fans pouvoir les faire boire, & que la foif les empêchant
de manger, une heure ou deux s’écoulent, en-
forte qu’ils font obligés de repartir n’ayant ni bû ni
mangé, ce qui les met hors d’état de fournir le chemin.
Dans le chapitre fuivant il recommande expref-
fément de prendre garde aux eaux que les chevaux
boivent, particulièrement en voyage, car -de-là dépend!,
dit-il, la conftrvaùon de -leur vie ou leur dejlruc-
tion; or le bon fens indique ici une contradiction
manifefte : en effet, li je dois d’une part abreuver
mon cheval dans la route, plutôt que de patienter
jufqu’au moment où j’arriverai; & li de l’autre il eft
très-important que je confidere la nature des eaux
dont je l’abreuve , je demande quels feront les
moyens par lefquels je jugerai fainement de la differente
qualité de celles que je rencontrerai en cheminant.
Je crois donc que la feule infpe&ion n’étant
pas capable de donner des lumières fuffifantes pour
obferver-avec fruit, la prudence exige qu’on ne faffe
jamais boire les chevaux à la première eau que l’oij
découvre. Il vaut mieux différer jufqu’à ce que l’on
doit parvenu dans l’endroit où l’on s’eft propofé de
prendre du repos & de fatisfaire fes autres befoins.
Les habitans de ce lieu inllruits par l’expérience des
taux plus ou moins favorables à l’animal , diflipe-
ront toutes nos inquiétudes & toutes nos craintes à
cet-égard;-nous ne nous expoferons point, en un mot,
au danger d’abreuver nos chevaux d’une eau fou vent
mortelle pour eu x, telles que celles de la riviere
d’Effone fur le chemin de Fontainebleau à Paris ,
d’une autre petite riviere qui paffe dans le Beaujo-
lo is , & d’une multitude de petits torrens dans lefquels
nul cheval ne boit qu’il ne foit atteint de quelques
maladies très-vives & très-aiguës. Le moyen
de parer l’inconvénient de la trop grande chaleur &
de la fueur de l’animal lorfqu’il arrive, eft très-fim-
ple : il ne s’agit que de rallentir fon allure environ
une demi-lieue avant de terminer fa marche ; alors
il entre dans fon écurie fans qu’on apperçoive aucuns
lignes de tranfpiration & de fatigue, & un
quart-d’heure de repos fuffit, pour qu’il puiffe fans
péril manger les alimens qu’on lui préfente, & en-
fuite être abreuvé. On doit en ufer de même relativement
aux chevaux de caroffe, & aux autres chevaux
de tirage. Il eft rare qu’ils puiffent boire commodément
en route, les uns & les autres étant attelés
; mais la précaution de les beaucoup moins
prëfferàmefure que l’on approche de Faite, eft très-
utile & très-fage. Celle d’abreuver les chevaux avant
de partir, n’eft bonne qu’autant que la boiffon précédé
d’environ une heure l’inftant du départ ; des
chevaux abreuvés que l’on travaille fur le champ,
cheminent moins aifément, avec moins de vivacité
& de legereté, & ont beaucoup moins d ’haleine.
Selon Ariftote, les chevaux peuvent fe paffer de-
boiffon environ quatre jours; je ne contredis point
ce fait dont je n’ai pas approfondi la vérité : il en
eft qui boivent naturellement moins les uns que les
autres : il en eft qui boivent trop peu, ceux-ci font
communément étroits de boyaux : il en eft auffi que-
la fatigue, le dégoût, empeche de s’abreuver ; en
cherchant à aiguifer leur appétit par différentes for-;
tes de mafticatoires, on réveille en eux le delir de la
boiffon : il en eft enfin que des maladies graves mettent
hors d’état de prendre aucune forte d’alimens ;
folides ou liquides ; nous indiquerons en parlant de
ces maladies, & quand l’occafion s’en préfentera ,
les moyens d’y remédier. ;
Je ne place point au rang de ces maux les excroif-
fances qui fur viennent dans la partie de la bouche
que nous nommons le canal, & que l’on obferve à
chaque côté de la langue , précifément à l ’endroit
©ù te termine le repli formé par la membrane qui
jevet intérieurement la mâchoire inférieure. Ces ex:
croiffances, affez femblables par leur figure à des
nageoires de poiffons, font ce que nous nommons
barbes ou barbillons. On doit les envifager uniquement
comme un allongement de cette membrane ,
qui toûjours abreuvée par la falive, & plus humectée
qu’ailleurs par la grande quantité d’humeurs que
les glandes fublinguales filtrent & fourniffent à cet
endroit, peut fe relâcher dans cette portion plus ai-
fement que dans le refte de fon étendue, le tiffu en
étant d’ailleurs naturellement très-foible. Ce prolongement
empêche les chevaux de boire aulîi libre-
brement qu’à l’ordinaire ; ainfi lorfqu’ils témoignent
non-feulement quelque répugnance pour la boiffon,
mais un defir de s’abreuver qu’ils ne peuvent fatisfaire
que difficilement & avec peine, il faut rechercher
fi les barbillons n’en font pas l’unique caufe ;
en ce cas on tient la bouche du cheval ouverte par
le moyen du pas-d’âne (yoyei P a s -d ’a n e ) , & l’on
retranche entièrement avec des cifeaux la «portion
prolongée de la membrane ; on peut laver enfuite
la bouche de l’animal avec du vinaigre, du poivre,
& du fel : pour cet effet on trempe dans cet acide un
linge entortillé au bout d’un morceau de bois quelconque
; on en frotte la partie malade, après quoi
on retire le pas-d’âne, & on fait mâcher le linge pendant
un inftant au cheval. Nombre de perfonnes
ajoutent à cette opération, celle de lui donner un
coup de corne (yoye{ P h l é b o t o m i e ) : dès-lors
on n’employe point le vinaigre ; & on fe contente ,
quand une fuffifante quantité de fang s’eft écoulée,
de préfenter du fon fec à l’animal.
Pour opérer avec plus de fuccès, & fans offenfer
les parties voifines de celles qu’on doit couper, il eft
bon de fe fervir de cifeaux dont les branches foient
tellement longues, que la main de l’opérateur ne
foit point empêchée par les dents du cheval fur lequel
il travaille ; il faut encore que l’extrémité des
lames au lieu d’être droite foit recourbée, non de
coté, mais en-haut, & que chaque pointe de ces
mêmes lames ait un bouton. Voye% O n g l é e .
Il eft des circonftances dans lefquelles nous fom-
mes obligés de communiquer à Veau fimple & commune,
dont nous abreuvons les chevaux, des vertus
qu’elle n’auroit point-, fi nous n’y faifions quelques
additions & des mélanges appropriés auxdiffé-
rens cas qui fe préfentent.
Veau blanche eft, par exemple, la.boiffon ordinaire
des chevaux malades. Elle ne doit cette couleur
qu’au fon que nous y ajoutons; mais il ne fuffit
pas pour la blanchir d’en jetter, âinfi que plufieurs
palefreniersle pratiquent, une ou deux mefures dans
1 eau dont eft rempli le feau ou l’auge à abreuver.
Elle n’en reçoit alors qu’une teinture très-foible &
très-legere ; & elle participe moins de la qualité anodine
, tempérante & rafraîchiffante de cet aliment
dont elle eft plûtôt empreinte par la maniéré dont
on l’exprime , que par la quantité que i’on en employé
très-inutilement. Prenez une jointée de fon ;
trempez vos deux mains qui en font faifies dans l’au-
ge ou dans le feau ; exprimez fortement & à plufieurs
reprîtes Veau dont le fon que vous tenez eft imbu, le
liquide acquerra une couleur véritablement blanche
; laiffez enfuite tomber le fon dans le- fond du
vafe ; reprenez, s ’il en eft befoin, une fécondé join-
tee, & agiffez-en de même, la blancheur du liquide
augmentera ; & le mélange fera d’autant plus parfait
, que cette blancheur ne naît que de l’exaéte fé-
paration des portions les plus déliées du folide, lefquelles
fe font intimement confondues avec celles
de Veau.
N ous n ’en ufo n s pas a in fi, lo rfq u e p o u r fo û ten ir
l’anim al dans des o ccu rren ces d ’an éàn tiffem en t,n o u s
blanchiffons fa.boiffon p a r le m o y en de quelques poignées
d e farin e <|e from en t, S i n o u s précip itio n s fur
le
ïe champ la farine dans Veau, elle fe faffembleroit
en une multitude de globules d’une groffeur plus ou
moins confidérable. Si nous l’y trempions comme le
fon, pour exprimer enfuite le fluide, il en réfulteroit
une maffe que nous aurions enfuite une peine extrême
à divifer ; il faut donc, à mefure que l’on ajoute
le froment en farine, le broyer fec avec les doigts,
& le Iaiffer tomber en poudre, après quoi on agite
Veau & on la met devant l’animal, qui s’en abreuve
quand il le peut ou quand il le veut.
Veau miellée, forme encore une boiffon très-adou-
ciffante ;‘ il ne s’agit que de mettre une plus ou moins
forte dote de miel dans Veau que l’on veut donner à
boire au cheval, & de l’y délayer autant qu’il eft
pofllble. Il eft néanmoins beaucoup de chevaux auxquels
elle répugne, & qui n’en boivent point.
Souvent auffi la maladie & le dégoût font tels,
que nous fommes contraints de ne nourrir l’animal
qu’en J’abreuvant. Alors nous donnons à la boiflbn
encore plus de confiftance, en y faifant cuire ou de
la mie de pain, ou de l’orge mondé, ou de la farine
d’orge tamifée ; nous paffons enfuite ces efpeces de
panades ; ôç nous les donnons au cheval avec la
corne.
Du refte nous employons les décodions, les in-
fufions, les eaux diftillées, &c.
Je ne puis rapporter qu’un feul exemple de l’efficacité
des eaux minérales données en boiffon à l’animal
; mais je fuis convaincu qu’elles lui feroient
très-falutaires, fi on les preferivoit à-propos, & fi
on ajoûtoit ce fecours à tous ceux que nous avons
tirés de la Medecine du corps humain. Il étoit quef-
.tion d’un cheval pouflif; les eaux minérales du Mont-
d’o r, très-propres à la cure de l’afthme, le rétablirent
entièrement.
2°. Les avantages que l'animal retire dé Tuf âge extérieur
de l'eau font fenfibles.
On peut dire que fes effets relativement à l’homme
& au cheval font les mêmes. Si Veau froide excite
dans les fibres une véritable conftri&ion, fi elle contraint
les pores de la peau à fe refferrer, c’en eftaffez
pour pénétrer les raifons de la prohibition des bains
entiers, eu égard à tout animal en fueur, & pour
être inftruit du danger éminent qu’il y auroit de le
tenir alors le corps plongé dans une riviere. Si en
même tems ce fluide doit être envifagé toûjours à
raifon de fa froideur comme un repereuffif, on ne
doit point être étonné qu’on le preferive dans les
cas de fourbure, de crampes, d’entorfes récentes,
&c. ôc qu’on ordonne de l’employer en forme de
bains pédikves, lorfqu’à la fuite d’un certain travail
ou de trop de repos , ou d’autres caufes quelconques
, on veut prévenir ou diffiper l’engorgement
des jambes en augmentant la force & la réfiftance
des folides, & en les difpofant à réfifter à l’affluence
trop prompte & trop abondante des humeurs fur
ces parties.
Ce feroit perdre un tems prétieux, que de rechercher
ce que les anciens ont écrit fur cette matière :
quel fruit pourrions-nous en attendre? d’une part
nous verrions Buellius foûtenir gravement que dès
les premiers cinq mois on doit mener le poulain à
Veau, & le faire fouvent entrer entièrement dans la
riviere afin de lui enfeigner à nager : de l’autre nous
ne ferions que furpris du ton dogmatique & impo-
fant avec lequel Columelle & Camérarius énoncent
tous les principes qu’ils ont affetté de répandre fur
ce point ; l’un dans fon traité fur les chevaux, chapitre
v; & l’autre dans fon hippocom. Abandonnons
donc ces auteurs ; les propriétés que nous avons af-
fignées à Veau froide fuffiront pour indiquer les cas
©ù elle nous conduira à la guerifon de l’animal.
Je ne conçois pas pourquoi nous banniffons ou
pous oublions les bains d'eau chaude. Il eft confiant
Tome y .
qu’ils ne peuvent que ramollir des fibres roidés, ten“
dues, & refferrées par les fpafmes ; ils procurent un
relâchement dans toute l ’habitude du corps ; ils facilitent
la circulation, ouvrent les potes , raréfient
le fang, facilitent la dilatation du coeur & des artères
^ & difpofent enfin l’animal aux effets des médi-
camens qui doivent lui être adminiftrés dans nombre,
de maladies. Je les ai employés très-fou vent ; & les
epreuves que j en ai faites m’ont perfuadé qiie les
fuccès qui fuivroieht Cette pratique, font tels qu’ils
doivent nous faire paffer fur les difficultés que nous
offrent d’abord l’appareil & les préparations de ces
fortes de remedes. Les douches d'eau fimple & commune
, froide ou chaude, injeélée de loin fur l’animal
avec une longue St grande feringue, femblabl©
à celle dont les Maréchaux fe fervent communément
pour donner des lavemens, ou verfée de haut par là;
moyen d’une forte éponge que l’on exprime, font
encore d’une reffource admirable dans une multitude
d’occafions. Celles d'eau commune dans laquelle ont
a fait bouillir des,plantes qui ont telles & telles qualités
félon le genre des maux que l’on doit combattre
, ne font pas d’une moindre utilité ; & perfonne;
n’ignore les effets falutaires des fomentations & des;
bains artificiels réfolutifs, aftringens, anodins, for-|
tifians, emolliens, &c. fuivant les vertus communiquées
à Veau par les plantes médicinales auxquelles;
on l’affocie. Plufieurs fe fervent de tems en tems dit'
bouillon de tripe ou de Veau dans laquelle on a lavé
la vaiffelle , mit harfpuolen , pour laver les jambes
des chevaux : ces efpeces de fomentations onélueu-
fes ne font pas à dédaigner ; elles maintiennent les
fibres dans un degré de foiipleffe qui en facilitent le
jeu, & elles préviennent ces retracions fréquentes
des tendons qui arquent la jambe, & qui boutent ou
boulletent prefque tous les chevaux après un certain
tems de fervice.
Les douches d'eaux minérales enfin, les applica-é
tions des boues ou des fédimens épais de ces mêmes
eaux, font des remedes recommandables. J’ai vie1
deux chevaux de prix entièrement délaiffés à la fuite
d’un effort de reins, auquel on n’avoit pû radicalement
remédier, & qui pouvoient à peine traîner leur
derrière lorfqu’ils avoient cheminé l’efpace d’une demi
lieue ; les douches des eaux d’A ix en Savoie leur
rendirent toute leur force & toute leur vigueur.
Chevaux qui craignent l'eau; chevaux qui s'y couchent d
Rien n’eft plus incommode que le vice dont font atteints
les premiers, & rien n’eft en même tems plus
dangereux que le défaut des féconds ; je fuggéreraî
ici en peu de mots les moyens de corriger l’un 8c
l’autre.
Les chevaux qui redoutent Veau au point de fe
défendre vivement, lorfqu’on veut les faire entrer
dans une riviere, foit pour les abreuver, foit pour
les y baigner, ou pour la leur faire guéer dans une
route, ne peuvent être la plûpart affe&és de terreur
que conféquemment au bruit ou à la vivacité de fon
cours. Il ne s’agiroit que d’y accoûtumer leurs oreilles
& leurs yeux prudemment & avec patience : la
dureté, les coups, la rigueur, la furprife, font de
vaines armes pour les vaincre ; 8t l’expérience nous
apprend que l’effroi des châtimens eft fouvent plus
préjudiciable, que celui du premier objet appréhendé.
Tâchons donc toûjours de leur donner l’habitude
de reconnoître 8t de fentir l’objet qu’ils craignent.
Si nôüs n’imputons leur defobéiflance qu’à
l’étonnement que leur caufe le bruit de Veau lorl-
u’ils en abordent , il eft bon de les attacher pen-'
ant quelque tems dans le voifinage d’un moulin L
infenfiblement on les en approche, & enfin on les
tient vis - à - vis la roue de ce même moulin, entre
deux piliers, régulièrement une heure ou deux dans
la journée, ayant foin de les flater & de leur don-
D d