aoo EA U tomiftènce à bouillir, c’eft-à-dire quand elle eft aflez
chaude pour ne pouvoir plus y fouffrir la main, on
la couvre d’un autre vaifleau que l’on appelle un chapeau.
Ce chapeau eft un vaifleau de ctiivie fait en
fcone applàti, dont la partie étroite entre dans le
bord du collet de la chaudière, & s’y joint le plus
jufte qu’il eft poflible. Ce cône applati & renverfé,
peut avoir douze à treize pouces. Le diamètre de
la partie étroite eft celui du collet de la chaudière,
fauf la liberté d’entrer dans ce collet; & le diamètre
du haut peut avoir fept à huit pouces de plus. Il y a à
ce chapeau une ouverture ronde, de quatre pouces
de diamètre, à laquelle eft joint & bien foude un
tuyau de cuivre qu’on appelle la queue du chapeau >
d’environ deux piés de long, qui va toujours en diminuant
jufqu’à la rédu&ion d’un pouce de diamètre
au bout.
On couvre cette chaudière avec le chapeau : on
appelle cela coiffer la chaudière , pour empecher 1 ex-
halaifon de la fumée du v in , parce que c’eft dans
cette fumée que fe trouve l’efprit du vin qui fait
Veau-de-vie. On fait enforte qu’il ne refte entre le chapeau
& le collet de la chaudière aucune ouverture
par oit la fumée puiffe s’échapper ; & pour y réuflir,
après que le chapeau eft entré & bien enfoncé dans
le collet de la chaudière, on met de la cendre feche
autour du collet, pour la fermer prefque hermétiquement.
Ce tuyau ou cette queue de chapeau va fe joindre
dans un autre vaifleau de cuivre ou d’étain, que l’on
appelle ferpentine , parce qu’elle eft faite en ferpent
replié. C ’eft un uftenfile fait de différens tuyaux
adaptés & foudés les uns aux autres en rond & en
ipirale, qui n’en font qu’un. Ce tuyau peut avoir
un pouce & demi de diamètre' à fon embouchure,
& eft réduit à un pouce à fon extrémité ; il eft composé
de fix à fept tournans en fpirale, élevés les uns
fur les autres d’environ lix à fept pouces ; enforte
que la ferpentine, dans toute fa hauteur appuyée fur
les tournans , peut avoir trois piés & demi ou environ.
Ces tuyaux tournans font afliijettis par trois
bandes de cuivre, ou du même métal dont eft la ferpentine
, qui y font jointes du haut en-bas pour en
empêcher l’abaiffement.
On unit la queue du chapeau à la ferpentine, en
faifant entrer le petit bout de la queue du chapeau
dans l’ouverture du haut de la ferpentine, où cette
queue entre d’un pouce & demi ou environ : on
lutte bien l’ün & l’autre avec du linge & de la terre
graffe bien unie, afin qu’il ne forte point de fiimée
qui vienne de la chaudière.
Cette ferpentine eft , comme l’on doit le comprendre,
éloignée du corps de la chaudière & de la
maçonnerie qui l’environne , de l’efpace de dix pouces
ou environ : elle eft placée dans un tonneau ou
autre vaifleau de bois fait en forme de tonneau,
que l’on appelle pipe en bien des endroits. Cette
ferpentine y eft pofée debout & à-plomb, penchant
néanmoins tant-foit-peü fur le devant, pouf faciliter
l ’écoulement de la liqueur-qui y pafle : elle y eft
afliijettie ou par dés pattes de fer, des crampons &
des pièces dé bois qui , fans l’endommager, peuvent
la rendre immobile & la tenir dans un état, ftable. Il
y a à cette pipe trois trous ou ouvertures, l’un au
haut, du. cote de la chaudière, par lequel fort de 1^
longueur d’un pouce le bout' d’èn'-hàurde la ferpentine
; ï ’âütre trou au bas ; dans le devant de la pipe ;
par où fort-de la longueur de trois pouces ou environ
, le petit bout de la ferpentine ; & un autre trou
dans lé derrière de la pipe, où l’on a ajufté une-fontaine
ou1 gros robinet. Lorfque la ferpentine éft bièn
pbféedàhs.lapipe; & que :la pipe elle-même eft bien
aflujettie èn équilibre, on bouche bien les trois trous
jdelapipe ; on calfeutre les deux^ premiers avec de
E A U l’étôUpe ou de vieilles cordes effilées ou épluchées ,
autour du tuyau fortant de la ferpentine; & le troi-
fierae , qui eft celui de derrière, doit être bien fer-;
mé par la fontaineque l’on y a fait entrer.
Pour favoir fi la ferpèntine eft bien pofée & a
aflez de pente , on prend une balle de fufil qui ne
foit pas d’un trop, gros calibre, & on la laifle couler
dans la grande ouverture de la ferpentine ; elle doit
rouler aifément, faire.tous les tours de la ferpentine,
& fortir par le petit bout : alors elle eft hien pofée.
Si la balle s’arrête dans la ferpentine, ce qui peut
quelquefois être caitfé par un grain de foudure des
tuyaux , que le poëlier aura laifle échapper dans le
dedans des tuyaux, en la foudant, ou parce que la
ferpentine n’eft pas bien foudée : il faut faire fortir
cette balle; & pour y réuflir, il faut mettre dans le
trou de la ferpentine la queue du chapeau renverfé, -
c’eft-à-dire fon vuide en-dehors , & jetter dans ce
chapeau environ un feau d’eau, laquelle s’écoulant
à force dans cette ferpentine , entraînera avec elle
la balle qui y eft reftée ; & fi la pipe n’eft pas droite
ou pofée comme il faut, il faut la rétablir, & remettre
cette balle jufqu’à ce qu’elle pafle.
Pour favoir s’il n’y a point de petits trous à la
chaudière, au chapeau ou à la ferpentine, il faut,
pour la ferpentine, la remplir d’eau avant de la mettre
dans la pipe, boucher bien le trou d'en-bas avec
un bouchon de liège qui ferme bien jufte, & fouiller
par le gros bout avec un foufflet qui prenne bien
jufte : s’il y a quelque finus, l’eau fortira par-là ,
attendu que le vent du foufflet la prefle vivement :
alors il faut faire fouder cet endroit avant de la mettre
dans la pipe ; s’il n’y a point de trou, on fentira
que l’eau fait réfiftance au vent du foufflet : on le
retire, parce que la ferpentine eft bien jointe & bien
foudée. Pour le chapeau, il faut le mettre entre fes
yeux & le jour, le vuide du côté des yeux ; s’il y a
des finus, on les verra ; s’il n’y en a point, le chapeau
eft en bon état. Pour la chaudière on s’apper-
çoit qu’il y a un ou des trous, quand on voit dégoutter
du vin dans le feu, ou quelqu’endroit de la maçonnerie
mouillé : il faut alors demaçonner la chau-.
dieré, pour réparer le mal.
- Quand tous les uftenfiles font en ordre, on remplit
la pipe d’eau froide, n’importe de quel fond elle
vienne, foit de riviere, de puits, de pluie, ou de
mer : celle de mer eft la moins bonne, parce qu’elle
eft plutôt chaude. Il faut que l’eau, furmonte la fer-
pentine d’environ un pié. Cette eau fert à rafraîchir
Y eau-de-vie qui fort bouillante de la chaudière, en
s’élevant en vapeur vers les parois du chapeau, s’écoule
par l’ouverture du chapeau, pafle dans la
queue de ce chapeau, &: de-là dans les tours de la
ferpentine , & en fort par le petit bout, où elle eft
reçue dans un bafliot couvert, qui eft dans un trou
en terre au bas de la pipe, & où elle entre au moyen
d’un petit vafe de cuivre ou d’autre métal, qui eft.
fait en. forme d’un petit entonnoir plat, que l’on place
fur le, petit bout de la ferpentine : cet entonnoir
eft percé à l’autre bout d’un trou, fous lequel il y a
line petite queue ou-douille, qui entre dans un trou
fait exprès au bafliot, par;,qùie vuide Veau-de-vie qui
vient de la chaudière. On appelle le trou en terre où,
l’on plaçe le bafliot yfaux bajjiot. On donne à ces uf-
tehfilesfos.noms qui font en ufage dans la province
où l’on s’en fert.
On a dit que çette eau dans la pipe fert à rafraî-,
chir Veau-de-vie-avant qu’elle entre dans le bafliot;,
car quand elle y entre chaude, elle eft ordinairement,
âcre, ce qui lui vient dés parties du feu dont elle eft
remplie: en fortattf de la, chaudière ;:&,plûtôt elle fe
déchargerdè ces .parties ignées, & plus Yeau-de-.vie
eft douce & agréable à boire, fans rien perdre de fa
force fâihfi U eft à-propes de rafraîchir çette eau de
E A U
la pipe de tems en teiqg-, en y en mettant de nouvelle;
afin qu’elle foit toujours froide s’il eft poflible : car
plus Y eau-de-vie vient, froide; & meilleure elle eft. Il
faut toujours de nouvelle eau à toutes les chauffes.
Ce bafliot eft fait avec des douves, comme font
celles des tonneaux ; il eft lié avec des cerceaux,
comme on lie les tonneaux ; il eft fermé ou foncé
deflus & deffous pour la conservation, & empêcher
l ’évaporation de Yeau-de-vie qui y entre. Ce bafliot
a deux trous fur fon fond d’en-haut, qui ont chacun
leur bouchon mobile ; l’un des trous eft celui où entre
la queue du petit entonnoir, & l’autre fert pour
fonder & voir combien il y a à!eau-de-vie de venue.
Ce bafliot eft jaugé à la jauge d’ufage dans le pays,
afin que l’on puiffe favoir précifément ce qu’il contient.
On fait ce qu’il y a dedans d'eau-de-vie , quoiqu’il
ne foit pas plein ; on a pour cela un bâton fait
exprès, fur lequel on a mefuré exaâement les pots &
veltes de liqueur que l’on y a mife, à mefure qu’on
l’a jaugé, tellement que quand il n’y a dans le bafliot
que quatre , cinq, fix, fept pots plus ou moins de liqueur
, en coulant le bâton dedans & l’appuyant au
fond du bafliot, l’endroit où finit la hauteur de la liqueur
qui eft dans le bafliot, doit marquer fur le bâton
le nombre des pots ou veltes qui y font contenues
, & cela par des marques graduées & numérotées
, qui font empreintes ou entaillées fur ce bâton.
Ce bafliot doit être pofé bien à-plomb & bien
folide dans le faux bafliot. On fait que pour un pot
il faut deux pintes, & que la velte contient quatre
pots.
On a dit qu’au fourneau qui eft fous la chaudière,
il y avoit deux ouvertures ; l’une pour y faire entrer
le bois , & l’autre pour laiffer échapper la fumée.
Ces deux ouvertures ont chacune leur fermeture
de fer ; celle de devant par une plaque de fer, avec
une poignée, pour la placer ou l’enlever à volonté :
on appelle cette plaque, une trappe. L’ouverture de
la fumée a également fa fermeture, mais elle n’eft
pas placée à l’orifice du trou ; on fait que par ce
trou, la fiimée du feu monte dans la cheminée pour
fe répandre dans l ’air; la fermeture de ce trou eft
placée au-deffus de la maçonnerie de la chaudière,
un peu fur le côté : enforte que le tuyau de cette fumée
, qui prend fous la chaudière, eft un peu dévoyé
, pour gagner le conduit de la cheminée. Cette
fermeture confifte dans une plaque de fer r longue
environ d’un pié , & large de quatre pouces & demi,
ce qui doit boucher le tuyau de la cheminée;
ainfi ce tuyau ne doit avoir que cela de largeur, &
%re prefque quarré ; on appelle cette fermeture,une
tirette, parce qu’on la tire pour I’ôter, & on la pouffé
pour la remettre, c’eft-à-dire pour ouvrir & fermer
ce trou, qui répond au-dehors au-deffus de la chaudière
par une fente, dans le mur du tuyau dé la cheminée
; il ne faut pas néanmoins que cette tirette
bouche tout-à-fait le tuyau de la cheminée, parce
que pour l’entretien du feu , il faut qu’il s’en exhale
un peu de fumée, fans quoi il feroit étouffé fous
le fourneau : ainfi il peut refter autour de là tirette
une ligne où deux dé vuide. '
Ces deux plaques de fer fervent pour entretenir
le feu foyus le fourneau dans un degré égal de-chaleur;
& quand il n’y a pas aflez d’air , on tiré tantr
foit-peu la tirette ; s’il y en a trop, on la pouffe tout-r
à-fait : de façon que le feu qui eft fous la chaudière,
n’étant point animé par un air étranger, brûle également,
& entretient le bouillon de la chaudière dans
une égale effervefcence, ce qui fait que Y eau-de-vie
vient toujours prefque également & doucement ; ce
qui contribue beaucoup à fa bonté. <
Quand la chaudière eft coiffée, on continue à
mettre du menu bois fous le foijfljeau, jufqu’à ce
Tome y %
E A U i o i
que la vapeur qui fort du v in , & qui monte au fond
du chapeau, foit entrée dans la ferpentine, & foit fur
le point de gagner les tours de la ferpentine ; ce que
1 on connoît en mettant la main fur le bout de la
queue du chapeau, du côté de la ferpentine : s’il eft
bien chaud, c’eft une preuve qu’il y a pafle de la
vapeur aflez confidérablement pour l’échauffer r
alors on met du ^ros bois fous le fourneau ; ce font
des bûches coupeés de longueur, pour ne pas excéder
celle du fourneau , & ne pas empêcher que l’on
n en ferme bien l’ouverture avec la trape ; on y met
de ce gros bois autant qu’il en faut pour remplir le
fourneau prefqu’en entier , & aflez fuffifamment
pour faire venir toute la bonne eau-de-vie; car le
fourneau une fois fermé , on ne doit plus l’ouvrir :
on laifle cependant parmi ces bûches aflez de vuide
pour l’agitation de l’air. On appelle cela , garnir la
chaudière. Lorfque le fourneau eft rempli, on met la
trape pour en boucher l’ouverture d’entrée, & on
pouffe la tirette pour en fermer l’ouverture de la
cheminée: ce que l’on n’avoit pas fait, lorfque l’on
mettoit la chaudière en train ; Yeau-dervie alors vient
tranquillement, & le courant ne doit avoir qu’une
demi-ligne ou environ de diamètre ; plus le courant
eft fin, & plus Y eau-de-vie eft bonne. C’eft au brûleur
, comme conducteur de la chaudière, à voir
comment ce courant vient : car quelquefois, furtout
dans le commencement, il eft trouble & gros, parce
que l’on n’a pas garni & fermé les ouvertures aflez
tôt; & le feu alors ayant trop d’aCtivité, fait monter
le vin de la chaudière par fon bouillon, par 1’ou-.
verture du chapeau, qui pafle ainfi dans la ferpentine
, & en fort de même : quand on a un ouvrier
entendu & foigneux , cela n’arrive point; mais fi
cela arrivoit, il faudroit fur le champ jetter un peu
d’eati froide fur le chapeau & fur la ferpentine, pour
arrêter & réprimer cette vivacité du feu: cela ordinairement
ne dure qu’un bouillon, parce que le gros
bois qu’on a mis dans le fourneau fous la chaudière,
& la fuppreflîon de l’air par les fermetures des trous,
amortit cette vivacité. S’il étoit entré de cette liqueur
trouble dans le bafliot-, il faùdr'oit l’ôter en la vui*
dant, pour ne pas la laiffer mêlée avec la bonne eau-
de-vie , car cela la rendroit trouble & défe&ueufe.
Lorfque c’eft une première chauffe que l’on repafle
une fécondé fois dans la chaudière, cette liqueur
trouble mêlée avec l’autre, n’y fait rien : car on remettra
le tout dans la chaudière pour une fecôndç
chauffe. L’on doit favoir que le grand nombre xles
brûleurs & de ceux qui font convertir leurs vins en
eaux-de-vie y font deux chauffes pour une , la fimple
& la'double; la fimple, c’eft la première fois; la
double, c’eft la fécondé fois , dans laquelle on re-
paffe tout ce qui eft venu dans la première avec de
nouveau v in , autant qu’il en faut pour achever de
remplir la chaudière jufqu’au point où elle doit l’être.
Suppofe que l’on s’apperçoive qiie-îé-bois ne
brûle point fous la chaudierè pàr-ïe défaut de fa qualité
, & qu’il n’a pas aflez d’air, il faut lui en donner
en tirant un peu là tirette : cela le ranimera ; mais
d’abord que l’on s’apperçoit que Y eau-de-vie vient
mieux, & par conféqitênt que le bois brûle mieux,il
faut repouffer cette tirette & fermer. Il ne faut prefr
qüe jamais ôter la trapë pendant que Yeàu -de - vie
vient , on courroit des rifques de faire venir trouble
J-car le feu étant apimé.par l’air qui entre fous le
foiu-neau, peut tellement donner de l’aâiyité au feu ,
que le bouillon du vin en devienne trop élevé, &
qu’il né furmonte jufqu’au trou du chapeau, & de-là
ne coule dans la ferpentine. Il peut même arriver- encore
d’autres aceidens plus funeftes : car le bouillon
du vin étant très - violent, petit -faire fauter le chapeaute
la chaudière, & répandre le vin qui prend
feu alors-comme 1? poudre, ou comme Yeau-de-yi#