544 EM A font recourbés par le bout qui dirige le vent dans le
corps de la-flamme de la lampe. Le trou dont ils font
percés à ce bout eft affez petit. Il s’aggrandit à l’ufer,
mais on le rétrécit au feu de la lampe même, en le
tournant quelque tems à ce feu. Il faut avoir plu-
fieurs de ces tuyaux, qui font la fonâion de chalumeaux
, afin d’en rechanger quand il en eft befoin :
-on les appelle porte-vents.
Afin que l’ouvrier ne foit point incommodé de
l’ardeur de la lampe , il y a entre la lampe & lui im
morceau de bois quarré, ou une platine de fer-blanc,
qu’on appelle un éventail. L’éventail eft fixé dans l’é tabli
par ■ une queue de bois, & l’ombre en eft jettée
fur le vifege de l’ouvrier.
La lampe eft de cuivre ou de fer-blanc. Elle eft
compofée de deux pièces ; l’une, qu’on nomme la
boîte, & l’autre, qui retient le nom de lampe : cette
derniere eft contournée en ovale ; fa furface eft plate
, fa hauteur eft d’environ 2 pouces, ôc fa largeur
d’environ 6 pouces.C’eft dans fa capacité qu’on verfe
l ’huile & qu’on met la meche. La meche eft un gros
faifeeau de coton ; c’eft de Fhuile de navette qu’on
brûle. La boîte dans laquelle la lampe eft contenue,
ne fert qu’à recevoir l’huile que l ’ébullition caufée
par la chaleur du feu pourroit faire répandre. Une
piece quarrée d’un pouce de hauteur, fbûtient & la
boîte & la lampe. Voye^ cette lampe dans nos figures
d'Emailleur.
Il eft très-à-propos qu’il y ait au-deffus des lampes
un grand entonnoir renverfé, qui reçoive la fumée
& qui la porte hors de F attelier.
Ôn conçoit aifément qu’il faut que l’ attelier de l’é-
mailleur à la lampe foit obfcur, & ne reçoive point
de jour naturel, fans quoi la lumière naturelle éclip-
feroit en partie la lumière de la lampe , & l’ouvrier
n’appercevant plus celle-ci allez diftinétement, ne
travaiileroit pas avec affez de fureté.
L’attelier étant ainfi difpofé & garni de plufieurs
autres inftrumens dont nous ferons mention ci-après,
il s’agit de travailler. Nous n’entrerons point dans le
détail de tous les ouvrages qu’on peut former à la
lampe : nous avons averti plus haut, qu’il n’y avoit
aucun objet qu’on ne pût imiter. Il fuffira d’expofer
la manoeuvre générale des plus importuns.
Les lampes garnies 8c allumées, & le foufflet mis
en aôion, fi l’émailleur fe propofe de faire une figure
d’homme ou d’animal, qui foit folide, & de quelque
grandeur, il commence par former un petit bâti
de-fil-d’archal ; il donne à ce petit bâti la difpofition
générale des membres de la figure à laquelle il fer-
vira de foûtien. Il prend le bâti d’une main, & une
baguette d'émail folide de l’autre : il expofe cet émail
à la lampe ; & lorfqu’il eft fuflifamment en fufion,
il l’attache à fon fil-d’archal, fur lequel il le contourne
par le moyen du feu, de fes pinces rondes
& pointues, de fes fers pointus, & de fes lames de
canif, tout comme il le juge à-propos; car les émaux
qu’il employé font extrêmement tendres, & fe modèlent
au feu comme de la pâte : il continue fon ouvrage
comme il l’a commencé, employant & les
émaux, & les verres, & les couleurs, comme il convient
à l’ouvrage qu’il a entrepris.
Si la figure n’eft pas folide, mais qu’elle foit creu-
fe , le bâti de fil-d’archal eft fuperflu : l’émailleur fe
fert d’un tube d'émail ou de verre creux, de la couleur
dont il veut le corps de fa figure ; quand il a fuffi-
lamment chauffé ce tube à la lampe, il le foufïïe ; l’ha-
léine portée le long de la cavité du tube jufqu’à fon
extrémité qui s’elj: bouchée en fe fondant, y eft arrêtée
, diftend ¥ émail par l’effort qu’elle fait en tout
fens, &t le met en bouteille : l’émailleur, A l’aide du
feu & de fes inftrumens, fait prendre à cette bouteille
:1a forme qu’il juge â-propos; ce fera, fi l’on
-yeut, le corps d’un cygne Uorîque fe corps de Foi-
E M A
feau eft formé, il en allonge & contourne le cou ; il
forme le bec ôc la queue ; il prend enfuite des émaux
folides de la couleur convenable , avec lefquels il
fait les y e u x , il ourle le b e c , il forme les ailes &
les pattes, & l’animal eft achevé.
Une petite entaille pratiquée avec le couperet à
l’endroit oîi le tube commence & la piece finit, en
détermine la féparation ; ou cette féparation fe fait
à la lampe, ou d’un petit coup.
Ce que nous venons de dire eft applicable à une
infinité d’ouvrages différens. Il eft incroyable avec
quelle facilité les fleurs s’expédient. On fe fert d’un
fil-d’archal, dont l’extrémité fert de foûtien ; le corps
de la fleur 8c fes feuilles s’exécutent avec des émaux
8c des verres creux ou folides, & de la couleur dont
il eft à-propos de fe fervir félon l’efpece de fleur.
Si Fon jette les yeux fur un attelier d’émailleur com-
pofé d’un grand nombre de lampes Sc d’ouvriers, on
en verra, ou qui foufflent des bouteilles de baromètre
8c de thermomètre, ou dont la lampe eft placée
fur le bout de l’établi, 8c qui tenant la grande pince
coupante, lutent au feu 8c féparent à la pince des
vaiffeaux lutés hermétiquement ; ou qui expofant au
feu une bande de glace de miroir filent l’aigrette ;
l’un tient la bande de glace au feu, l’autre tire le fil
8c le porte fur le dévidoir, qu’il fait tourner de la
plus grande vîteffe, & qui fe charge fucceflivement
d’un écheveau de fil de verre d’une fineffe incroyable
, fans qu’il y ait rien de plus compofé dans cette
opération que ce que nous venons d’en dire (voyeç
l'article D uctilité). Lorfque l’écheveau eft formé
, on l’arrête 8c on le coupe à froid de la longueur
qu’on veut : on lui donne communément depuis dix
pouces jufqu’à douze. On fe fert pour lé couper de
la lime ou du couperet, qui fait fur Fémail l’effet du ’
diamant ; il l’entaille légèrement, 8c cette entaille
legere dirige fûrement la caffure, de quelque grof-
feur que foit le filet. Voyt{ Verbe.
Tous les émaux tirés à la lampe font ronds ; fi Fon
veut qu’ils foient plats, on fe fert pour les applatir
d’une pince de fer dont le mords eft quarré : il faut fe.
fervir de cette pince, tandis qu’ils font encore chauds.
On verra d’autres ouvriers qui fouilleront de la
poudre brillante. Le fecret de cette poudre confifte
à prendre un tuyau capillaire de verre ; à en expo-
fer l’extrémité au feu de la lampe, enforte qu’elle fe
fonde 8c fe ferme, 8c à fouffler dans le tube : l’extrémité
qui eft en fufion forme une bouteille d’un fi
grand volume, qu’elle n’a prefque plus d’épaiffeur.
On laiffe refroidir cette bouteille, & on la brife en
une infinité de petits éclats : ce font ces petits éclats
qui forment la poudre brillante. On donne à cette
poudre des couleurs différentes, en la compofant des
petits éclats de bulles formées de verres de différentes
couleurs.
Les jayets faétices dont on fe fert dans les broderies
, font aufli faits d'émail. L’artifice en eft tel, que
chaque petite partie a fon trou par oii la foie peut
paffer. Ces trous fe ménagent en tirant le tube creux
en long. Quand il n’a plus que le diamètre qu’on lui
veut, on le coupe avec la lime ou le couperet. Les
maillons dont on fe fert dans le montage des métiers
de plufieurs ouvriers en fo ie , ne fe font pas autrement.
On fait avec Fémail des plumes avec lefquelles on
peut écrire & peindre. On en fait aufli des boutons :
on a des moules pour les former, 8c des cifeaux pour
les couper.
On en travaille des yeùx artificiels, des cadrans
de montre, des perles fauffes. Dans un attelier de
perles foufflées, les uns foufflent ou des perles à olive
, ou des perles rondes ; d’autres des boucles d’oreille
, ou des perles baroques. Ces perles paffent des
mains de Fémailleur, entre les mains de différentes
ouvrières;
E M A
Ouvrières ; leur travail eft de fouffler la couïeûr d’é-
caille de poiffon dans la perle ; de faffer les perles
dans le carton, afin d’étendre la couleur au-dedans
de la perle ; de remplir la perle de cire ; d’y paffer
un petit papier roulé ; de mettre les perles en collier,
&c. Voyez ce travail à l'article P e r l e . Voye^
aujji nos Planches d.'Emailleur.
Lorfque Fémailleur travaille, il eft aflis devant fa
table, le pié fur la marche qui fait hauffer 8c baiffer
le foufflet, tenant de la main gauche l’ouvrage qu’il
veut émailler, ou les fils-dè-fer ou de laiton qui ferr
viront de foûtien à fa figure, conduifant de la main
droite le fil d'émail amolli par lé feu de la lampe, 8ç
en formant des ouvrages avec une adreffe & une patience
également admirables.
Il eft très-difficile de faire à la lampe de grandes
pièces ; on n’en voit guere qui paffent quatre, cinq,
fix pouces. ,
Nous ne finirons pas cet article, fans indiquer un
ufage affez important de la lampe de Fémailleur ; c’eft
de pouvoir facilement y réduire une petite quantité
de chaux métallique, ou y effayer une pareille quantité
de minéral. Pour cet effet il faut pratiquer un
creux dans un charbon de bois , y mettre la chaux
à réduire, ou la matière à fondre , 8c faire tomber
deffus la flamme de la lampe. On voit que c’eft encore
un moyen très-expéditif pour fouder.
* Email , (Anat.) L'émail de la dent eft une matière
tout-àrfait différente de l’os ; il eft compofé d’une
infinité de petits filets qui font attachés fur l’os
par leurs racines, à-peu-près comme les ongles 8c
les cornes. On diftingue très-facilement Yémail dans
une dent caffée ; on y voit tous cés filets prendre leur
origine vers la partie de l’os qui toiiehe la gencive,
s’incliner vers l’o s, 8c fe coucher les lins fur les autres
, de maniéré qu’ils font prefque perpendiculaires
fur la bafe de la dent; par ce moyen, ils réfiftent
davantage à l’effort. M. de la Hire le fils a obfervé
que 4ans les adultes l’os de la dent ne croît point,
mais feulement Y émail; il eft perfuadé que les filets
de cet émail s’étendent comme ceux des ongles. Si
Y émail d’une dent fe détruit, l’os fe carie, 8c la dent
périt. Voye[ D en t . Vqye£ les mémoires de Vacadémie,
ann. 16^9.
Email , terme de Blafon, qui fe dit de la diverfitè
des couleurs 8c des métaux dont un écu eft chargé.
Les métaux font or & argent ; & les couleurs>,
azur, gueules, finople, pourpre, éc fable. On repre-
fente ces fept émaux fur les tailles - douces * par fe
moyen des hachures. L’or eft pointillé, 8c l’argent
tout blanc ; l’azur qui eft bleu, eft repréfenté par
des traits tirés horifontalement; le gueules, qui eft
rouge, par des traits perpendiculaires ; le finople ou
le verd, par des traits diagonaux de droite à gauche ;
le pourpre , dont on fe fert pour les raifins, les mures
& quelques autres fruits, par des traits diagonaux
de gauche à droite ; & le fable, qui eft noir, par des
traits croifés. Les émaux du Blafon font venus des
anciens jeux du cirque, qui ont paffé aux tournois,
oit le blanc, le blèu, le rouge, & le verd, diftin-
guoient les quadrilles les uns des autres. Domitien,
au rapport de Suétone, y en ajoûta une cinquième
vêtue d’o r, 8c une fixieme habillée de pourpre. Le
fable eft venu des chevaliers qui portoient 1e deuil.
Voye[ Blason.
EMAILLER, travailler en émail : ce mot fe dit
aufli pour lignifier peindre en émail.
EMAILLEUR, f. m .{Art méch.) ouvrier qui travaille
en émail, qui en couvre & orne les métaux,
ou qui en fait à la lampe plufieurs fortes d’ouvrages
curieux.
Le titre d ’'Emailleur en général convient à plufieurs
fortes de perfonnes, aux Orfèvres & Joailliers
, qui montent les pierres précieufes ; aux Lapi-
Tom e V.
Ë M A INI
claires ; qui les contrefont avec les émaux ; 8c aux
Peintres, qui peignent en mignature fur l’émail, Ô£
qui font cuire leur ouvrage au feu.
Mais .les Emaillcurs proprement dits , font ceux
qu on appelle Patenôtriers ÔC Boutonniers en émail.
Ces derniers ont compofé pendant fort long-tems
une communauté particulière ; mais ils font à-pré-
fent corps avec les maîtres Verriers-Fayenciers, à
qui ils Ont été unis.
L’édit de leur éreÔion en corps de jurande a été
donné en 1566 par Charles IX. & enregiftré la même
année. En 1599, Henri IV. confirma leurs fta-
tuts, 8c y ajoûta quelques articles. Enfin Louis XIV.
reunit les deux communautés des Emailleurs ôc des
Verriers, pour ne faire à l’avenir qu’un feul 8c même
corps, faiis cependant déroger à leurs ftatiits.
Les ftatuts de l’édit de Charles IX . contiennent
vingt articles , 8c l’augmentation accordée par les
lettres patentes d’Henri IV. trois autres;
Par l’édit, les maîtres n’avoiënt qiie la qualité de
Patenôtriers 8c Boutonniers en émail ; fes lettres y.
ajoûtereftt 1e verre & le cryftallin.
La communauté eft régie par quatre jurés 9 dont
deux s’élifent par année;
Pour être reçu maître, il faut avoir fait cinq ans
8c huit joilrs d’apprentiffage ; 8c après une information
préalable de vie 8c moeurs, un apprenti eft ad-,
mis au chef-d’oeuvre.
Chaque maître ne peut avoir qu’iin feul apprenti
à la fois;
Les veuves reftant en viduité, joüiffent du privilège
de leur défunt mari ; à l’exception des apprentis
qu’elles ne peuvent pas engager, mais bien fes
continuer;
Les veuves 8c les filles de maîtres donnent la fran-i
chife aux apprentis qu’elles époufent.
Les; maîtres de la communauté peuvent faire toute
forte de patenôtres, boutons d’émail, dorures fur,
verre 8c émail, pendans d’oreille jolivetés, & autres
ouvrages Semblables, avec émail, canon, 8e
cryftallin paffant par le feii 8c fourneau.
Iis peuvent aufli enfiler toutes ceintures, carcans,1
chaînes, colliers, braffelets, patenôtres, 8c chapelets
, des mêmes matières & de pareille fabrique, 6c
même fes enrichir & orner d’or ÔC d’argent battu ÔC.
moulu.
En 1706, les Emailleurs furent unis avec les Verriers
; & il fut réglé que pendant les dix premières
années les quatre jurés fetoient élus ayec égalité
c’eft-à-dire de façon qu’il y auroit deux émailleurs 6c
deux verriers ; 8c qu’après fes dix ans expirés, l’é-!
leâion feroit entièrement libre, & fe feroit à la pluralité
des voix»
Au moyen de cèfte union, ils ont tous également
la qualité de maîtres Emailleurs, Patenôtriers, Boutonniers
en émail•, verre, 6c cryftallin, marchands
Verriers, Couvreurs de flacons & bouteilles en ofier,'
fayence, 8c autres efpeces de verres de la ville 6c
fauxbourgs de Paris. Voye[ les règlement de commu*-
nautés ,6 ’ le diSionn. de Comm.
EMAILLURE, f. f. (Art méch.') terme qui figni-,
fie Y application de l'émail fur quelque autre matière. Il
fe dit fort bien aufli de l’ouvrage même qu’on a
émaillé. Voyelles articles Email & Emailler.
Emaillüres , (Vénerie.) fe dit des taches rouffes;
qu’on voit fur les pennes de l’oifeau de proie.
EMANATIONS, f. f. pi. (Phyf.) on appelle ainfî
des écoulemens, ou exhalaifons de particules ou de
corpufcules fubtils, qui fortent d’un corps mixte par,
une efpeee de-tranfpiration. Voye{ T r a n s p ir a t
i o n . Ce mot vient du latin manare ou emartare,
émaner, fortir.
Il eft certain qu’il fort de pareilles émanations des
corps qui nous environnent ; par exemple, que les;
Z. z z
*