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En général, pour conftituer la bonté de nos emg-
mts modernes, il faut que les traits employés ne puif-
fent s’appliquer tous enfemblequ’à une feule chofe,
quoique fépàrériiënt ils conviennent à plufieurs.
Je ne m’arrêterai pas à rapporter les autres réglés
qu’on prefcrit dans ce jeu littéraire , parce que mon
déffein eft bien moins d’engager les gens de Lettres
à y donner leurs veilles, qu’à les détourner de fem-
blables puérilités. Qu’on ne dife point en faveur des
énigmes, que leur invention eft des plus anciennes,
8c que les rois d’Orient fe font fait très-long tems
im honneur d’en compofer & d’en réfoudre : je répondrais
que eCtfe ancienneté même n’eft ni à la
gloire des énigmes, ni à celle des rois orientaux.
Dans la première origine dés langues, les hommes
furent obliges de joindre le langage d’aCtion à celui
des Ions articulés, & de ne parler qu’avec des images
fénfibles. Les connoiffances aujourd’hui les plus
communes étoient fi fubtiles pour eux , qu’elles ne
ponvoient fé trouver à leur portée qu’autant qu’elles
fe ràpprôchoient des fens. Enfuite, quand on étudia
les propriétés des êtres pour en tirer des allufions,
on Vit paroître les paraboles 8c les énigmes, qui devinrent
d’autant plus à la mode, que les fages ou
ceux qui fe donnoient pour tels, crurent devoir cacher
au vulgaire une partie de leurs connoiffances.
Par-là, le langage imaginé pour la clarté fut changé
en myfterës: le ftyle dans lequel ces prétendus fages
renfermoient leurs inftru&ions, étoit obfcur & énigmatique
, peut-être par la difficulté de s’exprimer
clairement ; peut-être auffi à deffein de rendre les
connoiffances d’autant plus eftimables qu’elles feraient
moins communes.
On vit donc les rois d’Orient mettre leur gloire
dans les propofitions obfcures, & fe faire un mérite de
compofer & de réfoudre des énigmes. Leur fageffe
confiftoit en grande partie dans ce genre d’étude. Un
homme intelligent, dit Salomon, parviendra à comprendre
un proverbe , à pénétrer les paroles des fages
& leurs f ententes obfcures. C’étoit chez eux l’ufage
.pour éprouver leur fagacité, de fe préfenter ou
de s’envoyer les uns aux autres des énigmes , 8c d’y
attacher des peines 8c des récompenfes.
Entre plufieurs exemples que je pourrais alléguer,
je n’en rapporterai qu’un feul, tiré de l’Ecri-
ture-fainte, & je me fervirai de la traduction des
théologiens de Louvain, quoiqu’en vieux langage,
parce que je n’ai préfentement que cette traduction
fous les yeux. Voici les propres paroles du Texte fa-
çré, chap. xjv du livre des Juges , verf. 12 & fuivans.
Samfon dit : Je vous propoferai quelques proportions
: 'que f i vous me baille{ la folution dedans les fept
jours du convive , je vous donnerai trente fines chemifes,
& autant de robes.
Verf. 13', Mais f i vous ne pouve£ me bailler la folution
, vous me donnerez trente fines chemifes , & autant
de robes-, Lefquels lin répondirent : Propofe ta propo-
fiiioh, afin -que Voyons.
-■ V'erf. 14. E t i l leur dit : De celui qui mangeoit efi
fortPla viande , & du. fort efi venu la douceur. Et ne
purent par trois jours donner la folution de la propo-
ficion.
V'érf. 1 «j. E l quand h feptieme jour fut venu , ils dirent
à la femme de SaOifon : Flatte ton mari y & luiper-
fttade qtt il te déclare: quelle chefcfignifie lapropofition.
Verf. ,17. Et ainfi tous les jours du convive, elle
plïurùVt devant lui 7 & finalement au feptieme jour ,
comtne 'èllt le ‘mdlefioit , z7 lui expofa : laquelle inconti-
nent-éèfit favoirà ceux de fon peuple.
Verf. f8. Et iceux lui dirent au feptiemefour devant
h folëii côiichant : Quelle chofe efi plus douce que le miel,
& quelie'ckojè efi plies forte que le lion? Lors Samfon
teun 'dïif -Si vous ji'eùffze^ labouré avec ma génijfe,
yoics nhujfie^ point trouvé ina propofition.
E N' I
Un favant Jurifconfulte met cette énigme au rang
des gageures , en matière de jeux d’efprit ; 8c il
pourrait bien avoir raifon, car il y a une ftipulation
de part 8c d’autre, de trente fines chemifes, 8c autant
de robes. Cependant les Philiftins agirent de
mauvaife fo i, en obligeant la femme de Samfon de
tirer de la bouche de fon mari l’explication de Vénigme
y & à la leur apprendre, au lieu de la deviner
par eux-mêmes.
Au refte, dans notre iiecle, l'énigme propofée par.
Samfon ne ferait point dans les réglés, parce qu’elle
ne rouloit pas fur une chofe ordinaire , ou un événement
commun, mais fur un fait particulier ; c’eft-
à-dire fur un de ces cas qu’il eft ordinairement pref-
que impoffible de deviner.
Quoi qu’il en foit, dans ce tems-là on n’étoit pas
fi fcrupuleux ; on ne cherchoit qu’à attraper ceux à
qui on préfentoit des énigmes à expliquer : 8c c’eft un
fait fi v r a i, que l’intelligence des énigmes, ou des
fentences obfcures, devint un proverbe parmi les Hébreux,
pour lignifier l’adreffe à tromper, comme on
le peut conclure du portrait que Daniel fait d’An-
tiochus Epiphanés. « Lorfque les iniquités fe feront
» accrues , dit-il, il s’élèvera un roi qui aura l’im-
» pudencé fur le front, & qui comprendra les fen-
» tences obfcures ».
Le voile myftérieux de cette forte de fageffe la
rendit, comme il arrivera toûjours , le plus eftimé
de tous les talens : c’eft pourquoi dans un pfeaume,
où il s’agit d’exciter fortement l’attention , le pfal-
mille débute en ces termes : « Vous peuples, écou-
» tez ce que je vais dire. Que tous les habitans de la
« terre, grands 8c petits, riches 8c pauvres, prêtent
» l’oreille ; ma bouche publiera la fageffe.. . . je dé-
» couvrirai fur la harpe mon énigme ».
Outre les caufes que nous avons rapportées, qui
contribuèrent à conferver long-tems les énigmes en
vogue, je croirais volontiers que l’ufage des hyéro-
gliphes y concourut auffi pour beaucoup : en effet,
quand on vint à oublier la lignification des hyéro-
gliphes , on perdit peu-à-peu , quoique très-lentement
, l’ufage des énigmes.
Enfin elles reparurent, lorfqu’on devoit le moins
s’y attendre ; je veux dire , dans le xvij. fiecle : 8c
ce n’eft pas, ce me femble, par cet endroit qu’il mérite
le plus qu’on le vante. Il eft vrai qu’on habilla,
pour lors en Europe les énigmes avec plus d’art, de
fineffe 8e de goût, qu’elles ne l’avoient été dans l’A-
fie : on les fournit, comme tous les autres poèmes, à
des lois 8t à des réglés étroites, dont le pere Menefi
trier même a publié un traité particulier* Mais quelque
décoration qu’on ait donnée aux énigmes, elles
ne feront prefque jamais que de folles dépenfes d’efprit
, des jeux de mots, des écarts dans le langage 8c
dans les idées.
Les gens de lettres un peu diftingués du fiecle paf-
fé , qui ont eu la foibleffe de donner dans cette mode,
& de fe laiffer entraîner au torrent, feraient
bien honteux aujourd’hui de lire leurs noms dans la
lifte de toutes fortes de gens oififs , & de voir qu’un
tems a été qu’ils fe faifoient un honneur de deviner
des énigmes ; 8c plus encore d’annoncer à la France ,
qu’ils avoient eu affez d’efprit pour exprimer, fous
un certain verbiage , fous un jargon myftérieux 8c
des termes équivoques, une flûte, une fléché, un
■ éventail, une horloge.
Mais il faut bien le garder de confondre de telles
inepties , avec les énigmes d’un autre genre ; j’entends
ces fameux problèmes de la Géométrie tranf-
cendante, qui, fur la fin du même fiecle, exerceront
des génies d’un ordre fupérieur. La folution de ces
dernieres fortes d'énigmes peut avoir de grands ufa-t
ges ; elle demande du moins beaucoup de fagacité ,
8c prouve qu’on s’eft rendu familière la connoiiTance4
E N K
de cette Géométrie fublime, dont Newton a la gloire
d’être le premier inventeur. Article de M. le Chevalier
d e J AU co u r t .
ENJOLIVER, v . aCt. {Arts méchaniquesi) c’eft répandre
fur le fond d’un ouvrage de petits ornemens
qui lui ôtent fa lourdeur 8 e fa fimplicité.
ENISK.ILLING, {Géog. mod.) ville de la province
d’Ulfter en Irlande ; elle appartient au comte de
Fermanagh: elle eft fituée fur le lac Earne. Long. ÿ .
àô. lot. 34. 18.
ENK.AFATRAHE, f. m. ( Hifi. nat. bot.) c’eft le nom
d’un arbre qui fe trouve dans l’île de Madagâfcar,
dont le bois eft verdâtre 8c rempli de veines ; on dit
qu’il répand une odeur fort agréable 8c femblable à
celle de la rofe. On prétend qu’en l’écrafant fur une
pierre avec de l’eau, 8c appliquant ce mélange extérieurement
fur le coeur ou fur la poitrine, c’eft un
remede fouverain contre les foibleffes 8c palpitations.
Hubner, diclionn. univerfel.
ENK.ISTÉ, ÉE, adj. terme de Chirurgie, ce qui eft
renfermé dans un kifte, c’eft-à-dire dans une membrane
ou iffue en forme de poche. On appelle tumeurs
ené. fiées, abcès enkfiés, des tumeurs 8c des abcès
qui font enveloppés d’une membrane : tels font
l ’athéome , le méliceris, le ftéatome, &c. Ce mot
eft formé du grec tv, in, en, dans, 8c de cyfiis,
fa c , veflie.
La membrane qui fait cette poche n’eft pas nouvellement
formée dans la partie, comme on pourrait
le déduire de la théorie de quelques auteurs fur
cette maladie. On connoît un tiffu folléculeux qui
fépare toutes les parties les unes des autres, 8c qui
en eft le lien. S’il fe fait un amas contre nature d’une
humeur quelconque dans une de ces cellules, par
fon accroiffement il étendra les parois de cette cellule,
8c les collera aux parois membraneufes des cellules
circonvoifines qu’il oblitérera. C ’eft ainfi que
commence le kifte, toûjours formé par la cohérence
de plufieurs feuillets de la membrane cellulaire.
A mefure que la tumeur augmente, la poche mem-
braneufe s’épaiffit par Sa réunion d’un plus grand
nombre de feuillets. Le kifte eft formé de la fubftan-
ce préexiftente de la partie. Ces connoiffances jufti-
fient le dogme pratique des anciens. L’expérience ,
qui eft la même dans tous les fiecles aux yeux des
bons obfervateurs, leur avoit montré que pour la
guérifon de ces fortes de tumeurs, il ne falloit pas
fe contenter de les ouvrir, mais qu’il falloit extirper
la poche ou fac qui renfermoit la matière. Pour y
parvenir, on fait communément une incifion cruciale
aux tégumens de la tumeur ; on les diffeque fans
intéreffer le kifte, qu’on emporte en totalité, s’il
eft poffible. Ses adhérences à quelques parties qu’i l .
feroit important de ménager, eft une raifon pour
s’abftenir d’une diffeélion trop recherchée. Alors on
attend dé la fuppuration la chûte ou plûtôt le détachement
de la portion membraneufe qui refte du
kifte. Quand les humeurs enkiflées font d’un volume
confidérable, l’extirpation, fuivant la méthode décrite
, feroit une plaie énorme. Si le kifte n’eft pas
trop épais, on peut, par un procédé plus doux, fe
contenter de fendre la tumeur des deux côtés, & de
paffer une bandelette de linge effilé en forme de félon
, d’une ouverture à l’autre, pour conduire dans
tout le trajet les médicamens néceffaires pour faire
fuppurer le kifte.
Il y a des pierres enkiflées dans la veflie. M. Houf-
tet de l’académie royale de Chirurgie, a donné dans
le premier volume des mémoires de cette compagnie
des obfervations particulières qu’il a jointes à celles
qui avoient été communiquées précédemment à l’académie
, fur cette matière. L’exiftence de ces fortes
de pierres eft conftatée ; 8c l’auteur rend fon mémoire
auffi utile qu’il eft curieux, en traitant des
Tome V,
E N L d9i
opérations qu’on peut tenter, 8c de celles qui ont
été pratiquées pour faire l’éxtra&ion de ces pierres.
La fig. 4. de la Planche V. de Chirurgie repréfente
une veflie ouverte par fa partie antérieure, derrière
les os pubis qui font renverfés en-devant : on y voit
une pierre logée dans une cellule formée par la membrane
interne de la veflie. ( T )
EN L A RM E R , v. aü. (Chajfe & Pêche.) On dit,
enlarmer un filet; c’eft un terme dont fe fervent ceux
qui font des filets propres pour la Pêche ou pour la
Chaffe ; & ce n’eft autre chofe que pratiquer de grandes
maillés à côté du filet avec de la ficelle.
E N L A Y E R ou ENLOYER, déférer le ferment,
(.Jurifpr.) Dans l’article de la très-ancienne coûtume
de Bretagne, le ferment eft appelle lai ou loi;
d’où font venus les termes enlayer & enloyer, pour
dire déférer le ferment: termes qui’étoient fort ufités
dans l’ancien ftyle judiciaire de la province, 8 e qui.
le font encore dans les jurifdiûions inférieures, même
dans quelques lièges royaux 8c préfidiaux. Voy.
les arrêts du parlement de Bretagne, par Frain, tome
II. plaid. 112. page 68ÿ . {A )
ENLASSER, v. a£t. ( Charpent..) c’eft, après que
les tenons 8c mortoifes font faits, percer un trou
au-travers pour les cheviller.
ENLASSURE, f. f. {Charpent.) c’ eft le trou percé
avec le laceret à-travers des mortoifes 8c des tenons
, pour les cheviller enfemble.
ENLEVÉ, adj. terme deBlafon ; il fe dit des pièces
qui paroiffent enlevées, comme aux armoiries d’An-
glure en Champagne, qui font d’or à pièces enlevées
à angles ou croiffans de gueules, foûtenant des grelots
d’argent dont tout l’écu eft femé.
Anglure en Champagne, d’or à pièces enlevées à
angles ou en croiffans de gueules, foûtenant des grelots
d’argent dont tout l’e.cu eft femé.
ENLEVEMENT, f. m. ( Jurifprud. ) fe dit d’une
voie de fait dont on ufe pour ravir quelqu’un ou
s’emparer de quelque chofe. \Jenlevement des perfon-
nes eft plus communément nommé rapt ou crime de
rapt. Voye^ R AP T.
Enlèvement lignifie auffi quelquefois tranfport: par
exemple ,-les adjudicataires des coupes de bois doivent
enlever les bois coupés dans le tems porté par
le marché. Une partie faifie s’oppofe à Venlevement
de fes meubles, en donnant bon 8c folvable gardien.
MEÊnlMever les chauderons , terme de Chauderon-
nier ; c’eft en faire le fond avec le marteau rond. On
donne cette façon fur la grande bigorne.
Enlever lignifie auffi redreffer un chauderon, en ôter
les boffes , ce qu’on fait avec le marteau de buis 8c
l’enclumeau. Ê'oye^ les Planches du Chauderonnier. Enlever , en terme d'Eperonnier, fe dit de l’aâion
de féparer fur l’enclume à coups de marteau, la
branche d’un mors, d’un barreau de fer de dix'à onze
lignes d’épaiffeur. Cette branche s’appelle branche
d'enltvure, parce qu’elle eft effectivement enlevée de
ce barreau : on enleve auffi du même barreau l’embouchure
du mors ; 8c cette embouchure s’appelle
enlevâre pour la même raifon. On enleve ces parties
d’un mors au moyen d’un cifeau appellé tranche, que
l’on frappe fur le barreau à demi-chaud pour les en
féparer. Voye{ Tranche, 6* les figures de VEperonnier
.ENLEVER, terme de Serrurier & de Taillandier ; c’eft
d’une barre de fer en faire la piece commandée ; 8c
au lieu de dire forger une clé, une coignée, ils di-
fent enlever une c lé , une coignée. Enlever la meute, {Vénerie.) c ’eft, lorfqu’au
lieu de laiffer chaffer les chiens,, on les entraîne par
le plus court chemin au lieu où un chaffeur a vû le
cerf, 8c où on retrouve la voie.
ENLEVURE, f, f, (Ouvriers en fer.) Tous les ou-
S Sss ij