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Stella , (Jacques') né à Lyon en r 596, mort à Paris
en 1657. Il fit le voyagé d’Italie pour fe perfectionner,
8c le grand duc Corne de Medicis l’arrêta
fept ans à Florence. Enfin il fe rendit à Rome, oit
il fe lia d’amitié avec le Pouflin. On rapporte qu’ayant
été mis en prifon fur de faufl.es accufations, il
s’amufa à defliner une vierge tenant l’enfant Jefus :
depuis ce tems-làles prifonniers Ont dans cet endroit
une lampe allumée, 8c y viennent faire leurs prières.
Le cardinal de Richelieu l’ayant attiré à Paris,
le roi le nomma fon premier peintre. L’étude qu’il
fit d’après l’antique, lui donna un goût de deflein
correft. Sa maniéré dans le petit, eft gracieufe 8c
finie. Il a parfaitement rendu des jeux d’enfans 8c
des paftorales. Mais fes ouvragés dans le grand font
froids, 8c fon coloris crud donne trop dans le rouge*
Blanchard, ( Jacques) né à Paris en 1600, mort
dans la même ville en 163 8. Il fit à Venife une étude
particulière du coloris ; & c’eft aufli un de nos meilleurs
coloriftes. Il avoit du génie, 8c donnoit une
belle expreflîon à fes figures. La falle de l’académie
de S. Luc confervé de ce peintre un S. Jean dans
l’île de Pathmos. Deux dé fes tableaux ornent l’é-
glife de Notre-Dame ; l’Un repréfente S. André à genoux
devant la croix ; 8c l’autre la defcente du faint-
Efprit, morceau eftimé.
Lorrain , ( Claude. Gelée dit Claude le ) naquit en
1600 en Lorraine, mourut à Rome en 1682. Né de
parens fort pauvres, il fé rendit en Italie pour y gagner
fa vie. Sa bonne fortune le fit entrer chez le
Tafli, 8c il y fut long-tems fans pouvoir rien comprendre
des principes de la Peinture ; enfin un rayon
de lumière perça le nuage qui enveloppoit fon efprit.
Dès-lors il fit des études continuelles, 8c devint un
grand payfagifte. Sa eoûtume étoit de fondre fes touches
, 8c de les noyer dans un glacis qui couvre fes
tableaux ; mais il n’avoit point de talent poiir peindre
les figures. La plupart de celles qu’on voit dans
fes ouvrages, font de Lauri ou de Courtois. Ses def-
feins font excellons pour le clair-obfcur.
Vzlentin, né en Brie l’an 1600, eft mort tout jeune
aux environs de Rome en 163 2. Il imita le fiyle du
Caravage, fes ombres fortes 8c noires, 8c s’attacha
cependant à repréfenter des concerts, des joueurs,
des foldats, des buveurs, 8c des bohémiens. Il fit
aufli quelques tableaux d’hiftoke 8c de dévotion,
qui font fcyt eftimés. Il peignit dans l’églife de faint
Pierre à Rome le martyre des SS. Procefle 8c Marti
nien, qui efl: un chef-d’oeuvre de l’art. Sa touche
efl: legere ; fon coloris- vigoureux ; fes figures- font
bien difpofées : mais il n’à point Confulté les grâces ;-
fes expreflions font dures, 8c if a fouvent péché contre
la corre&ion du deflein.
Champagne, (Philippe de) né à Bruxelles en 1602.,
mort à Paris en 1674:. Il- avoit de ^invention, 8c un
bon-ton de couleur: mais-fescompofitions font froides.
Son crucifix qu’il a repréfenté dans l’églife des
Carmélites du- faux-bourg Saint-Jacques r paffe pour
un chef-d’oeuvre de perfpeââve. L’on voit encore de
fes ouvrages dans les églifes de Paris ; par exemple
le dôme de l’églife de la Sorbonne eft de fa main. I
Nire » (Laurent de là) né à Paris en 1606 , mort
dans la meme ville en 1656. Son coloris eft frais, les
teintes des fonds de fes tableaux font bien noyées ,
fa touche eft legere, fon ftyle gracieux, fa compos
t 1011 fape : mais on lui reproche de n’avoir pas aflez
confulté la nature. Ses tableaux de chevalet 8c fes
defleins font eftimés.
Mignard, (Pierre) furnommé Mignard le Romain,
pour lediftinguer de fon frere, 8c à caufe du- long
léjour qu’il fit à Rome, naquit àTroyes en Champagne
en 1 6 10 ,8c mourut à Paris'en 16951. Il quitta
l’école de Vouet pour voir l’Italie, 8c lia une intime
amitié avec du Frefhoy, H polfédoit éminemment le
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talent du portrait, peignit lé pape, la plupart dei
cardinaux, des princes, 8c des feigneurs. A fon retour
en France, il eut l’honneur de peindre dix fois
Louis X lV . & plufieurs fois la rtiaifon royale.
Il avoit un génie élevé, 8c donnoit à fes figurés
des attitudes pleines de noble flé ; fon coloris eft frais,
la touche eft legere 8c facile, 8c les cortipolitions
font gracieufes : mais elles manquent de feu, 8c fon
deflein n’eft pas eorréft. Les ouvrages qui font le
plus d’honneur à ce maître, font la galerie de Saint-
Cloud , 8c la coupole du Val-de-Grace, que Moliere
a célébré magnifiquement. Cependant Mignard voulut
la retoucher au paftel ; ce qui a changé le bon ton
de couleur qui regnoit d’abord, en une autre qui tire
fur le violet. Il fut le rival de le Britn pendant quelque
tems : mais il ne l’eft pas aux yeux de la pofté-
rité, comme le dit M. de Voltaire.
Mignard mourut comblé d’années, d’honneurs,
8c de gloire. Il laifla une fille d’une grande beauté ,
qu’il a peinte plufieurs fois dans fes ouvrages, 8c
qu’il avoit mariée au comte de Feuquieres. Cette
dame, loin d’avoir eu la fotte 8c barbare vanité de
rougir d’être la fille d’un célébré artifté > lui a fait
ériger un beau maufolée dans l’églife des Jacobins
de la rue Saint-Honoré. Ce monument en marbre eft
de la main de Gifârdon. La eomtefle y paroît à genoux
au-defloits du bufte de fon pere : tout le refte
a été exécuté par le Moine le fils-.
Robert, (Nicolas) né à Langres vers l’an 1610,'
s’attacha à Gafton de France duc d’Orléans. Ce prince
non content de penfionner quelques célèbres bo-
taniftes, 8c de faire fleurir dans fes jardins les plantes
rares, voulut encore orner fon cabinet de leurs
peintures. Dans ce deflein, il y employa Robert,
dont perfonne n’a jamais égalé le pinceau en cette
partie. Cet habile arfifte peignit chaque plante fur
une feuille de vélin , de la grandeur d’un in-folio ,
avec une exactitude merveilleufe, 8c repréfenta fur
de femblables feuilles , les oifeaux 8c les animaux
rares de la ménagerie du prince ; enforte que Gafton
fe trouva infenfiblement un aflez grand nombre de
ces miniatures, pour en former divers porte-feuilles
, dont la vue lui fervoit de recréation.
Ces porte - feuilles , après fon décès arrivé en
1660, furent acquis par Louis XIV. qui nomma Robert
peintre de fon cabinet;8c à l’exemple de Gafton,
lui donna cent francs de chaque nouvelle miniature.
L’argent étoit alors à 3 2 livres le marc. Robert flatté
par ces diftindions, s’appliqua fi fidèlement à fon
objet, que par un travail âflidu d’environ vingt ans
qu’il vécut encore, il forma de fa main- un recueil
de peintures , d’oifeaùx-, 8c de plantes aufli fingulie-
res par leur rareté, que par la beauté 8c l’exaditude
de leur deflein.
Robert mourut en 1684; niais fon Ouvrage qui
a été continué par les fleurs Joubert*, Aubriët, 8c
autres, 8c qui fe continue toujours, fait le plus beau
recueil qui foit au monde en ce genre. Il eft dépofé
dans la bibliothèque du ro i,' où les1 curieux peuvent
le voir : toutes les miniatures' font rangées par les
claflès 8c les genres auxquelles elles peuvent fe rapporter;
méthode également utile aux amateUrs , 8c
à ceux> qui feront chargés du foin de faire peindre
dans la fuite les plantes 8c- animaux qu’-on vôudlra y
ajouter. Voyer les mémôifes de l ’académie des Sciences ,
ann. ty iy .
Frefndy, (Châties Alpkonfe du) né à Paris en: r611 ,'
mort en 166 f. Il a fait peu de tableaux, 8c c’eft dommage
: car ceux qu’ort eonnoît dé: fa-main font loués
pour la corrédion du deflein, 8c la beauté du colo-
ris ;- mais il s’eft immortalifé par fon poëme latin de
la Peinture.
Bourdon , (SébaJIRen) né à Montpellier en r6i6 ,
mprt à Paris en 1671 ? laifit en Italie la maniéré dît
Caravage
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Caravage 8c du Bamboche. Il avoit une imagination
pleine de feu, une grande facilité,.8c un goût
quelquefois bifarre : fa touche eft legere , 8c fon
coloris brillant. Ses compofitions font ingénieufes,
fouvent extraordinaires ; fes expreflions lont v ives,
8c fes attitudes variées. On lui reproche de n’être
pas corred. Il finiffoit peu fes tableaux : mais les
moins finis font les plus recherchés.
Le Bourdon a embrafle tous les genres de Pein*-
ture. Ses payfages font eftimés par le coloris 8c par
une bifarrerie piquante. On voit encore de cet habile
artifte des paftorales, des bambochades , des
■ corps-de-garde, outre des fujets d’hiftoire. Trois
des meilleurs tableaux qui ornent l’églife de S. Pierre
de Rome, font du Pouflin, du Valentin, 8c du Bourdon.
Le fameux tableau du martyre de S. Pierre, eft
de ce dernier.
Sueur, (Eujlache le) né à Paris en 16 17 , mourut
à la fleur de fon âge dans la même ville, en 1655 ;
c’eft un des plus grands maîtres de Vécole françoife.
On eonnoît les peintures dont il a orné le petit cloître
des Chartreux, 8c qui ont été gâtées par quelques
envieux de fon rare mérite. Cet ouvrage con-
fifte en 22 tableaux, où la vie de S. Bruno eft représentée
: le 7 , le 1 3 ,8c le 21 , font les plus beaux ; le
dernier fur-tout étoit traité d’une maniéré très - fa-
vante, pour la difpofition des figures 8c les différentes
expreflions des religieux qui regardent leur pere
expirer. La lumière des flambeaux fe voyoit répandue
fur tous les corps, avec une entente admirable.
Les flambeaux du Zeuxis des François ont été déchirés
par la jaloufie.
Brun, (Charlesle) né à Paris en 1619, décéda dans
la même ville en 1690. Il fut un de ces hommes def-
tines à faire la gloire de leur patrie, par l’excellence
de leurs talens. Le Brun, à l’âge de 3 ans, tiroit les
charbons du feu pour defliner fur le plancher, 8c à
douze, il fit le portrait de fon ayeul: tableau eftimé.
On conferve dans la collection du palais royal, deux
morceaux qu’il peignit à quinze ans ; l’un eft Hercule
affommant les chevaux de Diomede ; l’autre repréfente
ce héros en facrificateur.
Mais les ouvrages qu’il exécuta après fon retour
d’Italie, le mirent au rang des premiers peintres'de
l’Europe : ils font tous marqués au coin d’un très-
grand maître, & peut-être n’a-t-il manqué à la gloire
de ce célébré artifte, qu’un peu moins d’uniformité
dans fes productions, & un coloris plus varié & plus
vigoureux ; il n’avoit qu’un pas à faire pour arriver
à la perfection. Aucun peintre , depuis le Pouflin,
n’a mieux obfervé le coftume que le Brun, ni pof-
fédé plus éminemment la poétique de l’art, 8c le talent
de rendre les pallions de l’ame.
Son tableau du mafjacre des Innocens nous émeut
8c nous attendrit, fans laiffer des idées funeftes qui
nous importunent. Un morceau de fa main, encore
au-deflùs pour l’expreflîon 8c le coloris, eft la Mag- •
deleinepénitente, qu’on voit à Paris dans une des chapelles
des Carmélites du fauxbourg Saint-Jacques;
on ne peut fe laffer dè confidérer 8c d’admirer cet
Ouvrage.
Le roi a deux galeries peintes de la main de le
Brun, 8c remplies de morceaux qui lui auroient valu
des autels dans l’antiquité: on y remarque fur-tout
fes batailles d'Alexandre, gravées d’après fes defleins
par Gérard Audran ; les eftampes n’en font pas moins j
recherchées , que celles des batailles de Conftantin
par Raphaël 8c par Jules'Romain.
Si la famille de Darius eft. effacée par le coloris des
Pèlerins àEmtnaüs de Paul Veronefe, placés vis-à-
vis , le François furpaffe l’Italien par la beauté 8c
la fageffe de la compofition 8c du deflein : conful-
tez le parallèle raifonné qu’en a fait M. Perrault.
Enfin toutes les peintres dont le Brun a décoré
Tome y %
E C O 311 îa grande galerie de Verfailles, 8c les deux falons
qui l’accompagnent, font l’objet de l’admiration des
connoiffeurs. Jamais ouvrage ne mérita mieux d’être
grave, comme il Ÿa été en 1753 furies defleins
8c par les foins de M. Macé, peintre du roi. Ce re-
cueil d eftampes, qui immortalifé le nom de cet habile
artifte, lui a coûté trente années de travail le
-plus aflidu.
Coypel, (Noël) ne a Paris en 1629, mort-dans la
meme ville en 1717. Ses principaux ouvrages font
dans nos églifes, aux Tuileries, à Verfailles, àTria-
non, &c. On voit dans l’églife de Notre-Dame un
beau tableau de fa main repréfentant le martyre de
S. Jacques. II a peint au palais royal, dans le plafond
de la lalle des gardes, le lever du Soleil.
Forefl, (Jean) né à Paris en 1636, mort dans la
meme ville en 17 12 , eft un des meilleurs payfagif-
tes françois. Eleve de Pietro FrancifcoMola, il l’égala
dans le payfage. Il alla deux fois en Italie, 8c y
refta fept ans clans le premier voyage. On remarque
dans fes tableaux une touche hardie, de grands coups
de lumière, de favântes oppofitions de clair-obfcur
8c d’ombre, un ftyle aflez élevé, 8c des figures bien
deflînées. On fait aufli grand cas de fes defleins.
• Eofe, (Charles de la) né à Paris en 1640, mort
dans la même ville en 1716. Il étoit oncle de l’aü-
teur de Manlius, entra dans l’école de le Brun, 8c
fe montra un éleve digne de ce célébré artifte. Il acquit
à Venife une peinturé moëlleufe , 8c une intelligence
du clair-obfcur, qui le place ait rang des
bons coloriftes,fes carnations ne font pourtant point
dans le ton de la nature : on lui reproche encore
d’avoir fait fes figures trop courtes , 8c d?avoir mal
jetté fes draperies. Ses principâüx ouvrages font à
Londres, à Paris, 8c dans les palais du roi. C ’eft lui
qui a peint la coupole de l’églife des Invalides. Il
brilloit dans le frefque. Son tableau de réception à
l’académie de Peinture, eft l’enlevement de Profer-
pine ; beau morceau qu’on regarde comme fon chef*
d’oeuvre.
Jouvenet, né à Rouen en 1644, mort à Paris en
1717. Il étudia la nature avec une application 8t un
difeernement, qui le mettent au rang des plus fameux
artiftes. Le tableau de Mai, dont le fujet eft la
guérifon du paralytique , annonça l’excellence de
les talens ; 8c ce qui eft bien fingulier, c’eft qu’étant
devenu lui- même fur la fin de fes jours paralytique
du côté droit, à la fuite d’une attaque d’apoplexie ,
■ il deflinoit encore de la main droite, quoiqu’avec
beaucoup de difficulté ; enfin il s’habitua tellement
à fe fervir de la main gaiièhe, qu’on voit plufieurs
belles peintures qu’il a exécutées de cette main, entre
autres le tableau appellé le Magnificat, qui eft
dans le choeur de Notre-Dame.
Ses ouvrages en grand nombre fe trouvent dans
toutes les autres églifes de Paris. On eonnoît en particulier
les quatre morceaux qu’il compofa pour l’é glife
de S. Martin des Champs, 8c qui ont été exécutés
en tapiflerie ; ils fontfingulierement eftimés pour
la grandeur de la compofition, la hardiefle, 8c la cor-
reftion du deflein , la fierté du pinceau, Sc l’intelligence
du clair-obféür. O11 eonnoît aufli de fa main
la guérifon de plufieurs malades fur le lac de Géné-
fareth; tableau excellent, qui eft dans l’églife des
Chartreux. Il a peint à frefque de la plus grande maniéré
, les douze apôtres qui font au - deffous de la
coupole dè l’églife des invalides. M. Reftout eft l’é-
leve 8c le neveu de cet habile homme, dont il fait
revivre les talens.
Parrocel, (Jojipk) né eh 1648 en Provence, mort
à Paris en 1704. Il fe rendit de bonne-heure en Italie,
rencontra à Rome le Bourguignon, fe mit fous
fa difcipline, 8c le furpaffa même à repréfenter des
batailles, Il étudia à Venife le coloris des fa vans maî-
■