69 4 E N N craignent encore plus Vmmù qui fuit l’inaâion, & '
ils trouvent dans les mouvemens des affaires & dans
rivreffe des paffions , une émotion qui les remue.
Les agitations qu’elles excitent, fe réveillent encore
durant la folitude ; elles empêchent les hommes de
fe rencontrer tête à tête, pour air.fi dire, avec eux-
mêmes , fans être occupés, c’eft-à-dire de fe trouver
dans l’affliftion ou dans Vennui.
Quand dégoûtés de ce qu’on appelle le monde,
ils prennent la réfolution d’y renoncer, il eft rare
qu’ils piaffent la tenir. Dès qu’ils ont connu 1 inaction
, dès'qu’ils ont comparé ce qu’ils fouffroient par
l’embarras des affaires & par l’inquietude des paf-
fions avec Vennui de l’indolence, ils viennent a regretter
l’état tumultueux dont ils etoient fi las.^ On
les accufe fouvent à tort d’avoir fait parade d’une
modération feinte , lorfqu’ils ont pris le parti de la
retraite, ils étoient alors de bonne-foi: mais comme
l’agitation exceffive leur a fait fouhaiter une pleine
tranquillité ^ un trop grand loifir leur a fait regretter
le tems oii ils étoient toûjours occupés. Les hommes
font encore plus légers qu’ils ne font diffimules ; &
fouvent ils ne font coupables que d’inconfiance ,
dans les occafions où. on les accufe d’artifice. « Je
» crois des hommes plusmal-aifement la confiance,
» que toute autre chofe, & rien plus aifement & plus
ji» communément que l’inconfiance», dit Montagne.
En effet l’agitation où les pallions nous tiennent,
même durant la folitude, eft fi vive , que tout autre
état eft un état de langueur auprès de cette agitation.
Ainfi nous courons , par inftinft, après les
objets qui peuvent exciter nos paffions , quoique
ces objets faffent fur nous des impreffions qui nous
coûtent fouvent des nuits inquiétés & des journées
pleines d’amertume : mais les hommes en général
fouffrent encore plus à vivre fans pallions que les
pallions ne les font fouffrir.
L’ame trouve pénible, & même fouvent impraticable
la fécondé maniéré de s’occuper, qui confifte
à méditer & à réfléchir, principalement quand ce
ce n’eft pas un fentiment aéluel ou récent, qui eft le
fujet des réflexions. Il faut alors que l’ame faffe des
efforts continuels pour fuivre l’objet de fon attention
; ôc ces efforts rendus fouvent infru&ueux, par
la difpofitioa préfente des organes du cerveau, n’a-
boutiffent qu’à une contention vaine & ftérile, où
• l’imagination trop allumée ne préfente plus diflinc-
tement aucun objet ; 6c une infinité d’idées fans liai-
fons & fans rapport, s’y fuccedent tumultueufement
l’une à l’autre. Alors l’efprit las d’être tendu, fe relâ
c h e ; & une rêverie morne & languiffante, durant
laquelle il ne joiiit précifément d’aucun objet, eft
l’unique fruit des efforts qu’il a faits pour s’occuper
lui-même.
Il n’eft perfônne qui n’ait éprouvé Yennui ^ de cet
état, où l’on n’a pas la force de penfer à rien ; &
la peine de cet autre état où, malgré fo i, on penfe à
trop de chofes, fans pouvoir fe fixer à fon gré fur
aucune en particulier. Peu de perfonnes mêmes font
affez heureufes pour n’éprouver que rarement un
de ces étais, 8c pour être ordinairement à elles-mêmes
une bonne compagnie. Un petit nombre peut apprendre
cet art, qui, pour me fervir de l’expreffion
d’Horace, fait vivre en amitié avec foi-même, quod
U tibi reddat amicum.
Il faut, pour en être capable, avoir un certain
tempérament qui rend ceux qui l’apportent en naif-
fant très-redevables à la Providence ; il faut encore
s’être adonné dès la jeuneffe à des études & à des
occupations, dont les travaux demandent beaucoup
de méditation : il faut que l’efprit ait contracté l’habitude
de mettre en ordre fes idées, & de penfer fur
ce qu’il lit; car la leéhire où l’efprit n’agit point, 6c
qu’il ne foûtientpas en faifant des réflexions fur ce
E N N qu’il lit , devient bien-tôt fujette à l’ennui. Mais à
force d’exercer fon imagination, on la dompte ; &
cette faculté rendue docile, fait ce qu’on lui demande.
On acquiert, à force de méditer, l’habitude de
tranfporter à fon gré fa penfée d’un objet fur un autre
, ou de la fixer fur un certain objet.
Cette converfation avec foi-même met ceux qui
la favent faire à l’abri de Pétat de langueur 8c de
mifere, dont nous venons de parler. Mais, comme
on l’a dit, les perfonnes qu’un fang fans aigreur &
des humeurs fans venin ont prédeftinées à une vie
intérieure fi douce, font bien rares ; la fituation de
leur efprit eft même inconnue au commun des hommes
, qui, jugeant de ce que les autres doivent fouffrir
de la folitude, par ce qu’ils en fouffrent eux-mêmes
, pertfent que. la folitude eft un mal douloureux
pour tout le monde.
Puifqu’il eft fi rare & comme impoflible de pouvoir
toûjours remplir l’ame par la feule méditation ,
Si que la maniéré de l’occuper, qui eft celle de fen-
tïr, en fe livrant aux pallions qui nous affeélent, eft
une reffource dangereufe 6c funefte, cherchons contre
Y ennui un remede praticable, à portée de tout le
monde, 6c qui n’entraîne aucun inconvénient; ce
fera celui des travaux du corps réunis à la culture
de l’efprit, par l’exécution d’un plan bien concerté
que chacun peut former 6c remplir de bonne heure,
fuivant fon rang, fa pofition, fon âge, fon fexe, fon
cara&ere, 6c fes talens. * v .
Il eft aifé de concevoir comment les travaux du
corps, même ceux qui femblent demander la moindre
application, occupent l’ame; 6c quand on ne
concevroit pas ce phénomène, l’expérience apprend
qu’il exifte. L’on fait également que les occupations
de l’efprit produifent alternativement le même effet*
Le mélange de ces deux efpeces d’occupations ,
fourniffant un objet qu’on remplit avec foin chaque
jour, mettra les hommes à couvert des amertumes
de Yennui.
Il faut donc éviter l ’inaélion 8c l’oifiveté, tant
par remede que pour fon propre bonheur.La Bruyere
dit très-bien que Y ennui eft entré dans le monde par
la pareffe, qui a tant de part à la recherche que les
hommes font des plaifirs de la fociete, c eft-a-dire
des fpe&acles, du jeu, de la table, des vifites, 6c
de la converfation. Mais celui qui s’eft fait un genre
de v ie, dont le travail eft à la fois l’aliment 8c le
foûtien, a affez de foi-même, 6c n’a pas befoin des
plaifirs dont je viens de parler pour chaffer 1 ennui,
parce qu’alors il ne le connoît point. Ainfi le travail
de toute efpece eft le vrai remede à ce mal. Quand
même le travail n’auroit point d’autre avantage ;
quand il ne feroit pas le fonds qui manque le moins,
comme dit la Fontaine, il porteroit avec lui fa ré-
compenfe dans tous les états de la v ie , autant chez
le plus puiffant monarque, que chez le plus pauvre
laboureur.
Qu’on ne s’imagine point que la püiffance, la
grandeur, la faveur, le crédit, le rang, les richeffes,
ni toutes ces chofes jointes enfemble, puiffent nous
préferver de Y ennui ; on s’abuferoit groffierement.
Pour convaincre tout le monde de cette vérité, fans
nous attacher à la prouver par des réflexions phi-
lofophiques qui nous meneroient trop loin, il nous
fuffira de parler d’après les faits, 8c de tranfcrire ici,
des anecdotes du Jiecle de Louis XIV^. un feul trait d u-
ne des lettres de madame de Maintenon à madame
de la Maifonfort: il eft trop inftruftif 6c trop frappant
pour y renvoyer le le&eur.
« Que ne puis-je, dit madame de Maintenon, vous
» peindre Yennui qui dévore les grands, 8c la peine
» qu’ils ont à remplir leurs journées ! Ne yoyez-
» vous pas que je meurs de trifteffe dans une fortu-
» ne qu’on auroit eu peine à imaginer ? Je fuis ve-
E N O »-nue à la plus haute faveur, 6c je vous pi;ofefte,'
» ma chere fille, que cet état mg laiffe un vuide af-
» freux ». Elle dit un autre jour au comte d’Aubi-
gné fon frere: « Je ne peux plus tenir à la vie que
». je mene, je voudrois être morte ». On fait quelle
reponfe il lui fit.
Je conclus que fi quelque chofe étoit capable de
détromper les hommes du bonheur prétendu des
grandeurs humaines, 8c les convaincre de leur vain
appareil contre Y ennui., ce feroit ces trois mots de
madame de Maintenon : Je r?y peux plus tenir, je
voudrois être morte. Article de M. le Chevalier D E
Ja u c o u r t .
ENO, ENOS, ÆNOS, ( Géogr. mod.') ville de la
Romanie dans la Turquie européenne ; elle eft fituée
proche du golfe de même nom. Long. 43. 5o. latit.
40. 46'.'
ÉNONCÉ, f. m. (:Logique & Géométrie. ) Ce mot
s’applique aux propositions 6c aux termes dans lef-
quels elles font préfentées. Ainfi on dit, cette pro-
pofition eft obfcure dans fon énoncé, voici Y énoncé
de la propofition, &c. (O)
ENONCIATION, f. f. ( Logique.) expreflion Ample
d’une chofe en termes d’affirmation ou de négation.
Les philofophes fcholaftiques diftinguenî ordinairement
trois opérations de l’efprit ; l’appréhenfion oü
perception, Y énonciation ou jugement, 6c le raifon-
nement. Voye{ ces mots.
Enonciation , en Logique, Signifie la même chofe
que propofition. Voyeç Proposition.
* Enopte , f. m. (Hifi. anc.') c’étoit dans les repas
une efpece d’infpeéleur qui veilloit à ce que chacun
bût également; apparemment afin que le bon fens
s’affoibliffant dans chacun en même proportion, il
n’y eût pas la moitié d’une table enivrée qui Servît
d’amufement 8c de fpe&acle à l’autre moitié qui feroit
reliée fobre.
* Enôptromantie, f. f. ( Divination.) efpece
de divination par le miroir. Ce miroir magique mon-
troit les évenemens à venir ou paffés, même à celui
qui avoit les yeux bandés. L’énoptromant étoit
ou un jeune garçon ou une femme. Les Theffalien-
nes écrivoient leurs réponfes fur le miroir en caractères
de fang ; 6c ceux qui les avoient confultées, li-
foient leurs deftins, non fur le miroir, mais dans la
lune , qu’elles fe vantoient de faire defcendre du
ciel : ce qu’il faut entendre apparemment, ou du miroir
même qu’elles faifoient prendre pour la lune
aux fuperftitieux qui recouroient à cette forte d’incantation
, ou de l’image de la lune qu’elles leur
montraient dans ce miroir.
E N O R C H I S ,f .f . (Hifi. nat. Minéralogie.) Les
Naturaliftes.ont donné ce nom à une pierre dont la
figure reffemble aux tefticules ; ordinairement ce
n’eft autre chofe qué deux pyrites fphériques jointes
enfemble par un de leurs côtés ; cependant il y
' en a qui fobt feules 6c détachées : celles-là font communément
de la groffeur d’un oeuf de pigeon , &
contiennent intérieurement une autre pierre qui eft
adhérente à l’enveloppe intérieure, 6c dont elle
remplit la capacité. Cette efpece à’énorchiseû d’un
gris de cendre à l’extérieur ; la pierre intérieure eft
d’une couleur obfcure 6c foncée , 6c n’eft point
luifante. Boece de Boot la regarde comme une efpece
de géode, 8c dit qu’il s’en trouve près de Prague
enBohemè. (—)
ENPOINTER, v. a£l. en terme d'Epinglier, fe dit
de l’aâïon de faire la pointe d’une épingle, fans
avoir égard à fa fineffe, ni à l’ébauchage. On fe
fert, pour êhpointer les épingles, d’une meule d’acier
tailladée fur toute fa furface. é^oye^ Meule.
Cette meule, eft plus ou moins greffe, félon que l’on
E N Q 691
fait deffus les pointes fines ou les groffes. /^oy. Pointes
fines & Pointes grosses. Hoy. Varticle Epingle
, & les figures des Planches de l ’Epinglier.
ENQUÊTE, f. f. inquifitio , ou fuivant l’ancien
ftyle du palais inquefia, ( Jurifprud.) eft un procès-
verbal rédigé par ordre 6c en préfence d’un juge ou,
commiffaire, contenant des dépolirions de témoins
fur des faits dont quelqu’un veut avoir la preuve,
foit par cette voie feule, foit pour faire concourir
cette preuve teftimoniale avec quelque preuve par
écrit.
Autrefois fous le terme d'enquête on comprenoit
également les enquêtes proprement dites, c’eft-à-dire
celles qui fe font en matière civile, 6c les informa-,
tions qui font des efpeces d'enquêtes en.matiere cri-,
minelle ; mais préfentement on ne donne le nom d'enquête
à ces fortes d’aétes, qu’en matière civile.
L ’ufage des enquêtes, ou du moins de. la preuve
par témoins, eft de tous les tems 6c de tous les pays;
mais les formalités des enquêtes ne font pas partout
uniformes , 6c elles ont fouffert plufieurs change-
mens en France.
Les enquêtes font verbales ou par écrit : les premières
font la même chofe que ce qu’on appelle en-^
quête fommaire. Voyez ci-apr. ENQUETE SOMMAIRE,
On appelle enquêtes par écrit, celles qui ont été ordonnées
par un jugement en vertu duquel elles font
rédigées avec toutes les formalités ordinaires.
Çes formalités ont été réglées par l’ordonnance
de 1667, tit. xxij. fuivant lequel dans les matières
où il échet de faire enquête, le même jugement qui
les ordonne doit contenir les faits dqnt .les parties
pourront refpeélivemcnt informer, fans autres interdits
8î réponfes, jugemens ni commiflions. Voye^ Interdits.
Lorfque Y enquête eft faite au même lieu où le jur
gement a été rendu, ou dans la diftance de dix lieues,
elle doit être commencée dans la huitaine du jour de
la lignification du jugement faite à la partie ou à fon
procureur, 6c achevée dans la huitaine fuivante. Sj
la diftance eft plus grande, le délai augmente d’uq
jour pour dix lieues; le juge peut néanmoins, fi Iq
cas le requiert, donner une autre huitaine pour la
confection de Y enquête, fans que le délai puiffe être
prorogé.
Après que les reproches ont été fournis contre le$
témoins, ou que le délai d’en fournir eft paffé, on
porte la caufe à l’audience, fans faire aucun a£te ou
procédure pour la réception de Y enquête.
Il n’eft plus d’ufage comme autrefois de faire la
publication de Y enquête, c’eft-à-dire d’en faire la lecture
publique à l’audience ; la communication de Yen-
quête tient lieu de cette publication ; on ne fournit
plus aufli de moyens de nullité par écrit après les reproches
, fauf à Jes propofer en l’audience ou par
contredits, fi c’eft en procès par écrit.
Si Y enquête d’une partie n’eft pas achevée dans
les délais de l’ordonnance, l’autre partie peut pour-
fuivre l’audience fur un fimple afte, fans ipi’il foit
befoin de faire déclarer l’autre partie forclôfe dç
faire enquête, comme cela fe pratiquoit autrefois,
ce qui eft abrogé par l’ordonnance.
Les témoins doivent être affignés à perfônne 911
domicile., pour dépofer, & les parties au domicile
de leur procureur, pour voir prêter ferment aux té-,
moins : cela fe fait en vertu d’ordonnance du juge*
fans commiffion du greffe.
Le jour & l’heure pour comparoir doivent etre
marqués dans les aflignations données aux témoins
& aux parties ; 8c fi les affignés ne comparent, on
différé d’une autre heure, après laquelle les témoins
préfens prêtent ferment & font .obis , à moins que
iés parties ne confentent la remife à un autre jour.
Les témoins doivent comparoir à l ’heure de l’af