tion , & vous fixerez la peinture avec le réchaut de
Doreur.
Voilà tout ce que prefcrit M. de Caylus. Les trois
•conditions font obfervées ,; c’ eft un véritable encauf-
<tique : il n’y a point d’objeélion à faire là-deffus.
Voici feulement une difficulté.
Un artifte très - verfé dans la peinture en cire,
croit cette maniéré impraticable ; parce que l’ayant
effayée avec'toutes fortes d’attentions , il n’a jamais
pu y réuffir. Il y a fans doute quelque omiffion
de pratique qu’il n’a pu fuppléer, 8c qui fait tout
fon embarras. Si l’on pouvoit honnêtement pro-
pofer que M. Vien, qui connoît tout l’art de M. de
Caylus, & M. Bachelier, travaillaient enfemble
dans un attelier commun 8c ouvert à tout de monde
, chacun félon fa maniéré, le public pourroit
favoir fans équivoque, je ne dis pas ce qu’il y a
de vrai dans jeurs manoeuvres, mais à quel point
elles font poffibles. Dans les inventions nouvelles
les doutes doivent paroître pardonnables ; plus on
eftime une découverte, plus il eft naturel de vouloir
s’éclaircir. Nous pouvons affûrer que M. Bachelier
ne s’y refufera pas.
Au refte M. de Caylus juge lui-même cette maniéré
embarraffante 8c bornée, & il en a cherché d’autres.
Il faut obferver pour ces deux premières, que les
différentes couleurs ne prennent pas la même quantité
de dire : on en verra les raports 8c les dofes dans
le détail de la cinquième maniéré. Je le différé, pour
ne point me répéter ni m’interrompre.
Troijieme maniéré de peindre en cire.
Ayez une planche, cirez-la en la tenant horifon-
talement fur un brafier ardent, 8c en frotant la fur-
face chauffée avec un pain de cire blanche. Continuez
cette opération jufqû’à ce que les pores du bois
ayent abforbé autant de cire qu’ils en peuvent prendre
: continuez encore, jufqu’à ce qu’il y en ait par-
deffus environ l’épaiffeur d’une carte. Voilà une
planche imprimée a Y encaujlique.
Cela fait, ayezdeS "couleurs dont on fait ufage à
l’huile, mais préparées à l’eau pure, ou légèrement
gommées. Ces couleurs ne prendront point fur la
cire, ou ne s’attacheront que par plaques irrégulières.
Pour remédier à cet inconvénient, prenez quelque
terre crétacée, par exemple du blanc d’Efpa-
gne ; répandez-en fur la cire en poudre très-fine ;
frotez-la légèrement avec un linge , il reliera fur la
cire une pouffiere de ce blanc : peignez enfuite, 8c
les couleurs prendront. La peinture achevée, pré-
fentez-Ia au feu, 8c faitesTinuftion.
Voilà un procédé très-ingénieux ; il peut être
commode , s’il eft poffible de retoucher fon ouvrage
, du moins fans répéter l’intermcde de la pouffiere
blanche, ce qui laifferoit toujours dé 1,’embarras :
c’eft un encaujlique, c’efl même, fi l’on veu t, im
double encaujlique. Mais il paroît mal répondre aux
conditions néceffaires pour Yencaujlique des anciens.
La première de ces conditions eft que cerce tin-
gantur coloribus : ici ce ne font point des cires teintes
de couleurs avec lefquelles on peint, ad cas pictu-
ras quoe inuruntur ; mais des couleurs fondues par
l’inuftion dans des cires qui ont déjà fouffert l’inuf-
tion elles-mêmes. Mais qu’importé, fi cette peinture
a les vrais avantages de l’ancien encaujlique, le beau
mat, la vigueur, 8c la folidité ?
Quatrième maniéré de peindre en cire , félon
M. de Caylus.
Cette maniéré n’efl qu’un renverfement de la précédente.
Dans l’autre, la cire eft placée avant &
fous les couleurs : dans celle-ci on la met après 8c
deffus ; elle a les mêmes avantages , & auffi le me-
me défaut, fi c’en eft un«
Peignez à gouache, à la façon ordinaire, fur lïfife
planche très-unie : le tableau terminé, faites chauffer
de la cire blanche, affez pour pouvoir l’étendre
avec un rouleau fur une glace ou fur un marbre humide
un peu échauffé , jufqu’à ce qu’elle foit mince
comme une carte à jouer ; couvrez le tableau de ces
lames de cire, 8c faites l’inuftion.
Ces deux maniérés ont fuggéré à M. de Caylus
une nouvelle façon de peindre à l’huile : c’eft de travailler
à gouache fur une toile à cru, en obfervant
feulement de n’employer que lès couleurs dont on fe
fert à l’huile ; 8c les couleurs féchées, d’humeéler le
tableau par-derriere avec de l’huile de pavot appel-
lée d'oliette, laquelle jaunit moins que les autres : cette
huile s’étendra, pénétrera les couleurs, fera corps
avec elles ; &c le tableau fera auffi folide que de la
façon ordinaire, & peut-être fans aucuns luifans. Au
lieu d’huile, on pourroit employer un vernis blanc
gras, ficcatif. C ’eft aux artiftes 8c à l’expérience, dit
M. de Caylus, à juger du mérite de cette petite nouveauté.
Cinquième maniéré de peindre en cire,félon M. de Caylus 1
laquelle n'ejl ni encaujlique, ni donnée pour telle.
„ Cette méthode confifte à compofer des vernis
avec des réfines folubles dans l’effence de térébenthine
, & avec un corps gras ; à faire fondre la cire
dans ces vernis, à ajouter des couleurs à ce mélang
e , & à peindre à l’ordinaire avec ces couleurs ainfi
préparées.
On fait plufieurs vernis, pour s’accommoder plus,
aifément aux différentes efpeces de couleurs. Ces
vernis fe réduifent à cinq :
i° . Vernis blanc très-gras : 2°. vernis blanc moins
gras : 30. vernis blanc fec : 40. vernis le moins doré :
50. vernis le plus doré.
Préparation des vernis.
Pour le vernis blanc très-gras, prenez de la réfine
appellée maftic ; mettez - en 2 onces 6 gros dans 20
oncès d’effence de térébenthine ; diffolvez dans un
matras à long cou, au bain de fable ; ajoutez à la
diffolution 6 gros d’huile d’olive, que vous aurez fait
bouillir dans un matras très-mince , & que vous aurez
filtrée : filtrez votre mélange; ajoûtez-y autant
d’effence qu’il en faut pour que le tout faffe un poids
de 24 onces, & vous aurez le vernis blanc très-gras..
Pour le vernis blanc moins gras, tout de même ,
finon qu’au lieu de 6 gros d’huile, vous n’y en mettrez
que 4.
Pour le vernis blanc fec, feulement 2 gros d’Kui-
le ; le refte de même.
Pour les vernis dorés : prenez de l’ambre jaune r
le plus beau ; faites-le fondre à.feu modéré dans une
cornue, ou encore mieux, dans un pot de terre neuf
8c verniffé. Il faut que l’ambre foit entier, & n’occupe
que le tiers, ou tout au plus la moitié du va-
fe , parce qu’il fe gonfle & s’élève en fondant.
L’ambre étant bien fondu & enfuite refroidi, vous
le mettrez en poudre. Pour lors faites-en diffoudre
2 onces 6 gros dans 20 onces d’effence de térébenthine;
ajoutez 7 gros d’huile d’olive cuite, comme
ci-deffus: filtrez le mélange avec un papier gris;
remplacez ce qui fera évaporé d’effence ; ajoûtez-en
affez pour que ,1e tout pefe 24 onces ; & confervez-
le dans une bouteille bien fermée.
_ Pour faire le vernis le plus doré, vous obferverez
feulement de laiffer l’ambre fur le feu trois ou quatre
heures de plus, pour lui donner une couleur plus
haute. Il n’y ,a point d’autre différence.
Préparation des couleurs , 6* proportion des ingrédiens
- ' Remarquez que les rapports que vous allez voir
entre les dofes de couleurs 8c de cire , font les mêmes
qu’il faut employer pour les deux premières
méthodes.
r Cémfe 8 onces ; cire 4 { ; vernis blanc très-gras 9.'
Blanc de plomb 8 onces ; cire 4 même vernis 8.
Mafficot, comme le blanc de plomb.
Jaune de Naples 8 onces ; cire 4; vernis blanc le
moins gras 8.
Ochre jaune 5 onces ; cire 5 ; vernis le moins doré
9 ; & 10 du même pour l’ochre de rue.
Stile de grain jaune le plus leger 4 onces ; cire 5 ;
vernis blanc le moins gras 9.
Stile de grain d’Angleterre mêmes dofes, mais
avec le vernis le plus doré.
Orpin jaune ou rouge 6 onces; cire 2; vernis
blanc le moins gras 3
Laque très-fine 4 onces ; cire 5 ; vernis moins
doré 9
* Carmin pur comme la laque. .
Vermillon 6 onces ; cire 2 ; vernis moins doré
3 t-
, Rouge brun d’Angleterre 6 onces ; cire 4 \ ; vernis
le plus doré 8.
Terre d’Italie 5 onces ; cire 5 ; vernis le plus do-
ré 9.
. Outre-mer 1 once; cire 6 gros; vernis blanc le
moins gras 10 à 11 gros.
Bleu de Pruffe le plus beau 2 ~ onces ; cire 5 ; vernis
blanc le moins gras 9.
. Cendre bleue 4 onces; cire 2 vernis blanc le
moins gras 4
Email bleu 6 onces ; cire 3 ; vernis blanc le moins
gras. 5 TBiftre
4 onces ; cire 5 ; vernis le plus doré 9
Terre de Cologne, comme pour le biftre.
Terre d’ombre, de même.
Laque verte 4 onces; cire 4 ^ ; vernis blanc le
pioins gras 8.
Noir de pêche 3 onces ; cire 4 ~ ; vernis blanc
fec 8.
Noir d’ivoire 4 onces ; cire 4 { ; vernis blanc fec 8.
Noir de fumée 1 once ; cire 8 ; vernis blanc fec 15.
. On peut voir aux différens articles de ce Diélion-
naire, ce que c’eft que les matières dont on parle ici.
. M. de Caylus abandonne aux Peintres le foin de
déterminer les dofes pour les autres couleurs.
Quant à la préparation de ces couleurs, elle con-
lifte ou à broyer la couleur avec la cire fur la pierre
chaude dont on a parlé ci-deffus, 8c à faire fondre les
cires colorées dans leur vernis propre ; ou à fondre
la cire dans les vernis, & y ajoûter la couleur.
M. de Caylus préféré la fécondé maniéré comme
plus prompte & plus facile. Pour la pratiquer, mettez
la cire & le vernis dans un bocal de verre mince ;
faites fondre la cire dans un de ces coffres de fer-
blanc dont le deffus eft percé de trous, &c dont on a
parlé ci-deffus : quand elle fera fondue, remuez le
mélange pour allier la cjre avec le vernis : ajoûtez
la couleur bien broyée à fec ; mêlez-la avec la cire :
retirez le bocal de la machine ; remuez le mélange
jufqu’à ce qu’il foit froid, 8c confervez-le bien bou-
çhe.
. La machine à préparer les couleurs ne diffère de
la machine à godets, qu’en ce que celle-là devant
contenir des pots de verres inégaux en diamètre &
hauteur, doit avoir des ouvertures ou-loges proportionnées
à ces verres.
Il convient de ne préparer que deux ou trois couleurs
à la fois, de peur qu’elles ne fe figent hors du
feu , ou que le vernis ne s’évapore fur le feu, tandis
qu’on eft occupé à en remuer une jufqu’à ce qu’elle
foit froide.
Les inftrumens, outre ceux dont on vient de parier
, font des pinceaux & des broffes ordinaires, la
palette de bois, ou pour le mieux d’écaille ; un couteau
d’ivoire plûtôt que d’acier, avec lequel il faut
paffer les couleurs l ’une après l’autre, pour qu’il n’y
Tome V,
refte rien de grumeleux; un pinceliei* àvec de l’ef-
fence de térébenthine, pour humeéter les couleurs
8c laver les pinceaux.
M. de Caylus affûre que cette efpece de peinture
en cire^eft praticable fur le bois, la toile, & le plâtre«
Si 1 on peint fur bois, il faut préférer le moins
compaél, le plus uni, celui qui fe déjette le moins
& que les vers attaquent peu, comme le cedre:*
apres Je cedre, c ’eft le fapin d’Hollande , enfuite
le chêne. Le poirier convieht pour les tableaux
d un grand fini. Si l’on veut que le cedre 8c le chênô
happent mieux la couleur, on y pratiquera des inégalités
avec un infiniment à-peu-près ferhblable ait
berceau des Graveurs en maniéré noire (Voye^ Varticle
Gravure) ; & fi le grain étoit trop fort, on
l’adoüciroit avec la pierre ponce. On peindra à
cru fur tous les bois.
Si l’on peint fur toile, On choifira celles qui ont le
grain uni & ferré. On leur donnera à la broffe deu£
ou trois couches de cire diffoute dans le double de
fon poids d’effence de térébenthine, ou dans la même
quantité de vernis blanc le moins gras ; on laiffera
fécher chaque couche féparément : quand la dernière
fera feche, on préfentera la toile à un brafier
ardent, afin qu’elle s’imbibe de cire. On pourra auffi
la cirer Amplement fans effence ni vernis, en la fai-
fant chauffer. On peut encore coller du papier fur la
toile, le poncer, 8c donner l’apprêt de cire, de maniéré
qu’elle pénétré la toile & le papier. Cette façon
eft bonne pour les ouvrages d’un grand fini.
Si l’on peint fur plâtre ; pour que la couleur prenne
& ne s’écaille point, il faut lui donner un enduit
de cire comme à la toile, mais plus fort. On en fera
autant pour la pierre.
M. de Caylus avertit que fa troifieme maniéré dépeindre
peut auffi être pratiquée fur le plâtre & la
pierre , en obfervant d’en boucher les pores contre
l’humidité 8c l’embue de la cire ; 8c cela avec un
vernis gras liquéfié dans l’effence de térébenthine :
quand cet enduit fera fe c , on mettra l’enduit de cire
auffi diffoute dans l’effence de térébenthine, ou dans
le vernis blanc le moins gras ; on le laiffera fécher
enfuite l’on peindra à l’eau avec les couleurs dont
on ufe communément à l’huile, 8c on fixera la pein-*
ture avec le réchaut de doreur.
Si l’on veut appliquer un blanc d’oeuf fur les tableaux
en cire, on commencera par les laver légèrement
à l’eau pure, avec une broffe à peindre,
neuve & très-propre, jufqu’à ce que l’eau ait pris
par-tout. On en ôtera le fuperflu avec un linge doux
8c humide ; & avant que le tableau foit fe c , on
étendra le blanc-d’oe uf, comme on le pratique fur
les tableaux à l’huile.
La peinture en cire n’a point de luifans ; c ’eft un
de fes^ avantages. Si cependant on vouloit lui donner
l’éclat du vernis, on pourroit en faire un avec
l’efprit-de-vin & le maftic. Cette ré.fine qui eft fo-»
lüble dans l’effence de terebenthine , n’empêche
point la retouche du tableau : mais le blancrd’oeuf
vaut mieux.
Pour retoucher les tableaux & y mettre l’accord
dans toutes ces manières, on pourra fe fervir des
couleurs préparées au vernis. M. de Caylus les préféré
même aux couleurs à l’huile, pour reftaurer les
vieux tableaux.
Enfin il laiffe au tems à juger de tous ces genres
de peinture, 8c de leur folidité refpeéliye. Mais dès
à-préfent il a bien lieu d’être content de fes recher- 1
ches ; il a travaillé à étendre les limites de l’art : 8c
je ne fais pourquoi le public n’a pas fait plus d’accueil
au mémoire oii il les lui communique : feroit-ce
qu’en fait d’arts on a des yeux pour voir, 8cde l’avidité
pour jouir, mais trop de pareffe pour s’ipf-.
truire}
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