
& l’on coupe un des cordons de chaque touron à l’en*
droit qui eft paffé dans le cable, & on l’y fait entrer;
enfin l’on paffe chacun des cordons qui reftent dans
les tourons du cable, une fois de l’un & de l’autre
bout, & on les coupe. ( Z )
EPISSOIR, f. m. (Corderie.) infiniment de corne}
de buis, ou de fer, pointu par un bout, qui fert à défaire
les noeuds & à détortiller les torons d’un cordage.
H R H .
EPISSURE , f. f. ( Corderie & Marine.) c eft un
entrelaffement de deux bouts de cordés que I on fait
pour les joindre enfemble, au lieu d y faire Un noeud,
afin que la corde puiffe paffer & rouler aifément fur.
la poulie. ’ / ; , ,
Epijfure longue; c’eft celle qui fe fait avec des bouts
de corde inégaux , qu’on affemble de façon qu’ils
puiffe'nt paffer fur une poulie.
Epijfure courte ; c’eft celle où. les deux bouts de
corde qu’on veut épiffer font égaux, c’e ft-à-dire
coupés de même longueur. (Z ;
EPISTAPHYLIN, adjeft. en Anatomie; nom d un
♦ mufcle de la luette, qu’on appelle aufli ftaphylin 8t
àngos. Voye1 Luette , &c. (£)
EPISTATE, f. m. ( Hift. anc.) nom du fénateur
d’Athènes qui étoit en femaine de préfider. Ce mot