9 ^ 6 E S P
des labyrinthes d’érreur dont ils ne fauroient trouver
l’iffue. . . • r i
Telles font les deux opinions contraires lur la nature
de l’efpace ; elles ont l’une & l’autre des parti-
fans diftingués parmi les Philosophes. Je finirai cet
article par une remarque judicieufe d’un grand phy-
licien, c’eft M. Muffchembroek, qui s’exprimeainfl :
« A quoi bon toutes ces difputes fur la poffibilité
» ou l’impoffibilité de Fefpace ? car il pourroit arri-
» ver qu’il feroit feulement poffible, & qu’il ne fe
» trouveroit nulle part dans le monde, & alors tou-
», tes ces difficultés ne deviendroient-elles pas inu-
» tiles ? Il en eft de même à l’égard de tout ce que
», les Philofophes difent touchant la poffibilité: plu-
», fieurs d’entr’eux perdent ici bien du tems, préten-
», dant que la Philofophie eft une fcience qui doit
», traiter de la poffibilité : certainement cette fcience
» feroit alors fort inutile & affujettie a bien des er-
», reurs. En effet quel avantage me reviendroit-il
» d’employer mon tems à la recherche de tout ce
„ qui eft poffible dans le monde, tandis que je né-
» gligerois de chercher ce qui eft véritable ? d ail—
» leurs notre efprit eft trop borné pour que nous
»> puiffions jamais connoître ce qui eft poffible ou ce
» qui ne l’eft pas ; parce que nous connoiffons fi peu
»> de chofes, que nous ne prévoyons pas les con-
» trariétés qui pourroient s’enfuivre de ce que nous
i» croirions être poffible ».
Cet article eft tiré, des papiers de M. FormeY ,
qui l’a compofé en partie fur le recueil des Lettres de
Clarke, Leibnitz, Newton, Amfierd. 1740 , & fur
les infi. de Phyfique de madame du Châtelet. Nous
ne prendrons point de parti fur la queftion de 1 ej-
pace ; on peut voir, par tout ce qui a été dit au mot
ÉLÉMENS des Sciences , combien cette queftion
obfcure eft inutile à la Géométrie & à la Phyfique-
Voye{ Tems, Etendue, Mouvement, Lieu ,
Vuide,C orps, &c. Espace , en Géométrie, lignifie Faire d une figure
renfermée & bornée par les lignes droites ou courbes
qui terminent cette figure. | • ,
efpace parabolique eft celui qui eft renferme par
la parabole : de même Yefpace elliptique, 1 efpace
conchoïdal, Y efpace ciffoïdal font ceux qui font renfermés
par l’ellipfe, par la conchoïde, par la cif-
foïde, &c. Voye[ ces mots ; voye^ auffi Q UAD RATU RE.
Sur la nature de Yefpace, tel que la Géométrie
le confidere, voye^Varticle E t e n d u e . Espace, en Méchanique, eft la ligne droite ou
courbe que l’on conçoit qu’un point mobile décrit
dans fon mouvement. (O) , . , .. Espace , (Droit civil.) étendue indéfinie de lieu,
en longueur, largeur, hauteur & profondeur.
On met au rang des immeubles Yefpace, qui de fa
nature eft entièrement immobile. On peut le divifer
èn commun & particulier.
Le premier eft celui des lieux publics, comme des
places, des marchés, des temples, des théâtres, des
grands chemins, Gc. l’autre eft celui qui eft perpendiculaire
au fol d’une poffeffion particulière, par des
lignes tirées tant du centre de la terre vers fa fur-
face , que de là furface vers le ciel.
La poffeffion de cet efpace, auffi-loin qu on peut
y atteindre de deffus terre, eft abfolument necef-
faire pour la poffeffion du fol ; & par confequent
l ’air qu’il renferme toujours, quoique fujet à changer
continuellement, doit auffi être regarde comme
appartenant au propriétaire, par rapport aux droits
qu’il a d’empêcher qu’aucun autre ne s’en ferve où
n’y mette rien qui l’en prive, fans fon confentement :
cependant en vertu de la loi de l’humanité, il eft
tenu de nefefufer à perfonne un ufage innocent de
cet efpace rempli d’a ir, & de ne rien exiger pour un
tel fervice.
Chacun a auffi le droit naturel d’élever un bâtiment
fur fon fol, auffi haut qu’il le veut ; il peut encore
creufer dans fon fol auffi bas qu’il le juge à propos
, quoique les lois civiles de certains pays adjugent
au fife ce qui fe trouve dans les terres d’un
particulier à une profondeur plus grar.de que celle
où peut pénétrer le foc de la charrue.
Il faut au refte obferver les lignes perpendiculaires
tirées de la furface du fo l , tant en haut qù’en
bas : ainfi comme mon voifin ne fauroit légitimement
élever un bâtiment qui, par quelque endroit,
réponde direftement à mon fo l, quoiqu’il n’y foit
pas appuyé, & qu’il porte fur des poutres prolongées
en ligne horifontale ; de même je nepuis pas, à
mon tour, faire une pyramide dont les côtés & les
fondemens s’étendent au-delà de mon efpace, à moins
qu’il n’y ait à cet égard quelque convention entre
mon voifin & moi ; c’eft à quoi, pour le bien public,
les lois s’oppofent : ces lois font fort fages en général,
&1es hommes toûjours-infatiables & fort in-
juftes en particulier. Article de M. le Chevalier d e
J a u c o u r t . . Espace , en Mufîque, eft cet intervalle qui fe trouve
entre une ligne & celle qui la fuit immédiatement
, en montant ou en defeendant. Il y a quatre
efpaces entre les cinq lignes de la portée. Vvye{ PORTÉE*
^7. •' ."J . ';7 ;
GuyArétin ne pofa d’abord des notes que fur ies
lignes ; mais enfuite, pour éviter la multiplication,
des lignes & ménager mieux la place, on en mit auffi
dans les efpaces. Voye1 Lignes. (S ) Espace. On appelle ainfi, dans l’ufage de l ’Imprimerie
, ce qui fert à féparer dans la compofition
les mots les uns des autres : ce font de petits morceaux
de fonte de l’épaiffeur du corps du caraâere
pour lequel ils font fondus, & qui étant plus bas que
la lettre, forment le vuide qui paroît dans l’impref-
fion entre chaque mot. Les efpaces font de différentes
épaiffeurs ; il y en a de fbrtes, de minces & de
moyennes , pour donner au compofiteur la faculté
de juftifier. Voye{ Justifier.
ESPACEMENT, f. m. (Architecl.) c’eft dans l’art
de bâtir, toute diftance égale entre un corps & un
autre : ainu on dit Yejpacement des poteaux d’une
cloifon, des folives d’un plancher, des chevrons
d’un comble, des baluftres d’un appui, &c. Efpacer
tant plein que vuide, c’eft laiffer les intervalles égaux
auxfolides. (P )
ESPACER. (Jardinage.) On fe fert de ce terme
pour marquer l’intervalle que l’on doit laiffer d’un
arbre à un autre. On efpace ordinairement ceux des
allées à 12 piés ; on lès met dans la campagne à 17
& à 24 piés de diftance. Les arbres àfruits de demi-
tige dans les efpaliers, fe mettent à 12 piés avec un
nain ou buiffon entre deux ; lorfqu’ils font de haute-
tige ils demandent un efpace de 4 toifes avec un arbre
entVe deux : dans les vergers on les plante à 17
& à 24 piés. (A )
ESPADE ou ESPADON, f. m. (Cordier.) eft une
palette de 2 piés de longueur, de 4 à 5 pouces de
largeur & de 6 à 7 lignes d’épaiffeur, dont on fe fert
pour efpadtr le chanvre fur le chevalet. Voye^ l'article
& les Planches de la Corderie. Espade , eft une façon que Fon donne à la filaffe
après qu’elle a été broyée ; elle confifte à mettre du
chanvre fur l’entaille du chevalet, & à le battre avec
Yefpade jufqu’à ce qu’il foit entièrement net. Cette
préparation a plufieurs avantages ; elle débarraffe la
filaffe des petites parties de chene vôtres qui y ref-
tent, ou des corps étrangers, feuilles', herbe, pouf-
fiere, &c. & de féparer du principal brin l’étoupe
la plus groffiere, c ’eft-à-dire les brins de chanvre qui
ont été rompus en plufieurs parties, ou très-bouchonnés.
En fécond lieu, elle fépare les unes des autre*
ttes les fibres longitudinales, qui par leur union for-*
ment des efpeces de rubans.
Il y a des provinces où au lieu à’ejpader le chan*
v re , on le pile avec des maillets.
ESPADEURS, f. m. pl. (Corderie.) ce font les ouvriers
qui travaillent à donner à la filaffe la prépara-
lion nommée Yefpade. Voyeç Corderie.
ESPADON, EMPEREUR, fubft. m. (Hift. nul.
Ichthiolog.) xiphias feu gladius ; poiflbn de mer qui
a le bec fort allongé & fait en forme de glaive ou
d’épée à deux tranchans, longue de deux coudees
&dure comme un os. Voye{ la P l.X I I I . fig.22. On
pourroit le diftinguer de tout autre poiffon par ce
feul caraétere qui lui eft particulier. Il eft auffi grand
qu’un cétacée ; il pefe plus de cent livres, & quelquefois
même plus de deux cents, & il a cinq aulnes
de longueur. Le corps eft allongé & rond , & fort
épais près de la tête : c’eft la mâchoire du deffus qui
fe prolonge au point de former l’épée dont vient le
nom d'efpadon ; on croit qu’il a été appellé empereur,
parce qu’on répréfente les empereurs avec une épée
en main. La mâchoire du deffous eft pointue par le
bout; il n’a qu’une nageoire Fur le do s, mais elle
s’étend prefque d’un bout à l’autre : la queue eft
échancrée & a la figure d’un croiffant. Ce poiffon
a une paire de nageoires auprès des oiiies, & deux
autres nageoires qui font au-delà de l’anus : fa peau
eft rude & luifante, de couleur noire fur le dos, &
blanche fur le ventre. Uefpadon eft très-fort ; il enfonce
fon bec pointu dans les navires, & il perce
les plus grands poiffons cétacées. R a i, fynop. meth.
pife. Rond. hifi. des poiffons. Voyej POISSON. ( I ) Espadon , (Fourbijf.) grande & large épée qu’on
tient à deux mains. Voye{ ÉPÉE.
* ESPADOT, f. m. terme de Pêche, ufité dans le
reffort de l’amirauté de Marennes ; c’eft un infiniment
formé d’un petit fer d’environ 2 piés & demi
de long, crochu par le bout, lequel on emmanche
dans une petite perche d’environ 5 piés de long, plus
groffe par le bout, qui fert de poignée. Les Pêcheurs
fe fervent de cet inftrument dans les éclufes où ils
vont la nuit avec des brandons de rofeaux ou de
paille ; & quand ils appperçoivent des poiffons, ils
les retirent avec le bout de Ye/padot9 & les tuent
enfuite.avec le même inftrument.
Les langons font des efpeces à'efpadots formés de
petites pointes, ébarbelées, fichées au bout d’une
perche:lesfbiiannes ou fougnesreffemblent à celles
qu’on trouvera décrites à F article Fouanne ; & les
faucilles ne font fouvent que ces fortes de couteaux
à.fcier des grains quand ils font hors de fervice, ou
quelques morceaux de fer crochus. ^
ESPAGNE, ( Géog. hift. ) royaume confidérable
de l’Europe, borné par la mer, le Portugal & les
Pyrénées : il a environ 240 lieues de long fur 200
de large. Long. 9 .2 1 . lat. ^C, 44. |
Je laiffe les autres détails aux Géographes, pour
retracer ici le tableau qu’un grand peintre a fait des
révolutions de ce royaume dans fon Hifloiri dufiecle
de Louis X IV .
L 'Efpagne, foûmife tour-à-tour par les Carthaginois
, par les Romains, par les Goths, par lès Vandales
, & par les Arabes qu’on nomme Maures, tomba
fous la domination de Ferdinand, qui fut A jufte
titre furnommé roi d'Efpagrie, puifqu’il en réunit
toutes lès parties fous fa domination ; l’Arragon par
lui-même , la Caftille par Ifabelle fa femme, le
royaume de Grenade par fa conquête fur Ips.Maures
, & le royaume de Navarre par ufurpation : il
décéda en 1516.
Charles-Quint fon fucceffeiir forma le ^ projet de
la monarchie univerfelle de notre continent chrétien
, & n’abandonna fon idée que par l’épuifement
de fes. forces & fa démiffion de l’empire en 15 5 6.,.
Tome V»
Le va’fte projet de monarchie univerfélie, corn-'
ïiiencé par cet empereur, fùtfoûtenu par Philippe
IL fon fils. Ce dernier voulut, du fond de l’efcu-
rial » fubjuguer la Chrétienté par les négociations"
& par les armes; il envahit le Portugal; il defola
la France ; il menaça l’Angleterre : mais plus propre
à marchander de loin des efclaves qu’à combattre
de près fes ennemis ; il ne piit ajoûter aucune conquête
à la facile invafiori du Portugal; Il facrifia de
fon aveu quinze cents millions » qui font aujourd’hui
plus de trois mille millions de notre monnoie, pour
affervir la France & pour regagner les fept Provin-
ces-Unies ; mais fes thréfors n’aboutirent qu’à enrichir
les pays qu’il voulut dompter : il mourut en
H
Sous Philippe III. la grandeur efpagnole ne fut
qu’un vafte corps fans fubftance, qui avoit plus de
réputation que de force. Ce Prince, moins guerrier
encore & moins fage que Philippe II. eut peu de
vertus de roi : il ternit fon régné & affoiblit la monarchie
par la fuperftition, ce vice des âmes foi-*
blés , par les nombreufes colonies qu’il tranfplanta
dans le Nouveau-Monde, & en chaffant de fes états
près de huit cents mille Maures, tandis qu’il auroit
dû au contraire le peupler d’un pareil nombre de
fujets : il finit fes jours en 1621.
Philippe IV; héritier de la foibleffe de fon pere,"
perdit le Portugal par fa négligence, le Rouffillon
par la foibleffe de fes armes, & la Catalogne par
l’abus du defpotifme : il mourut en 166.5.
Enfin Finquifition , les moines, la fierté oifive des
habitans, ont fait pafler en d’autres mains les richef-
fes du Nouveau-Monde. Ainfi ce beau royaume
qui imprima jadis tant de terreur à l’Europe, eft par
gradation tombé dans une décadence dont il aura
de la peine à fe relever.
Peu puiffant au-dehors , pauvre & foible au-de*
dans, nulle induftrie ne fécondé encore dans ces climats
heureux, les préfens de la nature. Les foies de
Valence, les belles laines de l’Andaloufie & de la
Caftille , les piaftres & les marchandifes du Nouveau
Monde , font moins pour FEfpagne que pour
les nations, commerçantes ; elles confient leur fortune
aux Efpagnols, &ne s’en font jamais repenties r
cette fidélité finguliere qu’ils avoient autrefois à garder
les dépôts, & dont Juftin fait l ’éloge , ils l’ont
encore aujourd’hui ; mais cette admirable qualité,
jointe à leur pareffe , forme un mélange , dont il
réfulte des effets qui leur font nuifibles. Les autres
peuples font fous leurs yeux le commerce de leur
monarchie ; & c’eft vaiffemblablement un bonheur
pour l’Europe que le Mexique , le Pérou, & le Chi-
l y , foient poffedés par une nation pareffeufe.
Ce ferpit fans doute un événement bien fingulier ,
fi l’Amérique venoit à fecoiier le joug de FEfpagne,
& fi pour lors un habile vice-roi des Indes, embrafi-
fant le parti des Amériquains , les foûtenoit de fa
puiffance & de fon génie. Leurs terres produiroient
bien-tôt nos fruits ; & leurs habitans n’ayant plus
befoin de nos marchandifes , ni de nos denrées, nous
tomberions à-peu- près dans le même état d’indigen-
ç e , où nous étions, il y a quatre fiecles. L’Efpagne ,
je l’avoue, paroît à- l-’abri de cette révolution, mais
l’empire de la fortune eft bien étendu ; & la pruden-
, ce des hommes peut-elle fe flater de prévoir & de
vaincre tous fes caprices?phie de Y). ArticledeM'. leCh eVvaolyieeçr DEEc Jole (philofoa
v COURTm
* ESPAGNOLETTE, f. f. (Drap.) étoffes de laine
qui fe fabriquent particulièrement à Rouen, à
Beauvais, & à Châlon. Les réglemens du commerce
| les ordonnent à Beauvais de laines d’Efpagne pour
la trame, ou des plus fines, de France & du pays ,
fans agnelains ni peignons ; les croifées, à cinquante
-fix portées , trois quarts & un feize de large ,