d'étudier ces Toftes de deffeins des grands maîtres,
& fur-tout de ceux qui ont réuffi dans la partie de
la compofition. . ..
Mais pour tirer de cette étude un avantage loli-
<Je, il faut, lorfqu’on eft à portée de le faire, comparer
enfemble les différentes efquijfes que les célébrés
artiftes ont fait fervir de préparation à leurs
ouvrages : il eft rare qu’un .peintre de génie fe foit
borné à une feule idée pour une compofition. Si
quelquefois la première a l’avantage d’être plus chaude
& plus brillante, elle eft fujette auffi à des défauts
inféparàbles de la rapidité avec laquelle elle a ete
conçue ; Yejquijfe qui luivra ce premier deffein offrira
les effets d’une imagination déjà modérée ; les autres
marqueront enfin la route que le jugement de
l’artifte a fuivie, & que le jeune éleve a intérêt de
découvrir. Si après ce développement d’idées que
fourniffent différentes efquijfes d’un grand maître,
on examine les études particulières qu’il a feites fur
la Nature pour chaque figure, pour chaque membre
, pour le nud de ces figures, & enfin pour leurs
draperies, on découvrira la marche e/itiere du génie,
& ce qu’on peut appeller l’efprit de l’art. C eft
ainfi que les brouillons d’un auteur célébré pourvoient
fouvent, mieux que des traites, montrer dans
l’Eloquence & dans la Poéfie les routes naturelles
qui conduifent à la perfeâion.
Pour terminer la fuite d’études & de réflexions
que je viens d’indiquer , il eft enfin neceffaire de
comparer avec le tableau fini, tout ce que le peintre
a produit pour parvenir à le rendre parfait. Voilà
les fruits qu’on peut retirer, comme artifte, de 1 e-
xamen raifonné des efquijjes des grands maîtres ; on
peut auffi, comme amateur, trouver dans cet examen
une fource intariffable de réflexions différentes
fur le cara&ere des Artiftes, fur leur manière, & fur
une infinité de faits particuliers qui les regardent :
on y voit quelquefois, par exemple, des preuves de
la gêne que leur ont impofée les perfonnes qui les
ont employés, & qui les ont forces à -abandonner
des idées raifonnables pour y fubftituer des idees
abfurdes. La fuperftition ou l’orgueil des princes &
des particuliers ont fouvent produit par la main des
Arts, de ces fruits extravagans dont il feroit injufte
d’accufer les artiftes qui les ont fait paroître. Dans
plufieurs cômpofitions , l’artifte pour fa juftification
auroit dû écrire au bas: j'a i exécuté ; tel prince a ordonné.
Les connoiffeurs & la poftérité feroient alors
en état de rendre à chacun ce qui lui feroit dû, & de
pardonner au génie luttant contre la fottife. Les efquijfes
produifent, jufqu’à un certain point, 1 effet
de l’infcription que nous demandons.
L’on y retrouve quelquefois la compofition fimple
& convenable d’un tableau , dans 1 execution duquel
on a été fâché de trouver des figures allégoriques
, difparates, ou des affemblages d’objets qui
n’étoient pas faits pour fe trouver enfemble. Le tableau
de Raphaël qui repréfente Attila , dont les
projets font fufpendus par l’apparition des apôtres
S. Pierre & S. Paul, en eft un exemple. Il eft peu
de perfonnes qui ne fâchent que dans l’exécution
de ce tableau, qui eft à Rome, au lieu de S. Leon,
Léon X . en habits pontificaux, accompagné d’un
cortège nombreux, fait la principale partie^ de la
compofition. Un deffein du cabinet du Roi difculpe
Raphaël de cette fervile & baffe flaterie, pour laquelle
&C la grandeur du miracle, & la convenance
du fujet, & le cojlume, & les beautés de l’art même
ont-été facrifiés.
Le deffein repréfente une première idée de Raphaël
fur ce fujet qui eft digne de lui; il n’y eft point
queftion de Léon X. de fa reffemttlance, ni de fon
cortège ; S. Léon même n’y paroît que dans l’éloi-
gnemern ; l’aâion d’Attila, l’effet que produit fur lui
& fur les foldats qui l’accompagnent, l’apparitioif
des apôtres eft l’objet principal de fon ordonnance ,
& la palîion intéreffante qu’il le propofoit d’exprimer.
Mais c’en eft allez, ce me femble, pour indiquer
les avantages qu’on peut tirer de l’étude & de
l’examen des efquijjes ; il me refte à faire quelques
réflexions fur les dangers que préparent aux jeunes
artiftes les attraits de ce genre de compofition.
La marche ordinaire de l’art de la Peinture eft telle
, que le tems de la jeuneffe, qui doit être deftiné
à l’exercice fréquent des parties de la pratique de
l’art, eft celui dans lequel il femble qu’on foit plus
porté aux charmes qui naiffént de la partielle l’el-
prit; c’eft en effet pendant le cours de cet âge que
l’imagination s’échauffe aifément, c’eft la failon de
l’enthôufiafme , c ’eft le moment ou 1 on eft impatient
de produire, enfin c’eft l’âge des efquifes; aüfli
rien de plus ordinaire dans les jeunes éleves, que le
defir & la facilité, de produire des ef quijfes de com-
pofition, & rien de fi dangereux pour eux que de-fe
livrer avec trop d’ardeur à ce penchant. L’indécifion
dans l’ordonnance, l’incorrefrion dans le deffein ,
l’averfion de terminer, en font ordinairement la fuite
; & le danger eft d’autant plus grand, qu’ils font
prefque certains de féduire par ce genre de compo-
tion libre, dans lequel le fpeÛateur exige peu, &
fe charge d’ajoûter à l’aide de fon imagination tout
ce qui y manque. Il arrive de-là que les defauts prennent
le nom de beautés ; eri effet, que le trait par lequel
on indique les figures d’une efquijfe foit outre ,
on y croit démêler une intention hardie & une ex-
preflion mâle ; que l’ordonnance foit confufe & chargée
, on s’imagine y voir briller le feu d’une imagination
féconde & intariffable : qu’arrive-t-il après
ces préfages trompeurs ou mal expliqués ? l’un dans
l’exécution finie offre des figures eftropiées, des ex-
preffions exagérées ; l’autre ne peut fortir du labyrinthe
dans lequel il s’eft embarraffé ; le tableau ne
peut plus contenir dans fon vafte champ le nombre
d’objets que Y efquijfe promettoit, & les artiftes réduits
à fe borner au talent de faire des efquijjes n’ont
pas tous les talens qui ont acquis à la Fage & au
Parmefan une réputation dans ce genre.
L’artifte -ne doit donc faire qu’un ufage jufte &
modéré des efquijjes ; elles ne doivent être pour lui
qu’un fecours pour fixer les idées qu’il conçoit ,
quand ces idées le méritent. Il doit le precaution-
ner contre la féduftion des idées nombreufes, v a gues
, & peu raifonnées que préfentent ordinairement
les efquijjes; & plus il s’eft permis d’indépendance
en ne le refufant rien de ce qui s’eft préfenté
à fon efprit, plus il doit faire un examen rigoureux
de ces productions libertines lorfqu’il veut arrêter
fa compofition ; c’eft par les réglés de cette partie
de la Peinture, c’eft-à-dire par les préceptes de la
compofition, & au tribunal de la raifon & du jugement,
qu’il verra terminer les indécifions de l’amour
propre, & décider du jufte mérite de fes efquijjes«
Cet article ef de M. WateleT.
■ E S Q U IV E , en terme de Raffineur en fucre, c’eft
proprement la terre dont on a couvert les pains, qui
a perdu fon eau, s’eft de fromage. Tourner raffermie, & forme une efpece Yefquive, c’eft la mettre l'ens-
dperoffduus i-t dle’effffoeuts q quu’oann de ne lalett enn’ad opiat.s la première fois Voyc^ Terre.
ESSAI, f. m. (Gram.) épreuve que l’on fait pour
juger fi une chofe eft de la qualité dont elle doit être.
Ce terme eft fort ufité dans le Commerce , & particulièrement
dans celui des denrées qui fe confom-
ment pour la nourriture. On dit en ce fens : donnez-
moi un ejfai de cette huile ; fi je fuis content de cet
ejjai de fromage, j’en envoyerai prendre telle quantité
, &c. (G ) , . «
Essai , (Littéral.) ce mot employé dans le t\trq
de plufieurs ouvrages, à differentes acceptions ; il
lë dit ou dés ouvrages dans lefquels l’auteur traite
ou effleure differens fujets, tels due les effàis de Montaigne
, ou des ouvrages daris lefquels l’auteur traité
un fujet particulier , mais fans prétendre l’âpprofon-
dir, ni l’épüifer, ni enfin le traiter èft' forme 6c aveC
tout le détail & toute la difcuffion que la matieré
peut exiger; Un grand nombre d’ouvrâges modernes
portent le titre d'ejfai; eft-ce modëftie de la part
desâiiteurs? ëft-ce une juftice qu’ils fe rendent?
C ’çft aux leCteùrs à en juger. (O)
Essai , (Chimie métailürgiqùè.) examen d’un minéral
, dans lequel on â pour but dé connoître lès
différentes fubftàricès qui entrent dans fa cofnpofi-
tion, & la quantité en laquelle elles y font contenues.
Telle èft l’acception particulière de ce nom en
Chimie, où bn l’employe encore daris un fens plus
général, pour dëfignèr une expérience faite fur un
objet de l’un des trois régnés, f oit pour connoître la
qualité des matières dont il eft corripofé, cë qui conf-#
titue la Chimie analytique; foit pour favoir la quantité
de chacune d’elles , condition qui cara&érife
proprement Y ejfai dés minéraux, & le diftingue de
toute autre opération chimique, à l’exception pourtant
de celles de la Métallurgie, avec laquelle il fe
trouveroit confondu par quelque endroit, fi l’on n’a-
joûtoit à fa définition qu’il fe fait fur de très-petites
quantités de matières, & avec un appareil, qui, en
iriêriie tenis qu’ il eft le plus en petit qu’il fe puiffe,
répond au deffein qu’on a de connoître avec la plus
grànde exactitude les proportions des fubftances' du
corps examiné , au lieu que dans la Métallurgie les
travaux fe font fi en grand qu’il peut en réfulter de
très - gros bénéfices. Il fuit de Ce que nous venons
d’expofer, que les opérations des effàis ne font autre
chofe que i’analyfe chimique.de certains corps, à laquelle
on appliqué le calcul. Leur point dë réunion,
ou plqtôt ces mêmës opérations raffemblées en un
corps de doétrine prennent lè nom de Docimàfiique
ou Docimajie, qui fignifie art des effàis, art purement
chimique, quoiqu’il-puiffe être ilolé par 1’èxercjce,
de fa fource comme les autres branchés qui partent
du même tronc, telles que la Teinturê, la Peinture
en émail, là Métallurgie, &c. il eft vrai que là plupart
des auteurs ne l’ont pas toujours regardé fous
ce point de; vue ; c’eft un reproche que l’on pèut faire
en particulier,à M. Cramer. Cet illüftre artifte, tout
éclairé qu’il e ft, tombe là-deffus dans des contradictions
perpétuelles. S’il eût été bien convaincu que
la Docimaftique n’eft qu’une branche de la Chimie,
comme il l’avance au commencement de fà préface,
il n’eût pas intitulé fon livre cUmens de l'art des effàis,
félon la judicieufe remarque de M. Rouelle ; parce
que les ëlémens dé cet art doivent être puifés dans
la Chimie, & ne font en effet que cette feièneè elle-
même , dont les ejfais ne different qu’en ce qü’ôn y
employé lé calcul,' & quelques inftrumens particuliers
néceffaires à fon exactitude. Il ne fe fut pas cru
obligé de mettre à la tête de fon livre une théorie,
qui n’en eft point une, puifqu’elle ne confifte prefque
qu’en une defeription des minéraux, qui appartient
à FHiftoire naturelle > dont l’étude doit précéder
celle de la Chimie ; d’inftruméns, dont le plus
grand nombre n’appartient qu?à la Chimie ; d’opérations
, dont deux ou trois feulement font ftrifte-
mént tes,ejfais, &c. Il éût fuppofé, comme il le de-
vpit, que ceux qui vouloient exercer l’art tes êjfiis,
dévoient apporter à cette étude la connoiffance pré-,
liminaire del’Hiftoire naturelle & dé la Chimie, fans
entrer dans un détail de ces fciences, qùi ne peut
êfre d’aucune utilité aux commençant parce qu’il y
eft trop abftrait, 6c dont peuvent très-bien fe paffer
ceux qui favent la Chimie, parce qu’ils n’y trouvent
prefque' rien de neuf ; avec ces difpofitions if eut
abrégé ririe bonne partie de ce qu’il appelle fa théorie,
& eût pu s’étendre davantage du côté de la pratique
, quoiqu’il foit affez complet de ce côté là, &
qu’ôri n’y VDle autre chofe qu’une efpece d’affectation
à në lui vouloir donrier pas plus d'étendue
qu’à fa théorie. Cependant ces légers défauts font
effacés par mille bonnes chofés qui feront toujours
èftimër’ fbn ouvragé, cömme le premier que nous
ayons en cè genre.
Avant Agricola , la docimaftique dont Kiefling
, attribue l’invention au travail des mines, n’avoit
èxiftéque dans les laboratoires. Perfonne n’en avoit
rien écrit ; lès auteurs ne faifoient que la nommer :
ainfi elle në fe communiquoit pour lors que par l'expérience,
& elle paffoit du maître à l’éleve fahs que
perfonne fongeât à la tranfmettre autrement ; fans
douté faute de modele à fuivre dans ce genre. C’eft
lui qui le premier en a faifi l’efprit, & à qui l'on a
l’obligation d’avoir comme tiré du chaos ce qu’ori.
peut appeller la bafe de la Métallurgie. Auparavant ,
ceux qui cultivoient les ejfais étôient les mêmes qui
exerçoiënt la Métallurgie, comme cela fe pratique
encore prefque par-tout : car unè fonderie ne va jamais
fahs un laboratoire d'ejfais ; & l’on çonnoiffoit
feulement fi une roche cbritenôi'f une matière métallique
ou non, fi elle recevoîf plufieurs métaux,
bùs’il n’y eri avoit que pour un féul,& quelle enétoit
à-peu-près la quantité ; on favoit féparer les' parties
qui contenoient le métal, d’àvéç celles qui n’eri don-
noient point; & parmi celles-là, on diftinguoit les
plus riches : fans quoi l’on auroit rifqué de dépenfer
inutilement des fommes immenfes pour mettre fur
pié les travaux de Métallurgie. Les Artiftes occupés
de cette fcience aujourd’hui, në different nullement
de ceux qui exiftoient du tems d’Agricola ; M. Cramer
leur fàit ïè même reproche que cet auteur, ÔC
attribué à cêftè négligence l'ignOrance où l’on eft fur
la nature dé la plupart dès minéraux. Mais comment
donner le goût des belles çoriripiffànces à des gens
dont l’intérêt eft l’unique mobile , & qui n’en ont
d’ailleurs nulle idée, ou à qui' le défaut d’éducation
interdît çétte âcqüifitiori ß
Les auteurs qui font venus âpres Agricôla , ont
përfeétîonné ce qu’il n’àvoit'pour ainfi dire qu’é-
bâuch'é. On eft princip'âlemènt rédèvablë du degré
de perfeftion où cët aYt ä été porté dé nos jours par
MM. Cràmér & Geüéft fon ttàdufteur allemand, à
Lazare Ercker, Modéftin Fachs, à Shindler que l’il-
luftre Stahl appelle ingénieux à jufte titré, à' Stahl
lu i-mêmé à Junckér, à Kiefling, & à Schluttèr.
On ne fait àÙcürie mention dés* autres qui ont écrit
fur cetté matière, quoiqu’en affez grand nombre;
parce qu’ils n’ont rien àjoûté à’ céux qui les ayoiënt
précédés , ainfi que le remarque M. Cramer, f^oye^
D o c im a SIé. Ercker étoit premier éffâyeur dé l’empiré
d’Allêmàgne ; Modéftin Fachs étoit éffaÿeur des
minéraux du prince d'Annalt en Saxe : fon ouvrage
a été imprimé à Léipfiçk en i 567, 6C a eii plufieurs
éditions. L’ouvragé de Sfiiridlër porte pour titré j
traité des ejfais celui dé' Kiêflihg eft intitulé, relatio
practica de arte probqtbrif minerdlium. & .métallorüm «
Léipfiçk 17 4 z ; ilfi’â'faitqùërrîèttrëenordre&augf
menter les leçons de Jean Sçhmieder prôtefleûr dânâ
le laborâVôire'dé fa màjéfte pblonôife, âpresfies àvoir
confirmées de lei propres experiéncés. L’ôfiyragê
de Geilèft à pour titre-,' ''âifml-^elàlBr^qiie Leip-
fick 1759 ; il èft lcrûpüleüfëmenf divife l comme
celui dë M. Cràmér, ëh .deux parties vTa ^rémierë
théoriqpë , & la féconde pratique. Quant au livre
dé Schlutter ,, dônt là fràdûfnôn françoife- vient
d’être publiée par M. Héllot, îr èft entré jes mains
de- tout le mondé, ainfi .que* celui de M. Cramer
dont j’ai donné la traduction depuis quelque“ tems.
Le traité de Stâhl fé trouvé dans fes opûfcùles : ce