402 È D U commencement de fanté qui nous fait éviter tbut
ce qui peut entretenir là maladie. Anitiii Jatiari vo-
luerint prceceptis fapientiüm paruerint ; fret ut fine ul-
lii dubitatione fanentur. Cic. III. Tuf6. cap. iij.
' Quand nous fommes en état de réfléchir flir nos
fenfations , nous nous appercevons que nous avons
des fentimens dont les uns font agréables, 8c les autres
plus ou moins douloureux ; & nous ne pouvons
pas douter que ces fentimens ou fenfations ne foient
excités en nous par Une calife différente de nous-mêmes
, puifque nous ne pouvons ni les faire naître, ni
les fufpèndre, ni lès faire ceffer précifément à notre
gré. L’expérience & notre fentiment intime ne nous
apprennent-ils pas que ces fentimens nous viennent
d’une caitfé étrangère , 8c qu’ils font excites en nous
à l’oecafion des inlpreffions que les objets font fur
nos fens , félon un certain ordre immuable établi
dans toute la nature, & reconnu par-tout où il ÿ a
des hommes ?
C ’eft encore d’après ces irtipreffions que nous jugeons
des objets & de leurs propriétés ; tes premières
impreflions nous donnent lieu de faire enmite différentes
réflexions qui fuppôfent toujours Ces im-
profitons, 8c qui fe font indépendamment dé la dif-
pofition habituelle ou aftuelle du cerveau, & félon
les lois de l’union de Famé avec le corps. Il faut toujours
fuppofer l’âme dans l’état de la veille, où elle
fent bien qu’elle ii’eft pas enfevelie dans les ténèbres
du fommeil ; il faut la luppofer dans l’etat de
fanté , en un mot dans tet état où dégagée de toute
paffion & de tout préjugé, elle exerce les fondions
avec lumière 8c avec liberté : puifque pendant le
fommeil, ou même pendant la veille, nous ne pouvons
penfer à aucun objet-, à moins qu’il n’ait fait
quelque impreffion fur nous depuis que nous fom-
mès au monde. - #
Puifque nous ne pouvons pat notre feule volonté
empêcher l’effet d’une fënfation-, par exemple , nous
empêcher de voir pendant le jour, lorfque nos yeux
font ouverts, ni exciter, ni tonferver, ni faire ceffer
la moindre fënfation : Puifque c’eft un axiome
confiant en Philofophie que notre penfée n’ajoûte
rien à ce que les objets font en eux-mêmes, cogitarc
tuüm nil ponit in n : Puifque tout effet fuppofe une
caufe : Puifque nul être ne peut fe modifier lui-même
, & que tout ce qui change, change par autrui :
Puifque nos connoiffances ne font point des êtres
particuliers , 8c que cè n’eft que nous connoiffant,
comme chaque regard de nos yeux n’eft que nous
regardant , & que tous ces mots, connoiffancc, idée,
penfée , jugement, vie , mort, néant, maladie , fanté ,
vue, Sec. ne font que des termes âbftraits que nous
avons inventés fur le modèle & à l’imitation des
mots qui marquent des êtres réels, tels que Soleil,
Lune, Terre -, Etoiles ,8 c c .& que ces termes âbftraits
nous ont paru commodes pour faire entendre ce que
nous penlbns aux autres hommes-, qui en font le même
ufage que nous, ce qui nous dilpenfe de recourir
à des periphrafes & à des circonlocutions qui fe-
roient languir le difeours ; pâr toutes ces confidéra-
tions, il paroît évident què chaque cbnnoiflànCe individuelle
doit avoir fà caufe particulière , ou fon
motif propre.
Ce motif doit avoir deux conditions également
effentielles 8c inféparables.
i° . Il doit être extérieur, c’eft-à-dire qu’il ne doit
pas venir de notre propre imagination, comme il en
vient dans le fommeil : -cogitare tuum nil ponit in re.
x°. H doit être le motif propre, c’eft-à-dire celui
que telle connoiflance particulière fuppofe , celui
fans lequel cette penfée ne feroit jamais venue dans
l ’efprit.
Quelques philofophes de l ’antiquité avoient imaginé
qu’ü y avoit des Antipodes j les preuves qu’ils
E D U dorinoient de leur fentiment etoient bien vraiffenv*
blablès, mais elles n’étoient que vraiffemblables ;
au lieu qu’aujourd’hui que nous allons auxAntipo-
des, & que nous en revenons ; aujourd’hui qu’ il y
a un commerce établi entre les peuples qui y habitent
& nous, nous avons lin motif légitimé, un mot
if extérieur, Un motif propre, pour affûrer qu’il y
a des Antipodes.
Ce Grec qui s’imaginôit que tous les vaiflèaux qui
arrivoient au port de Pyrée lui appartenoient, ne
jugeoit que fur ce qui fe paffoit dans fon imagination
8c dans le fens interne, qui eft l’organe du confente-
ment de l’ëfprit ; il n’avoit point de motif extérieur
& propre : ce qu’il penfoit n’étoit point en rapport
avec la réalité dès chofés : cogitare tuum nil ponit irt
fe. Une montre marque toùjours quelqu’heure ; mais
elle ne Va bien que lorfqu’elle eft en rapport avec la
fituation du Soleil: notre fentiment intime, aidé paf
les circonftartees, nous fait fentir le rapport de no4
tre jugement avec la réalité des chofes. Quand nous
tommes éveillés, nous fentons bien què nous ne dormons
pas ; quand nous fommes en bonne fanté, nous
fommes pêrluadés que nous ne fommes pas malades :
âinfi lorfque nous jugeons d’après un motif légitime ,
nous fommes convaincus que notre jugement eft
bien fondé, 8c que nous aurions tort de porter un
jugement différent. Les âmes qui ont le bonheur d’être
unies à des têtes bien faites, paffent de l’ état de
la pàffion, Ou de celui de l’erreur 8c du préjugé, à
l’état tranquille de la raiton, ou elles exercent leurs
fondions avec lumière 8c avec liberté.
Il feroit aifé de rapporter un grand nombre d’exemples,
pour faire vqir la nécemté d’un motif extérieur,
propre, & légitime dans tous nos jugemens,
même de ceux qui regardent la foi r Fides ex auditu,
auditas autem per verbum Chriffi, dit S. Paul. (Rom.
c. x. iy.) « Dans des points fi fublimes,' dit le Pere
» Buffier (tr. des premières vérités, III. part. p. zgy) ,
■>> on trouve un motif judicieux 8c plaufible, certain ,
» qui ne peut nous égarer, de foûmettre nos foibles
» lumières naturelles à Fintelligence infinie de Dieu
» ........... qui a révélé certaines vérités, 8c à~la fage
» autorité de l’Ëglife qui nous apprend que Dieu les
» a effectivement révélées. Si Fon faifoit attention
» à ces premières vérités dans la feience de la Théo-
» logie, ajoute le P. Buffier (ibid.), l’ étude en de-
» viendroit beaucoup plus facile 8c plus abrégée, 8c
» le fruit en feroit plus folide 8c plus étendu ».■
Ce feroit donc une pratique très-utile de demander
fouvent à un jeune homme le motif de fon jugement
, dans des occafions même très - communes ,
fur-tout quand on s’apperçoit qu’il imagine, 8c que
ce qu’il dit n’eft pas fondé.
Quand les jeunes gens font en état d’entrer- dans
des études féiieufes -, c’eft une pratique très-utile-,
après qu’on leur a appris les différentes fortes de
gouvernemens, de leur faire lire les gazettes, avefc
des cartes de géographie 8C des dictionnaires qui expliquent
certains mots que fouvent même le maître
n’entend pas. Cette pratique eft d’abord defagréable
aux jeunes gens ; parce qu’ils ne font encore au fait
de rien, 8c que ce qu’ils lifent ne trouve pas à fe lier
dans leur efprit avec des idées acquifes : mais peu-à-
peu cette leêture les intéreffe, fur- tout lorfque leur
vanité en eft flatée par les loiianges que des perfon-
nes avancées en âge leur donnent à - propos fur ée
point.
Je connois des maîtres judicieux qui pour donner
aux jeunes gens certaines connoiffances d’ufage^
leur font lire 8c leur expliquent l’état de la France«:
l’almanach royal : 8c je crois cette pratique très-
utile. • . . . . . ; V 7 r ‘.
Il refteroit à parler des moeurs 8c des qualités io*
E D U ciales : mais nous avons tant de bons livres lûr ce
point, que je crois devoir y renvoyer.
Nous avons dans l’école militaire un modèle d’e-
ducation, auquel toutes les perfonnes qui font chargées
d’élever des jeunes gens, devroient tâcher de
le rapprocher ; foit à l’égard de ce qui concerne la
fanté, les alimens, la propreté, la décence, &c-
foit par rapport à ce qui regarde la culture de l’el-
Pr^t- On n’y perd jamais de vue l’objet principal de 1 etabliffement, 8c Fon travaille en des tems marques
à acquérir les connoiffances qui ont rapport à
cet objet : telles font les Langues, la Géométrie, les
Fortifications, la fcience des Nombres, &c. ce font
des maîtres habiles en chacune de ces parties, qui
ont été choifis pour les enfeigner.
A l’égard des moeurs, elles y font en sûreté, tant
par les bons exemples, que par l’impoffibilité où les
jeunes gens fe trouvent de contra&er des liaifons
<|ui pourroient les écarter de leur devoir. Ils font
éclairés en tout tems 8c en tout lieu. Une vigilance
perpétuelle ne les perd jamais de vue : cette vigilance
eft exercée pendant le jour 8c pendant la nuit,
par des perfonnes fages qui fe fuccedent en des tems
marques. Heureux les jeunes gens qui ont le bonheur
d’être reçus à cette école!.ils en fortirontavec un
tempérament fortifié, avec l’efprit de leur état, 8c
un efprit cultivé, avec des moeurs qu’une habitude
de plufieurs années aura mifes à l’abri de la
fedu&ion : enfin avec les fentimens de reconnoiffan-
c e , dont on voit qu’ils font déjà pénétrés ; premièrement
à 1 egard du Roi puiffant, qui leur procure en
pere tendre de fi grands avantages ; en fécond lieu
envers le miniftre éclairé, qui favorife l’exécution
d’un fi beau projet ; 3 °. enfin à l’égard des perfonnes
zélees qui préfident immédiatement à cette exécution
, qui la conduifent avec lumière, avec fageffe,
avec fermete, & avec un defintéreffement qu’on ne
peut affez loiier. Voye{ Ecole militaire, Etud
e, Classe , Collège, & c. (F)
EDULCORATION, f. f. (Chimie.) on entend en
Chimie par le mot d’édulcoration , la lotion de certaines
matières pulvérulentes 8c infolubles, ou du
moins tres-peu folubles, par l’eau, pour leur enlever
differens fels avec lefquels elles font confondues.
Les fujets de cette opération font les précipités,
foit vrais, foit fpontanés ; les chaux métalliques,
préparées par le moyen du nitre ; celles qui font
fournies par la calcination, ou la diftillation des fels
métalliques ou terreux ; les cryftaux .des fels peu fo-
lubles, formés dans la diffolution d’un fel beaucoup
plus foluble, &c.
Les réglés du manuel de cette opération fe rédui-
fent à deux. i°. Il faut laver avec le plus grand foin
toutes les chaux 8c tous les précipités véritablement
infolubles , & dans ce cas on peut employer l’eau
bouillante. z°. Dans Védulcoration des matières folubles
au contraire, comme dans celle du tartre vi-
triole fepare d’une diffolution de potaffe, celle du
précipité blanc, &c. il ne faut laver qu’une ou deux
fois, 8c employer de l’eau froide ; fans cette précaution
, 8c fi Fon répété trop fouvent les lotions, on
perd inutilement une partie de la matière qu’on fe
propofoit de purifier : comme il arrive affez fouvent
aux apothicaires ignorans Sc dirigés par des mauvai-
fes lpis, qui y perdent feuls à la vérité , cè qui fait
par conféquent un fort petit malheur, 8c tel.même
qu’il feroit à fouhaiter pour le bien de la fociété,
qu il fut une fuite inévitable de l’ignorance 8c de
1 inexactitude : car ces artiftes apprendroient apparemment
leur metier, s’ils étoient obligés de le fa-
yoir fous peine de fe ruiner.
Voici la description détaillée de cette opération :
011 met la matière à édulcorer dans une terrine ou
tel autre vaiffeau commode de terre ou de verre : on
"fyme F+ ’ .
E F A 403
verfe de l’eau deffus, qu’on agite 8c qu’on trouble
par. le moyen d’une fpatule : on Jaiffe repofer, 8c
l’eau étant devenue claire, on la rejette par inclina-
tion |on répété cette manoeuvre autant de fois qu’il
eft néceffaire, 8c il ne refte plus qu’à faire fécher la
matière édulcorée.
Au refte il ne faut pas confondre Y édulcoration
avec la dulcification. Voye^ D ulcifié 0« D ulcification.
(b)
Edulcoration- philosophique, (Chimie.)
Quelques chimiftes ont appellé de ce nom la dé-
compofition des fels neutres métalliques, ou la fé-
paration des acides d’avec les métaux qu’ils avoient
diflous ; féparation opérée par la violence du feu.
EDULCORER, v. a Ci. (Pharm.) fignifie ajouter
dufucre ou unjîrop fr certains remèdes liquides destinés
pour Fufage intérieur, dans la vue de les rendre
plus agréables au goût.
On édulcore des tifanes, des infufions, des décoctions,
des émulfions, des potions, &c. L’édulcoration
du petit-lait fe fait très-fouvent avec le firop de
violette ; celle des émulfions avec le firop des cinq
racines apéritives, de nymphéa, &c. Les potions
anti-hyftériques s’édulcorent prefque toùjours avec
le firop d’armoife ; les béchiques.ayec celui de ca^
pillaire ou de guimauve, de pas-d’âne, &c. (b)
* EDUSIE, EDULIE, EDUQUE, EDUSE,
f. f. (Mytk.) déeffe dont la fonClion étoit d’apprendre
à manger aux enfans lorfqu’on les fevroit. On fe
concilioit fa proteClion, en lui offrant des premiers
mets qu’on deftinoit à l ’enfant, après qu’on Fa voit
privé du lait. Il y a des mythologiftes qui font deux
déeffes différentes, d'Eduque 8c à’Edulie. Ils prétendent
que la première préfidoit à l’éducation, 8c la
fécondé au fevrage.
E E
EEN-TOL-BRTEF, (Commerce.) On nomme ainft
à ^mfterdam & dans les autres villes des Provinces-
Unies, des lettres de franchife que les bourgeois de
quelques-unes de ces villes obtiennent de leurs bour-
guemeftres , par lefquelles ces magiftrats certifient
que tels ou tels font en cette qualité exempts de quelques
droits de péage. Ces lettres ne durent qu’un an
8c fix femaines, 8c après ce terme on eft obligé de les
renouvelles Voye^ Entrée & Sortie. Diction, de
Comm. & Charniers. (G)
E F
ÉFAUFILER , v. aCE (Rubann.) c’êft tirer d’un
bout de ruban entamé quelques brins de la trame ,
pour en connoitre la qualité. Il fe dit aufiî des étoffes
en foie, des draps en laine, &c. C ’eft un terme commun
à tout ouvrage ourdi.
EFFACER , RATURER , RAYER, BIFFER ;
fyn. (Gram.) Ces mots fignifient Yatlion de faire dif-
paroître de deffus un papier ce qui eft adhérent à fa
furface. Les trois derniers ne s’appliquent qu’à ce
qui eft écrit ou imprimé : le premier peut fe dire
a’autre chofe, comme des taches d’encre, &c. Rayer
eft moins fort qu’effacer; 8c effacer, que raturer. On
raye un mot en paffant Amplement une ligne deffus ;
on Y efface lorfque la ligne paffée deffus eft affez forte
pour empêcher qu’on ne life ce mot aifément; on
le rature , lorfqu’on l’efface fi abfolument qu’on ne
peut plus lire, ou même lorfqu’on fe.fert d’un autre
moyen que la plume, comme d’un canif, grattoir ,
&c. On fe fert plus fouvent du mot rayer, que du
mot effacer, lorfqu’il eft queftion de plufieurs lignes ,
on dit auffi qu’un écrit eft fort raturé, pour dire qu’il
eft plein de ratures, c’eft-à-dire de mots effacés. Le
mot rayer, s’employe en parlant des mots fupprimés.