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^retiennent la famé, qui produifent les maladies-, félon
les diverfes difpofitions des folides entr’eu x, &
•relativement aux fluides. Les réflexions-, fur ce fu-
jet , femblent juftifier la théorie des anciens médecins
méthodiques, qui vouloient faire dépendre 1 e-
xercice réglé ou vicié de-toutes les fonétions, de ce
qu’ils appelaient leJlriclum & le laxum ; ils ne fe font
vraiflemblablement écartés de la vérité a cet egard,
que pour-avoir voulu tout attribuer à la difpofition
des folides , fans reconnoître aucun vice effentiel
dans les fluides. Baglivi a trop fait dépendre l'équilibre
, qu’il avoit juftement entrevu dans le corps
animal, du mouvement fyftaltique, qu’il attribuoit
aux membranes du cerveau; mais en ramenant cette
théorie aux vrais avantages que l’on peut en tirer ,
elle peut fournir de grandes lumières dans l’etude de
la nature & de fes opérations, dans l’état de la fante
& dans celui de maladie ; par exemple, a 1 egard de
la diftribution des différentes humeurs dans toutes
les parties du corps , du méchanifme des fecrerions
en général, de l’influence du poids de l’air & de fes
autres qualités, du chaud, du froid, du fe c , de l’humide
, &c. fur le corps humain, fur les poumons principalement
, des évacuations critiques & fymptoma-
tiques , des métaftafes, &c. Voye{ fur ce fiujet ^frtl~
cle MÉTHODIQUE, Profper Alpin , de medccinâ me-
thodicâ , & les oeuvres de Baglivi. Si l’on admet l’importance
des réfultats, qui dérivent des obfervations
fur l’équilibre dans l’économie animale , tel qu’on
vient de le repréfenter , on ne peut pas refufer de
convenir qu’elles doivent être aufli d’une très-grand
utilité dans la pratique medecinale, pour établir les
indications dans le traitement des maladies, & pour
diriger l’adminiftration de la plupart des remedes,
comme les évacuons , dérivatifs , révulfifs, fortifions ,
relâchons, anodyns, narcotiques, antifpafmodiques , &
autres qui peuvent produire des effets relatifs à ceux-
là. Voye{ ces mots & les articles qui ont rapport à
celui qui vient d’être terminé, tel que Fibre, Fluxion
, Relâchement , Spasme , &c. (</)
EQUILIBRE, terme de Peinture. Omne corpus , niji
extrema fefe undique contineant, librenturque ad cen-
trum , collabatur ruatque necejfe eji : voilà un paflage
qui me paroît définir le terme dont il s’agit ici ; & j ef-
pere qu’une explication un peu detaillee de ce texte,
& un précis de ce que Léonard de Viney dit fur cette
partie dans fon traité de la Peinture, fuffiront pour en
donner une idée claire. Pomponius Gaurie qui a com-
pofé en latin un traité de la Sculpture, eft l’auteur
de la définition que j’ai citée ; elle fe trouve au chapitre
vj. intitulé de flatuarum Jlatu , motu, & otio.
Toute efpece de corps, dit- il, dont les extrémités
ne font pas contenues de toutes parts, & balancées
fur leur centre, doit néceflairement tomber & fe
précipiter.
La chaîne qui unit les connoiflances humaines,
joint ici la Phyfique ^ la Peinture ; enforte que le
phyficien qui examine la caufe du mouvement des
corps, & le peintre qui veut en repréfenter les juftes
effets, peuvent, pour quelques momens au moins,
fuivre la même route, & pour ainfi dire voyager en-
femble. L’on doit même remarquer que ces points
de réunion des Sciences, des Arts, & des connoif-
fances de l’efprit, fe montrent plus fréquens, lorf-
que ces mêmes connoiflances tendent à une plus
grande perfe&ion. Cependant on a pu obferver aufli
(comme une efpece de contradi&ion à ce principe),
que fouvent la théorie perfectionnée a plutôt fuivi
que précédé les âges les plus brillans des beaux arts,
& qu’au moins elle n’a pas toûjours produit les fruits
qu’on fembleroit devoir en efpérer. Je referve pour
les /7zo« T héorie & Pratique quelques réflexions
fur cette Angularité. Il s’agit dans cet article d’expliquer
le plus précifément qu’il eft poflible ce que l’on
entend par équilibre dans l’art de Peinture.
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•Le tnôt équilibre s’entend principalement des figu»
res qui par elles-mêmes ont du mouvement ; telles
que les hommes &>les animaux.
Mais on fe fert aufli de cette expreflion pour la
compofition d’un tableau ; & je vais commencer par
développer ce dernier fens. M. du Frefnoy, dans fon
poëme immortel de arte graphicây recommande cette
partie ; & voici comment il s’exprime :
S eu multis conjlabit opus, paucifyuefiguris ,
Altéra pars tabula vacuo ne frigida campo
A ut de fer ta Jîet, dum pluribus altéra for mis
Fervida mole fuâ fupremam exurgit ad oram :
Sed tibi Jic pojîtis refpondeant utraque rebus ;
Ut J i aliquid furfUm fe parte àttdllat in unâ ,
Sic aliquid parte ex alià confurgat, & ambaS
Æquiparet, geminas cumulatido àqualiter or as.
« Soit que vous employiez beaucoup de figures, ou
» que vous vous reduifiez'à un petit nombre ; qu’une
» partie du tableau ne paroiffe point vuide, dépeu-
>» plée, & froide, tandis que l’autre enrichie d’une
» infinité d’objets , offre un champ trop rempli :
» mais faites que toute votre ordonnance convien-
» ne tellement que fi quelque corps s’élève dans un
» endroit, quelqu’autre le Balance, enforte que vo-
» tre compofition préfente un jufte équilibre dans fes
» differentes parties ».
Cette tradu&ion qui peut paroître moins confort
me à la lettre qu’elle ne l ’eu: au fens, donne une
idée de cet équilibre de compofition dont M. du Frefnoy
a voulu parler; & j ’ai hafardé avec d’autant
plus de plaifir d’expliquer fa penfée dans ce paflage
, que la traduction qu’en donne M. de Piles préfente
des préceptes qui, loin d’être avoiiés par les
artiftes , font abfolument contraires aux principes
de l’art & aux effets de la nature. Je vais rapporter
les termes dont fe fert M. de Piles. <
« Que l’un des côtés*du tableau ne demeure pas
» vuide , pendant que l’autre efl rempli jufqu’au
» haut ; mais que l’on difpofe fi bien les chofes, que
» fi d’un côté le tableau efl: rempli, l’on prenne oc-
» cafion de remplir l’autre ; enforte qu’ils paroiflent
» en quelque façon égaux , foit qu’il y ait beaucoup
» de figures, ou qu’elles y foient en petit nombre ».
On apperçoit affez dans ces mots, en quelque façon
, qui ne font point dans le texte , que M. de Piles
lui-même a fenti qu’il falloit adoucir ce qu’il ve-
noit d’avancer : mais cet adouciflement ne fuffit pas.
Iln’eft point du tout néceflaire de remplir un côté du
tableau, parce que l’on a rempli l ’autre, ni de- faire
enforte qu’ils paroiflent, en quelque façon même ,
égaux. Les lois de la compofition font fondées fur
celles de la nature , & la nature moins concertée
ne prend point pour nous plaire les foins qu’on pref-
crit ici à l’artifte. Sur quoi donc fera fondé le précepte
de du Frefnoy ? que deviendra ce balancement
de compofition à l’aide duquel j’ai rendu fon
idée ? Il naîtra naturellement d’un heureux choix des
effets de la nature, qui non - feulement eft permis
aux Peintres, mais qu’il faut même leur recommander
; il naîtra du rapprochement de certains objets
que la nature ne préfente pas affez éloignés les uns
des autres , pour qu’on ne foit pas autorifé à les
raffembler-& à les difpofer à fon avantage.
En effet il eft rare que dans un endroit enrichi
foit par les productions naturelles, foit par les beautés
de l’a rt, foit par un concours d’êtres vivans, il
fe trouve dans le court efpace que l’on peut choifir
pour fujet d’un tableau (qui n’eft ordinairement que
celui qu’un feul regard peut embrafler), un côté dénué
de toute efpece de richeffes, tandis que l’autre
en fera comblé. La nature garde plus d’uniformité
dans les tableaux qu’elle compofe ; elle n’offre point
brufquement le çontrafte de l’abondance & de l’ex*
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trente aridité. Les lieux efearpés fe joignent imperceptiblement
à ceux qui font unis ; lès contraires font
féparés par des milieux, d’où réfulte cette harmonie
générale qui plaît à nos regards : d’ailleurs ce balancement
ne confifte pas feulement dans la place, la
grandeur, & le nombre des objets ; il a encore une
fource plus cachée dans la difpofition & l’enchaînement
des mafles que forment la lumière & l’ombre.
C ’eft fur-tout cet ordre ingénieux, ce chemin qu’on
fait faire à la lumière dans la compofition d’un tableau,
qui contribuent à fon balancement & à fon
équilibre, qui contentent la vue, & qui font caufe que
ce fens étant fatisfait, l ’efprit & l’ame peuvent prendre
leur part du plaifir que leur offre l’illufion de la
Peinture.
J’infifterai d’autant plus fur ce principe d'équilibre
de la compofition, qu’il y a un danger infini pour les
artiftes dans l’affeôation d’une difpofition d’objets
trop recherchée, & que c’eft par cette route que fe
font introduits ces faux principes de çontrafte & de
difpofition pyramidale.
Les beautés de la nature ont un caraftere de fim-
plicité qui s’étend fur fes tableaux les plus compofés,
& qui plaît dans ceux qu’on pourroit accufer de monotonie.
Plufieurs figures dans la même attitude, fur
le même plan, fans çontrafte, fans oppofition, bien
loin d’être monotones dans la nature, nous y préfen-
tent des variétés fines, des nuances délicates, & une
union d’attion qui enchantent. Il faut pour imiter ces
beautés, une extrême jufteflë ; & la naïveté, je l’avoue,
eft voifine de la fécherefle, & d’un goût pauvre
qu’il faut éviter avec autant de foin que le genre
outré. Mais c’en eft affez pour la lignification de ces
mots, équilibre de compofition. Confuitons Léonard de
Viney fur Yéquilibre des corps en particulier.
« La pondération, dit-il chap. cclx, ou Y équilibre
» des hommes, fe divife en deux parties ; elle eft fim-
» pie , ou compofée. L'équilibre fimple eft celui qui
» fe remarque dans un homme qui eft debout fur fes
» piés fans fe mouvoir. Dans cette pofition, fi cet
» homme étend les bras en les éloignant diverfement
» de leur milieu, ou s’il fe baiffe en fe tenant fur un
» de fes piés, le centre de gravité tombe par une
» ligne perpendiculaire fur le milieu du pié qui pofe
» à terre ; & s’il eft appuyé également fur les deux
» piés, fon eftomac aura fon centre de gravité fur
>f une ligne qui tombe fur le point milieu de l’efpace
» qui fe trouve entre les deux piés.
» L'équilibre compofé eft celui qu’on voit dans un
» homme qui foûtient dans diverfes attitudes un poids
» étranger ; dans Hercule, par exemple, étouffant
» Antée qu’il fufpênd en l’air, & qu’il prefle avec fes
» bras contre fon eftomac. Il faut, dans cet exem-
» pie, que la figure d’Herctile ait autant de fon poids
» au-delà de la ligne centrale de fes piés, qu’il y a du
» poids d’Antéeen-deçà de cette même ligne ».
On voit par ces définitions de Léonard de Viney,
que Yéquilibre d’une figure eft le réfultat des moyens
qu’elle employé pour fe foûtenir, foit dans une action
de mouvement, foit dans une attitude de repos.
Mais comme les principes & les réflexions excellentes
de cet auteur font peu liés enfemble dans fon
<5uvrage, je vais , en les fondant avec les miennes,
leur donner, s’il fe peut, un ordre qui en rende l’intelligence
plus facile, pour ceux memes qui ne pratiquent
pas l’art de la Peinture.
■ Quoique le peintre de figuré ne puifle produire
qu’une repréfentation immobile de l’homme qu’il
imite, l’illufion de fon art lui permet de choifir pour
cette repréfentation dans les aftiôtis les plus animées
, comme dans les attitudes du plus parfait repos
: il ne peut repréfenter dans les unes & dans les
autres qu’un feul inftant; mais une aûion quelque
v iv e , quelque rapide qu’elle foit, eft compofée d’une
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fuite infinié de momens, & chacun d’eux doit être
fuppofé avoir quelque durée : ils font donc tous fu t
ceptibles de l’imitation que le peintre en peut faire
dans cette fucceflion de momens dont eft compofée
Une aélion. La figure doit (par une loi que la nature
impofe aux corps qui fe meuvent d’eux-mêmes) paf-
fer alternativement de Yéquilibre, qui confifte dans
l’égalité du poids de fes parties balancées & repofées
fur un centre, à la ceflation de cette égalité. Le mouvement
naît de la rupture du parfait équilibre, 8e le repos
provient du rétabliflement de ce même équilibre.
Ce mou vement fera d’autant plus fort, plus prompt,
& plus violent, que la figure dont le poids eft partagé
également de chaque côté de la ligne qui la
foûtient-, en ôtera plus d’un de ces côtés pour le re-
jetter de l’autre, & cela avec violence & précipitation.
Par une fuite de ce priheipe, un homme ne pourra
remuer ou enlever un fardeau, qu’il ne tire de foi-
même un poids plus qu’égal à celui qu’il veut mouvoir,
& qu’il ne le porte du côté oppolé à celui où eft
le fardeau qu’il veut lever. C’eft de-là qu’on doit inférer
, que pour parvenir à une jufte expreflion des
a fiions, il faut que le peintre fafle enforte que fes
figures démontrent dans leur attitude la quantité de
poids ou de force qu’elles empruntent pour l’aftion
qu’elles font prêtes d’exécuter. J’ai d it‘la quantité de
force; parce que fi la figure qui fupporte un fardeau
rejette d’un côté de la ligne qui partage le poids de
fon corps , ce qu’il faut de plus de ce poids pour
balancer le fardeau dont elle eft chargée, la figure
qui veut lancer une pierre ou un dard, emprunte la
force dont elle a befoin, par une contorfion d’autant
plus violente, qu’elle veut porter fon coup plus loin ;
encore eft-il néceflaire, pour porter fon coup, qu’elle
fe prépare par une pofition anticipée à revenir
aifément de cette contorfion à la pofition où elle
étoit avant que de fe gêner: ce qui fait qu’un homme
qui tourne d’avance la pointe de fes piés vers
le but où il veut frapper, & qui enfuite recule fon
corps , ou le contourne, pour acquérir la force dont
il a befoin , en acquerra plus que celui qui fe po-
feroit différemment ; parce que la pofition de fes piés
facilite le retour de fon corps vers l’endroit qu’il
veut frapper, & qu’il y revient avec vîtefle, enfin
s’y retrouve placé commodément.
Cette fucceflion d’égalité & d’inégalité de poids
dans des combinaifons innombrables (que notre in-
ftinâ, fans notre participation & à notre infçu, fait
fervir à exécuter nos volontés avec une précifion
géométrique fi admirable) fe remarque aifément dès
que l’on y fait la moindre attention : cependant elle
eft encore plus vifible, lorfqu’on examine les dan-
feurs & les fauteurs, dont l’art confifte à en faire un
ufage plus raifonné & plus approfondi. Les faifeurs
d'équilibre & les funambules fur-tout , en offrent
des démonftrations frappantes ; parce que dans les
mouvemens qu’ils fe donnent fur des appuis moins
folides, & fur des points de furface plus reftraints ,
l’effet des poids eft plus remarquable & plus fubit,
fur-tout lorfqu’ils exécutent leurs exercices fans appui
, & qu’ils marchent oii fautent fur la cordé fans
contre-poids : c’eft alors que vous voyez l’emprunt
qu’ils font à chaque inftant d’une partie du poids de
leur corps pour loûtènir l ’autre, & pour mettre alternativement
leur poids total dans un jufte balance* .
ment, ou dans une égalité qui produit leurs mouvemens
ou le repos de leurs attitudes : c7ëft alors
qu’on voit dans la pofition de leurs bras l’origine de
ces contraires de membres qui nous plaifent, & qui
font fondés fur la néceflîté; plus ces contraftes font
juftes & conformes à la pondération néçeflaite des
corps, plus ils fatisfont le fpeflateur, fans qu’il cher*
çhe à le rendre compte de cette fatiâfâéuôn qu’il