Accoutumés à n’envifager cet Animal que pfar ïè
dehors & par la fuperficie,nous avons julqu’à présent
compris dans la dénomination de l’ épaulé, toute
l’étendue qui fe trouve depuis la fominité du garrot
iùfqu’à la portion fupérieure de la jambe. On a donc
indiftinfîement confondu cette partie, qui n’eft proprement
compofée que de l’omoplate, avec le bras
qui eft formé par l’humerus ; & par une fuite de cette
erreur, on a donné à la partie refultante du cubitus,
le nom de bras, tandis qu’elle devroit être appellée
l’avant-bras. . ’ .
Il importoit cependant effentiellement à ceux qui
s’érigent en connoiffeurs, ôc qui font profeffion de
dréffer des chevaux, ainfi qu’aux perfonnes qui fe
livrent au traitement de leurs maladies, de fe former
line idéejufte delà ftruélure de cet animal. Comment
en effet décider de la franchile & de la beauté de fes
mouvemens, fi on ignore d’où ils doivent partir ?
comment juger de la poffibilité des a étions qu’on lui
demande, & mettre en jeu fes refforts, fi l’on n’a
acquis la connoiffance du lieu & de l’efpecedes arti-
tiilations, à la faveur deiquelles fes parties doivent
fe mouvoir } d’ailleurs, s’il arrive fréquemment des
écarts, des entre-ouvertures, &c. comment y remédier
dès qu’on fera hors d’état de s’orienter en quelque
façon, relativement aux diffêrens articles, & de
parler des ligamens, des mufcles , des cartilages, de
la fynovie, ôc des vaiffeaux des parties qui fouf-‘
frent?
Ces confidérations m’ont fuggéré la divifion que
j ’ai faite, ôc dont je m’écarterois indifcretement, fi
je ne rappportais aux bras toutes les obfervations qui
ont été adoptées ôc qui ont paru ne concerner que
l 'épaule: ainfi ‘je dirai que le bras ne doit point être
recouvert par des mulcles trop épais ôc trop charnus
, ôc que cette partie doit conféquemment être
petite, plate, libre, & mouvante. Pour diftinguer fi
elle eft douée des deux premières qualités , il fuffit
de confidérer i° . cette faillie vifible formée par l’ar-
ticulation de l’humerus avec l’omoplate, faillie que
l ’on appelle encore la pointe de Ü épaule ; le mufcle
•commun recouvre cette articulation : or fi ce mufcle
eft d’une épaiffeur confidérable, cette partie au
•lieu d’être plate fera groffe, ronde, & charnue, &
dès-lors le cheval fera pefant, il fe laffera aifément,
i l bronchera, les jambes de devant étant en quelque
façon furchargées, ne pourront être que bientô
t ruinées ; la groffeut demefurée des os articulés
, peut encore occafionner ce défaut. On examinera
, en fécond lieu, le vuide ou l’interfeâion
qui eft entre le mufcle commun & le grand peéloral.
Cette interfeôion marque la féparation du bras& du
poitrail, ôc le grand peftoral forme cette élévation
qui eft à la partie antérieure de la poitrine de l’animal
: or fi le repli ou pli que nous appercevons ordinairement
, & que je nomme interfeclion , n’eft point
diftinét, s’il n’eft point apparent, attendu le trop de
chair ou l’épaiffeur des mufcles, il en réfultera que
le cheval fera chargé ôc ne fera propre qu’au tirage.
Enfin, en fuppofant de la contrainte dans le mouvement
de cette partie , l’animal ne marchera jamais
•agréablement ôc sûrement ; parce que fon aôion ne
partant en quelque forte que de la jambe, elle fera
hors de la nature de celle à laquelle le membre mû
étoit deftiné, ôc fera inévitablement privée de fermeté,
de folidité, & de grâce. Auffi voyons-nous
que tels chevaux fe fatiguent aifément, pefent à la
main, & rafent continuellement le tapis.
Ce défaut de liberté peut fe réparer par l’art &
par l’exercice, pourvû que cette partie ne foit que
nouée & entreprife ; mais fi elle fe trouve chevillée,
ou froide, ou deffechée, ce feroit une témérité que
de former une pareille efpérance.
On reçonnoîtra qu’elle fft chevillée a £un défaut
de jeu que lès meilleures leçons ne fauroient lui iéti*
dre. J entens par défaut de jeu , une inaélion véritable
, qui n’a fa fource que dans la conformation dé-
feélueufe de l’animal, dont les bras font tellement
ferrés, qu’ils femblent attachés l’un à l’autre par une
cheville.
Nous difons qu’elle eft froide, Iorfqu’elle eft dé-
pourvûe de fentiment & de mouvement. Il eft rarè'
qu’on y remédie avec efficacité, à moins qu’on ne
tente cette cure dès le commencement & dès l’origine
du mal. Il provient de plufieurs caufes. Premièrement
, de la ftruflure naturelle du cheval : ainfi
celui dans lequel cette partie fera trop décharnée ,
fera plus fujet à cette froideur, que celui dans lequel
elle fera exactement proportionnée. Que l’on
confidere, en effet, que les mufcles font les organes
du mouvement, ôc que de leur feule petiteffe naît le
decharnement dont il s’agit ; comme ils ne peuvent
être plus petits, qu’autant que leur tiflu eft compofé
d’une moins grande quantité de fibres, ou que ces
fibres font plus minces, dès-lors la force ne peut
être que moins grande dans la partie , qui deviendra
néceffairement débile après un certain tems de
travail. On obfervera néanmoins que dans ce cas il
n’y a que difficulté de mouvement, fans douleur.
Une fécondé caufe, eft le paffage fubit de la chaleur
au froid. Un cheval fue ; loin de lui abattre la
fueur, on le laiffe refroidir. Dès- lors les pores fe
refferrent, ôc en conféquence de ce refferrement &
de cette conftriâion,la tranfpiration eft interceptée.
Cette humeur arrêtée ne peut que contracter de mau-
vaifes qualités & un caraCtere d’acrimonie, par le
moyen duquel elle picote les membranes de l’articulation
& des mufcles ; ce qui donne lieu à la douleur
, à la roideur, & à la difficulté du mouvement
dans cette partie.
Une troifieme caufe fera encore le féjour de l’ani*'
mal dans un lieu trop humide. En ce cas les vaiffeaux
fe relâcheront infenfiblement , principalement les
vaiffeaux lymphatiques , dans lefquels le cours des
liqueurs eft toujours plus lent. Ce relâchement produira
un engorgement qui fera dans les ligamens dè
l’article , oii ces vaiffeaux lymphatiques font en plus
grand nombre. De-là la douleur ôc la difficulté dans
le mouvement, comme nous le voyons dans les rhû-
matifmes ; que fi quelquefois nous appercevons de
l’enflure, c’eft que l’engorgement eft plus confidérable
, ôc qu’il occupe le tiffu cellulaire ou les membranes
des mufcles.
Enfin, une quatrième caufe que l’on peut admet*’
tre ôc reconnoitre, eft un obftacle quelconque dans
la circulation des efprits animaux. Leur cours étant
intercepté, la diaftole & la fyftole des arteres, ainfi
que la contraûion des mufcles, ne peuvent que di-;
miniief ; ce font néanmoins autant d’agens néceffai-
res pour aider au fuc nourricier à fe porter dans les
parties les plus intimes ; auffi l’expérience démontre*
t-elle que ces mouvemens étant diminués & abolis
par la continuation de l’interception, cette parti®
tombe bientôt dans l’atrophie ôc dans le defféche-
ment.
Ce defféchement peut provenir du défaut d’exejr-
cice. Ainfi, par exemple, fi nous fuppofons un effort*
ou un écart, ou quelque mal confidérable à un pié,
il eft confiant que l’animal, tant que la maladie fub-
fiftera dans toute fa force, ne fauroit mouvoir la
partie affeôée. Or s’il ne peut la mouvoir, & que la
maladie foit longue, la circulation ne s’y fera jamais
parfaitement ; parcé que les liqueurs ne pénétreront
plus dans les dernieres ôc dans les plus petites ramifications
des vaiffeaux, &que c’eft précifément dans
ces mouvemens les plus tenus que s’exécute la nui
trition.
Les lignes auxquels on reçonnoîtra que la partie
I S I
dont il s*agit eft froide ou prife, font ïe défaut OU Ta
difficulté du mouvement, quelquefois la douleur que
l’animal reffent, & la difficulté du mouvement tout
enfemble, félon la différence des caufes de la froideur.
Les fymptômes du deflécbement font une inégalité
manifefte, & qui frappe dès qu’on examine les
deux bras en même tems ; Ôc leur diminution apparente
ôc fenfible, ainfi que l’impoffibilité de les mouvoir
, lorfque l’une ôc l’autre s’atrophient, ce qui
n’arrive que rarement.
11 eft certain que fi l’on prévient les progrès de ces
maladies par des réfolu'tifs fpiritueqx ôc aromatiques,
ôc par un exercice modéré , on p@urra attirer dans
ces parties les fucs qui les entretiennent ôc qui les
nourriffent, & elles feront bientôt ranimées ; mais
dès que le mal eft ancien, nos tentatives font infruc-
tueul'es. On ne peut, en effet, fe livrer raifonnable-
rnent à l’efpoir de faire circuler des liqueurs dans des
vaiffeaux totalement obftrués & oblitérés. J’ai dit
que la nutrition s’exécute dans les dernieres & dans
les plus petites ramifications. Imaginons donc Une
partie privée depuis long-tems de la faculté d’agir,
îa circulation s’y rallentirà ; ôc les liqueurs ne parvenant
plus dès-lors daiv les dernieres fériés des canaux,
ces mêmes canaux, naturellement élaftiques
ôc difpofés par conféquent à la contraction, fe reffer-
reront infenfiblement & s’oblitéreront à la fin. Or par
quel moyen r’ouvrira-t-on aux fluides cette v o ie ,
qui, une fois fermée, leur eft à jamais interdite ?
C ’eft affûrément tenter l’impoffible ôc faire profeffion
d’ignorance -, que de l’entreprendre.
L'épaule ou l’omoplate peut être portée en-avant,
en-arriere, en-haut ; elle peut être encore rapprochée
des côtes. A l’égard du bras ou de l’humeruis
joint avec l’omoplate par une articulation très-libre,
c ’eft-à-dire par genou, il peut fe mouvoir en tout
fens, en-avant, en-arriere, en-dedans, en-dehors,
ôc en rond., en maniéré de pivot, & en maniéré de
fronde. La libre exécution de tous les mouvemens
permis à l’une ôc à l’autre de ces parties, eft fans
doute ce que tous les auteurs qui ont écrit fur le Manège
, ôc principalement le duc de Newkaftle, ont
appellé la foüpleffe des épaules.
La néceffité de les faciliter à l’animal a été regardée
, avec raifon, par cet écrivain illuftre, comme
la bafe de toutes les aâions auxquelles nous pouvons
folliciter l’animal ; ôc ce n’eft fans doute qu’à
la force & à la folidité de cette maxime, toûjours
préfente à fon. efprit, que nous devons une foule de
répétitions fur ce point, qui rendent fon ouvrage
prolixe fans le rendre plus inftruftif. Je tâcherai d’éviter
ce défaut, & de ne pas mériter ce reproche.
Dès que nous connoiflons les mouvemens dont
Vépaule ÔC le bras font capables, & dès que nous
fommes convaincus, qu’aflbuplir les parties d’un
cheval quelconque n’eft autre chofe que leur faire
acquérir par l’habitude la liberté de fe mouvoir dans
tous les fens qui leur font poffibles, il eft aifé de juger
par les effets qui peuvent réfulter des leçons que
nous donnons à l’animal, de celles qui font les plus
propres ôc les plus convenables à notre objet.
Toute aftion en-avant, en-arriere, ôc par le droit,
opéré néceffairement la flexion, l’élévation, l’exten-
fion, l’abaiffement, ôc le port en-arriere des omo*
plates & des humérus, qui font les principaux & les
uniques agens d’où dépend réellement la tranflation
de l’animal d’un lieu à un autre (voye{ Ma n èg e ).
Ainfi le pas, le reculer, ôc principalement le trot déterminé
& délié, qui excite fes parties à de grands
mouvemens , font des moyens très-efficaces pour
les dénoiier ÔC poiir en faciliter le jeu dans les uns
ôc dans les autres de ces fens ; ces allures fur des
cercles, ou quoi qü’il en foit en tournant pour reprendre
d’autres lignes droites, influe encore fur elles
relativement au mouvement circulaire dont le
bras eft doiié ; mais elles ne fufeitent pas ce même
mouvement «dans toute fon étendue; & leur impref-
fion n’étant que foible & legere, ôc ne pouvant animer
tous les refforts qui l’effeéhient, l’animal ne fau*
roit acquérir l’entiere facilité par cette voie.
Le duc de Newkaftle eft le premier qui nous en a
ouvert une, en nous indiquant diverfes leçons à donner
fur les cercles larges & d’une pifte ; jè ne me pro*
pofe ic i, ni de les extraire, ni d’apprécier fa méthode.
M. de la Gueriniere, à l’imitation de la Broue, a
préféré leS leçons données fur les quarrés, ôc admet
celles des voltes, qu’il blâme d’ailleurs , parce qu’il
croit qu’elles mettent le cheval fur le devant, dans
la circonftance, ou pour éviter la trop grande fujé-
tion de ce qu’il nomme Vépaule en-dedans, l’animal
y porte trop cette même épaule ou y jette la croupe ;
ainfi, d’un côté il improuve la pratique des cercles ,
ôc de l’autre il la préfente comme une reffource dans
le cas où la pratique des quarrés porte l’animal à fe
défendre. C ’eft fans doute d’après fa propre expérience,
que M. de la Gueriniere a connu que la tête
dedans, la croupe dehors, contraint ôc affervit beaucoup
moins le cheval qui trace une figure ronde, que
la tête dedans & la croupe dehors fur des lignes droites
; & c’eft apparemment auffi d’après cette vérité
dont il s’eft convaincu, qu’il veut bien permettre de
recourir au cercle pour procurer aux chevaux la première
foüpleffe. Sans m’abandonner à l’examen de
tous les raifonnemens auxquels il fe livre, ôc fans
perdre un tems précieux à marquer les contradictions
qui en réfultent, il me fuffit que l’aûion fur la
volte foit moins pénible, moins difficile à l’animal,
pour que je lui donne la préférence fur toute autre-
On ne doit point oublier que mon unique intention
eft d’affouplir l’omoplate ôc l’humerus, & que
je ne dois avoir à préfent d’autre but que de folliciter
le mouvement en rond, dont le bras principalement
, ou fon articulation fphéroïde, eft fufceptible ;
pénétré de l’importance dont il eft de ne travailler
d’abord toutes les portions dont la machine entière
eft formée, que féparément ôc non enfemble (yoye^
En c o l u r e ) ; mon premier foin fera de divilèr en
quelque façon celles que j’ai déjà mifes en jeu , ÔC
celles que je me propofe de dénoiier ic i, des côtes
ôc de la croupe, fur lefquelles je ne dois rien encore
entreprendre dire&ement, ôc que je ne contraindrai
dans mes opérations, qu’autant que leur connexion
avec la tête, l’encolure, ôc les épaules pourra
m’y obliger.
Les leçons par lefquelles j ’ai provoqué les flexions
latérales du cou & le port de la tête de côté & d’autre
, m’offrent tous les moyens de parvenir à mes
vûes. Je trouve en elles non-feulement l’avantage
que je defire, eu égard à l’aélion circulaire , mais
celui d’augmenter la facilité du p li, dont ces deux
premières parties ont déjà contraâé l’habitude ; ÔC
c’eft ainfi qu’une feule route me conduit à tout, af-
fûre toûjours de plus en plus mes fuccès, & què j’ô-
t e , en un mot, tout prétexte ôc toute idée de dé-
fenfe à l’animal, puifque je ne le foûmets à l’obéif-
fance que par la liberté que je lui donne d’obeir
Détournez legerement, au moyen du port de la
rene de dehors en-dedans, ôc de l’approche de la jambe
de ce même dedans, fi la rene déterminante a
befoin de Ce feeours, le cheval dont l’encolure eft:
pliée, & qui par le droit & au pas regarde dans le
centre ( f oye^ Encolure) , à l’effet de lui faire décrire
des cerclés d’unè étendue proportionnée à fon
plus ou moins de difpofition & de volonté. Auffi-tôt
qu’il a quitté la ligne droite fur laquelle il cheminoit,
augmentez fubitement l’aâion de la rene de dedans
à vous, ÔC maintenant la rene de dehors dans un do*
gré de tenfion, non âuffi fôrt, mais feulement en rai