
d’humeurs qui proviennent de la perte deŸ équilibré
■ des folides, par caufe de relâchement dans quelque
partie du corps que ce foit. On peut regarder tous
les effets provenans de cette caufe, comme autant
de diabètes : les eaux ramaffées dans le ventre, dans
la poitrine, dans la tête, dans le tiffu cellulaire des
tégumens en général, des paupières, des bourfes en
particulier, ne different aucunement des liquides qui
s ’évacuent dans le diabètes proprement d i t , provenans
du relâchement des tuyaux uriniferes : les
jambes des hydropiques, qui fe crevent d’elles-mêmes
, ne donnent-elles pas un écoulement de férofi-
îés qui forme comme un diabètes ? Ainfi les vaif-
feaux lymphatiques de la tête, de la poitrine, du
bas-venfcre, qui laiffent échapper continuellement
dans les hydropifies de ces parties, le liquide qu ils
tranfportent, ne forment-ils pas comme autant de fy-
phons qui femblent, par une de leurs extrémités qui
eft leur principe, tremper dans la maffe des humeurs,
& par l’autre répandre ce qu’ils fucent ? Ainfi dans
le relâchement des vaiffeaux fecrétoires de l’urine,
il fe fait un écoulement de férofité à laquelle fe mêle
, à proportion que le relâchement augmente, la
lymphe, le chyle le plus fin, & enfuite le chyle le
plus groflier, pour ainfi dire fous forme de lait ; ce
qui rend, dans le diabètes proprement dit, les urines
douçâtres & blanchâtres, quand il a duré un
certain tems : d’où s’enfuit la confomption, comme
de toute autre évacuation de cette efpece, dans quelque
partie du corps que ce foit. N’a-t-on pas vû des
plaies produire cet effet par d’abondantes fuppura-
tions, & devenir comme un égout, par lequel s’e-
couloit prefque toute la maffe des humeurs, à caufe
du relâchement qui furvenoit dans les folides de la
partie , & de la moindre réfiftance qu’offroient les
vaiffeaux, toujours difpofés à s’ouvrir ?
Les ventoufes ne produifent pas autrement la tuméfaction
des parties fur lefquelles elles font appliquées
, qu’ en rompant, parla diminution de la com-
preflion de l’air, Y équilibre de refiftance dans les vaifi
féaux, qui fe laiffent en conféquence engorger d’humeurs.
Les animaux ne fe gonflent fous le récipient
de la machine du vuide, que parce que le poids de
l’air étant aufli diminué par la fuétion, s’oppofe
moins à l’effort des fluides, qui tendent à dilater les
vaiffeaux de l’habitude du corps >ceux-ci ne pechent
alors que par défaut d'équilibre ; d’oii l’on peut inférer
que la force qui le conferve dans l’économie
animale faine , n’eft pas feulement intrinfeque à l’égard
des fibres, mais qu’elle eft aufli extrinfeque.
Il efl même, outre le poids de l’atmofphere, une
autre caufe qui y contribue, qui, quoiqu’étrangere
à chaque vaiffeau en particulier, ne l’eu cependant
pas à l’animal même ; c’eft la preflïon réciproque
des vaiffeaux entr’eux, par laquelle ils contre-balan-
cent, les uns par rapport aux autres, les efforts que
les fluides font dans leur cavité refpeâive, tendans
à en écarter les parois outre mefure.
On v o it , par tout ce qui vient d’être expofé, les
pernicieux effets que peut produire dans l’économie
animale le défaut d’équilibre caufé par la trop grande
diminution du reffort dans les parties folides : ce
même défaut, occafionné par la trop grande élafti-
cité dans les fibres d’une partie, ou par leur rigidité
, ou par la conftriétion fpontanée ou fpafmodique
des tuniques mufculaires des vaiffeaux, n’efl: pas une
fource moins féconde de dérangement dans l’eco-
nomie animale ; c’eft ce qui femble fuffifamment
prouvé par les confidérations fuivantes.
Ainfi le refferrement d’un vaiffeau confidérable,
ou de plufieurs vaiffeaux dans une partie quelconque
, ou tout autre obftacle formé au cours des humeurs
, en quelque organe que ce foit, peuvent produire
la fievre, ou dans les parties affeétées i fi la
caufe n’efl pas bien confidérable, ou dans tout le
corps, en tant que les fluides pouffés vers cette partie
, ne pouvant pas y continuer leur mouvement
progreflifavec liberté, font repouffés vers leurs four-
ces par l’a&ion même des vaiffeaux engorgés, qui
réagiffent avec plus de force, à proportion qu’ils
font plus diftendus au-delà de leur ton naturel ; ce
qui dilate de proche en proche les troncs, & en
force le reffort, qui par fa réaftion fur les mêmes fluides
repouffés, les renvoyé vers l’obftacle, d’oii naît
une efpece de pléthore particulière entre l’obftacle
& les troncs des vaiffeaux embarraffés ; ce qui établit
une forte de fievre dans la partie, comme on
l’obferve, par exemple, dans un panaris commençant
, par les fortes pulfations qui fe fontfentir dans
tout le doigt affe&é. Si la caufe de 1 obftacle eft confidérable
, un plus grand'nombre de vaiffeaux collatéraux
participent à l’engorgement, & de proche
en proche l’embarras gagne, la circulation fe trouble,
la pléthore devient générale , la puiffance mo-,
trice , qui tend toujours à conferver Y équilibre ou à le rétablir, augmente l’a&ion dans tous les vaiffeaux,
à proportion de la réfiftance : de-là une forte d’agir
tation fébrile s’établit dans tout le corps, laquelle ,
fi la caufe eft de nature à fubfifter, donne lieu à une
véritable fievre.
N’eft-ce pas à un défaut 8 équilibre de cette efpece,’
qu’on peut attribuer la plupart des indifpofitions
que caufent les commencemens de la groffeffe à un
i grand nombre de femmes ? le fang menftruel ne s’évacuant
point dans cette circonftance , & formant
par conféquent une pléthore particulière dans la matrice
, qui augmente de plus en plus , tant que le foetus
ne peut pas encore confumer en entier, pour fa
nourriture &: fon accroiffement, les humeurs fura-
bondantes , que la nature a deftinées à cet ufage :
les vaiffeaux utérins, diftendus outre mefure, ne cèdent
cependant que jufqu’à un certain point à leur dilatation
ultérieure ; le tiraillement de leurs tuniques
forcées,qui approche du déchirement, eft un fenti-
ment Jlimulant, qui les excite à réagir extraordinairement
en y attirant des forces fûr-ajoûtées,par l’influx
du fluide nerveux & des contractions des fibres mufculaires
; ainfi, ils deviennent par-là en état de réfif-
ter aux plus grands efforts des humeurs, qui tendent
à s’y porter; plus abondamment : il fe fait d’abord
une efpece d’hérence dans le cours des fluides de tous
les vaiffeaux utérins ; elle s’étend de proche en proche
, comme par l’effet d’une digue ou éclufe ; le
reffort des vaiffeaux réagiffans, étant un peu dégagé
, force enfuite ce qui refte encore de furabon-
dant, dans leur cavité , à refluer dans les troncs des
vaiffeaux , d’oh ils ont été diftribués (ce reflux peut
réellement avoir lieu dans le cas dont il s’agit ici ,
fi l’on convient qu’il fe fait dans la réfolution des
inflammations produites par erreur de lieu, voye^ Inflammation
, Erreur de lieu ) : de ce reflux,
ainfi conçu, ou de l’embarras dans le cours des humeurs
de la matrice,s’enfuit l’engorgement des mam-
melles, parce que le fang , qui trouve de la réfiftance
à abonder dans ce vifcere , fe replie par les
vaiffeaux épigaftriques vers les mammaires, qui logent
ainfi une partie des humeurs furabondantes.
Mais la pléthore fe renouvellant continuellement,'
il fuccede toujours de nouveaux fluides à placer : ils
font repouffés, & fe jettent toujours oii ils trouvent
moins de réfiftance; il s’en fait d’abord une dérivation
dans tous les vaiffeaux collatéraux,qui fe trouvent difpofés
à ceder ; ce qui donne fouvent lieu à une plus
grande fecrétion dans les glandes & dans tous les filtres
des inteftins, dont l’excrétion fournit fouvent la
matière d’un cours de ventre : ou les humeurs fe portent
dans les vaiffeaux de l’eftomac, les diftendent,
tiraillent leurs fibres mufculaires,les nerfs de ce vifcer
EQU
re , d’oïl s’enfuivent les mouvemens convulfifs, qui
produifent des naufées, des efforts pour vomir, & le
vomiffement même , lorfqu’il y a des matières dans
l’eftomac, qui pefent fur fes parois tendues, par
l’engorgement de fes vaiffeaux qui le rend beaucoup
plus fufceptible d’irritation : ou le tranfport des humeurs
fe fait vers les poumons, lorfqu’ils font d’un
tiffu à proportion moins réfiftant que les autres par--
ties du corps ; il y occafionné des fuffocations, des
oppreflions, des crachemens de fang , &c, ou il fe
fait dans les vaiffeaux des membranes du cerveau, de
fa fubftance,& il y caufe des douleurs,des pefanteurs
de tête , affoupiffement extraordinaire , des vertiges
, &c. Tous ces effets fuppofent Y équilibre rompu
entre les vaiffeaux utérins, qui réfiftent à être engorgés
ultérieurement, & les vaiffeaux des autres parties
, qui prêtent & fe laiffent engorger par les humeurs
furabondantes , qui refluent de la matrice,
ou qui, reliant dans la maffe, tendent à fe jetter fur
quelque partie foible , & s’y logent en effet, en forçant
fes vaiffeaux.
Mais fi toutes les parties réfiftent également, le
fangfuperflu reliant dans les gros vaiffeaux,fans pouvoir
être diftribué , gêne la circulation, caufe des
défaillances , des fyncopes , ce qui rend, dans ce
cas, la faignéefi falutaire, par la promptitude avec
laquelle elle rétablit Y équilibre , en dégorgeant les
gros vaiffeaux ; elle peut aufli produire de bons effets
dans tous les autres engorgemens particuliers ,
par la même raifon , mais ils font moins fenfibles :
dans ce même cas, encore la nature, qui tend toujours
à conferver ou à rétablir Y équilibre , peut avoir
une autre reffourceque la faignée;tous les vaiffeaux
étant dans un état de réfiftance, & par conféquent
de réaélion égales,peuvent quelquefois, parleurs forces
combinées, vaincre celles des vaiffeaux utérins,
& en forcer les orifices , donner lieu à une hémorrhagie
qui peut rétablir Y équilibre perdu ; c’eft par
cette raifon que plufieurs femmes ont des pertes pendant
les premiers mois de leur groffeffe, fur-tout
les femmes robuftes , fans aucun mauvais effet.
Tout ce qui vient d’être dit, peut convenir à bien
des égards à ce qui fe paffe dans la fuppreflîon des
réglés, & peut tenir lieu d’explication de ce que Boer-
rhaave dit fimplement être un defordre dans la circulation
, fans dire en quoi confifte ce defordre, ce
changement, ce mouvement renverfé dans le cours
du fang, qu’il reconnoît, fans en indiquer la caufe ,
fans la faire preffentir même : il femble cependant
qu’on peut en rendre raifon , de la maniéré précédente
, en fuivant la nature dans fes opérations ,
fans rien fuppofer. On v o it , par exemple, pourquoi
les femmes groffes font fujettes à de fi fréquentes
& de fi grandes agitations, à des fréquences dans
le pouls , qui en font une fuite , fur-tout pendant le
tems de la digeftion, de l’entrée du chyle dans le
fang : effet que l’on peut regarder comme étant des
efforts que la nature fait pour rétablir Y équilibre;
efforts qui font véritablement fébriles, & feroient
de conféquence, s’ils n’étoient pas fi irréguliers, Scie
plus fouvent de très-peu de durée ; parce que la caufe
eft ordinairement de nature à être aifément & promptement
détruite, ou peut fubfifter fans danger : il n’y
a pas de vice intrinfeque dans les humeurs ; elles ne
pechent que par l’excès de quantité : il n’en eft pas
de même dans les fuppreflions du flux menftruel ;
la caufe étant le plus fouvent difficile à vaincre, oc-
cafionne des efforts continuels de la nature, pour
détruire la pléthore & rétablir Y équilibre ; ce qui donne
fouvent lieu , dans ce cas , à des fievres confi-
dérables, & dont les fuites peuvent être fâcheufes.
Ainfi , les inflammations occafionnant aufli une
forte de pléthore, plus ou moins étendue, produifent
la fievre générale ou particulière : le refferreË
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nient fpafmodique des parties nerveufes dans un vif*
cere , dans un membre, dans un tendon , dans un
tronende nerf picqüé, irrité, produit le même effet ;
de meme aufli les irritations qui affeélent les mem-
branes nerveufes , comme celles des inteftins , la
plevre, la dure-mere , l’enveloppe des mufcles , le
périofte, &c. les remedes irritans, tels , fur - tou t,
que les purgatifs, les vomitifs * les véficatoires, les
fynapifmes, les phoenigmes, &c. femblent n’attiref
un plus grand abord d’humeurs dans les parties où
ils agiffent, que parce qu’ils excitent la réaétion des
vaiffeaux éloignés vers ceux qui font d’abord plus
refferres par l’irritation , mais qui font bien-tôt forcés
de céder à toutes les puiffances des folides réunies
contre eux ; ce qui opéré une dérivation d’hu*
meurs vers la partie irritée ; dérivation qui eft , par
cette raifon, le plus fouvent précédée d’une augmen»
tation de mouvement dans tons les fluides, dans là
circulation entière. N’eft-ce pas ainfi que l’ôn peut
concevoir la maniéré d’agir des topiques irritans ,
dont on fe fert pour attirer la goutte dans les extré-
mités ? l’aétion des câuteres aétuèls, du moxa, produit
aufli à - peu - près les mêmes effets : Yôrgafme 9
dans les parties fufceptibles d’impreflions voluptueu-
fes, fait ainfi naître une agitation générale , en tant
que la tenfion de leurs parties nerveufes y forme des
obftacles au cours ordinaire des huméurs, qui refluent
dans tout le corps, y font une pléthore paffa-
gere, c’eft-à-dire proportionnée à la durée de la caufe
de cette tenfion , & cette pléthore ceffe avec le
fentiment qui en a été la caufe déterminante : c’éft
ce qu’on éprouve dans l’aâe vénérien, dans la feulé
éreélion de la verge, du clitoris , foûtenue par l ’imagination
échauffée , dans le gonflement des par*
ties de la vulve , des mammelons : tout ce qui tend
les nerfs plus qu’à l’ordinaire, comme une épine dans
un tendon, dans des chairs bien fenfibles, comme les
brûlures, «St .produit un plus grand abord de fang dans
les parties affeôées ; d’où s’enfuit un battement d’ar-
teres plus fort dans ces parties, ou une agitation générale
, à proportion de l’intenfité de la caufe, &c.
Il réfulte de ce qui a été dit jufqu’ici fur les différentes
caufes qui peuvent déranger Y équilibre dé
la machine dans l’économie animale, que dans le
relâchement, l’élafticité naturelle qui fubfifte dans
les fibres, fuffit en général, pour leur donner un degré
de force qui détermine le cours des fluides vers
la partie qui a perdu de fon reffort ; mais le défaut
à?équilibre , qui eft produit par l’irritation , ne peut
pas avoir lieu, fans qu’il foit ajouté généralement à
tous les folides, une force qui puiffe l ’emporter fur
la réfiftance de la partie où fe fait l’irritation ; en
forte que dans cecas,ilsaquierent plus de force d’action
fur les fluides par un refferrement qui dépend
des nerfs, & Y équilibre fe détruit, tout comme fi les
parties irritées péchoient par relâchement, parce
que celles-ci font forcées de céder à l’aftion combinée
de tous les vaiffeaux du corps contr’elle ; étant
alors inférieures en réfiftance, elles ne tiennent pas
contre l’aétion des fibres, en général devenues plus
fortes, que dans l’état naturel, par un moyen fur-
ajoûté, qui leur eft commun à toutes, vis Unitafor-
tior. Ainfi de deux caufes oppofées, le relâchement
& le refferrement des fibres ou des vaiffeaux, il peut
également en réfulter un défaut $ équilibre dans le
corps animal.
Il eft naturel de conclure de tout ce qui vient
d’être expofé au fujet de Y équilibre dans le corps humain
, qu’il eft très-important de s’inftruire de tout
ce qui lert à faire connoître les phénomènes , les
lois confiantes de cette condition requife par la vie
faine, de cet agent, qui paroît jouer un fi grand rôle
dans l’économie animale,qui eft un principe fécond,
d’où on peut déduire une infinité de caufes , qui en