ans & commit le délit d'épingles, ce qui étoit, dit-
on \me grande cruauté; mais Sauvai avoue qu’il
n’entend point ces paroles : il ajoute que cette femme
fut mife en croix, on l’exécuta toute décheve-
Jée, avec une longue robe, St ceinte d’une corde
les deux jambes enfemble au-deffous; que toutes les
femmes de Paris, à caufe de la nouveauté, la voulurent
voir mourir, interprétant fon fupplice chacune
à leur maniéré ; que les unes difoient que c’é-
toit à la mode de fon.pays, d’autres que fa fentence
le portoit ainfi, afin qu’il en fût plus longuement mémoire
aux autres femmes ; que le délit étoit fi énorme,
qu’il méritoit encore une plus grande punition.
S’il m’efi permis d’hafarder une conjeflure lur le fens
de ces termes délit d'épingle, je penfe qu’ils ne lignifient
autre chofe que le crime commis par cette femme
d’avoir crevé les yeux à ce jeune enfant, ce qu’elle
fit apparemment avec une épingle. Il fut un tems
en France où l’on condamnoit les criminels à perdre
la vue, en leur paffant un fer chaud devant les yeux :
apparemment que quelques particuliers pour affou-
vir leur cruauté fur quelqu’un, lui crevoient les yeux
avec une épingle, St que cela s’appelait le délit d'épingle.
{A ) Épingles des Cartiers; ce font de petits fils-de-
fer enfoncés dans un morceau de parchemin plié en
quatre, dont ils fe fervent pour attacher à des cordes
les feuilles de carton dont ils font les cartes, afin
de Éles faire fécher à l’air. pingle , (Rubanier.') eft un petit outil de fer ,
long d’environ 3 ou 4 pouces, d’égale groffeur dans
toute fa longueur, en forme de groffe épingle , mais
fans pointe ; fa tête eft ordinairement faite avec de
la cire d’Ëfpagne, St lui fert de prife : on s’en fer.t
'au même ufage que le couteau à velours, excepté
que celles-ci ne coupent point les foies , & ne font
que former les boucles du velours en les tirant fuc-
cefîivement comme les couteaux. Voye^ Couteau
À velours. ,
ÉPINGLETTE, f. f. c’eft, dans l'Artillerie , une
«fpece de petite aiguille de fer, dont on fe fert pour
percer les gargouffes lorfqu’elles font introduites
dans les pièces, avant de les amorcer. (Q )
ÉPINGLIER , f. m. ( Commerce. ) marchand qui
vend des épingles, des clous d’épingles, des touches
, des aiguilles, &c.
Les Epingliers à Paris font un corps gouverné par
trois jurés, dont la jurande dure deux ans. On les
■ élit à deux reprifes différentes ; au mois de Mai on
en élit deux , l’année fuivante on élit le troifieme ,
& airrfi de fuite. Les ftatuts de cette communauté
font très-anciens. Leur principal travail étoit autrefois
les épingles: mais depuis que les vivres font
devenus plus chers, & Paris plus peuplé, ils ne les
font plus, ils les tirent de Laigle St autres endroits
de la Normandie, où les ouvriers font à meilleur
compte.
EPINICION, f. m. (B elles-Le tt. ) dans la poéfie
greque St latine lignifie, i ° . une fête ou des rèjouif-
Jances pour une vi&oire remportée fur l’ennemi :
2,0. un poème, une piece de vers fur le même fujet, un
chant de victoire. Scaliger traite expreffément de cette
forte de poëme dans fa poétique, lib. I. ch. xljv. L’é-
pître de Boileau, le poëme de Corneille fur le paffa-
ge du Rhin, celui de M. Adiffon fur la campagne de
1704, St celui de M. de Voltaire fur la viûoire de
Fontenoy, font de ce genre.
Le poëme d’Adiffon a pour objet la bataille d’Hoc-
ftet ; c’eft un des plus beaux ouvrages de cet illustre
auteur ; celui de M. de Voltaire ne mérite pas
moins d’être lû ; la préface que l’auteur y a mife contient
des réflexions judicieufes fur ce genre de poëme,
& fur l’épître de Defpréaux. (G)
EPlNGCHE ou EPINARDE, fubft.- f. {Hiß. nat.
Ictkiolog.)pifciculus aculeatus, poiffon d’eau douce,
le plus petit de tous. Il n’a qu’une feule nageoire, qui
eft fur le dos, St au-devant de laquelle il fe trouve
trois piquans féparés les uns des autres. Il a aufli
deux piquans fur le ventre ; ils font plus grands St
plus forts que les autres, St ils tiennent à un os qui
a la forme d’une nageoire ; car ce poiffon a deux lames
offeufes, de figure triangulaire, à la place des
nageoires du ventre. Il dreffe & il abailfe à fon gré
fes piquans : il eft fans écailles, & on le trouve dans
les ruiffeayx.
Il y a une autre elpece d’épinocke, qui différé de
la précédente par les cara&eres fuivans : elle a dix
ou onze piquans fur le dos, qui font diriges alternativement
à droite & à gauche ; le corps eu plus long,
& elle n’a point de lames offeufes : onia trouve aufli
dans les ruiffeaux.Rau,-/y>20p. meth.pifc. Rond. hiß.
des poijfons de riviere, Voye^ POISSON. { ! )
E p i n o c h e , c’eft ainfi que .lés Epiciers appellent
la fleur du meilleur caffé.
EPINYCTIDE , f. f. ( Medecine. ) I7nvw.n1; ; c’eft
une efpece d’exanthème ou d’éruption cutanée en
forme de puftule livide , de la groffeur d’une petite
fe v e , remplie d’une matière muqueufe * qui s’ouvre
enfuite & ‘lë change en un petit ulcéré qui caufe de
grandes inquiétudes dans la nuit, par les vives douleurs
qu’il occafionne : d’où lui vient, félon Çelfé ,
le nom que les Grecs lui ont donné* qui lignifie
dans la nuit., étant compofé de la propofition *Vi,
dans y 8c de wç, vw.joc, nuit.
Cet auteur, dans la defeription très-exaûe qu’il
donne de l’épinyclide 9 lib. V. cap. xxviij. dit qu’elle
eft ordinairement fort enflammée tout-au-tour, Sc
que le fentiment douloureux qu’elle fait naître eft
beaucoup plus confidérable que la groffeur ne fem-
ble pouvoir la caufer ; elle fournit, quand elle eft
ouverte, une fanie fanguinolente.
Cette tumeur eft produite par une matière bilieu-
fe acre qui fe ramaffe dans quelque follicule de la
peau, la ronge, & fe fait une iffue en l’exulcérant :
l’acreté & la fubtilité particulière de cette humeur
viciée la rendent fufceptible de produire une irritation
confidérable dans les nerfs voilins, & d’être ai-
fément agitée par la chaleur du lit & l’augmentation
qui fe fait dans la tranfpiration pendant la nuit.
Il eft facile de diftinguer cette tumeur exanthé-
mateufe de toute autre, par les fymptomes qui lui
font propres , rapportés dans la définition : elle eft
extrêmement incommode à caufe des mauvais effets
qu’elle produit dans la nuit : s’il en paroît plu-
fieurs en même tems, c’eft un indice de la qualité
bilieufe St acrimonieufe , dominante dans la maffe
des humeurs.
Les perfonnes qui ont des épinyclides doivent ob-
ferver un régime délayant St adouciffant : on a recours
à la faignée fi elles font nombreufes ; la purgation
convient pour détourner de la peau l’humeur
viciée & l’évacuer ; les digeftifs. St les épulotiques
ordinaires font les topiques, dont l’ufage eft indiqué
dans cette affeûion. Voye£ E x a n t h e m e . ( d )
EPIPEDOMETRIE, f. f. dans les Mathématiques,
fignifie la mefure des figures qui s’appuient fur une
même bafe. Ce mot n’eft plus en ulage. Harris &
Chambers. {.E )
* EPIPHANÈS, {Mythologie!) furnom de Jupiter.
Jupiter épiphanès ou Jupiter qui Je manifeße, c’eft la
même chofe. Jupiter fut ainfi appellé, de ce qu’il ren-
doit fouvent fa préfence fenfible par des éclairs,
par le tonnerre, de ce qu’il fe plaifoit à fe mêler parmi
les hommes, St fur-tout parmi les femmes, fous
différentes formes corporelles.
EPIPHANIE, f. f. {Hiß. eccléf.) terme d’Eglife,
qui
qui veut dire là fête des Rois9 ou de Vapparition de
•Jefus-Chrijl aux Gentils, car le mot grec fignifie apparition.
Les Chrétiens d’Orient nomment aufli cette
fête, la Théophanie > ou la fête des lumières. C ’eft une
fête double de la première claffe , qui fe célébré le
6 Janvier de chaque année.
Les Grecs appelloient.V Epiphanie, la préfence des
dieux fur la terre, foit qu’ils fe fiffent voir en perfon-
ne aux yeux des hommes, foit qu’ils manifeftaffent
leur préfence par quelques effets extraordinaires.
Cette préfence des dieux leur fournit l’occafion
d’inftituer les fêtes ou facrifices, qu’ils nommoient
epiphaniesy iteupamia,, en mémoire de ces apparitions
prétendues*
L’on a nommé femblablement, parmi les Chrétiens
, l’Epiphanie la fête des Rois, dans la prévention
généralement établie, que les mages étoient
des rois. Cette fête ne fe célébrôit autrefois qu’après
avoir été précédée d’une veille St d’un jeûne très-
févere ; St il paroît furprenant qu’une coûtume fi
pieufe ait été abolie, pour y fubftituer une folennité
bien oppofée à l’abftinence & à la mortification.
L’exemple des Payens a pû fervir, félon quelques
auteurs, à chaffer le jeûne , pour lui fubroger la
bonne-chere. La conformité qu’ont trouvé ces mêmes
auteurs entre la fête du roi-boit & les faturnales,
leur a fait avancer que la première étoit une imitation
St une fuite de la fécondé: en effet, difent-
ils, la fête des faturnales commençoit en Décembre,
continuoit dans les premiers jours de Janvier, qui eft
aufli le tems de la fête des Rois. Les peres de famille
envoyoient à l’entrée des faturnales, des gâteaux
avec des fruits à leurs amis ; l’ufage des gâteaux fub-
fifte encore. Ces amis mangeoient enfemble : c’eft
ce que l’on pratique aufli la veille St le jour des Rois.
La première cérémonie des faturnales confiftoit à
élire un roi de la fête ; & Lucien fait dire plaifam-
ment àSaturne 9faifons des pois à qui nous obéifjions
agréablement. L’éleâion d’un roi eft aufli parmi nous
la première aftion de l’Epiphanie, avec cette différence
que les Payens élifoient leur roi par le fort des
dés, & que nous l’élifons par la rencontre de la feve.
Le mêmeLucien nous apprend que le plaifir confiftoit
à boire, s’enivrer, & crier. C ’eft à-peu-près la même
chofe parmi nous, & nous marquons notre joie non
feulement par la bonne-chere, mais encore par nos
acclamations quand le roi boit,
Cependant toutes ces applications générales ne
prouvent rien , & ne fe trouvent un peu juftes que
par les abus que le tems a amenés dans la célébration
de la fête de l ’Epiphanie ; car d’un côté la qualité
des perfonnes qui célébroient ces deux fêtes, & de
l’autre, le terme de leur durée, font voir clairement
que ce font deux différentes fêtes, qui n’ont qu’un
rapport éloigné.
Difons donc qu’il eft plus naturel de croire que
le fouper de la veille des Rois eft une fuite de la
veille, que les Chrétiens célébroient d’abord avec
beaucoup de refpect & de religion ; mais ,1e tems ,
le lieu, St les autres circonftances de ces affemblées
nofturnes, favorifoient trop la corruption pour qu’elle
ne s’introduisît pas dans l^fête ; le fcandale même
devint à la fin fi grand St fi pernicieux, que par
plufieurs conciles l’on fut oblige de défendre ces affemblées
: cependant on ne put pas les abolir entièrement
; St pour en conferver le fouvenir, les pa-
rens s’affemblerent avec leurs amis, fe régalèrent ;
St afin de marquer l’origine du feftin, ils obferve-
rent de le bénir avant que de fe mettre à table ; St
même en partageant le gâteau, la première portion
.étoit deftinée pour Dieu , ce qui feul fufliroit, ce
me femble, pour détruire la comparaifon de la fête
des Rois avec celle des faturnales.
.On folennifoit autrefois dans notre royaume la
Tome y %
fête des Rois avec beaucoup plus de pompe St d’ap»
parat qu’à préfent. En effet nous lifôns dans le journal
d’Henri III. « qu’en x 578, le lundi 6 de Janvier
»la demoifelle de Pons de Bretagne, royne de la
» feve, fut par le roy defefpérément b rave, frifé»
» & gauderonné, menée du chafteau du Louvre à la
» meffe en la chapelle de Bourbon, étant le roy fuivî
» de fes jeunes mignons, autant St plus braves que
» lui ». On fait aujourd’hui que l'Epiphanie fe célébré
à la côur avec une fi grande fihîplicité , qu’elle
feroit peut-être tolérée par ce févere dofteuf de Sorbonne,
qui regardoit toutes les réjoiiiffances dé VE*
piphanie comme des profanations Criminelles ; je
parle de M. Jean Deflions, mort à Senlis au com*
mencement de ce fiecle, âgé de 85 ans. On connoît
fon petit livre fur cette matière ; il eft intitulé, discours
etcléjîa(iique Contre lepaganifme du roi-boit. Article
de M. le Chevalier D E J A UCOURT-.
EPIPHÉNOMENE, f. m. {Med.) ce terme eft grec
compofe d’«<or2, fuper, & <pctivé/j.'cvoç, appatens. Les
anciens s’en fervoient dans le même fens que d’épi-
genême, (‘anyw.tp.ct, pour défigner les affeftions morbifiques
qui fufviennent dans une maladie, outre les
fymptomes qui lui font propres , &c qui procèdent
d’une caufe différente de celle qui a produit ceux-ci*
M. Quefnay, dans fon nouveau traité des fievres,
dit avoir été obligé de fe fervir du terme à!épiphénomène
, n’ayant pû trouver aucun nom françois affez
fignificatif pour exprimer diftin&ement ce que les
anciens éntendoient par ce mot * & ce qu’il s’agit
de défigner par une dénomination qui marque bien
fenfiblement le genre d’affe&ion morbifique qui vient
d’être défini ; ainfi c’eft en quelque forte malgré lui /
ajoûte-t-il, qu’il s’eft déterminé à rappeller un terme
grec, qui depuis long-tems eft prefque entièrement
hors d’ufage.
Les Arts St les Sciences gagnent toujours à acqué*
rir des termes propres, dès qu’ils peuvent fervir à
éviter les circonlocutions, ou l’obfcurité dans leur
langage refpe&if. Foye{ Maladie, Symptôme,
Accident, {d)
EPIPHONÊME, f. f. {Rhét.) mot confâcré que
nous avons emprunté des Grecs à l’exemple des Latins.
Ceft une figure de Rhétorique qui confifte ou dans
une efpece d’exclamation à la fin d’un récit de quelque
événement, ou dans une courte réflexion fur le
fujet dont on a parlé. Cette figure échappe aux e£-
prits vifs St aux efprits profonds : fon élégance part
du goût, du choix, de la vérité ; il faut aufli qu’elle
naiffe du fujet, & qu’elle coule de fource; alors c’ell
un dernier coup de pinceau qui fait une image frappante
dans l’efprit du lefteur, ou de l’auditeur. Ainfi
Virgile, après avoir dépeint tout ce que la côleré
fuggere à une déeffe immortelle contre fon héros
ne peut s’empêcher de s’écrier, Tantoe-ne animis ce*
leftibus ira ! & dans un autre endroit , Tanta molis
erat romanam condere gentem ! C’eft encore une belle
épiphonême, St fouvent citée, que celle de S. Paul
lorfqu’après avoir difeouru de la reje&ion des Juifs,
St de la vocation des Gentils, il s’écrie : O profondeur
des richejfes, de la fagejfet & de la connoijfance dt
Dieu l
Cette figure n’eft déplacée dans aucun ouvrage;
mais il me femble que c’eft dans l’hiftoire qu’elle produit
fur-tout un effet intéreffant. Velleius Paferculus
qui, indépendamment du ftyle, nous a montré fon
talent pour l ’éloquence , dans fon éloge admirable
de Cicéron, eft l’hiftorien romain qui fe foit le plus
fervi de l’épiphonême ; il a l’art de l’employer avec
tant de grâce, que perfonne île l’a furpaffé dans cette
partie. Aufli faut-il convenir que cette figure mife
en oeuvre aufli judicieufement qu’il l’a sû faire, a des
charmes pour tout le monde ; parce que rien ne plaît*
K K k k k