ïoS D R A Ce n’eft pas affez que les draperies foient conformes
au cojlume de i’a&ion repréfentée,. il'faut en fécond
lieu qu’elles s’accordent au mouvement des figures
; troifiémement, qu’elles laiffent entrevoir le'
nud du corps, 8c que fans déguifer lès jointures 8c
les emmanchemens, elles lés faffent fentir par la dif-
pofition des plis.
Reprenons cette divifion, qui embraffera les préceptes
qui me paroiffent les plus effentiels fur cette
partie.
L’exaéïitude du cojlume ne doit pas être portée à
un excès trop gênant : pour ne pas tomber dans cet
dbus, le peintre doit éviter également de s’en rapporter
fur ce point aux favans qui font leur unique
étude de l’antiquité, 8c aux gens du monde qui n’ont
•prefqu’aucune idée de cette partie intéreflante de
l ’hiftoire. Si trop docile il confulte ces hommes frivoles
qui ne jugent que par un fentimçnt que les
.préjugés falfifient, & qui bornés au préfent qui leur
échappe fans ceffe, n’ont jamais ajoûtéà leutsjoiiif-
fances le tems pafle ni l’avenir : il habillera Cyfus
indifféremment à la romaine ou à la greque ; & Caton
plein de l’idée de l’immortalité , fe poignardant
pour ne pas fnrvivre à la république, fera paré du
deshabillé d’un François de nos jours. D ’un autre
côté le favant critique qui paffant fa vie à approfondir
les points épineux d’une érudition obfcure,
a émouffé en lui le goût des arts 8c les fenfations
des plaifirs qu’ils procurent, fera plus choqué de
voir dans un tableau manquer quelque chofe aux armes
que portoient les Horaces, qu’il ne fera touché
de la vérité de leur aftion. Le milieu que le peintre
peut garder, eft de donner à une nation, aux Romains
, par exemple, les vêtemens qu’ils portoient
dans les tems les pins célébrés de la république. Il
feroit injufte d’exiger de lui ces recherches longues
& pénibles par lesquelles il pourroit fuivre toutes
les nuances que le luxé a répandues fucceffivement
fur les habillemens de ce peuple fameux. Il aura
même encore plus de liberté, lorfque le fujet d’hif-
toire qu’il traitera, remontera à des fiecles moins
connus, & les tems fabuleux lui laifleront le droit
d’habiller fuivant fon génie les dieux 8c les héros
dont il repréfentera les a étions. J’ajouterai qu’un
peintre eft plus excufable quand ne confultant point
le cojlume d’une nation, il lui donne des draperies
idéales, que lorfqu’il lui prête celles d’un peuple fort
différent. L’ignorance peut paffer à la faveur de
l ’imagination, comme on voit un fexe aimable nous
faire excufer fes caprices par les grâces dont il les
accompagne.
La fécondé divifion de cet article renferme un
précepte plus général que le précèdent ; les draperies
doivent être conformes au mouvement des figures
qui les portent, elles doivent l’être auffi au caractère
du fujet que l’on traite.
Peu de perlonnes, à moins qu’elles ne foient initiées
dans les myfteres de l’art de peindre , imaginent
de quelle importance eft dans une compofition
la partie des draperies. Souvent c’eft l’art avec lequel
les figures d’un fujet font drapées, qui eft la bafe de
l’harmonie d’un tableau , foit pour la couleur, foit
pour l’ordonnance. Cet art contribue même à l’ex-
preflion des carafteres 8c des pallions ; & fi quelqu’un
venoit à douter de cette derniere propofition,
qu’il réfléchiflê fin! moment fur ce que les habits des
hommes qui fe préfentent à nos y eu x, ajoutent ou
notent continuellement dans notre efprit à l’idée que
nous prenons d’eux. Dans l’imitation des hommes,
l’habillement concourra donc avec la paftion d’une
figure, à confirmer fon cara&ere ; conféquemment
tin miniftre de la religion auquel vous voulez donner
ime expreffion refpeftable, fera vêtu de façon que
les plis de fes draperies foient grands , nobles , ma-
D R A
jeftuéttx, & qu’ils paroiffent agrtés d’urt mouvement
lent & grave. Les vêtemens des vieillards auront
quelque chofe dé lourd, 8c leur mouvement fera
roible, comme les membres qui les agitent ; au contraire
le voile 8c la gafè dont une nymphe eft à demi
couverte, femblera le jouet des zéphirs, 8ç leurs plis
répandus dans les airs, céderont à l’impreffion d’une
démarche vive & légère.
J’ai dit que cette difpofition des drapeties 8c leurs1
couleurs, renfermoient fouvent la clé de l’harmonié
d’ùn tableau : je vais rendre plus claire cette vérité ,
que ceux qui ne font pas allez verfés dans l’art de
peindre, ne pourroient peut-être pas développer.
L’harmonie de la couleur dans la Peinture, con-
fifte dans;la variété des tons que produit la lumière ,
8c dans l’accord que leur donnent les jours 8c les
ombres. Il eft des couleurs qui fe font valoir, il en
eft qui fe détruifent. En général les oppolitions dures
que produifent les couleurs tranchantes ou les lumières
vives, 8c les ombres fortes brufquement rapprochées
, bleflent les regards, & font contraires aux!
lois de l’harmonie. Le peintre trouve des fecours
pour fatisfaire à ces lois , dans la liberté qu’il a dé
donner aux étoffes les couleurs propres à lier en-
femble celles des autres corps qu’il repréfente, & à
les rendre toutes amies : d’ailleurs pouvant difpofer
fes plis de maniéré qu’ils foient frappés du jour, ou
qu’ils en foient privés en tout ou en partie, il rappelle
à fon gré la lumière dans les endroits où elle lui
eft néceffaire, ou bien la fait difparoître par les ombres
que la faillie des plis autorife.
Il en eft de même de l’harmonie de la compofition
ou de l’ordonnance du fujet. S’agit-il de grouper
plufieurs figures ? les draperies les enchaînent, pouf
ainfi dire , 8c viennent remplir les vuides qui fem-
bleroient les détacher les unes des autres ; elles contribuent
à foûtenir les regards des fpeétateurs fur
l’objet principal, en lui donnant, pour ainfi dire ,
plus de confiftance 8c d’étendue ; elles lui fervent de
bafe, de foûtien par leur ampleur. Un voile qui flote
au gré des vents 8c qui s’élève dans les airs, rend la
compofition d’une figure legere, & la termine agréablement.
Mais c’en eft allez fur le fécond .précepte',
paffons au dernier.
Les draperies doivent laiffer entrevoir le nud du
corps, 8c fans déguifer les jointures & les emmanchemens
, les faire fentir par la difpofition des plis.
Il eft un moyen fimple pour ne point bleffer cette
lo i , & les excellens artiftes le pratiquent avec la
plus févere exaftitude. Ils commencent par deffiner
nue la figure qu’ils doivent draper : ils avoiient que
fans cette précaution ils feroient fujets à s’égarer,
8c qu’ils pourroient ajouter ou retrancher, fans s’en
appercevoir, à la proportion des parties dont le contour
8c les formes fe perdent quelquefois dans la
confufion des fils. La draperie n’eft donc pas un
moyen de s’exempter de l’exaftitude que demande
l’enfemble d’une figure , ni de la fineffe qu’exige le
trait.
Qu’un raccourci difficile à deffiner jufte, embar-
raffe tin artifte médiocre , il croit cacher fa négligence
ou fa parefle fous un amas de plis inutiles. I!
le trompe : l’oeil du critique éclairé remarquera le
défaut plutôt qu’il n’auroit fait peut-être, par l’affectation
qu’on a mife à le cacher ; & ceux, en plus
grand nombre, qui jugeront par fentiment, feront
toûjours affeûés defagréablement de ce qui n’eft pas
conforme à la nature. Le meilleur parti eft de fur—
monter la difficulté du trait par une étude férieufe
du nud ; alors la draperie devenue moins contrainte ÿ
prendra la forme que lui preferira le contour des
, membres, 8c fes plis fimples & débrouillés n’auront
rien qui embarraffe les regards : cependant comme
il eft peu de préceptes dont on ne puiffe abufer, cii
D R À lés obfervant trop rigoureufement , il faut, en cher- 1
chant à fe conformer à ce lu i-ci, c’e ft-à -d ire en I
s’efforçant de faire fentir le nud au - travers des dra-
p crie s, ne pas tellement ferrer chaque partie du corps, I
que les membres gênés fenablent fervir de moule aux
étoffés qui y paroîtroient collées. Evitez avec un .
femblable foin de donner aux vêtemens une telle ampleur
, qu’une figure paroiffe accablée fous le poids
des étoffes ; ou que nageant, pour ainfi dire, dans
une quantité de plis, elle ne paroiffe que l’acceffoi-
r e , tandis que les drapeties deyiendroient l’objet
principal. • ‘ i : !
C ’eft ici l’occafiôn de réfléchir un moment fur
l ’ufage de ces petites figures, que les Peintres nom-,
ment manequins ; pareé que cet ufage fembleroit devoir
être au moins tolère pour l’étude des draperies :
i l femble même être confacré pour cet objet, par
l ’exemple de quelques habiles peintres qui s’en font
fervis, comme le Pouffin ; mais fi l’on doit juger de
la bonté d’un moyen, n’eft-ce pas en comparant les
inconvéniens qui peuvent en refulter, avec l’utilité
qu’on en peut retirer? Si cela eft, je dois condamner
une pratique dangereufetpour un art qui n’a déjà
que trop d’écueils à éviter. Mais entrons dans quelques
détails.
Les Peintres qui avouent qu’on ne peut parvenir à
deffiner corre&ement là figure qu’en l’étudiant fur la
nature, trouvent moyen de furmonter dans cette étude
la difficulté qu’oppofe à leurs efforts cette mobilité
naturelle qui fait qu’une figuré vivante ne peut demeurer
dans une affiette invariable : ils furmontent
auffi celle de l’inftabilité de la lumierè, qui pendant
qu’ils peignent une figure nue » fe dégrade, s’affoi-
b lit , ou change à tout inftant. Comment ces mêmes
•artiftes regaraent-ils comme infurmontables ces mêmes
difficultés, lorfqu’elîes ont pour objet l’étude
d’une draperie } pourquoi la fixer fur une repréfenta-
îion incorrefte , froide, inanimée, 8c, dans l’efpé-
rance d’imiter plus exa&ement la couleur 8c les plis
d’un fatin, renoncer à ce feu qui doit infpirer des
moyens prompts de repréfenter ce qui ne peut être
•que peu d’inftans fous les yeux ?
Ce n’eft pas tout : l’artifte s’expofe à donner enfin
dans les pièges que lui tend une figure, dont les formes
ridicules parviennent infenfiblement à fe gliffer
dans le tableau, & à rendre incorre&es, ou froides
& inanimées, celles que le peintre avoit empruntées
d’une nature vivante 8ç régulière. Qu’arrive-t-il encore
? L’étoffe étudiée fur le manequin, 8c bien plus
finie que le refte du tableau, détruit l’unité d’imitation
, dépare les différens objets repréfentés ; 8c Ce
fatin fi patiemment imité, offre aux yeux clairvoyàns
une pelanteur de travail, ou une moleffe de touche
qui fait bien regretter le tems qu’un artiftê a employé
à ce travail ingrat. Ce n’eft donc pas le Pouf-
lin qu’il faut fuivre en cette partie ; c’eft Titien,
Paul Veronefe, & fur-tout Vandeik. Les draperies de
ce dernier font legeres , vraies, & faites avec une
facilité qui indique un artifte fupérieur à ces détails.
Examinez de près fon travail & fa touché, vous
Voyez combien peu les étoffes les plus riches lui ont
•coûté ; à la diftance néceffaire pour voir le tableau,
elles l’emportent fur les plus patients & les plus froids
chefs - d’oeuvre de ce genre. Le moyen d’arriver à
ce beau faire, eft d’étudier cette partie en grand, &
de donner à chaque efpece d’étoffe la touche qui lui
convient, fans fe laiffer égarer & fe perdre dans la
quantité de petites lumières, de reflets, de demi-teintes
, & d’ombres que préfente une draperie immuable
apprêtée furun manequin,& pofée trop près dé l’oeil.
Je vais finir par une réflexion fur la maniéré de
draper des fculpteurs anciens. Prefque toutes leurs
figures paroiffent drapées d’après des étoffes mouillées,
Ces étoffes font diftribu|es en différens ordres
D R E 109
de-petits plis-, qui laiffept parfaitement diftinguer les
formes du çorps ; ce qui n’eft cependant pas fi général
, qu’il n’y ait quelques exceptions, &ç qu’on n’ait
trouvé des morceaux de fculpture greque traités
dans, une marnere plus large pour les draperies, &
telle qu’elle convient à la peinture. En confeillant
aux Peintres de ne pas imiter fervilement l’antique
dans fa maniéré de drap,er, il s’en faut bien que jç
prétende la blâmer. Les anciens font affez juftifiés
par ce qui eft arrivé quelquefois à nos modernes >
lorfque voulant affe&er une grande maniéré & des
plis grands & fimples , ils ont laiffé le fpeâateur incertain
, fi ce qu’il yoyoit étoit l’imitation des accir
dens d’un rocher, ou des plis flexibles d’une étoffel
En effet rien n’étant plus éloigné de la flexibilité 8c
de la legereté d’une gafe ou d’un taffetas, que l’apv
parence que nous offre une furface de pierre & dé
marbre, il faut choifir dans les accidens des draperies
ce qui doit carattérifer davantage.leur fouplefle 8c
leur mobilité, fur-tout ne pouvant y ramener i’ef-
prit, par l’éclat, la variété des couleurs, 8c par lê
jeu de la lumière. Voye^ D e s s e in . Cet article efi de
M. Wa t e l e t .
D r a p e r ie , ('Cornmi) il fe dit du commerce ou de
la manufacture des draps. Poye^, à l'article L a in e ,
Manufacture en laine.
DRAPIER, yoye^M a r t in -Pê c h e u r .
D r a p ie r , f. m. (Comm.) marchand qui fabrique
le drap, ou qui le vend. On appelle le premier Drapier
drapant, 8c le fécond marchand Drapier.
DRAPIERE, f. f. en terme d'Epinglier, eft unè
groffe épingle courte , dont les marchands 8c les
drapiers fur - tout fe fervent pour fermer leurs ballots.
DRASTIQUE, adj. (Medecine.) qui agit violemment
8c promptement. On donne ce nom aux purgatifs
de cette efpece.
DRA V E , ( l a ) Géag. mod. rivière d'Allemagne
dont la fourçe eft dans le cercle de Bavière, 8c qui
le jette dans le Danube.
DRAYOIRE s f. f. terme de Corroyeur> infiniment
qui fert à drayer les cuirs. Voye^ la PI. dit Ççrroyeur,
& l'article C o r r o y e u r .
D RA YER, v. ait. terme de Corroyeur , qui fe dit
de la façon par laquelle les ouvriers ôtent dé deffus
la vache, avec la drayoire, tout ce qui peut y être
refté de la chair de l’animal. Les Tanneurs donnent
auffi la même façon à leurs cuirs, mais ils l’appellent
éckdrner , 8c l’inftrument dont ils le fervent pour
ce la , éçharnoir. Voye^ E charner , E ch arn oir,'
•S* l'article T annerie.
DRAYEURE; f. f. terme de Corroyeury de font les
rognures du cuir tanné, qui ont été enlevées de deffus
la peau du côté de la chair. Les Corroyeurs fe
fervent de ces rognures pour elfuyer les1 cuirs, après
qu’ils ont été crépis. Voyez Varticle CORROYEUR
C o r r o y e r .
d r e
* DREGER, v. a£h ((Rçon. ruß.') c’eft avec une
efpece de peigne de fe r , fépàrër la graine de la tige ;
ce qui fe fait en paffant le bout des branches', oii font
les têtes 8c la graine , entre lés dents de la drege.
Cette manoeuvre fe pratique fur le lin ; 8c Ton dit-,
dreger le lin.
DREGES ou SERANS, (JUcon. ruß.) Voye^ S t-
RANSV ’ /
DRENCHES,f. m. pl. {Hiß. mod.) c’éroient, dans
les anciennes coûtumes d’Angleterre , des vaffaux
d’un rang au-deffus des vaffauX Ordinaires ', qui re-
levoient d’un feigneur fufefain. On les appelloit autrement
drengi.
Comme du t.ems du roi Guillaume le Conquérant
il n’y avoit point ençore en Angleterre dé