Chimie ; félon cette derniere étymologie le mot elixir
fignifieroit une préparation chimique, un remede
préparé chimiquement.
On entend par élixir, une liqueur ordinairement
fpiritueufe, chargée, foit par l’extraélion, foit par
la diftillation , des parties médicamenteufes de plusieurs
drogues, & deftinée à l’ufage intérieur. Ce
remede n’eft donc proprement qu’une teinture eom-
pofée ou un efprit compofé ( voyeç T ein tu r e & Esprit.) ; mais on n’a donné le nom d'élixir à quelques
unes de ces préparations, que lôrfqu’on a prétendu
qu’étant prifes par gouttes ou par cuillerées,
elles dévoient produire les effets les plus merveilleux
dans la guérifon des maladies contre lefquelles
les remedes ordinaires font le plus fouvent impuif-
fans telles que la pefte, les affeélions foporeufés,
les poifons prétendus froids, l’épilepfie, & les autres
maladies convulfives, la fyncope, la paralyfie,
l’impuiffance , la fuppreffion des regies , la fièvre
quarte, &c. fans compter les digeftions languiffan-
tes, les défauts d’appétit ; en un mot, quand on a
célébré ces préparations comme póffédant au plus
haut degré la vertu alexitere, cordiale, nervine,
tonique, antifpafmodique, emmenagogue, fébrifug
e, o‘c. c’eft-à-dire lorfqu’on l’a à-peu-près érigée
en remede univerfel.
Il ne paroît pas que les Grecs ni les Arabes ayent
connu l’élixir : on ne trouve ni le mot ni la chofe
dans leurs ouvrages, fi ce n’eft chez les Alchimifles,
qui donnoient le nom d’élixir à la pierre philofopha-
le confédérée comme medecine univerfelle ; ce qui
nous porte à croire que Y élixir ne fut inventé qu’a-
près qu’Arnaud de Villeneuve eut fait connoître l’efprit
de-vin , ou que Raimond Lulle l’eut employé
dans divers travaux fur les végétaux.
Ce fut fur-tout depuis Paracelfe que les élixirs fe
multiplièrent, il publia lui-même un élixir fameux,
à l’imitation duquel les pharmaciens modernes ont
compofé celui qui efl aujourd’hui en vogue fous le
nom élixir de propriété de Paracelfe. Tous les difei-
ples de ce chimifte en compoferent comme leur maître
, & il n’eft prefque point d’auteur de Chimie médicinale
, ou de médecin prétendant au titre de chi-
mijle, qui n’ait donné quelqu’é/ixir particulier. Les
charlatans ont fur-tout répandu un grand nombre
d'elixirs; & c’efl fous cette forme, ou même fous ce
nom, que les remedes tenus fecrets ont fait le plus
rapidement fortune, fur-tout chez les grands.
Les Médecins inftruits fa vent à-préfent que les
élixirs les plus vantés, bien-loin d’être des fecours
prefque furnaturels, font à-peine des remedes, &
que la plupart ne different des liqueurs que l’on fert
for nos tables, qu’en ce que celles-ci font rendues
agréables au goût par le choix & la dofe des aromates
, & par le lucre ; que d’ailleurs toutes ces liqueurs
agréables font ftomachiques & cordiales, feules propriétés
réelles des élixirs ordinaires. Secondement,
que prefque tous les élixirs connus, qui font les feuls
que le médecin puiffe ordonner, font aufîi fembla-
bles entr’eux, quant à leurs propriétés réelles, que
toutes les liqueurs fpiritueufes de nos tables font
femblables entr’elles. Troifiemement, que les élixirs
purgatifs , qui feroient les feuls qui puffent différer
effentiellement des élixirs purement aromatiques &
des liqueurs, feroient des remedes le plus fouvent
pernicieux, toujours inutiles ; car nous ne manquons
pas de purgatifs de toutes les efpeces. Quatrièmement,
que les élixirs qu’on deftineroit à réveiller ou
a augmenter l’appétit vénérien, & l’aptitude à le fa-
tisfaire, feroient des fecours au moins très-dangereux
, & que le médecin ne pourroit par conféquent
confeiller.
Pour toutes ces raifons l’ufage des élixirs eff. peu
commun dans la pratique de la Medecine dirigée par
les Médecins ; & le nombre de ces élixirs ufuels eft
borné à fix ou fept, que la pharmacopée de Paris a
retenus, & qu’on trouve ordinairement chez tous les
Apothicaires de cette ville. Ces élixirs font Y élixir
de propriété de Paracelfe, avec acide & fans acide ,
ce dernier diftillé fous le nom d'élixir blanc ; Y élixir
de Garrus, Y élixir flomachique, & Y élixir de vitriol.
Voici la defeription de Y élixir flomachique, & celle
de Y élixir de vitriol, tirées de la pharmacopée de Paris
: nous réfervons celle de Y élixir de propriété &
celle de Y élixir de Garrus pour des articles particuliers
qui fuivront immédiatement celui-ci.
Elixir flomachique de la Pharmacopée de Paris. Prenez
trois onces d’efprit carminatif de Sylvius, cinq
onces d’efprit de menthe, une once d’eau de cannelle
, une once d’eau de fleurs d’orange, quatre onces
de teinture d’abfinthe : mêlez le tout enfemble, &
Y élixir fera fait : on le garde dans une bouteille fermée
avec foin. Voye[ la préparation de l’efprit carminatif
de Sylvius au mot Esprit carminatif de
Sylvius ; celle de l’efprit de menthe au mot Menthe
; celle de l’eau de cannelle au mot Cannelle.
Elixir de Vitriol. Prenez une demi-once de racine
de calamus aromaticus , une demi-once de racine de
gentiane, trois dragmes de fleurs de camomille romaine,
deux dragmes de feuilles de petite abfinthe,
trois dragmes de feuilles de menthe frifée, une drag-
me & demie de cannelle, une dragme & demie de
cubebes , une dragme & demie de noix mufeade ,
une dragme & demie de gingembre : pulverifez le
tout groffierement ; mettez-le dans un matras, &
verfez deffus quatre onces d’huile de vitriol : lorsque
cette huile aura pénétré les matières fufdites,
vous ajouterez quatre onces d’efprit-de-vin reétifié ,
que vous ferez digérer pendant deux ou trois jours ,
après quoi vous verferez fur le tout douze autres onces
d’efprit-de-vin re&ifié, & vous laifferez digérer
encore pendant quelques jours, après lefquels filtrez
Y élixir, & le gardez dans une bouteille exactement
fermée, (b')
Elixir de propriété de Paracelfe. Dans la defeription..
que Paracelfe a donnée de fon élixir, il n’a point
nommé le menflrue qu’il employoit, ou du moins il
ne l’a défigné que fous un nom vague qui n’efl entendu
de perfonne ; c’efl pourquoi il ne faut point
être furpris fi on trouve chez. les auteurs, des def-
criptions de cet élixir fi différentes les unes des autres
, chacun ayant interprété le mot de circulé (c’efl
ainfi que Paracelfe appelle fon menflrue) comme il
l’a jugé à-propos, ou du moins chacim ayant voulu
fubftituer un menflrue qui pût remplir les vûes de
l’auteur.
La defeription de cet élixir que Crollius, célébré
difciple de Paracelfe, nous a donnée, a long-tems
prévalu dans les Pharmacopées : mais cette loi pharmaceutique
a été enfin abrogée ; & la préparation
des pharmacopées modernes , qui porte encore le
nom d'élixir de propriété de Paracelfe, efl très-différente
de celle de Paracelfe & de celle de Crollius :
les voici toutes les trois.
Elixir de propriété de Paracelfe. Archidox, lib. VIII.
n° G. I f de la myrrhe , de l’aloès hépatique, du
fafran, de chacun parties égales : faites circuler le
tout au bain de fable, à une lente chaleur, pendant
deux mois, après quoi retirez-en par la diftillation
à l’alembic une huile, que vous ferez digérer pendant
un mois avec poids égal de circulé.
Elixir de propriété de Paracelfe , tiré de la bajîlique
chimique de Crollius. I f myrrhe d’Alexandrie, aloès
hépatique, fafran oriental, de chaque quatre onces.
Ayant pulvérifé toutes ces drogues, mettez-les dans
un matras ; humeélez-les avec de bon efprit-de-vin
alkoolifé, & verfez enfuite deffus de l’huile de fou-
fre tirée par la cloche, & rectifiée ; verfez, dis-je,
de tette huile jufqu’à ce qu’elle furpaffe la matière
d’environ quatre doigts ; faites digérer & circuler
pendant deux jours, après quoi vous retirerez par
décantation la liqueùr teinte & chargée de l’extrait
des drogues. Reverfez fur la matière reliante de bon
efprit-de-vin, que voüs circulerez pendant deux
mois, après quoi vous retirerez la liqueur, qui fera
encore colorée -, & vous la mêlerez à la première.
Diflillez à petit feu les foeces reliantes, & ajoûtez
ce qui en diftillera d’abord aux teintures fufdites,
& vous ferez circuler de nouveau le tout enfemble
pendant un mois. Crollius ajoûte qu’il faut avoir
foin de commencer par arrofer les. ingrédiens avec
une fiiffifante quantité d’efprit-de-vin ; pôur les réduire
en une forme de pâte; enfuite de verfër l’huile
de foufre -, autrement toùte la matière fe brûlèroit
& deviendroit noire ; c’efl, dit notre aitteur, ce que
Paracelfe à caché avec foin.
Elixir de propriété de Par actift ; félon la Pharmacopée
de Paris. I f teintures de myrrhe, quatre onces ;
d’aloès, de fafran , de chaque trois onces ; verfez
ces teintures dans un matras ; faitesfles digérer quelque
tems yjx. gardez-les pour vous en fervir au be-
foin. H I ■
Si on diflille le mélange, on aura Y élixir de propriété
appellé dans les boutiques élixir blanc. Voyez
Elixir dé Gdrrusi
Si on prend une once du premier élixir, &: qu’on
y ajoûte douze gouttes d’efprit-de-foufre, on aura
Y élixir de propriété avec acide;
Paracelfe attribuoit de grandes vertus à fon élixir;
& Crollius dit d’après lui, que c’ell le parfait élixir
qui a toutes les vertus du baume naturel ; qu’il opéré
des prodiges dans les maladies de la poitrine & du
poumon ; que c’efl uiî excellent préfervatif contre
la pelle & contre toutes les maladies qui peuvent
être occafionnées par un air corrompu ; qu’il purge
l’eflomac de toutes mauvaifes humeurs ; qu’il fortifie
tous les vifoeres ; qu’il efl fpécifique dans le ma-
ïafme, dans les catarrhes , & dans la toux qu’il
prévient la paralyfie & la goûte ; qu’il guérit la fié- ,
vre quarte, la mélancholie ; qu’il retarde la vieil-
leffe, enfin que c’efl un vulnéraire parfait. Aujourd’hui
nous employons notre élixir de propriété comme
un très-bon flomachique, comme un cordial ordinaire
, comme un affez bon hyftérique, & comme
un excellent emmenagogue : on le fait quelquefois
entrer dans les opiates fébrifuges, & on a remarque
qu’il ne contribuoit pas peu à les rendre efficaces.
La dofe de Y élixir de propriété préparé félon la pharmacopée
de Paris, efl: depuis 10 ,1 2 ,1 5 gouttes jufqu’à
un gros. Il efl très-important d’obferver qu’il
ne faut pas pouffer la dofe de Y élixir de propriété
au-deffus d’un gros, parce qu’une dofe plus forte
purgeroit le malade , ce qu’on ne fe propofe point
dans le plus grand nombre de cas ; il y a même des
perfonnes qui font purgées à cette derniere dofe.
On vante beaucoup dans les obftruûions & dans
toutes les maladies chroniques invétérées, Y élixir de
propriété préparé avec de l’efprit-de-vin qu’on a
chargé de terre foliée de tartre jufqu’à faturation.
Voye^ T erre foliée de Tartre au mot Tartre.
Elixir de Garrus. L’élixir de Garrus n’eft autre chofe,
quant aux ingrédiens vraiment utiles, que Y élixir
de propriété blanc (voyez Elixir de propriété') ; l’épicier
de Paris, dont il porte le nom, n’a eu , pour
s’enrichir en vendant fa liqueur au public, & fon fe-
cret à l’état, qu’à mêler du firop de capillaire à Y élixir
de propriété blanc, & qu’à le déguifer par l’addition
de quelques nouveaux aromates. La première
opération efl fort connue des garçons apothicaires,
qui favent fort bien fe procurer fur le champ des liqueurs
fort agréables, en mêlant des eaux fpiritueufes
officinales & certains firops ûmples, fur-tout le firop
de capillaire»
Dit trouvé dans la pharmacopée de Paris, la defeription
fuivante de Y élixir de Garrus, dont la com-
pofition efl publique depuis plufieurs anrfées.
'If aloès, deux onces & demie ; myrrhe, demi*
once ; fafran, deux gros ; cannelle, gérofle , noix
mufeade, de chaque un fcrupule : pilez le tout, & le
mettez dans un matras, dans lequel vous verferez
efprit-de-vin reûifié, deux livres ; eau commune,
deux onces : faites digérer pendant 12 heures, ô£
retirez par la diftillation aii bain-marie tout l’efprit-
de-vin. .
Prenez l’efprit diftillé, ajoûtez*y poids égal de
firop de capillaire, & tant-foit-peu d’eau de fleurs
d’orange : mêlez exactement, & laiffez repofer pendant
qüëlq'ues jours, au bout defquels vous verferez
par inclination la liqueur de deffus les foeces ,
qui feront dépofées au fond du vafe oïl le mélange
aura été fait ; c’eft ce qu’on appelle élixir de Garrus\
. Cet élixir ne différé pas même des liqueurs ordinaires
par l’agrément du goût & du parfum qui distingue
ces dernieres ; ce n’eft ici abfolument qu’une
liqueur des plus agréables ; une legere odeur de myr*
rhe & de fafran, & des autres aromates que l’efprit-
de-vin a emportée dans la diftillation, fait toute fa
vertu particulière, s’il en a réellement quelqu’une
qui ne lui foit pas commune avec toutes les eaux
fpiritueufes aromatiques, ce dont on peut douter à
très-jufte titre ; les bons effets qu’il produit, quand
ils feroient auffi réels & auffi multiplies qu on le prétend
; tout cela, dis-je, ne pouvant pas fournir meme
la plus legere préfomption en fa faveur, jufqu’à
ce qu’on ait éprouvé dans les memes cas les autres
préparations de la même clâffe. La meme confidé-
ratiori doit s’étendre à la plûpart des prétendus fpe-
cifiqites, mis en vogue par des charlatans, adoptes
par le public, & même par les médecins, fur la foi
des obfervations; car l’obfervation ne peut faire urt
titre de préférence qü’après la comparaifon des remedes
analogues. En un mot une vertu abfolue n eft
pas la même chofe qu’une Vertu fiiperieure, émi*
nente, & exclufive. v
La matière reliante dans l’alembic apres la diftil-
lâtion de Y élixir, étant paffée à-travers une étamine
& épaiffie eh confiftance de pilules, peut fort bien
remplacer les pilules de Rufus, qui font décrites
dans la pharmacopée de Paris; Voye{ Pilules de
RuEfluisx. ir(£ )ou le grand Elixir, (Alchimie.) ceft
un des noms myftérieux que les Alchimifles ont donné
à la pierre philofophale , fur-tout lorfqu’ils l’ont
confidérée du côté de les grandes vertus médicinales»
Voyei P ie r r e philosophale & Philosophie
hermétique. ( by
ELLE, (Gramm.) pronom relatif féminin, fur lequel
il ne lera pas inutile de dire un mot en faveur
des étrangers qui étudient notre langue.
Il eft certain, comme l’a remarqué le P. Bouhoursf
que elle au nominatif ne convient pas moins à la chofe
qu’à la perfonne ; & que l’on dit également bien
d’une maifon & d’une femme, elle efl agréable : maiS
dans les cas obliques , elle ne convient pas à la chofe
; comme à la perfonne , & on ne diroit pas en parlant
d’un homme à qui la Philofophie plairoit extrêmement,
U s'attache fort à elle , il efl chdrmé d'elle; il
faut dire pour bien parler, il s'y attache fort, il en efl
charmé. Gn ne diroit pas' auffi en parlant d’une victoire
fdifdit un dijeours fur elle ; on diroit bien néanmoins
une action de cette importance traîhe de grands
avantages après elle. . .
Quoiqu’il n’y ait proprement que l’üfage qui puiffe
nous inftruire à' fond là - deffus', & qu il foit diffi*
cile de rendre raifon pourquoi l’un fe dit plûtot que
l’autre, on peut cependant marquer quelques occa-
fions, où elle fe met fort bien dans les cas obliques*
Par exemple ;